SÉANCE

du mardi 27 octobre 2020

11e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Daniel Gremillet, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Éloge funèbre de Colette Giudicelli

M. Gérard Larcher, président du Sénat .  - (Mmes les sénatrices et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, se lèvent.) Cher Jean-Claude Guibal, chères Géraldine et Céline, c'est avec une profonde tristesse que nous avons appris, le 24 septembre dernier, la disparition de notre collègue Colette Giudicelli, sénateur des Alpes-Maritimes depuis 2008.

Mme Dominique Estrosi Sassone, elle-aussi sénateur des Alpes-Maritimes, nous a représentés aux obsèques, célébrées le 28 septembre en la basilique Saint-Michel Archange de Menton en présence du Prince souverain de Monaco, du préfet des Alpes-Maritimes et de nombreux collègues et élus du département. Les Mentonnais sont venus en foule témoigner de leur gratitude et de leur attachement à une femme dynamique et passionnée, qui a consacré une grande partie de sa vie à ses concitoyens et à la ville de son coeur.

Première femme dans l'histoire parlementaire à être élue sénateur des Alpes-Maritimes en 2008, réélue en 2014, elle siégeait dans notre hémicycle depuis près de douze ans.

Nous garderons d'elle le souvenir d'une collègue fortement impliquée dans les travaux parlementaires concernant notamment les questions sociales et la santé, mais aussi d'une élue de terrain devenue une figure emblématique du pays mentonnais, d'une personnalité attachante au caractère bien trempé.

Colette Giudicelli fut dès sa jeunesse et tout au long de sa vie une femme de convictions, fidèle à ses engagements pour défendre ses idées et ce qu'elle croyait juste.

Née le 24 novembre 1943 à Alger, elle était issue d'un milieu modeste : son père était ouvrier et président de l'Association des Corses d'Alger, sa mère était femme au foyer. Ses grands-parents paternels, agriculteurs corses originaires de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio, étaient venus s'installer en Algérie.

À Alger, Colette Giudicelli résidait dans le quartier de Belcourt, où toutes les communautés se mélangeaient, chrétiens, musulmans et juifs vivant alors dans une réelle harmonie. Elle garda toujours un merveilleux souvenir de cette convivialité.

À l'issue de ses études secondaires au lycée Delacroix, elle poursuivit des études de philosophie et de pharmacie. Amoureuse de la langue russe, elle apprit à la parler.

Après l'indépendance de l'Algérie, sa famille s'établit à Lyon. Puis Colette Giudicelli finit par trouver à Menton un peu de l'atmosphère méditerranéenne qui lui manquait tant.

Animée par l'envie de se mettre au service des autres, elle s'engagea très tôt au sein du secteur associatif, tant éducatif que social.

Elle devint ainsi représentante des parents d'élèves de l'institution Saint-Joseph, établissement d'enseignement accueillant les enfants de la maternelle à la terminale. Puis, pendant de nombreuses années, cette femme de coeur assura avec une attention sans faille sa fonction de présidente du conseil d'administration de l'Institut médico-éducatif Bariquand Alphand, qui accueille des enfants souffrant de handicaps mentaux. Elle s'est également beaucoup impliquée dans l'association caritative mentonnaise Les Coeurs de Campanin, qui fournit une aide alimentaire à des personnes en difficulté.

C'est en suivant Jean-Claude Guibal, qui allait devenir son époux et dont elle a été la première adjointe à la mairie de Menton pendant vingt ans, que Colette Giudicelli s'était engagée en politique, alors que rien dans ses goûts et ses affinités ne la prédestinait particulièrement à le faire.

Elle accéda ainsi pour la première fois à des fonctions politiques en étant élue conseillère municipale de Menton en 1989, auprès de celui qui est resté à ses côtés jusque dans les dernières épreuves. Ils formèrent ensuite, pendant des années, un couple de parlementaires, elle comme sénateur et lui comme député.

Quelques mois seulement après son élection au conseil municipal de Menton, Colette Giudicelli devint premier adjoint au maire, chargée de l'administration générale, des finances et du personnel, fonction qu'elle exerça avec ténacité et dévouement durant deux décennies.

Après avoir siégé au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1998 à 2001, elle fut élue conseillère générale du canton de Menton-Est en 2001, puis élue départementale du canton de Menton tout entier après 2015. Là encore, elle exerça des responsabilités exécutives : comme vice-présidente du conseil général, puis du conseil départemental de 2001 à 2017, elle défendait avec compétence et pugnacité les dossiers concernant les finances, l'administration générale et le personnel. Depuis 2002, elle était également devenue vice-présidente de la communauté d'agglomération de la Riviera française.

Lorsqu'elle fit son entrée au Sénat en 2008, Colette Giudicelli, fidèle à l'engagement social qui avait toujours été le sien, souhaita rejoindre la commission des affaires sociales. Aspirant à contribuer à faire en sorte « que la législation améliore le sort des plus démunis », elle consacra son ardeur au travail et sa force de caractère aux travaux parlementaires concernant les secteurs de la santé, du handicap et du logement.

Ainsi elle s'investit tout particulièrement, dès 2010, dans une mission de contrôle budgétaire sur la mise en place du revenu de solidarité active.

Animée par le souci de favoriser plus de justice et d'équité, elle prit l'initiative de déposer en 2014 une proposition de loi visant à modifier les conditions d'attribution des logements sociaux afin de favoriser la mobilité au sein du parc social.

Et son souhait de libérer la parole des médecins pour faciliter le secours aux enfants maltraités fut à l'origine de l'adoption de la loi du 5 novembre 2015 tendant à clarifier la procédure de signalement des situations de maltraitance par les professionnels de santé. Sa proposition de loi visant à protéger les médecins des poursuites qui pourraient être intentées en cas de signalement fut adoptée à l'unanimité, au Sénat puis à l'Assemblée nationale.

Colette Giudicelli apporta également une contribution aux travaux de la commission des affaires sociales, comme rapporteur d'un projet de loi en 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne, puis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour le secteur médico-social, en 2015. Elle fut en outre l'auteur de rapports d'information remarqués sur la prévention du suicide.

Son engagement en faveur des handicapés fut consacré par sa nomination comme membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées, en 2014.

Son esprit et sa curiosité la conduisirent à participer à de très nombreuses structures sénatoriales temporaires, notamment dans le domaine social.

Comme présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Monaco, Colette Giudicelli s'est attachée à développer les relations avec la Principauté monégasque, si proche et si chère pour elle. Lors de ma visite officielle les 15 et 16 mars à la Principauté de Monaco, Colette Giudicelli, bien que souffrante, était là lorsque j'ai remis les insignes de chevalier de la Légion d'honneur au président du Conseil national monégasque. J'étais heureux de cette rencontre entre les deux chambres et le Prince souverain de Monaco : elle l'avait tellement souhaitée, tellement préparée ! Je me souviens encore, et Christophe-André Frassa aussi, de nos échanges à ce sujet dans mon bureau. Je célébrais alors la communauté de destin unissant nos deux pays, reposant sur une coopération étroite. Colette y est toujours restée fidèle.

Sa dernière intervention en séance publique fut une ultime démonstration de son attention permanente aux questions de santé publique : elle tenait ce jour-là à alerter le Gouvernement au sujet des émanations dangereuses provenant d'huiles de moteur dans les avions, susceptibles de provoquer des atteintes neurologiques.

Je me souviens avoir accueilli Colette Giudicelli, lors de la cérémonie au cours de laquelle Christian Estrosi lui avait remis les insignes de chevalier de la Légion d'honneur. Il avait à cette occasion salué une femme pour qui « le sens du devoir (était) toujours passé avant le goût des honneurs ». Elle s'était, en réponse, dite « fière de pouvoir affirmer avoir toujours eu pour seul objectif le bien public et la volonté d'être au service de ses concitoyens ».

Elle maîtrisait ses dossiers et avait à coeur de poursuivre ses engagements. Reconnue pour son grand dévouement notamment auprès des personnes en difficulté sociale, elle était une élue de terrain. Elle avait également réussi à conjuguer son action au service du bien commun avec une attention particulière à l'égard de ses enfants et petits-enfants.

Je rends hommage à ses qualités humaines : courage et force de caractère, alliés à la bienveillance, la générosité et la gentillesse.

À ses anciens collègues de la commission des affaires sociales et des délégations aux droits des femmes et à la prospective, à ses amis du groupe Les Républicains, j'exprime notre sympathie attristée. Colette est partie quelques jours avant le renouvellement sénatorial.

À son mari Jean-Claude Guibal, maire de Menton, à ses filles Céline et Géraldine, ici présents, à l'ensemble de sa famille, à ses proches, à tous ceux à qui elle était chère et qui ont partagé ses engagements, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur deuil.

M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne .  - Ouverte sur le monde, Colette Giudicelli était à l'image de sa ville de Menton. Née à Alger dans une famille modeste, elle avait gardé quelque chose des secrets de la Méditerranée, dans sa façon simple de se sentir ancrée dans une terre. Elle avait la volonté d'aller vers l'autre et savait le transmettre d'un regard, d'une parole à ceux qui la croisaient dans sa ville.

À Menton, nombreux sont venus se recueillir devant une photographie posée sur une simple table en bois dans le hall d'entrée de la mairie.

Dès 1985, les Mentonnais ont fait confiance à cette mère dévouée, qui a pris goût à l'action locale. Colette Giudicelli a insufflé toute son énergie dès sa première campagne municipale ; contribuant à l'élection en 1989 de celui qui deviendra son époux, conseillère municipale, puis très vite première adjointe, elle fait preuve de son engagement sans faille et a donné à voir ses qualités tout au long de sa vie publique. De nouveau élue en 2001, elle s'engage dans les questions du sport, de la communication, de la vie des quartiers.

Elle est ensuite élue au conseil régional puis au conseil départemental. Elle y est chargée de la ville, la vie des quartiers, l'insertion. Elle en sera la première femme vice-présidente. Elle s'engage dans de nombreux combats : protection de l'enfance, alphabétisation, soutien aux femmes. Elle restera très engagée dans les associations dans lesquelles elle était engagée depuis 1976.

Ceux qui ont travaillé avec elle savent combien elle était attachée à sa terre, aux Alpes-Maritimes. En 2008, elle devient la première femme sénatrice de son département. Au Sénat, dans ce mandat où compte le lien charnel avec le territoire, où la confiance naît de ce que l'on fait, elle s'est investie avec dynamisme. Elle s'est investie, au sein de la commission des affaires sociales, sur des sujets comme le handicap.

Elle est à l'origine de la loi de 2015 sur la protection de l'enfance, qui fut un progrès important. Battante, elle s'est éteinte à la fin de son mandat, comme pour dire combien sa vie a été liée à son engagement. À son mari, ses filles, à ceux qui lui furent proches, j'exprime les plus sincères condoléances du Gouvernement et le témoignage de notre sympathie. (Mmes les sénatrices et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, observent un moment de recueillement.)

La séance est suspendue à 14 h 50.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 15 h 15.