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Table des matières



Respect des principes de la République (Procédure accélérée - Suite)

Rappel au Règlement

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 12

Article 12 bis A

Article 12 bis

ARTICLE 12 TER

ARTICLE 12 QUATER

ARTICLE 13

M. François-Noël Buffet, président de la commission des Lois

ARTICLE 14

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 14

ARTICLE 14 BIS A

ARTICLE 14 BIS (Supprimé)

ARTICLE 15

ARTICLE 15 BIS

M. Stéphane Le Rudulier

ARTICLE 16

Mme Laurence Cohen

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 16 bis A

ARTICLE 16 TER A (Supprimé)

ARTICLE 16 TER B (Supprimé)

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 16 ter B (Supprimé)

ARTICLE 16 TER

ARTICLE 17

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 17

Décès d'un ancien sénateur

Respect des principes de la République (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 18

M. David Assouline

M. Julien Bargeton

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 18

ARTICLE 19

M. David Assouline

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 19

ARTICLE 19 BIS

M. David Assouline

ARTICLE 20

Fait personnel

Ordre du jour du mardi 6 avril 2021




SÉANCE

du vendredi 2 avril 2021

80e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

Secrétaires : Mme Corinne Imbert, M. Jean-Claude Tissot.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Respect des principes de la République (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République.

Rappel au Règlement

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - Hier, en fin d'après-midi, le président de la commission des lois a demandé la réserve sur les articles délégués à la commission de la culture jusqu'à mardi 14 h 30. Nous ne nous y sommes pas opposés. Mais j'ai compris qu'en réalité, ce report vise à permettre au président Retailleau d'être présent lors le débat sur l'instruction en famille.

Le président Bas, avec une cruauté délicieuse, a qualifié ce texte de « tigre de papier ». La droite essaye désespérément de lui donner des couleurs mais son bilan est assez consternant : burkini, accompagnants scolaires. Maigre butin. Le débat sur l'instruction en famille sera l'occasion pour Les Républicains de faire feu de tout bois.

Dorénavant, le Conférence des présidents pourrait tenir compte au préalable de l'agenda du président Retailleau - dont nous avons pu constater l'influence en commission des lois sur l'application de l'article 45 - afin de ne pas désorganiser nos travaux ?

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois .  - Chacun a sa liberté de parole, mais la vérité est celle que j'ai exprimée hier après-midi.

À mon initiative, j'ai proposé au président du Sénat que nous ne siégions pas ce soir car nous avons du temps la semaine prochaine pour examiner ce texte et nous ne souhaitons pas entamer en fin de journée la partie du texte concernant la commission de la culture, afin que le débat ne soit pas tronqué. Hier, chère collègue, vous m'aviez dit que j'avais raison... Il n'y a aucune arrière-pensée.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien.

M. le président.  - Acte est donné de votre rappel au Règlement.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 12

M. le président.  - Amendement n°296, présenté par Mme N. Goulet.

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant état de l'application des dispositions de l'article L. 14-A du livre des procédures fiscales.

Mme Nathalie Goulet.  - Pas un euro d'argent public pour les ennemis de la République, a dit Mme la ministre. Commençons par contrôler les euros donnés. Hier, le Sénat a refusé une demande de rapport sur l'article L. 14-A du livre des procédures fiscales, je le regrette.

Nous sommes l'un des seuls pays au monde à ne pas demander d'accord préalable avant déduction fiscale. Les contrôles sont très insuffisants, voire inexistants.

Le jaune budgétaire pour 2021 fait état des déductions fiscales accordées aux associations - dégrèvements, réductions d'impôts au titre de dons. L'addition est salée : 3,783 milliards d'euros en 2019, 2,7 milliards en 2020, 2,713 milliards en 2021. La moindre des choses serait de connaître le nombre de contrôles effectués !

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois.  - Avis défavorable. Vous demandez un rapport six mois après le vote de la loi, or nous avons reporté d'un an la mise en place du système... Mais sur le fond, vous avez raison, il faudra des moyens pour appliquer la loi.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté.  - Avis défavorable, pour les raisons exposées hier.

Mme Nathalie Goulet.  - Mettons vingt-quatre mois au lieu de six, si cela règle le problème.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Cela reste une demande de rapport...

Mme Nathalie Goulet.  - Je maintiens mon amendement : le Parlement doit être informé.

L'amendement n°296 n'est pas adopté.

Article 12 bis A

M. le président.  - Amendement n°599, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Supprimer cet article.

M. Abdallah Hassani.  - Cette disposition, attendue par le secteur associatif, a déjà été introduite, par un amendement de notre collègue Alain Richard, dans la proposition de loi Justice de proximité et réponse pénale.

Mme Dominique Vérien, rapporteure  - Avis favorable. La CMP sur le projet de loi Justice de proximité a été conclusive.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis favorable 

L'amendement n°599 est adopté et l'article 12 bis A est supprimé

Article 12 bis

M. le président.  - Amendement n°614 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I.  -  Alinéas 1 et 2

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« I.  -  Après l'article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, il est inséré un article 4-... ainsi rédigé :

« Art. 4-....  -  I.  -  À l'exception des associations mentionnées aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État et à l'article 4 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes, les associations mentionnées au second alinéa de l'article 4-1 de la présente loi bénéficiant directement ou indirectement d'avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par un État étranger, par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non résidente en France tiennent un état séparé de ces avantages et ressources. Cet état séparé, dont les modalités sont précisées par un règlement de l'Autorité des normes comptables, est intégré à l'annexe des comptes annuels.

II.  -  Alinéa 3

Remplacer les mots :

titres de créance, les échanges, cessions ou transferts de créances

par le mot :

libéralités 

III.  -  Alinéa 10

Remplacer les mots :

loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 précitée

par les mots :

présente loi

IV.  -  Alinéa 11

Après les mots :

au quart de la somme

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

des avantages et ressources non inscrits dans l'état séparé mentionné au premier alinéa du I du présent article.

V.  -  Alinéa 13

Remplacer les mots : 

organismes, entités, personnes et dispositifs mentionnés au 

par les mots :

fiducies ou personnes morales mentionnées au dernier alinéa du 

VI.  -  Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

II.  -  L'article L. 612-4 du code de commerce est ainsi modifié :

VII.  -  Alinéa 15, au début

1° Remplacer la mention :

III

par la mention :

2° Supprimer les mots :

de l'article L. 612-4 du code de commerce 

VIII.  -  Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

2° À la première phrase du dernier alinéa, après le mot : « intéressé », sont insérés les mots : « ou du représentant de l'État dans le département du siège de l'association ».

M. Abdallah Hassani.  - En cohérence avec les modifications opérées en commission, cet amendement permet au préfet de saisir le juge afin qu'il enjoigne aux associations récalcitrantes de publier leurs comptes. Il intègre l'article à la loi du 23 juillet 1987 sur le mécénat plutôt qu'à la loi du 1er juillet 1901.

M. le président.  - Amendement n°403 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

I.  -  Alinéa 2

Remplacer les mots :

qui prévoit notamment la tenue d'un état séparé de ces avantages et ressources

par une phrase ainsi rédigée :

. En outre, elles établissent un état séparé de ces avantages et ressources qui fait l'objet d'une attestation par un commissaire aux comptes

II.  -  Alinéa 13

1° Après le mot :

particulier

insérer les mots :

le montant des avantages et ressources à compter duquel s'applique l'obligation d'attestation mentionnée au I, ainsi que

2° Supprimer les mots :

avantages et

M. Stéphane Artano.  - Il faut renforcer le contrôle des finances des associations, et tout particulièrement leurs ressources provenant de l'étranger. Cela devrait faire l'objet d'un document distinct des comptes annuels, sur lequel le commissaire aux comptes émettrait une attestation.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - L'amendement n°614 rectifié est judicieux. Avis favorable.

L'amendement n°403 rectifié remplace la certification par une attestation, or les obligations au regard de Tracfin ne sont pas les mêmes. Avis défavorable.

Nous aborderons tout à l'heure le délicat sujet de la certification, avec des missions ad hoc pour les commissaires aux comptes, afin d'éviter de pénaliser les associations.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis favorable à l'amendement n°614 rectifié, très opérant. L'amendement n°403 rectifié est satisfait. Retrait ou avis défavorable. Le dispositif de l'article 12 bis va déjà au-delà de vos exigences.

L'amendement n°403 rectifié est retiré.

L'amendement n°614 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°297, présenté par Mme N. Goulet.

Alinéa 3

Après les mots :

transferts de créances

insérer les mots :

, les parts de société civile immobilière

Mme Nathalie Goulet.  - Il convient d'insérer les parts de société civile immobilière (SCI) dans la liste des avantages et ressources soumis à l'obligation.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis favorable. C'est un complément utile.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Cet amendement est satisfait. Il ne s'agit pas de viser tous les types de biens, mais les opérations juridiques. Les parts sociales en elles-mêmes ne sont pas un avantage ; les dons le sont. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Je maintiens mon amendement. Cela va mieux en le disant !

L'amendement n°297 est adopté.

L'article 12 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 12 TER

M. le président.  - Amendement n°615 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa : 

« Les dispositions de l'article 4-2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat sont applicables aux fonds de dotation bénéficiant directement ou indirectement d'avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non résidente en France. » ;

II.  -  Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

M. Abdallah Hassani.  - Par souci de cohérence, nous appliquons aux fonds de dotation le même régime que les associations bénéficiant de plus de 153 000 euros de dons. Cela permet un meilleur contrôle des fonds d'origine étrangère.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis favorable à cet amendement qui va dans le sens de la commission. L'Assemblée nationale avait voulu imposer aux fonds de dotation les obligations des associations cultuelles ; nous les avions ramenées aux obligations des associations 1901.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis favorable.

L'amendement n°615 rectifié est adopté.

L'article 12 ter, modifié, est adopté.

L'amendement n°55 rectifié n'est pas défendu.

ARTICLE 12 QUATER

M. le président.  - Amendement n°295 rectifié ter, présenté par MM. Kern et Haye, Mme Muller-Bronn, MM. Fernique et Masson, Mme Herzog, MM. Klinger et Reichardt et Mmes Drexler, Schalck et Schillinger.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, et sont rendus accessibles sous cette forme dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé

Mme Sabine Drexler.  - Cet article ne prévoit pas clairement l'accès en ligne au registre des associations applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Cet amendement y remédie.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis favorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Ce sujet mérite une expertise complémentaire en interministériel et avec les collectivités territoriales, car ces fichiers contiennent des données personnelles sensibles.

Mme Nathalie Goulet.  - Faisons confiance à nos collègues d'Alsace et de Moselle sur le droit local : ils ont tous cosigné cet amendement.

Mme Sabine Drexler.  - Je le confirme.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Cela s'applique déjà dans la vieille France pour les associations loi 1901, c'est donc une uniformisation du droit national.

L'amendement n°295 rectifié ter est adopté.

M. le président.  - Amendement n°588 rectifié quater, présenté par MM. Kern et Haye, Mme Muller-Bronn, MM. Fernique et Masson, Mme Herzog, MM. Klinger et Reichardt et Mmes Drexler, Schalck et Schillinger.

Alinéa 4

Après le mot :

arrêté

insérer les mots :

qui prévoit également la dématérialisation des formalités incombant aux associations

Mme Sabine Drexler.  - En Alsace-Moselle, les démarches liées à la vie statutaire d'une association de droit local se font encore par courrier postal, ce qui crée une certaine iniquité entre les associations de droit local et les associations loi 1901.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis favorable

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°588 rectifié quater est adopté.

L'article 12 quater, modifié, est adopté.

ARTICLE 13

M. François-Noël Buffet, président de la commission des Lois .  - Nous abordons le chapitre III qui porte sur le respect des droits des personnes et l'égalité entre les femmes et les hommes.

La commission des lois n'a pas adopté l'article 13 qui rétablit un droit de prélèvement compensatoire sur les biens situés en France au profit d'enfants ne bénéficiant pas d'une réserve successorale en application d'une loi étrangère. Il ne présente qu'une faible plus-value au regard du droit existant qui protège déjà les femmes contre des droits étrangers discriminants. En outre, il aurait des effets de bord sur des successions internationales soumises au droit anglo-saxon.

La commission a en revanche approuvé les articles 14 et 15, renforçant la lutte contre la polygamie. Nous affirmons clairement que vivre en état de polygamie en France doit faire obstacle au séjour. Nous vous proposerons d'adopter un amendement de M. Karoutchi qui permet de refuser un titre de séjour à un étranger qui a fait connaître son rejet des principes de la République.

À l'article 16, la commission a approuvé l'interdiction des certificats de virginité ainsi que le délit d'incitation et de contrainte à se soumettre à un examen de virginité à l'article 16 ter. Les professionnels de santé doivent informer leurs patientes de cette interdiction et les commanditaires doivent être poursuivis. Nous avons créé un délit spécifique pour toute personne réalisant ces tests, en privilégiant les qualificatifs de viol ou agression sexuelle.

La commission a également conforté le dispositif de lutte contre l'excision avec une peine mieux proportionnée en cas d'incitation et de contrainte sur une mineure, et renforcé le dispositif de signalement des mariages forcés ou frauduleux, en prévoyant une base de données nationale des refus afin d'éviter que les personnes concernées n'aillent « tenter leur chance » dans une autre commune ou à l'étranger.

M. Philippe Bas.  - Très bien.

M. le président.  - Amendement n°548 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.  -  Le chapitre III du titre II du livre III du code civil est ainsi modifié :

1° L'article 913 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le défunt ou au moins l'un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou y réside habituellement et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne connaît aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants, situés en France au jour du décès, de façon à être rétablis dans les droits réservataires que leur octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci. » ;

2° L'article 921 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le notaire constate, lors du règlement de la succession, que les droits réservataires d'un héritier sont susceptibles d'être atteints par les libéralités effectuées par le défunt, il informe chaque héritier concerné et connu, individuellement et, le cas échéant, avant tout partage, de son droit de demander la réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible. »

II.  -  Les dispositions du présent article entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi. Elles s'appliquent aux successions ouvertes à compter de leur entrée en vigueur, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt avant cette entrée en vigueur.

Mme Michelle Gréaume.  - Selon les rapporteurs, le concept même de mécanisme réservataire porterait atteinte à la liberté individuelle et à la propriété privée et entraverait la circulation du capital ou la philanthropie. Le dispositif manquerait sa cible en exonérant les pays de droit musulman et s'appliquerait au détriment des pays anglo-saxons.

Il est heureux que les inégalités sociales entre les enfants puissent être combattues. Ces dispositions sont certes une entrave à la libre circulation du capital, mais surtout une garantie du respect de l'égalité entre les sexes.

Le droit français ne vient pas s'immiscer dans la vie des familles, puisqu'il évite au contraire d'interpréter l'intention du légataire.

Selon la Banque mondiale, dans 43 pays, les filles n'ont pas les mêmes droits que les fils ; dans 44 pays les conjoints survivants n'ont pas les mêmes droits pour hériter de leur époux décédé.

Cet article est une avancée. Rétablissons-le.

M. le président.  - Amendement n°637, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - Le chapitre III du titre II du livre III du code civil est ainsi modifié :

1° L'article 913 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le défunt ou au moins l'un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou y réside habituellement et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants, situés en France au jour du décès, de façon à être rétablis dans les droits réservataires que leur octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci. » ;

2° L'article 921 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le notaire constate, lors du règlement de la succession, que les droits réservataires d'un héritier sont susceptibles d'être atteints par les libéralités effectuées par le défunt, il informe chaque héritier concerné et connu, individuellement et, le cas échéant, avant tout partage, de son droit de demander la réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible. »

II. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi. Elles s'appliquent aux successions ouvertes à compter de leur entrée en vigueur, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt avant cette entrée en vigueur.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Cet article apporte bien une réelle plus-value.

Actuellement, un père de famille peut déshériter certains de ses enfants si le droit étranger qui s'applique à sa succession le permet. Cet article comble un vide juridique et rend la protection complète et effective. L'enfant déshérité pourra récupérer sa part réservataire sur les biens situés en France directement devant le notaire, sans passer par le juge.

Dans de nombreux pays, les femmes, les enfants naturels sont déshérités sur le fondement de pratiques coutumières. Certes, les lois anglo-saxonnes ne connaissent pas la réserve héréditaire mais ils ont des mécanismes protecteurs comme le Family provision au Royaume-Uni. Si l'enfant est déjà protégé par le droit étranger, le prélèvement ne jouera pas en France. Notre amendement autorise une appréciation concrète et factuelle de la loi étrangère afin de le vérifier.

Nous rétablissons également l'obligation d'information renforcée des héritiers réservataires. Les enfants doivent pouvoir exercer leur droit à l'abri de toute pression. Il est inacceptable qu'en 2021, des filles soient déshéritées au nom de lois coutumières, au mépris des lois de la République.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois.  - La commission des lois n'a pas critiqué la réserve héréditaire au motif qu'elle nuirait à la circulation des capitaux, madame Gréaume ! Nous avons repris les conclusions du groupe de travail mis en place par Nicole Belloubet.

Sans contester le bien-fondé de la réserve héréditaire, nous avons estimé que les femmes étaient déjà protégées contre les discriminations les plus flagrantes, imposées par exemple par la règle de Tafadol applicable dans la plupart des pays musulmans.

Cet article s'appliquera à coup sûr aux successions soumises au droit anglo-saxon mais pas dans les pays de droit musulman où la succession est généralement encadrée par la loi. Il manque donc sa cible. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Quid des enfants ? Manifestement, c'est le principe même de la réserve héréditaire qui vous pose problème. Nous voterons ces deux amendements, car nous y voyons une avancée.

L'amendement n° 548°rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n° 637.

L'article 13 demeure supprimé.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas brillant...

ARTICLE 14

L'amendement n°354 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°69 rectifié, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La situation du conjoint d'un étranger mentionné au premier alinéa du présent article fait l'objet d'un examen individuel. Pour statuer sur son droit au séjour, l'autorité administrative tient compte du caractère non consenti de la situation de polygamie. » ;

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - L'ensemble de l'hémicycle condamne la polygamie mais nous souhaitons protéger les femmes qui en sont victimes.

M. le président.  - Amendement identique n°605, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Abdallah Hassani.  - Défendu

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Tout étranger a droit à l'examen individuel de sa situation, y compris s'il est en situation de polygamie, consentie ou non - c'est un principe général du droit. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nos69 rectifié et 605 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°412 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Chasseing et Médevielle, Mme Mélot, MM. Guerriau, Lagourgue et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et MM. Wattebled, Verzelen et Capus.

Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article L. 423-23, il est inséré un article L. 423-... ainsi rédigé :

« Art. L. 423-.... - Le titre de séjour en cours de validité des étrangers condamnés à une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans est systématiquement retiré par l'autorité administrative, sauf décision contraire spécialement motivée. » ;

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Le titre de séjour d'un étranger ayant été condamné à une peine supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement doit être systématiquement retiré par l'autorité administrative, sauf décision contraire dûment motivée.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) permet déjà de retirer le titre de séjour en cas de menace à l'ordre public ou de condamnation pour certains crimes ou délits. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°412 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°497, présenté par M. Ravier.

Alinéas 13, 17 et 21

Remplacer les mots :

peut faire

par le mot :

fait

M. Stéphane Ravier.  - L'article 147 du code civil dispose qu'on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier.

Cet amendement rend automatique l'expulsion d'un étranger qui ne respecterait pas cette disposition, sans quoi s'installerait une situation anarchique et immorale favorisant un engrenage séparatiste.

La polygamie est contraire à notre droit et source des nombreuses fraudes aux prestations sociales. Il faudra réformer la Caisse nationale d'allocations familiales pour renforcer les contrôles. La polygamie, quand elle est avérée, doit faire l'objet d'un rejet sans concession.

En ce bicentenaire de la mort de l'Empereur, rendons-lui un premier hommage en combattant ceux qui piétinent sans vergogne son code civil ! Je sais que je pourrai compter sur les sénatrices de gauche qui défendent les droits des femmes.

M. Patrick Kanner.  - Pas sûr... (Sourires)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Il est hélas compliqué de lutter contre la polygamie, car on ne connaît pas le nombre de familles polygames en France. En général, il y a un mariage officiel, et deux ou trois autres femmes... C'est compliqué.

Avis défavorable, non pas sur le fond, mais parce que votre amendement est inapplicable. Laissons à l'autorité administrative le soin d'apprécier les situations lors de la délivrance ou du renouvellement du titre de séjour.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis pour les mêmes raisons.

M. Stéphane Ravier.  - Si l'on ne décide plus rien parce que « c'est compliqué », que faisons-nous ici ? Nous avons importé ces problèmes avec l'immigration. Si nous ne prenons pas les mesures nécessaires pour nous en débarrasser - même si « c'est compliqué » - nous n'en verrons jamais la fin !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - C'est le Gouvernement qui vous propose de légiférer pour mieux protéger les femmes contre la polygamie, avec des mesures opérantes et efficaces. Oui, nous luttons contre la polygamie, dans le respect des règles, avec un souci d'efficacité, et non à coup d'anathèmes.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Bravo.

L'amendement n°497 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 14

M. le président.  - Amendement n°293 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et J.M. Boyer, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, M. Chevrollier, Mme de Cidrac, MM. Courtial, Cuypers, Dallier, Darnaud et del Picchia, Mmes Demas, Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené, Gueret, Houpert et Hugonet, Mmes Imbert et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, Le Gleut, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lherbier, Lopez et Malet, M. Meurant, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mme Muller-Bronn, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Regnard et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savary, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon, MM. C. Vial et Vogel, Mmes Bourrat et L. Darcos, M. Daubresse, Mme Di Folco, M. Husson, Mme Primas et MM. Segouin, Bonhomme et Rapin.

Après l'article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est ainsi modifié :

1° À l'article L. 412-5, après les mots : « ordre public », sont insérés les mots : « ou qu'il est établi qu'il a manifesté un rejet des principes de la République » ;

2° Les articles L. 432-1 et L. 432-4 sont complétés par les mots : « ou s'il est établi qu'il a manifesté un rejet des principes de la République ».

Mme Agnès Canayer.  - Cet amendement de M. Karoutchi fait obstacle à la délivrance et au renouvellement des titres de séjour des individus dont il est établi qu'ils ont manifesté un rejet des valeurs et principes de la République.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - C'est le coeur de nos débats depuis mardi : avis favorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Sagesse. Sur le fond, nous partageons l'objectif, l'absolue nécessité de défendre les principes et valeurs de la République. Mais la caractérisation du degré de rejet de ces principes nous expose peut-être à un risque constitutionnel.

M. Arnaud de Belenet.  - Je partage l'objectif de cet amendement et le voterai. Mais qui établit le constat du rejet des principes de la République ? Dans quel cadre ? Cela mérite d'être clarifié.

M. Philippe Bas.  - Il n'y a pas dans le Ceseda de droit au renouvellement d'un titre de séjour : c'est un acte discrétionnaire. Jamais personne ne peut se prévaloir d'un droit à rester en France à l'expiration de son titre de séjour.

Cet amendement précise que le rejet manifeste des principes de la République est un motif de non-renouvellement. C'est simple, tout de même !

Je regrette la tiédeur du Gouvernement et voterai avec enthousiasme cet amendement que j'ai d'ailleurs cosigné. (Sourires)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - C'est bien la première fois qu'on m'accuse de tiédeur. On nous reproche plus souvent d'être durs et volontaristes, dans la ligne du discours des Mureaux. Je sais que la constitutionnalité de la loi vous importe autant qu'à moi - c'est ce qui motive mon avis de sagesse.

M. Jérôme Bascher.  - Quelqu'un veut se séparer de la République française ? Que la République française s'en sépare !

M. Stéphane Le Rudulier.  - C'est beau comme l'Antique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Le droit des étrangers est complexe et sophistiqué. Il existe des possibilités de renouvellement de plein droit, monsieur le président Bas, pour la carte de résident de dix ans.

Ici, les contours juridiques sont imprécis, ce qui ouvrent la voie à l'arbitraire - certains diront, à la libre appréciation de l'administration. Cela pose un problème de constitutionnalité.

Notre groupe s'abstiendra car même si nous partageons l'objectif, cet amendement est juridiquement instable.

L'amendement n°293 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 14 BIS A

M. le président.  - Amendement n°661, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans »

L'amendement rédactionnel n°661, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 14 bis A, modifié, est adopté.

ARTICLE 14 BIS (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°66 rectifié, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot : « conjugales », sont insérés les mots : « ou a été victime de pratiques de polygamie ».

M. Patrick Kanner.  - Les femmes dans des mariages polygames sont d'abord des victimes, c'est pourquoi l'Assemblée nationale leur a étendu le bénéfice du renouvellement automatique du titre de séjour, comme aux femmes victimes de violences conjugales.

La position de la commission des lois est inopportune car le non-renouvellement représente une double peine pour ces femmes.

M. le président.  - Amendement identique n°313, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Entre seize et vingt familles seraient en situation de polygamie en France, selon l'ONG GAMS. C'est peu, comparé aux quelques 250 000 mariages célébrés chaque année : la pratique de la polygamie est donc minime. Il n'est pas acceptable que des femmes, qui sont des victimes, subissent les conséquences des pratiques illégales de leur mari.

M. le président.  - Amendement identique n°539 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Jérémy Bacchi.  - La droite sénatoriale a supprimé cet article, qu'elle a jugé inopportun.

Ce qui est inopportun, c'est le sort de femmes ayant subi un mariage forcé. La perte de leur carte de résidente serait une double peine. Accueillons-les plutôt !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Nous sommes tous contre la polygamie, qui relève d'une conception moyenâgeuse et archaïque de la femme.

L'article 14 bis introduit par l'Assemblée nationale concerne le renouvellement d'une carte de séjour « conjoint de Français ». Quand on est Français, on respecte la loi française ! La polygamie est interdite.

Les situations sont toujours examinées par les préfectures lors des demandes. Avis défavorable à ces trois amendements.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Sagesse.

Les amendements identiques nos66 rectifié, 313 et 539 rectifiés ne sont pas adoptés.

L'article 14 bis demeure supprimé.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°540, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

Supprimer cet article.

M. Jérémy Bacchi.  - La ministre a déclaré que les pratiques coutumières comme la polygamie, les mariages forcés ou le certificat de virginité n'avaient pas leur place en France. Nous y sommes également opposés. Environ 200 000 femmes mariées de force vivent actuellement sur notre territoire. Ne les sanctionnons pas pour lutter contre la polygamie : protégeons-les !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Cet article assure l'égalité femmes-hommes et fait prévaloir l'ordre public français. Seul le conjoint légitime a droit à la pension de réversion. Les autres ont droit aux prestations sociales universelles. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Cet article protège les femmes victimes de la polygamie. Il préserve les droits de la première conjointe survivante en lui épargnant le partage de sa pension de réversion avec une autre femme qui s'est mariée en état de polygamie. Pour cette dernière, le mariage est annulé.

Nous avons été alertés par des associations telles que GAMS sur des situations où la nouvelle épouse voit, à son arrivée à l'aéroport, à côté de son nouveau mari, une ou deux autres femmes, et comprend qu'elle n'aura pas la vie qui lui avait été promise.

Des dispositions sur les mariages contraints sont prévues à l'article 17. Avis défavorable.

L'amendement n°540 n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté.

ARTICLE 15 BIS

M. Stéphane Le Rudulier .  - La polygamie n'est pas conforme à la législation française. Elle donne à l'homme tous les droits et à la femme tous les devoirs. Malgré son interdiction, la polygamie continue d'exister en France et les pouvoirs publics sont impuissants à la contrôler.

Mme Valérie Boyer, dont je me fais en cet instant le porte-parole, remercie la commission des lois d'avoir introduit cet article 15 bis : les caisses d'allocations familiales qui versent la PAJE à deux millions de foyers et des allocations familiales à cinq millions de familles doivent obligatoirement informer le procureur de la République de telles situations.

M. le président.  - Amendement n°314, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Supprimer cet article.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Cet article attribue un nouveau rôle aux organismes débiteurs des prestations familiales : aviser le procureur de la République des situations familiales susceptibles de relever de la polygamie. C'est une sortie de route.

Ces pratiques sont très minimes en France. Nous ne pouvons pas accepter ce qui s'apparente à de la délation. Les caisses d'allocations familiales n'ont pas à enquêter sur la vie intime et sexuelle des couples. Leurs missions premières sont le versement de revenus et l'action sociale.

L'intrusion dans la vie intime des familles est liberticide et porte une atteinte manifeste aux principes de notre République que ce projet de loi prétend renforcer.

La France est tenue au respect de la vie privée et familiale des individus, selon les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Il faut savoir ce que l'on veut. Si l'on veut lutter contre la polygamie, donnons-nous en les moyens ! Dénoncer, c'est protéger les femmes qui sont victimes. Ce n'est pas liberticide et je suis étonnée de l'attaque violente que je viens d'entendre. On ne demande pas à cet organisme d'enquêter sur la vie des gens mais de se montrer efficace s'il a des doutes. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Initialement, je souhaitais donner un avis de sagesse. Mais je donnerai un avis très défavorable après avoir entendu votre exposé. Je suis choquée d'entendre parler de délation alors qu'il s'agit de protection. Appeler le 119, le 3919 ou le 17 en cas de violence contre des femmes ou des enfants, ce n'est pas de la délation ! Ne découragez pas ces initiatives en ces temps de confinement.

Dire qu'il est liberticide de faire respecter les lois de la République, c'est un comble !

Ne soyons pas manichéens, en condamnant les méchants services sociaux face aux gentils polygames ! L'action de la CAF et du procureur sauvera ces femmes victimes. Très défavorable, donc.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Merci !

Mme Nathalie Goulet.  - Concernant l'amendement n°66 rectifié, une fois que la mère est expulsée, que fait-on des enfants ?

Je soutiens l'article 15 bis. Le signalement pourrait également être fait par les services de l'Éducation nationale. Quand plusieurs enfants avec le même nom, habitant au même endroit, ont un ou deux mois de différence, c'est forcément que plusieurs ventres les ont portés.

M. Jérôme Bascher.  - Les inspecteurs de la CAF vérifient bien la situation des parents qui déclarent être isolés. Quelle différence avec ce dont nous débattons ?

Cela dit, qu'apporte cet article par rapport à l'article 40 du code de procédure pénale ?

L'amendement n°314 n'est pas adopté.

L'article 15 bis est adopté.

ARTICLE 16

Mme Laurence Cohen .  - Nous sommes tous d'accord sur l'interdiction des certificats de virginité. Ce consensus n'est pas si fréquent quand il s'agit de défendre les droits des femmes.

Ces certificats symbolisent à eux seuls la domination masculine sur le corps des femmes, la sacralisation d'une prétendue pureté à réserver au promis. Ils représentent une violence psychologique, une pression insupportable face à la peur de représailles.

La gynécologue Ghada Hatem, fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis, explique toutefois que délivrer ces certificats, sans bien évidemment pratiquer d'examen, peut sauver la vie de jeunes filles. Pénaliser les praticiens qui le font peut avoir des effets pervers : le cabinet fermé, on préférera des filières clandestines...

Personne ne réclame l'inscription dans la loi d'une pratique déjà interdite par ailleurs et tout le monde dénonce la pénalisation des médecins.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté .  - Je suis en profond désaccord avec votre argumentaire. Les accords toltèques, auxquels je suis attachée, suggèrent d'éviter de parler de façon générale. Vous dites que personne n'en veut : c'est faux !

Je m'oppose à cette pratique barbare, antique et indigne. Certes, une gynécologue éminente n'est pas d'accord, mais le président de l'Ordre des gynécologues, la présidente du syndicat des gynécologues, des centaines de gynécologues et de sages-femmes, des associations sont contre. Elles disent que des jeunes filles sont aux prises avec cette contrainte sociale et en sont mal à l'aise.

Certains ne voulaient pas interdire l'excision sous prétexte que seuls des médecins pouvaient la pratiquer proprement. Heureusement que le gouvernement de l'époque n'en a pas tenu compte !

N'ouvrons pas la porte à tous les relativismes. Quelle inversion des valeurs, quand on dit que l'on sauve la vie d'une jeune fille qui va épouser quelqu'un qui fonde son mariage sur la vérification d'une virginité, comme l'on vérifie les dents d'un cheval que l'on achète ! C'est scandaleux. Elle n'aura pas la vie sauve, au contraire. Elle sera l'objet de pressions terribles et sa dignité de femme ne sera pas respectée.

La République française doit être courageuse. (Applaudissements sur les travées des groupeRDPI, UC, Les Républicains et RDSE ; M. David Assouline applaudit également.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Bravo !

M. le président.  - Amendement n°662, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

certificat aux fins d'attester la virginité d'une personne doit informer

par :

tel certificat informe

et le mot :

patiente

par le mot :

personne

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Rédactionnel.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Sagesse.

L'amendement n°662 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°483 rectifié bis, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

et la renseigne sur les organismes judiciaires et associatifs qu'elle peut contacter

Mme Marie-Pierre Monier.  - En commission des lois, le groupe SER a soutenu l'interdiction des certificats de virginité. Complétons la protection des femmes en les orientant vers des organismes judiciaires et associatifs spécialisés qui pourront déconstruire l'exigence de virginité et les présupposés patriarcaux.

M. le président.  - Amendement n°544 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Il lui remet à cet effet un document expliquant que la loi de la République interdit cette pratique. Le professionnel de santé a également pour obligation d'informer cette même personne des organismes spécialisés dans la défense des droits des femmes qu'elle peut contacter.

Mme Céline Brulin.  - Madame la ministre, je peux vous rejoindre dans votre vigueur contre les certificats de virginité.

Mais inscrire cette interdiction dans la loi ne suffit pas pour nous en laver les mains. Le professionnel de santé doit informer de cette interdiction, mais aussi orienter les femmes vers des associations spécialisées pouvant les accompagner. Regardons avec intérêt les expériences menées en ce sens en Île-de-France. Certaines femmes peuvent être fragilisées, voire en danger si un certificat de virginité leur est refusé.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Informer la patiente de l'existence d'associations, c'est logique pour le médecin. Nul besoin de l'écrire dans la loi. En cas de risque de violence physique ou psychologique sur mineur, il alertera la cellule de recueil des informations préoccupantes. Si la jeune femme est majeure, elle peut donner son accord pour qu'il fasse un signalement auprès du procureur de la République. C'est déjà arrivé dans ma ville.

En outre, les ordres ont déjà pris un certain nombre d'initiatives. Faisons confiance aux médecins et au lien qu'ils construisent avec leurs patientes. Avis défavorable à ces deux amendements.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - De nombreux médecins le font déjà et nous travaillons à l'élaboration de fiches pratiques, avec la fédération GAMS. Il ne nous semble cependant pas nécessaire d'aller dans ce niveau de détail dans la loi. Avis défavorable.

Mme Laurence Cohen.  - Je me réjouis d'entendre Mme Schiappa défendre l'intégrité des femmes et de leur corps. Il n'y a pas d'ambiguïté. Je ne soutiens pas le certificat de virginité mais je rejette la pénalisation des praticiens. Soyons attentifs aux conséquences de nos votes. Tout n'est pas tout blanc ou tout gris.

Le syndicat des gynécologues de France, qui a été cité, n'a pas toujours des positions très progressistes...

Ce qui m'importe, c'est d'accompagner ces jeunes femmes en détresse et d'approfondir le lien de confiance avec leur médecin.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Ghada Hatem nous a indiqué que les demandes qui lui étaient adressées concernaient surtout des réparations d'hymens.

Que pouvons-nous faire pour prévenir ces situations ? Il faut travailler sur le mal. L'éducation sexuelle à l'école doit bénéficier de plus de moyens, pour plus de prévention et de déconstruction des stéréotypes de genre.

Mme Esther Benbassa.  - Mme Ghada Hatem délivre rarement des certificats de virginité, et dans des conditions très particulières : bien souvent, elle fait de la pédagogie. Mais si la délivrance de ce certificat est le seul moyen de protéger de très jeunes filles, qui risqueraient sinon d'être renvoyées au bled, elle l'assume.

On ne peut pas demander à l'école de tout faire, avec seulement 14 heures pour l'éducation sexuelle. Nous pourrions prévoir des réunions ou de l'affichage en mairie, ou préciser dans l'article que les jeunes filles et leurs parents doivent être formés.

Nous, femmes modernes et féministes, sommes contre ces certificats mais pensons aux différents aspects de la question.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous partageons totalement le plaidoyer de la ministre. Certes, les médecins peuvent orienter, mais il faut une quasi-obligation d'orientation et d'information pour protéger les jeunes filles.

Si le médecin refuse de délivrer le certificat de virginité, que se passe-t-il pour la jeune fille, de retour à la maison ? Elle serait protégée par un document explicitant ce refus, qu'elle donnerait au futur conjoint ou au père. Il ne s'agit pas d'un bavardage de la loi.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Madame Benbassa, j'ai déjà répondu sur ce sujet à une précédente sénatrice, il y a quelques instants.

Je suis choquée de vous entendre dire que certaines jeunes filles, qui seraient moins modernes et moins féministes que vous, devraient accéder au certificat de virginité. (Mme Esther Benbassa proteste.) C'est du relativisme culturel sur le droit des femmes !

Mme Esther Benbassa.  - Je n'ai pas dit cela !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Si, c'est ce que j'ai compris des propos que vous avez tenus ici mais ailleurs aussi, à plusieurs reprises.

Il est fait mention du syndicat des gynécologues. On ne peut pas le disqualifier ou non selon les sujets. Mme Ghada Hatem n'était pas favorable à légiférer sur le harcèlement de rue et a appelé à ma démission lorsque j'ai évoqué les violences obstétricales, il y a trois ans et demi. Depuis, de nombreux collectifs se sont formés et elle est revenue sur sa position. J'espère qu'elle reviendra aussi sur sa position sur les certificats de virginité, mais je comprends la volonté de s'opposer systématiquement au Gouvernement quand on fait de la politique par ailleurs...

Les associations de terrain, l'OMS, le syndicat des gynécologues, l'Ordre des gynécologues, l'Ordre des médecins appellent tous à légiférer sur les certificats de virginité. La France a une responsabilité dans le monde et inspire d'autres pays. C'est la diplomatie féministe française. Nous avons organisé avec le Mexique et ONU-Femmes le forum Génération et Égalité.

Je suis étonnée du souhait d'un document à remettre. Hier, certains affirmaient, à propos du contrat d'engagement républicain, qu'un document ne changerait rien. Qu'en est-il, alors ? Que le médecin remette de la documentation, pourquoi pas, mais cela ne relève pas de la loi. Parfois, la discussion est plus efficace. Avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je suis totalement pour l'interdiction des certificats de virginité. Ma boussole, c'est le professeur Nisand qui est favorable à l'interdiction des certificats de virginité et à la pénalisation des médecins. Je plaide pour la remise d'un document. C'est très utile dans l'aide aux victimes : l'information est fondamentale.

La jeune fille doit pouvoir prouver qu'elle n'est pas de mauvaise volonté.

Mme Esther Benbassa.  - Je ne laisserai pas Mme Schiappa déformer mes propos !

L'amendement n°483 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°544 rectifié est adopté.

(Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure - Ce n'est pas possible !

M. le président.  - Il est adopté par 16 voix contre 15.

Amendement n°462 rectifié bis, présenté par M. Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-2-....  -  Un professionnel de santé alerte le procureur de la République lorsqu'une demande lui est faite afin d'établir une attestation aux fins d'attester la virginité d'une personne.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Le code pénal prévoit que le secret professionnel n'est pas applicable au professionnel de santé qui, avec l'accord de la victime, signale au procureur les sévices ou privations qu'il a constatés, laissant présumer des violences. Lorsque la victime est un mineur en situation de faiblesse, son accord n'est pas nécessaire. Cette disposition est cependant insuffisante, notamment pour protéger les femmes majeures.

Dans une étude du Quotidien des médecins de 2019, 29 % des médecins interrogés ont affirmé avoir déjà été sollicités pour délivrer un certificat de virginité. Dans bien des cas, cette demande n'émanait aucunement de la patiente, mais de son futur conjoint, de sa famille ou de sa future belle-famille.

Conscient de l'ascendant que peut avoir l'entourage de sa patiente sur celle-ci, le professionnel de santé doit pouvoir lui porter secours.

Cet amendement fait des professionnels de santé des lanceurs d'alerte, en leur permettant de saisir le procureur de la République. Celui-ci pourra ainsi prendre des mesures de protection au bénéfice de la femme, mener une enquête et diligenter d'éventuelles poursuites.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Ne pas demander son accord à la patiente ne peut que fragiliser son lien avec le médecin. On risque d'orienter la jeune femme vers d'autres personnes qui n'ont pas la même approche. Avis totalement défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Les débats sur la levée du secret professionnel ont été nourris après le Grenelle des violences conjugales. Lorsque le danger est imminent pour la vie de la patiente, le médecin peut effectuer un signalement auprès du procureur. Cet équilibre est satisfaisant, n'y touchons pas. Avis défavorable.

Mme Esther Benbassa.  - Vous êtes simpliste, madame la ministre. Le monde est complexe ; ce n'est pas « oui » ou « non ».

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Parfois si !

Mme Esther Benbassa.  - Il existe des traditions culturelles. Madame Schiappa, vous ne savez qu'attaquer les autres. Je n'ai jamais dit que d'autres femmes seraient moins féministes ou modernes que moi et je vous prie de bien vouloir respecter ma parole.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - J'en reviens aux accords toltèques : que la parole soit impeccable. Cette mise en cause personnelle n'apporte rien aux débats.

L'amendement n°462 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°498, présenté par M. Ravier.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-2-....  -  Une personne physique ou morale non professionnel de santé ayant établi un certificat aux fins d'attester la virginité d'une personne, est coupable des crimes et délits prévus à l'article 441-7 du code pénal. » ;

M. Stéphane Ravier.  - L'article 16, naïf, ne concerne que les professionnels de santé. Or, les certificats de virginité sont, pour la plupart, délivrés par des pseudo-médecins, des usurpateurs de titres officiels ; des référents communautaires, comme des figures cultuelles, sont sollicités pour attester de la virginité d'une personne, avec ou contre son gré. La réalité de notre pays tiers-mondisé exige d'élargir le dispositif.

On entend peu les pseudo-féministes autoproclamées sur ce sujet... Elles préfèrent se battre pour l'écriture inclusive !

La culture exogène islamiste s'est imposée sur notre sol. Il est loin, l'amour courtois de notre belle culture française !

Cet amendement fait de la simple délivrance des tels certificats un double délit : établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts et faire usage d'une attestation ou d'un certificat inexact ou falsifié. Il faut un interdit clair.

M. le président.  - Amendement n°464 rectifié bis, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 1115-....  -  Toute personne, non membre du corps médical, réalisant un examen avec pénétration visant à établir la virginité de la victime se rend coupable de viol et encourt la peine prévue à l'article 222-23 du code pénal.

« Toute personne, non membre du corps médical, réalisant un examen sans pénétration visant à établir la virginité de la victime se rend coupable d'agression sexuelle et encourt la peine prévue à l'article 222-22 du même code et, si l'agression est commise sur un mineur de quinze ans ou une personne vulnérable, la peine prévue à l'article 222-29 dudit code.

« Toute personne informée de la réalisation d'un tel acte en vue d'établir un certificat de virginité et qui ne dénonce pas sa réalisation aux autorités encourt la peine pour non-dénonciation de crime ou de délit prévue aux articles 434-1 à 434-4 du même code. »

Mme Marie-Pierre Monier.  - L'Assemblée nationale a créé un nouvel article L. 1115-4 du code de la santé publique assimilant au viol un examen avec pénétration et à une agression sexuelle un examen sans pénétration pour établir la virginité d'une personne.

La commission des lois a refusé cette solution.

Les rapporteures estiment que la jeune femme sommée d'attester de sa virginité pourrait consentir à un tel examen. Mais la victime est souvent sous emprise !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°498. La commission des lois a fait un choix différent.

Avis défavorable à l'amendement n°464 rectifié bis. La rédaction de la commission des lois est plus robuste, car elle vise les professionnels comme les non-professionnels. Celui, médecin ou non, qui délivre un certificat de virginité commet un viol ou une agression sexuelle si la jeune fille n'est pas consentante. Celle-ci peut être demandeuse, pour faire taire des rumeurs ou parce qu'elle se plie aux demandes de son entourage : dans ce cas aussi, il faut la protéger.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable à l'amendement n°498. Oui, il faut pénaliser toute personne qui délivre un certificat de virginité, mais les situations que vous avez évoquées relèvent de l'exercice illégal de la médecine voire de l'escroquerie ou de l'usurpation de titres. Cette semaine, j'ai fait un signalement au CSA au sujet d'une émission qui présentait les certificats de virginité avant le mariage comme une chose parfaitement normale. L'amendement est superfétatoire, car le code pénal le prévoit déjà.

Avis défavorable à l'amendement n°464 rectifié bis. Tout examen de virginité réalisé avec pénétration est un viol, selon la définition juridique de ce dernier. Un excès de détail pourrait affaiblir l'application de la loi à d'autres cas.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous sommes d'accord sur le fond, pas sur les modalités. Les critères du viol pourraient être interrogés, donc le consentement. Nous voulons fermer la porte à cela. Sinon, il faudra que la contrainte ou le consentement soit caractérisé. Notre amendement nomme les choses : il n'est pas anecdotique.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La définition du viol comprend bien la pénétration sous la contrainte, or ici, la demande de certificat est faite sous la contrainte.

L'amendement nos498 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n° 464 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°517, présenté par Mmes Assassi et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

Alinéas 5 et 6

Supprimer ces alinéas.

Mme Laurence Cohen.  - Nous ne voulons pas pénaliser les professionnels qui délivrent les certificats.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - La commission des lois estime que la pénalisation conforte l'interdiction. Pour l'excision, chacun a dû prendre sa part. Les médecins aussi doivent lutter contre ces pratiques d'un autre monde. Avis très défavorable. L'interdiction est une aide pour ces jeunes filles : la France les protège. Et certains médecins, qui se font une clientèle en ce domaine, se remettront dans le cadre de la loi. Chacun doit prendre sa part dans cette lutte.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Rien à ajouter ! Même avis.

L'amendement n°517 n'est pas adopté.

Mme Nathalie Goulet.  - Ce débat sur un sujet moyenâgeux est courageux. Nous ne sommes pas à la cour d'Angleterre... (Sourires) La remise d'un document à la patiente évitera un nomadisme médical. Le principe doit être clair et lisible. Il est impensable qu'en France, on doive encore passer une matinée sur ce problème !

L'article 16, modifié, est adopté.

L'article 16 bis A est adopté

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 16 bis A

M. le président.  - Amendement n°170 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mme de Cidrac et MM. Segouin et Tabarot.

Après l'article 16 bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil est comple?te? par un article 371-... ainsi re?dige? :

« Art. 371-....  -  Une mineure faisant face a? un risque de mutilation sexuelle et quittant le territoire national sans e?tre accompagne?e d'un titulaire de l'autorite? parentale est munie d'un certificat de non excision.

« Un de?cret en Conseil d'E?tat de?termine les conditions d'application du pre?sent article. »

M. Stéphane Le Rudulier.  - En France, des petites filles et des adolescentes risquent l'excision lors de séjours dans le pays d'origine de leur famille.

Depuis le 15 janvier 2017, les mineurs qui quittent le territoire national seuls ou non accompagnés par le titulaire de l'autorité parentale doivent disposer d'une autorisation. Cet amendement y adjoint un certificat de non-excision. Un décret en Conseil d'État pourrait en compléter l'application : un certificat médical pourrait être inclus.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Nous condamnons tous l'excision. Au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat, Mmes Blondin et de Cidrac ont réalisé un rapport très riche sur ce sujet.

Mais cet amendement est inapplicable. Comment procéder en pratique ? Quelles destinations seraient concernées ? Avis défavorable.

Un énorme travail est à réaliser dans les pays d'origine avec les ONG. Elles ont réussi à faire interdire l'excision dans certains.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis. Le ministre des Affaires étrangères mène un important travail de coopération. Nous nous sommes rendus au Tchad et au Burkina-Faso avec le Président de la République : nous participons tous à ce combat.

L'amendement n°170 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°171 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mme Bourrat et MM. Segouin et Tabarot.

Après l'article 16 bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre II du livre Ier de la deuxie?me partie du code de la sante? publique est comple?te? par un chapitre ainsi re?dige? :

« Chapitre ...

« Pre?vention des actes contraires a? la dignite? de la femme

« Art. L. 2123-....  -  Lorsqu'un me?decin ou une sage-femme constate a? l'occasion d'un examen me?dical qu'une femme enceinte a subi une mutilation de nature sexuelle, il remet a? celle-ci un document intitule? "Charte de protection de l'inte?grite? ge?nitale de la femme".

« Ce document pre?sente le droit applicable en matie?re de protection du corps humain, notamment l'interdiction de toute forme de mutilation pre?vue a? l'article 222-9 du code pe?nal, ainsi que les risques sanitaires encourus a? l'occasion d'une mutilation ge?nitale.

« Le contenu de ce document et les modalite?s de sa remise a? la personne inte?resse?e sont pre?cise?s par arre?te? du ministre charge? de la sante?. »

M. Stéphane Le Rudulier.  - Dans certaines maternités, des équipes médico-chirurgicales prennent en charge les femmes victimes de mutilations sexuelles.

Ces initiatives permettent d'accompagner et de sensibiliser les patientes en abordant tous les aspects de prévention, de conseils, de soutien et d'information, avec rappel du cadre législatif français.

Lorsqu'un médecin ou une sage-femme constate qu'une parturiente a subi une mutilation sexuelle, une « charte de protection de l'intégrité génitale de la femme » doit pouvoir lui être remise. Ce document présentera le droit applicable en matière de protection du corps humain, l'interdiction prévue par le code pénal, ainsi que les risques sanitaires.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Cela se fait déjà à Marseille et je partage votre souci. Mais ce que vous proposez ne relève pas du niveau législatif. Laissons les sages-femmes et les médecins prendre les initiatives pédagogiques. Retrait ou avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°171 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°172 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary, H. Leroy, Segouin, Tabarot et Husson et Mme Berthet.

Après l'article 16 bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxie?me aline?a de l'article L. 2132-1 du code de la sante? publique est ainsi modifie? :

1° La re?fe?rence : « L. 2132-2-1 » est remplace?e par la re?fe?rence : « L. 2132-2-2 » ;

2° Sont ajoute?s les mots : « , notamment celles qui concernent d'e?ventuelles mutilations sexuelles ».

M. Stéphane Le Rudulier.  - Le carnet de santé contient les éléments d'information médicale pour le suivi de l'enfant jusqu'à ses 18 ans. Document officiel, soumis au secret professionnel, il est un outil de liaison entre les différents agents du milieu médical. Il serait opportun d'y inscrire un message de prévention sur les mutilations génitales féminines, rappelant les risques pour l'intégrité physique et psychique de l'enfant et la sanction prévue par le code pénal.

Le service de protection maternelle infantile (PMI) du département de Seine-Saint-Denis prévoit déjà une information systématique des familles.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - C'est important mais cela ne relève pas de la loi. Cet amendement est satisfait : les mutilations sexuelles constatées doivent être inscrites dans le carnet de santé. Retrait ou avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°172 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°174 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet et H. Leroy, Mmes Bourrat et de Cidrac et MM. Segouin et Tabarot.

Après l'article 16 bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque année, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les mutilations génitales féminines.

Ce rapport indique et commente :

a) Le nombre de Françaises et de personnes résidant habituellement sur le territoire français victimes de mutilations génitales en France ou à l'étranger ;

b) L'activité judiciaire concernant les infractions prévues aux articles 222-9, 222-10 et 227-24-1 du code pénal : nombre d'affaires enregistrées et d'affaires poursuivables, taux de poursuites engagées et taux de réponse pénale, nombre de condamnations et quantum des peines prononcées, ainsi que les nationalités des auteurs de ces infractions ;

c) Les moyens, ainsi que leur coût, mis en oeuvre pour lutter contre les mutilations génitales féminines ;

d) Les actions entreprises avec les pays pratiquant les mutilations génitales féminines pour mettre en oeuvre une politique ferme contre ces pratiques.

M. Stéphane Le Rudulier.  - La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) rappelle que la France est le pays de l'Union européenne dans lequel il y a eu le plus grand nombre de poursuites pénales pour des faits de mutilations sexuelles.

Nous prévoyons un rapport annuel qui devra indiquer l'activité judiciaire en cette matière, les moyens mis en oeuvre pour lutter contre ces pratiques, les actions entreprises avec les pays où elles ont cours.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Avis défavorable à cette demande de rapport. De nombreux rapports d'information existent déjà. En 2019, une étude de Santé publique France a fourni des chiffres.

Je rends hommage à l'avocate Linda Weil qui la première fit condamner en France l'auteur d'une excision. Peut-être nous regarde-t-elle aujourd'hui ? Je salue cette belle combattante.

Retrait ou avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Je rends moi aussi hommage à toutes celles qui se sont battues contre l'excision.

Le Premier ministre Édouard Philippe, l'an dernier, a lancé un grand plan contre l'excision. La subvention à l'association « Excision, parlons-en » a été multipliée par trois, et nous soutenons davantage la fédération nationale GAMS-Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles.

Nous avons lancé une enquête de prévalence et actualisé les chiffres disponibles : 160 000 femmes et filles seraient concernées. Si un rapport parlementaire se penche sur ce sujet, nous l'accompagnerons volontiers.

Mme Nathalie Goulet.  - Un des documents de politique transversale - les oranges budgétaires - annexés au projet de loi de finances pourrait inclure ces données : celui sur la politique de la jeunesse ou celui sur la santé.

L'amendement n°174 rectifié est retiré.

ARTICLE 16 TER A (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°556 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À la dernière phrase de l'article L. 121-1 du code de l'éducation, après le mot : « sexuelles », sont insérés les mots : « ainsi qu'aux mutilations sexuelles féminines ».

Mme Laurence Cohen.  - La commission des lois a supprimé cet article adopté par l'Assemblée nationale, l'estimant superfétatoire et d'ordre réglementaire.

La sensibilisation des enseignants à l'excision et aux mutilations sexuelles féminines exige néanmoins une attention particulière et une formation adaptée. Plus de 60 000 jeunes filles françaises sont concernées par des mutilations sexuelles.

En mars 2019, le Sénat a adopté à l'unanimité une résolution sur ces mutilations. Le groupe CRCE est également à l'origine d'une rencontre avec la présidente du Parlement des enfants de Guinée, en présence d'Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes.

Ne pas nommer les choses, c'est les nier. Rendons la loi non pas plus bavarde, mais plus précise.

Je salue notamment les docteurs Pierre Foldès et Denis Mukwege.

Madame la ministre, pouvez-vous nous faire un point d'étape rapide sur la lutte contre l'excision ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Il est important d'évoquer ces sujets. L'article L. 121-1 du code de l'éducation le prévoit déjà. Avis défavorable 

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis favorable. Il est utile de détailler les séances d'éducation sexuelle sur ce thème, car l'école est le lieu où faire évoluer les mentalités. Depuis 2014, il y a une obligation de trois séances par an. Je ne peux pas vous assurer que celles-ci ont bien lieu dans toutes les classes. Nous devrions faire un audit.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Nous soutiendrons cet amendement. Je suis heureuse d'entendre Mme la ministre reconnaître qu'il y a peut-être des insuffisances sur l'éducation sexuelle à l'école. J'ai interrogé M. Blanquer, son discours est bien loin de la réalité de terrain.

Mme Laurence Cohen.  - Je remercie Mme la ministre pour la sincérité de ses propos. Quelque 25 % des écoles élémentaires, 11 % des lycées et 4 % des collèges déclarent n'avoir mis en place aucun module d'éducation sexuelle. Oui, un suivi de l'application de la loi s'impose !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Cela en dit long sur les pressions que certains établissements subissent pour que ces heures ne soient pas dispensées...

Aidons les enseignants à s'approprier ce sujet. Le code de l'éducation nationale prévoit ces séances, elles doivent avoir lieu partout.

M. Hussein Bourgi.  - Il s'agit moins de pressions que d'un manque de volontaires pour assurer cet enseignement.

Élu local dans l'Hérault, je siège au conseil d'administration de plusieurs collèges et lycées. En ville, des associations peuvent intervenir. Mais en milieu rural, qui assurera ces heures de formation ? L'équipe pédagogique, sans doute le professeur de SVT, ou l'infirmière scolaire - là où il y en a une. Les enseignants ou les intervenants ont parfois connaissance d'un risque de mariage forcé à l'occasion de ces séances. Je vous le demande solennellement, votez cet amendement !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Il ne change rien au problème.

L'amendement n°566 rectifié est adopté et l'article 16 ter A est ainsi rétabli.

ARTICLE 16 TER B (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°482 rectifié bis, présenté par Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 312-16 du code de l'éducation est complétée par les mots : « et sensibilisent aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu'aux mutilations sexuelles féminines ».

Mme Laurence Rossignol.  - Il est proposé de sensibiliser les élèves aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu'aux mutilations sexuelles féminines.

Les cours d'éducation affective et sexuelle n'ont pas toujours lieu. Les pressions viennent de tous les courants idéologiques ; certaines associations ne parlent pas volontiers de contraception, d'IVG ou de la pilule du lendemain. Ces sujets doivent être confiés à des spécialistes, comme l'association « Excision, parlons-en » présidée par Moira Sauvage.

M. le président.  - Amendement identique n°557 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 312-16 du code de l'éducation est complétée par les mots : « et sensibilisent aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu'aux mutilations sexuelles féminines ».

Mme Laurence Cohen.  - Défendu.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Ces sujets doivent être abordés dans les établissements, bien entendu - ce que prévoit déjà le code de l'éducation. Il faut réarmer l'Éducation nationale afin que ces séances soient effectivement réalisées partout. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis favorable par cohérence, même si le code de l'éducation est clair.

Les amendements identiques nos482 rectifié bis et 557 rectifiés ne sont pas adoptés.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 16 ter B (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°481 rectifié bis, présenté par Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 16 ter B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du premier alinéa de l'article L. 312-16 du code de l'éducation est complétée par les mots : « : la mise en place effective de ces séances fait l'objet d'un contrôle ».

Mme Marie-Pierre Monier.  - Il faut contrôler que les séances d'éducation sexuelle ont bien lieu. Ce n'est pas toujours le cas.

Elles sont l'occasion de présenter une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes et contribuent à l'apprentissage du respect dû au corps humain. Cet outil pédagogique et préventif est précieux pour faire vivre les principes de la République.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Ces séances sont prévues. L'éducation sexuelle fait partie des programmes : les corps d'inspection les contrôlent déjà. Retrait ou avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable au nom du Gouvernement, mais à titre personnel, j'y suis favorable. Jean-Michel Blanquer fait valoir que les cours de SVT ou les échanges hors des heures de cours, par exemple avec les infirmières scolaires, remplissent aussi ce rôle.

Des organisations de parents d'élèves nous font remonter des problèmes concernant la qualité des intervenants.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous avons donc deux avis, opposés, du Gouvernement. Ce n'est pas simple ! Espérons que la CMP retiendra plutôt la position de Mme Schiappa que celle de M. Blanquer.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - L'avis du Gouvernement est défavorable mais j'ai également exprimé une opinion personnelle.

L'amendement n°481 rectifié bis n'est pas adopté.

ARTICLE 16 TER

M. le président.  - Amendement n°465 rectifié bis, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Un examen d'attestation de la virginité doit être considéré comme un viol ou une agression sexuelle. Il n'est jamais consenti. Il est lié à un carcan familial et résulte de l'emprise des proches. Nous supprimons les alinéas relatifs à l'infraction.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Nous tenons à l'infraction spécifique. Avis défavorable, par cohérence.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°465 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 16 ter est adopté.

ARTICLE 17

M. le président.  - Amendement n°499, présenté par M. Ravier.

Après l'alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le quatrième alinéa du présent 2° s'applique avant toute transcription sur les registres d'état civil français d'un mariage célébré par une autorité étrangère. » ;

M. Stéphane Ravier.  - Cet amendement vise les mariages forcés qui sont célébrés à l'étranger avant transcription automatique en droit français.

La transcription produit des effets civils en France, comme l'attribution de la nationalité française pour le conjoint et les enfants.

Les fraudes sont nombreuses et le mariage est la première cause d'immigration. La nationalité française s'hérite ou se mérite, elle ne doit pas se laisser violer.

Il faut prévoir que l'officier d'état civil réalise des entretiens individuels avant la transcription du mariage en droit français, pour éviter toute fraude.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Cet amendement est satisfait par les modifications apportées par la commission des lois à l'article 17. Retrait ou avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Défavorable.

L'amendement n°499 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°177 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler et MM. Savary, H. Leroy, Segouin et Tabarot.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au dernier alinéa de l'article 63, les mots : « 3 à 30 euros » sont remplacés par le montant : « 750 euros » ;

M. Stéphane Le Rudulier.  - Les officiers d'état civil doivent obligatoirement procéder à l'audition des futurs époux, préalablement à la publication des bans, afin de détecter le défaut d'intention matrimoniale réelle et libre.

L'amende de 3 euros à 30 euros n'est pas assez dissuasive, fixons-la à 750 euros, lorsque l'officier ne se conforme pas à ses obligations.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - L'audition préalable n'est pas obligatoire, elle n'a lieu qu'en cas de doutes. Mieux vaut former et sensibiliser des officiers d'état civil. Retrait ou avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Je reconnais qu'il n'y a pas d'obligation. L'amendement manie la dissuasion.

L'amendement n°177 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°255 rectifié, présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guiol, Requier, Roux et Artano et Mme Pantel.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Au deuxième alinéa, les mots : « dans les quinze jours de sa saisine » sont remplacés par les mots : « dans un délai de quarante-huit heures et par une décision motivée par écrit » ;

M. Jean-Claude Requier.  - Lorsqu'un signalement est fait parce qu'il existe des doutes sérieux quant à la sincérité d'un mariage, la décision du procureur de s'opposer à la célébration doit intervenir dans un délai urgent et rapide et faire l'objet d'une motivation écrite.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Les procureurs ont tant de travail qu'ils ne souhaitent pas traiter ces dossiers. Le délai de 48 heures est intenable, il ne les incitera pas à faire mieux ! Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

M. Arnaud de Belenet.  - Je ne voterai pas cet amendement. Mais si un questionnaire unique est fourni à tous les maires, il sera très vite connu de tous les candidats au mariage... Il faudrait qu'il soit régulièrement actualisé.

Lorsque les petites communes signalent des doutes au procureur, le bureau du procureur essaie de les dissuader et recommande de ne pas faire d'entretiens... Les dispositions législatives existent. Il faut que la Chancellerie sensibilise les procureurs.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous en revenons au tigre de papier évoqué par Philippe Bas : ce texte contient toute une série de normes et d'injonctions que les administrations n'auront pas la possibilité de mettre en oeuvre... Hierl'administration fiscale, aujourd'hui les mariages.

Bien sûr, les procureurs sont débordés, mais que veut-on ? Certains se persuaderont d'avoir fait oeuvre utile alors que nombreuses dispositions se révéleront stériles.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Ce questionnaire existe déjà ; il n'a pas vocation à contenir toutes les questions que peut poser un officier d'état civil à un marié. Il oriente seulement la discussion.

M. Jean-Claude Requier.  - Je rectifie notre amendement pour faire passer le délai de 48 heures à huit jours et prévoir la possibilité d'une réponse du procureur par courriel.

M. le président.  - C'est l'amendement n°255 rectifié bis.

Amendement n°255 rectifié bis, présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guiol, Requier, Roux et Artano et Mme Pantel.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Au deuxième alinéa, les mots : « dans les quinze jours de sa saisine » sont remplacés par les mots : « dans un délai de huit jours et par une décision motivée par courriel » ;

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - C'est nettement plus raisonnable. Avis favorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Le garde des Sceaux publiera une circulaire.

L'amendement n°255 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°175 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Boré et Le Rudulier, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Houpert, B. Fournier, Charon, Longuet, Bouchet, Genet, Savary et H. Leroy, Mmes Bourrat et Schalck et MM. Segouin et Tabarot.

Après l'alinéa 8

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il apparaît que le mariage envisagé a pour finalité de tenter de commettre l'une des infractions mentionnées à l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le procureur de la République, saisi sans délai par l'officier d'état civil, est tenu dans les quinze jours de sa saisine de surseoir à la célébration du mariage et de faire procéder à une enquête sur cette tentative de commission d'infraction. » ;

...) Au troisième alinéa, les mots : « un mois renouvelable » sont remplacés par les mots : « deux mois renouvelables » ;

M. Stéphane Le Rudulier.  - Obligeons le ministère public à surseoir automatiquement à la célébration en cas de suspicion de mariage blanc.

Il convient également de porter le délai de sursis de un à deux mois renouvelables, pour répondre aux observations de la commission des lois et donner du temps à l'enquête.

M. le président.  - Amendement n°176 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, de Legge, Meurant, Houpert, B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet et Savary, Mme Boulay-Espéronnier, M. H. Leroy, Mmes Bourrat et Schalck, MM. Segouin et Tabarot et Mme Berthet.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Au troisième alinéa, les mots : « un mois renouvelable » sont remplacés par les mots : « deux mois renouvelables » ;

M. Stéphane Le Rudulier.  - C'est un amendement de repli, qui ne porte que sur le délai de sursis.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Pour que le procureur sursoie à un mariage, il doit disposer d'éléments. Avec l'amendement n°175 rectifié, il suffirait d'un signalement : retrait, sinon avis défavorable. En revanche, avis favorable à l'amendement n°176 rectifié.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Ces situations sont déjà traitées par l'article 175-2 du code civil, qui renvoie à l'article 146 du même code évoquant l'absence d'intention matrimoniale.

Il est difficile pour le maire de juger de cette intention. C'est au procureur qu'il revient de surseoir au mariage s'il estime les doutes sérieux. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Avis défavorable à l'amendement n°176 rectifié.

L'amendement n°175 rectifié n'est pas adopté.

Mme Nathalie Goulet.  - Attention au nomadisme : les personnes concernées risquent d'aller tenter leur chance dans une autre mairie. Ne pourrait-on tenir un registre des mariages rejetés sur ce motif ? Je voterai l'amendement n°176 rectifié.

L'amendement n°176 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°663, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

Alinéa 10, première phrase

1° Remplacer les mots :

par l'officier de l'état civil avant toute

par les mots :

avant une

2° Après le mot :

ou

insérer le mot :

une

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Cet amendement répond à la demande de Mme Goulet en permettant une consultation directe de la base de données des oppositions et sursis par l'officier d'état civil, ou indirecte par l'intermédiaire des procureurs. C'est un moyen de lutter contre le nomadisme, sur lequel les procureurs ont alerté la commission.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - En pratique, une telle banque de données serait compliquée à mettre en oeuvre et très coûteuse pour les collectivités, puisqu'il faudrait dématérialiser et mettre en réseau l'ensemble des registres d'état civil des communes.

Une telle base de données pourrait toutefois être créée dans le cadre de la refonte en cours des applications civiles des juridictions. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Cela n'a aucun coût pour les collectivités territoriales : la base de données serait centralisée auprès des procureurs.

L'amendement n°663 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°315, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 180 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les qualités essentielles mentionnées à l'alinéa précédent ne peuvent concerner la virginité des époux. »

Mme Esther Benbassa.  - Si le projet de loi réaffirme les principes de la République, il conviendrait qu'il fasse progresser les droits des femmes au lieu de stigmatiser gratuitement les musulmans.

Le tribunal de grande instance de Lille avait accepté de prononcer la nullité d'un mariage pour non-virginité en 2008. C'est une vision passéiste et religieuse du mariage républicain.

Cet amendement exclut donc la virginité des époux du champ des qualités essentielles pouvant justifier une annulation du mariage. Il n'est pas superfétatoire de rappeler la libre disposition de soi et de son corps.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - L'erreur sur la virginité a en effet été acceptée une fois par le tribunal de grande instance de Lille, mais la cour d'appel de Douai a infirmé cette décision. Cette précision est donc inutile. De surcroît, inscrire la notion de virginité dans le code civil lui donnerait une valeur particulière, et je ne suis pas sûre que ce soit votre objectif. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement n°315 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°168 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, de Legge, Meurant, Houpert, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mme de Cidrac, MM. Segouin et Tabarot et Mme Berthet.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Après l'article 143 du code civil, il est inséré un article 143-... ainsi rédigé :

« Art. 143-....  - Le mariage ne peut être contracté si l'un des futurs époux séjourne irrégulièrement sur le territoire français. »

M. Stéphane Le Rudulier.  - Le nombre d'étrangers en situation irrégulière ne cesse d'augmenter : ils seraient entre 600 000 et 900 000, la quasi-totalité des demandeurs d'asile déboutés restant en France. Or un étranger, y compris en situation irrégulière, peut devenir français après quatre ans de mariage avec un citoyen français.

Tous les mariages avec des étrangers ne sont pas frauduleux, mais la législation française est complaisante dans ce domaine.

Bien que le droit au mariage soit reconnu par l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, il est assorti de conditions : âge minimum, formalités préalables, lieu, date et acte. Il y a des causes d'empêchement : je propose d'y ajouter l'irrégularité du séjour.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - De nombreux maires sont confrontés à ces situations. Le plus souvent, la mariée se retrouve seule au bout de deux ou trois ans...

Mais votre amendement est inapplicable, même s'il attire l'attention sur le problème. Retrait ou avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

M. Jérôme Bascher.  - En quoi n'est-ce pas applicable ? Si c'est en raison de la hiérarchie des normes, il faut le justifier. Cet amendement me semble applicable et même souhaitable. Défendons les lois de la République française.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Nous pouvons partager l'objectif mais, au plan juridique, ce n'est pas possible. (M. Jérôme Bascher proteste.) La Constitution, la CEDH l'interdisent et certaines villes ont été condamnées sur ce motif.

M. Arnaud de Belenet.  - Les conditions du mariage comme l'âge, le lieu de résidence ou l'absence de lien de parenté ne sont pas de même nature que la présence illégale sur le territoire. Elles ne remettent pas en cause le droit au mariage.

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Le Conseil constitutionnel s'est prononcé très clairement : le caractère irrégulier du séjour n'autorise pas à s'opposer au mariage, qui est une liberté fondamentale. Cela a été confirmé par la CEDH.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La liberté matrimoniale a valeur constitutionnelle. Remettons-nous en à la diligence des préfets et des procureurs de la République.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Aucun droit fondamental n'est absolu : il y a toujours conciliation entre des droits fondamentaux.

Qu'une personne qui ne devrait pas être sur le territoire français puisse se marier me choque. Pourrions-nous saisir le Conseil constitutionnel pour qu'il se positionne au-delà des cas d'espèce ?

L'amendement n°168 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°166 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet et Savary, Mme Boulay-Espéronnier, M. H. Leroy, Mme Bourrat et MM. Segouin, Tabarot et Husson.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Après la première phrase du troisième alinéa de l'article L. 2123-12 du code général des collectivités territoriales, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il prévoit une formation à la détection des mariages envisagés dans un but autre que l'union matrimoniale pour ceux de ses membres qui remplissent les fonctions d'officier de l'état civil. »

M. Stéphane Le Rudulier.  - Le code général des collectivités territoriales autorise le maire à déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires de la commune certaines fonctions d'officier d'état civil.

Cet amendement prévoit, pour ces derniers, des formations relatives à la détection des mariages frauduleux.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Cet amendement est satisfait : le code général des collectivités territoriales précise que les membres du conseil municipal ont droit à des formations adaptées à leurs fonctions, notamment celles qu'ils exercent au nom de l'État. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis. À l'issue du vote, le garde des Sceaux publiera une circulaire pour mettre en oeuvre les dispositions de l'article 17. La fédération GAMS travaille également sur un guide à destination des élus, qui répond une demande de l'Association des maires de France. Il sera diffusé dès la promulgation de la loi.

L'amendement n°166 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°167 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet et Savary, Mme Boulay-Espéronnier et MM. H. Leroy, Segouin et Tabarot.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le code général des collectivités est ainsi modifié :

1° L'article L. 2122-32 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le maire désigne parmi ses adjoints officiers d'état civil un ou plusieurs référents en matière de détection des mariages envisagés dans un but autre que l'union matrimoniale chargé de les conseiller, en particulier dans la conduite des auditions prévues au 2° de l'article 63 du code civil. » ;

2° Le deuxième alinéa de l'article L. 2511-26 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le maire d'arrondissement désigne parmi ses adjoints officiers d'état civil un référent en matière de détection des mariages envisagés dans un but autre que l'union matrimoniale chargé de les conseiller, en particulier dans la conduite des auditions prévues au 2° de l'article 63 du code civil. »

M. Stéphane Le Rudulier.  - Le maire doit avoir la possibilité de désigner un ou plusieurs élus, officiers de l'état civil, en tant que référents pour les mariages frauduleux.

Ils seront chargés de conseiller les autres officiers d'état civil dans la conduite des auditions obligatoires et dans la détection des mariages blancs. Cela améliorerait l'expertise en cas de doute.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Chaque maire doit avoir la liberté de déléguer certaines fonctions à ses adjoints comme il l'entend. Il n'est pas opportun que la loi s'immisce dans la gestion quotidienne des communes. De plus, la lutte contre les mariages frauduleux relève plutôt de la compétence du maire. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°176 rectifié est retiré.

L'article 17, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 17

M. le président.  - Amendement n°484 rectifié bis, présenté par Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l'article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est désigné au sein du conseil municipal un correspondant pour les questions relatives à l'égalité femmes-hommes. »

Mme Marie-Pierre Monier.  - Cet amendement instaure un correspondant pour l'égalité femmes-hommes au sein de chaque conseil municipal. L'égalité entre les femmes et les hommes étant un principe républicain, la mesure a toute sa place dans ce texte. Il faut la faire vivre dans nos territoires et la décliner dans les 35 000 communes.

Les officiers d'état civil déplorent un manque de formation, notamment sur les violences sexistes et sexuelles, en particulier en milieu rural où sont commis 56 % des féminicides.

Les élus constituant parfois le premier maillon de la chaîne de prise en charge, l'appui d'un tel correspondant leur serait utile.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - La réponse est la même que pour le précédent amendement. (Mme Laurence Cohen proteste.) Les maires sont libres d'attribuer les délégations comme ils le souhaitent : cela relève de la liberté de gestion des collectivités. Retrait ou avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Il y va en effet de la libre administration des communes. Sagesse néanmoins, au nom de l'égalité hommes-femmes.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Il ne s'agit absolument pas d'une délégation, mais d'un correspondant sur le modèle de celui qui existe dans les communes en matière de défense.

L'amendement n°484 rectifié bis n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 13 h 10.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 40.

Décès d'un ancien sénateur

Mme la présidente.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue, Bernard Hugo, qui fut sénateur des Yvelines de 1977 à 1986.

Respect des principes de la République (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - Je demande la réserve après l'article 55 des amendements portant articles additionnels après l'article 30, à l'article 31 et portant articles additionnels après l'article 31.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Avis favorable.

La réserve est ordonnée.

ARTICLE 18

M. David Assouline .  - Je ne pensais pas, ayant eu à plaider pour la liberté de la presse sous Chirac, sous Sarkozy, sous François Hollande, qu'elle souffrirait autant durant ce quinquennat-ci. Combien de journalistes malmenés, dans l'exercice de leur métier et dans la loi ? À peine votée la loi Sécurité globale que cet article 18 y revient - sans que l'on comprenne la coordination entre deux articles qui se chevauchent.

Vous remettez en cause la liberté de la presse contre l'avis de tous ceux qui la font vivre.

Cet article a une portée très large : il vise toutes les atteintes aux personnes et aux biens. Il est indispensable d'en exclure explicitement les journalistes. Leurs syndicats sont inquiets, pour les journalistes et pour les lanceurs d'alerte.

Faire croire que la liberté de la presse pose problème est une erreur : la loi de 1881 est un outil pour lutter contre le séparatisme. C'est par elle que nous défendrons la démocratie.

M. Julien Bargeton .  - « Nous ne pouvons plus choisir nos problèmes. Ils nous choisissent l'un après l'autre. Acceptons d'être choisis », disait Albert Camus.

La République a choisi, à ses débuts, de traiter de la question sociale, de la séparation de l'Église et de l'État ; elle s'est solidifiée progressivement.

Inversement, les problèmes nous sautent parfois à la figure.

En République, nous vivions dans une séparation entre vie publique et sphère privée, selon la distinction d'Hannah Arendt. La dimension publique, c'est l'espace public physique, mais aussi théorique - l'espace public de la délibération, dit Habermas. Ainsi de ce nouvel espace public virtuel qui est de plus en plus le lieu des attaques haineuses.

Ce texte conforte les principes de la République dans un monde qui a changé, marqué par des phénomènes nouveaux. Redéfinissons ce qu'est l'espace public dans une République au XXIe siècle.

Mme la présidente.  - Amendement n°316, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Sorti par la porte, rentré par la fenêtre, l'article 24 de loi Sécurité globale réapparait ici, élargi à toutes les atteintes à la personne ou aux biens, volontaires ou non.

Cette rédaction imprécise, prévoyant des peines trop sévères, est contraire au principe de la légalité des délits et des peines, et au respect de la liberté d'expression. Supprimons cet article.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°555 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay.  - Tout acte de haine est susceptible d'être réprimé, y compris en ligne. Depuis la loi Avia, nous refusons de laisser aux Gafam cette responsabilité. En République française, c'est le juge qui doit condamner.

Mme Nathalie Goulet.  - Oui.

M. Fabien Gay.  - Cet article 18 ressemble comme deux gouttes d'eau à l'article 24 de la loi Sécurité globale. La liberté de la presse peut être attaquée autant par l'un que par l'autre. C'est pourquoi il faut sécuriser les lanceurs d'alerte.

Abandon de l'article 24, réécriture par le Sénat, puis à nouveau par l'article 18 : l'inflation législative galope et personne n'y comprend plus rien.

Nous voulons la garantie que les images filmées par les journalistes pourront être diffusées, monsieur le ministre.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. Cet article réprime la diffusion de données destinée à nuire aux personnes. Sa rédaction a été précisée en commission des lois pour ne pas porter atteinte à la liberté de la presse.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Un mot d'abord sur la genèse de cet article. Après l'assassinat de Samuel Paty, nous nous sommes interrogés : aurions-nous pu judiciariser plus tôt, et comment ? Qu'aurions-nous pu faire pour éviter le drame, au regard des données factuelles et de la législation ? Rien. C'est désespérant, mais c'est la réalité.

C'est pourquoi nous avons conçu l'article 18 -  dans la concertation, ne vous en déplaise. J'ai reçu les syndicats, les avocats spécialistes de la presse et les patrons de presse.

Je voudrais vous rassurer -  si tant est que vous souhaitiez l'être, mais peut-être préférez-vous rester avec vos certitudes. (M. Fabien Gay proteste.)

Je veux vous parler des faits et de la légalité. Vous avez le droit de placer le problème sur le terrain idéologique.

Cet article 18 a été élaboré avec le parquet national antiterroriste et la Chancellerie. Je le revendique. La période qui a précédé l'assassinat de Samuel Paty a été une bulle mortifère : faute de textes, nous ne pouvions intervenir. Nous le pourrons à l'avenir.

Si vous ne faites pas la différence entre l'article 24 que vous avez réécrit et cet article 18, c'est à désespérer de tout. Lisez-les ! Ils n'ont rien à voir. Vous préférez entretenir la confusion, peut-être à des fins politiques, sans doute parce que l'article 24, avant sa réécriture par le Sénat, avait mobilisé dans la rue. Libre à vous, mais il suffit d'un effort de lecture pour voir la différence.

Vous êtes le grand chantre de la liberté de la presse, dites-vous ? Mais lisez donc ! Faites-vous la différence entre liberté d'informer et intention de nuire ? La Cour de cassation vient de le faire. D'un côté le journaliste qui informe, de l'autre le haineux qui cherche à nuire. Faites la différence, et vous comprendrez que je sois défavorable à ces amendements.

M. David Assouline.  - Je vois que vous attaquez calmement et sereinement ce débat...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je n'aime pas les idéologues.

M. David Assouline.  - M. le garde des Sceaux n'aime pas les idéologues. Nous défendons la liberté de la presse contre votre pseudo-pragmatisme, qui se cache derrière un drame qui nous a tous bouleversés - moi, comme professeur d'histoire-géographie, tout particulièrement.

Les faits, c'est que Pharos a été alerté bien en amont. Mais combien de magistrats avez-vous pour suivre la haine en ligne ? Pharos manque cruellement de moyens, même s'il y a des progrès.

Pas de procès d'intention !

Le délit d'intentionnalité est très difficile à définir. Nous vous demandons d'exclure spécifiquement la presse du champ de l'article.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est fait !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ne faisons pas de procès d'intention. (Mle garde des Sceaux manifeste son agacement.)

Nous souhaitons tous que le drame de Conflans ne se reproduise jamais.

La coexistence de l'article 24 de la loi Sécurité globale, réécrit par la commission des lois et la commission mixte paritaire, et de l'article 18 tel qu'examiné aujourd'hui, semble poser problème. Comment les parquets pourront-ils qualifier correctement ?

Heureusement, la rapporteure a introduit un alinéa sur la presse, mais uniquement sur le respect des procédures.

La loi spéciale prime sur la loi générale, si je me souviens bien de mes cours de droit pénal : la loi de 1881 s'appliquera donc. Est-ce bien le cas, monsieur le garde des Sceaux ? Sinon, mon inquiétude grandit. Nous partageons le but poursuivi, mais il faudrait un article et non deux.

M. Pierre Ouzoulias.  - Séparons le dogme de l'idéologie. L'idéologie met les idées en système, ce qui assure la cohérence de la pensée. J'ai, comme le garde des Sceaux, la plus grande aversion pour le dogme.

Il a manqué, dans le martyr de Samuel Paty, le déclenchement de la protection fonctionnelle. Lorsqu'il a été convoqué au commissariat, il était seul ! Ce n'est pas normal. La protection fonctionnelle doit être de droit pour tout fonctionnaire mis en cause dans l'exercice de ses fonctions.

Sans l'article 40, je l'aurais bien proposé par voie d'amendement. Avec une protection fonctionnelle, la riposte des services de l'État aurait été bien plus rapide.

M. Fabien Gay.  - Nous voulons dialoguer, monsieur le ministre. Nous sommes tous attristés par ce drame, et cherchons des solutions.

Nous proposons de renforcer la protection fonctionnelle, d'augmenter les moyens du service public, et notamment des services de renseignements.

C'est vrai, nous avons du mal à voir la différence entre l'article 18 et 24 sur la liberté de la presse. (Mle garde des Sceaux s'exclame.)

La loi de 1881 consacre la liberté de la presse mais aussi sa responsabilité ; on est passé d'un cautionnement à une responsabilité posteriori. Quiconque s'estime diffamé peut attaquer la presse.

Mais depuis le début de ce quinquennat, on ne cesse de mettre à mal la liberté de la presse, de nous informer, de nous alerter. Je pense à la loi sur le droit des affaires. (M. le garde des Sceaux lève les bras au ciel.)

Avec ces articles 24 et 18, il y aura une autocensure préalable des rédactions. Nous voulons l'éviter.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - En commission des lois, nous avons corrigé le texte pour nous assurer que les journalistes seront protégés.

On aurait pu s'interroger sur le télescopage des deux articles mais ce n'est plus le cas avec la nouvelle rédaction de l'article 24, qui a été adoptée en commission mixte paritaire.

L'article 24 visait initialement un cas particulier ; ce n'est plus le cas dans la rédaction adoptée en CMP, qui crée une infraction sans lien avec la diffusion de données. Soit il y a provocation à l'identification des policiers, gendarmes et douaniers en opération, avec ou sans diffusion de données identifiantes et l'article 24 s'applique, soit il y a diffusion sans provocation et l'article 18 s'applique. La provocation implicite n'existe pas.

L'article 24 tel que rédigé par le Sénat réprime également la création de fichiers.

Si l'intention de nuire est prouvée, cela relève de l'article 18.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Le juge choisira la qualification la plus ciblée pour atteindre son objectif.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je remercie la rapporteure de ce rappel des textes. Je ne dis pas que vous n'avez pas ressenti de l'émotion à l'assassinat de Samuel Paty, ce serait insupportable.

Nous sommes partis des faits en nous demandant comment nous aurions pu intervenir plus tôt -  pour ce qui relève de mon périmètre. C'est ainsi qu'est né l'article 18.

Entendez, monsieur le sénateur, que je sois blessé que vous considériez la défense de la liberté de la presse comme votre monopole. (M. David Assouline s'exclame.)

J'ai commencé fort, avez-vous dit ? Vous aussi, en invoquant vos grands combats, sous Chirac, etc. (M. David Assouline rit.)

Je ne suis pas plus liberticide que vous !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Oh...

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Mme de La Gontrie dit « Oh ». Toujours aimable ! Cela figurera au compte rendu. Soit : je suis un affreux liberticide, vous êtes la lumière de cet hémicycle.

M. Pascal Savoldelli.  - Vous êtes ministre, désormais !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'ai pris toutes les précautions, consulté les syndicats, avocats et patrons de presse - mais vous ne voulez pas l'entendre. Vous voulez être les chevaliers blancs, et que je sois le méchant ministre qui musèle la presse.

L'article 18 ne concerne en rien les journalistes, mais ceux qui propagent la haine.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Évidemment.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'article 20 le prouve. Nous avons précisément exploré le code de procédure pénale pour éviter de toucher à la loi de 1881.

Lisez les articles 18 et 24, si différents ! Vous n'avez pas envie d'être convaincus mais souhaitez faire du bruit. Assumez !

Vous n'avez pas le monopole de la sauvegarde de la liberté de la presse. J'y suis particulièrement attentif, souffrez de l'entendre.

Mme la présidente.  - Je ne peux vous donner la parole sur l'amendement, madame de La Gontrie, mais pour un rappel au Règlement. Pour le fait personnel, c'est en fin de séance.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ceci est un rappel au Règlement sur la tenue des débats. Nous travaillons de manière austère et très impliquée depuis plusieurs jours et nuits.

Au-delà de l'animosité que le garde des Sceaux peut nourrir à l'égard de tel (M. le garde des Sceaux s'en défend.), je souhaiterais, en tant que parlementaire, pouvoir intervenir sans que soient exprimés des qualificatifs grossiers ou insultants.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Vous êtes l'arbitre des élégances !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Parfaite démonstration...

Je ne peux pas, à chaque séance, faire l'objet de propos grossiers.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Qu'ai-je dit de grossier ?

Mme la présidente.  - Il n'est pas de bon usage d'interrompre les orateurs d'un bord ou de l'autre. Chacun a un temps de parole, celui du Gouvernement est illimité.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il y a des caricatures non conformes à la réalité. Depuis plusieurs semaines, Mme de La Gontrie met l'accent sur les problèmes de compatibilité entre l'article 24 et l'article 18. C'est un débat de fond.

Le groupe SER a beaucoup réfléchi sur cet article 18.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Moi aussi.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La protection des journalistes est importante. Nous n'avons pas déposé d'amendement de suppression, mais un amendement de précision, extrêmement important, pour interpréter l'alinéa précédent dans un sens préservant la liberté de la presse. Les propos outranciers n'ont pas lieu d'être, notre position n'est en rien caricaturale.

M. François-Noël Buffet, président de la commission.  - La nouvelle rédaction de l'article 24 par la commission des lois du Sénat sort la loi de 1881 de son champ. Elle a été confirmée par la CMP.

Mme Vérien a précisé l'articulation des deux articles. Relisez l'alinéa 5 de l'article 18 qui exclut les journalistes, qui restent sous le régime de la loi de 1881. Il n'y a pas de polémique.

Les amendements identiques nos316 et 555 rectifié ne sont pas adoptés.

L'amendement n°371 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°419 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Cette disposition n'a pas pour objet et ne peut avoir pour effet de réprimer la révélation ou la diffusion de faits, de messages, de données, de sons ou d'images qui ont pour but d'informer le public alors même que ces informations pourraient ensuite être reprises et retransmises par des tiers dans le but de nuire à la personne qu'elles permettent d'identifier ou de localiser. »

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La loi de 1881 protège les journalistes mais aussi, plus largement, la liberté d'expression. Si nous ne voulons pas empêcher la révélation d'un certain nombre de faits, il faut encore préciser l'article, que la commission des lois a incontestablement amélioré.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. À trop exclure, le principe sera inefficace. Restons-en à la rédaction de la commission des lois.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis. L'exigence qu'il y ait intention de nuire exclut de fait les révélations faites dans un but légitime.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je suis déçu par le laconisme de ces réponses. Notre démarche n'est pas simpliste.

La protection de la vie privée des agents des forces de l'ordre est déjà assurée par les articles 226-1, 222-33-2-2, 222-17 et 226-8 du code pénal, par les articles 24 et 39 de la loi de 1881 et par la loi Informatique et liberté de 1978.

Parallèlement, la liberté de la presse doit être intégralement préservée. Notre amendement est précis et réfléchi, nous avons pesé chaque mot, pour éviter tout détournement. Il protège la liberté de la presse tout en assurant la protection des forces de sécurité. C'est un travail parlementaire sérieux qui améliorera ce texte déjà amélioré par la commission.

M. David Assouline.  - Puisqu'il n'y a ici que des défenseurs de la liberté de la presse, je pensais que, pour éviter tout procès d'intention, on nous accorderait cette précision !

Les attaques contre la liberté de la presse sont une réalité : il n'y a jamais eu autant de journalistes matraqués, molestés lorsqu'ils couvrent des manifestations. Pourtant, tout n'a pas toujours été rose.

Désormais, préventivement, on leur interdit de prendre des images. Le législateur doit mettre le holà. L'information professionnelle par des journalistes est la meilleure arme contre la haine.

En février dernier, Valérie Murat, lanceuse d'alerte sur des pesticides dans des vins HVE, a été condamnée à 125 000 euros d'amende pour dénigrement. Voilà comment on attaque la liberté d'informer.

Mme Françoise Gatel.  - Généralement, le fil du temps court vers l'avenir et non vers le passé...

Nous avons longuement débattu de la loi Sécurité globale. Grâce au travail remarquable de la commission des lois sur l'article 24, nous avons éteint tous les feux, notamment les inquiétudes de la presse.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure.  - Très bien.

L'amendement n°419 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°657, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Au-delà des dogmes et des idéologies - puisque je ferai désormais la différence entre les deux... je veux supprimer l'alinéa 5. (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER)

Je vais vous expliquer pourquoi, vous ricanerez moins.

Cet alinéa, ajouté par la commission des lois du Sénat, prévoit l'application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse alors même que le délit ne serait pas commis par des journalistes ou assimilés. Cela signifierait qu'il ne serait pas possible de placer les auteurs de ces infractions en détention provisoire et priverait le dispositif répressif de son efficacité.

Le nouveau délit n'a pas pour objet de réprimer la diffusion de propos, sons ou images ayant pour but d'informer le public, quand bien même il pourrait être fait usage de ces éléments par une tierce personne dans le but de nuire.

L'équilibre réside dans l'existence d'un élément intentionnel spécifique, afin de réserver l'application du délit aux seules personnes ayant l'intention de nuire.

Mais quelles garanties procédurales ? Là, on ne ricane plus ! Quel délai de prescription de l'action publique ? Ce n'est pas précisé. La poursuite est-elle déterminée par un dépôt de plainte ? Pas de réponse ! La détention provisoire est-elle possible, alors que la loi de 1881 ne le prévoit que pour certains délits ? Il faut préciser les garanties procédurales de la loi de 1881.

Bref, on ne peut pas instituer un délit pour lequel la prescription, les peines et la mise en oeuvre de l'action publique sont aléatoires.

Mme la présidente.  - Amendement n°664, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsque les faits reprochés résultent du contenu d'un message placé sous le contrôle d'un directeur de la publication en application de l'article 6 de la loi du 29 juillet 1881 précitée ou de l'article 93-2 de la loi n 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, le régime de responsabilité et les garanties procédurales prévues par la loi du 29 juillet 1881 sont applicables. »

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Monsieur le garde des Sceaux, vous avez raison sur la première version de l'alinéa 5, qui était trop large. Mais nous avons repris votre rédaction de l'article 20 pour être plus précis. Vous nous dites qu'elle n'est pas complète. Je regrette que nous le découvrions aujourd'hui. Je vous propose que nous maintenions cette sécurité - car c'est un bon signal pour les journalistes - quitte à préciser les pénalités en CMP. Avis défavorable à l'amendement n°657.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - S'agissant des personnes visées, Mme la rapporteure a raison. Ce n'est pas facile car certains journalistes n'ont pas de carte de presse. Le problème est de savoir quelles sont les garanties procédurales qui s'appliquent.

Nous devons extraire les haineux qui viennent se lover dans la loi de 1881 où ils n'ont rien à faire.

Je suis chagriné mais ouvert à la discussion. Sagesse.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - L'amendement du Gouvernement est un mauvais signe. Même si l'amélioration apportée par la commission des lois est selon nous insuffisante, elle est bienvenue. La loi pénale ne peut se permettre d'être floue. La loi de 1881, si elle est complexe, est aussi précise. La prescription et la nature du délit y sont. Je ne suis pas persuadée que le garde des Sceaux ait des raisons de s'inquiéter.

M. Roger Karoutchi.  - Nous avons compris qu'il faut que cela mature, que l'on retravaille le dispositif en CMP. M. le ministre pourrait donc retirer son amendement. La sérénité des débats y gagnerait.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Dans la rédaction initiale, qui souligne l'intention de nuire, les journalistes ne sont par définition pas concernés. La commission des lois instaure une protection supplémentaire en précisant ceux qui resteront protégés par la loi du 1881, comme à l'article 20.

Mais le problème est que l'article 18 crée un nouveau délit - il faut donc préciser quelle garantie de ladite loi s'appliquera.

L'amendement n°657 est retiré.

L'amendement n°664 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°136 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Cabanel, Roux, Corbisez et Gold et Mme Guillotin.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

«  Lorsque les faits sont commis au préjudice d'une personne en situation de handicap ou dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse ou résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. »

Mme Maryse Carrère.  - Les personnes vulnérables doivent faire l'objet d'une protection accrue. Il convient donc de prévoir des circonstances aggravantes en cas de diffusion d'informations malveillantes visant une personne en situation de handicap ou particulièrement vulnérable.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. Les personnes en question ne seraient pas attaquées pour leur nature propre, mais pour leurs fonctions.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cet amendement crée une autre circonstance aggravante, qui ne se superpose pas à la première, au bénéfice des personnes en situation de handicap. Nous le voterons.

L'amendement n°136 rectifié n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous cherchons la meilleure rédaction et refusons la moindre réduction de la liberté de la presse.

Je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes opposés à notre précision visant à exclure la liberté d'informer. Elle est à nos yeux de la plus haute importance car la liberté de la presse doit être intégralement préservée. Nous ne pourrons donc pas voter cet article.

L'article 18, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 18

Mme la présidente.  - Amendement n°137 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier, Cabanel, Roux, Guiol, Corbisez et Gold.

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 131-10 est complété par les mots : « soit, lorsque la condamnation a pour fondement l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, par tout moyen de communication audiovisuelle » ;

2° Le cinquième alinéa de l'article 131-35 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « ou par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique » sont remplacés par les mots : « par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique ou, lorsque la condamnation a pour fondement l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, par un ou plusieurs services de communication audiovisuelle » ;

b) À la deuxième phrase, les mots : « ou les services de communication au public par voie électronique » sont remplacés par les mots : « , les services de communication au public par voie électronique ou, lorsque la condamnation a pour fondement l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les services de communication audiovisuelle ».

M. Stéphane Artano.  - Les médias sont le quatrième pouvoir. Cet amendement donne au juge la possibilité de prononcer une peine de diffusion à la télévision de la condamnation d'une personne ayant provoqué à la commission d'un crime ou d'un délit.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Cela semble plus difficile que dans la presse, où l'information est diffusée dans le numéro suivant.

Avis défavorable, même si j'estime, à titre personnel, que l'idée devrait être retravaillée car son objectif est légitime.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Le code pénal prévoit une diffusion dans la presse écrite et sur internet. Comment publier l'information ? Elle serait diffusée deux cents fois sur une chaîne d'information en continu, une seule fois sur une chaîne du service public. L'arsenal législatif suffit.

Mme Nathalie Goulet.  - Il faudrait aussi diffuser les relaxes, les non-lieux et les acquittements. La presse viole allègrement la présomption d'innocence, mais quand il n'y a pas de condamnation, cela n'intéresse plus personne. J'ai été traînée dans la boue, accusée d'avoir assassiné mon mari -  excusez du peu ! Et quand il n'y a plus rien, pas même une demi-ligne ! La présomption d'innocence est devenue un pipeau péruvien.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cet amendement évoque un vrai problème mais la réponse n'est pas adaptée. Est-il satisfaisant de se limiter à la presse écrite ? Non. J'encourage la Chancellerie à y travailler, avec créativité.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Madame de La Gontrie, vous êtes cordialement invitée à la Chancellerie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je ne discute pas avec ceux qui m'insultent.

L'amendement n°137 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°200 rectifié ter n'est pas défendu

Mme la présidente.  - Amendement identique n°423 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article 226-10 du code pénal, les mots : « ou de non-lieu, » sont remplacés par les mots : « , de non-lieu ou de classement sans suite ».

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Amendement de précision.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. Le classement sans suite n'entraîne pas nécessairement la fausseté d'un fait.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Le classement sans suite peut être décidé par le procureur alors que l'infraction est commise. Un rappel à la loi entraîne un classement sans suite.

Monsieur Sueur, vous avez été bien reçu à la Chancellerie...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je ne vois pas le rapport.

Mme la présidente.  - Les invitations, c'est à la fin de la séance.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est ça, quand on lit L'Obs !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pour pouvoir se plaindre d'une dénonciation calomnieuse, il faut que les faits relatés aient été l'objet d'une procédure.

Le classement sans suite n'est pas une décision judiciaire mais administrative. Certaines juridictions acceptent toutefois que l'on se fonde sur le classement sans suite pour se défendre de la calomnie.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Lorsqu'il y a prescription, il y a classement sans suite, mais cela ne signifie pas que les faits n'existent pas. Dans mon département, il y a ainsi un violeur qui le reste, même après prescription. Il ne doit pas pouvoir être innocenté.

L'amendement n°423 rectifié n'est pas adopté.

L'article 18 bis A est adopté.

L'article 18 bis est adopté.

ARTICLE 19

M. David Assouline .  - Il faut lutter contre les sites miroirs qui font réapparaître les contenus illicites.

Saluons le retour du juge dans le dispositif grâce à l'Assemblée nationale.

Mais l'autorité administrative reste compétente pour identifier les cas. Le critère proposé est celui du « contenu identique ou équivalent ». Cela manque de précision et peut conduire à porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) recommande que les critères pour apprécier le caractère équivalent soient explicités par la loi et que l'autorité judiciaire en précise le contenu.

Nous regrettons que la majorité sénatoriale n'ait pas pris ce parti.

Mme la présidente.  - Amendement n°244 rectifié, présenté par M. Mizzon, Mmes Thomas et Belrhiti, MM. Duffourg, Masson, Canevet, Delahaye, P. Martin, Kern, Cuypers, J.M. Arnaud et Moga, Mme Herzog, MM. Bouchet et Le Nay et Mme Bonfanti-Dossat.

Supprimer cet article.

Mme Christine Bonfanti-Dossat.  - Cet article est purement déclaratif puisqu'il ne prévoit aucune sanction si les hébergeurs ou les fournisseurs d'accès à internet refusent la demande des autorités. Il rappelle simplement des dispositions existantes, sans imposer la moindre obligation. Il risque donc de s'avérer totalement inefficient.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°570 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

M. Pierre Ouzoulias.  - Nous revivons le débat de la loi Avia - sévèrement censurée par le Conseil constitutionnel. Pour une fois, l'Union européenne s'est saisie du sujet et va revoir la législation. Ce que vous proposez risque d'être complètement dépassé.

J'ai déféré un tweet de M. le ministre de l'Intérieur en référé, démontrant par l'absurde, malgré ma condamnation, l'inefficacité du dispositif.

Faute de pouvoir obliger les portails à fournir des éléments à la justice, hélas, nous sommes démunis. Il faut une réflexion plus générale sur le statut d'hébergeur.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Nous devons lutter contre les sites miroirs. La loi autorise déjà l'administration à saisir les hébergeurs pour interdire l'accès aux sites malfaisants et les déréférencer des moteurs de recherche, mais il faut pouvoir le faire pour leurs copies sans nouvelle procédure.

Avis défavorable aux amendements identiques nos244 rectifié et 570 rectifié bis.

La commission aurait préféré un nouveau texte à une réintégration de toute la proposition de loi par amendement. Mais le Digital services act (DSA) risque de ne pas être adopté avant longtemps, ce qui explique que nous ayons conservé ces dispositions. Il est urgent d'agir.

M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.  - Le texte européen a été présenté le 15 décembre 2020, le texte du Gouvernement le 8 décembre. Il n'était donc pas possible d'en tenir compte.

Une fois le texte européen analysé, nous avons déposé un amendement à l'Assemblée nationale pour le pré-transcrire dans notre droit.

Nous aurions préféré une autre temporalité, mais nous n'avions pas la main sur le processus européen. Des sites illégaux sont bloqués par la justice française - ce pour quoi il faut plusieurs mois, tandis qu'il ne faut que vingt-quatre heures pour qu'ils soient remis en ligne avec simplement une extension différente.

Les procédures judiciaires sont inadaptées face aux sites miroirs.

La proposition de loi Avia avait donné lieu à un débat, certains estimant que la demande faite aux hébergeurs ou aux fournisseurs d'accès de fermer les sites identiques devait émaner de l'autorité judiciaire.

Nous proposons que le juge puisse ordonner la fermeture par avance d'un site identique ou similaire au site existant.

L'absence de sanction en cas de refus, de la part d'un hébergeur ou d'un fournisseur d'accès, de fermer un site, ne rend pas l'article inopérant. Ce n'est jamais arrivé : ils accèdent aux demandes, à condition qu'elles soient formalisées. Cet article 19 est tout à fait indispensable. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Les amendements identiques n°244 rectifié et 570 rectifié bis ne sont pas adoptés

Mme la présidente.  - Amendement n°639, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Au 8 du I de l'article 6, les mots : « L'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 » sont remplacés par les mots : « Le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut prescrire, à toute personne susceptible d'y contribuer ;

II.  -  Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

aux personnes mentionnées aux 1 ou 2 du I du même I

par les mots :

à toute personne susceptible d'y contribuer

III.  -  Alinéa 8

Remplacer les mots :

l'autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner

par les mots :

le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut prescrire

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Nous visons les fournisseurs d'accès internet et les hébergeurs pour bloquer les sites miroirs. Actuellement, pour des raisons techniques, les hébergeurs peuvent être empêchés d'accéder à la demande de la justice.

Le député Bothorel nous a saisis de ce problème, mais son amendement nécessitait d'être retravaillé. La justice doit pouvoir enjoindre toute partie technique concernée, et pas seulement les hébergeurs et les fournisseurs d'accès, de bloquer le site.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°680 à l'amendement n° 639 du Gouvernement, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

Amendement n° 639

Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Alinéa 9

Remplacer les mots :

aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la présente loi au titre

par les mots :

au premier alinéa

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Nous serions favorables à cette solution si l'on intègre les surcoûts pour les fournisseurs d'accès, qui ne tirent pas de bénéfice de ces sites. Le Conseil d'État croit cette précision inutile mais le Conseil constitutionnel a l'opinion inverse.

Mme la présidente.  - Amendement n°638, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable au sous-amendement n° 680. Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dès lors que les surcoûts sont conséquents, l'État doit les rembourser. S'ils sont négligeables, le Conseil d'État a jugé que ce n'était pas nécessaire. C'est le cas ici.

M. David Assouline.  - Quels les moyens l'État a-t-il dégagés pour repérer ou traiter les signalements, qui sont en croissance exponentielle - 200 000 l'année dernière ? Sommes-nous correctement outillés pour traiter judiciairement les faits ? Il y a trente-et-une personnes chez Pharos et six magistrats pour l'ensemble des atteintes à la loi sur le Net. C'est mieux que quatre, comme naguère, mais ce n'est pas suffisant.

L'inflation législative n'est-elle pas un palliatif à ce manque de moyens concrets ?

Mme Esther Benbassa.  - Le Gouvernement et Mme Avia utilisent ce projet de loi pour réintroduire une proposition de loi largement censurée par le Conseil constitutionnel. Ce n'est pas le bon véhicule. La censure des publications en ligne nécessite une loi spécifique.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Une étude attentive de la décision du Conseil constitutionnel révèle que seul l'article premier a été censuré sur le fond. Les articles 2 à 4 ont été censurés par voie de conséquence. On peut discuter de l'opportunité de pré-transposer un règlement européen, mais il est un peu rapide de soutenir que l'on réintroduirait par la fenêtre la loi Avia, censurée par le Conseil constitutionnel.

Le parquet national n'est pas le seul compétent pour les affaires en question. Il serait faux de ne compter que les procureurs attachés à la chambre spécialisée de Nanterre. Au reste, nous ne résoudrons jamais ces problèmes en nous contentant d'augmenter les effectifs. Même avec 2 500 magistrats spécialisés, nous ne pourrons pas poursuivre toutes les infractions commises sur internet.

Dans la rue, si vous insultez quelqu'un, la plupart du temps, il ne se passe rien. Les paroles s'envolent. Sur internet, en revanche, l'injure demeure et, potentiellement, est visible par des milliers, voire des millions de personnes.

Monsieur Assouline, nous appartenions tous les deux à la même majorité, qui n'a pas fait assez. Celle d'aujourd'hui n'en fait peut-être pas assez non plus... Mais cela ne suffira jamais.

Nous n'éviterons pas la question principielle : la gravité d'une insulte dépend-elle de sa propagation ?

M. Pierre Ouzoulias.  - En effet, les articles 2 à 4 n'ont pas été examinés par le Conseil constitutionnel, à la suite de la censure de l'article premier.

Le modèle économique des Gafam repose sur l'économie de l'attention : la violence, la diffamation engendrent l'attention et la diffusion. Avec la présidente Primas, nous avions suggéré un autre système économique passant par l'interopérabilité. Il faut s'attaquer à ce modèle.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable à l'amendement n°638 et favorable au n°639 s'il est sous-amendé.

Le sous-amendement n°680 est adopté.

L'amendement n°639, sous-amendé, est adopté.

L'amendement n°638 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°609, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 5

Après les mots :

d'empêcher l'accès à tout service de communication au public en ligne

rédiger ainsi la fin de cet alinéa : 

reprenant le contenu du service visé par ladite décision en totalité ou de manière substantielle.

M. Julien Bargeton.  - Cet amendement est un compromis, une rédaction intermédiaire entre celles des deux assemblées.

Le présent projet de loi introduit un article 6-4 dans la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. L'Assemblée nationale en a considérablement étendu le champ, en disposant qu'un « site miroir » peut être entendu comme un service de communication au public en ligne ayant un contenu équivalent à tout ou partie du contenu du service visé par une précédente décision de justice. Le site miroir ne concernait donc plus seulement la reprise totale ou substantielle.

La commission des lois du Sénat quant à elle, en posant que l'autorité administrative ne peut apprécier de manière autonome le contenu des sites en question, a restreint de façon excessive la portée et l'efficacité du dispositif. Nous revenons à la rédaction initiale.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°609 est adopté.

L'article 19, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 19

Mme la présidente.  - Amendement n°179 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher et Meurant, Mme Joseph, MM. Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mme Bourrat et MM. Segouin et Tabarot.

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, après le mot : « humanité », sont insérés les mots : « y compris les crimes de génocide ».

Mme Sabine Drexler.  - Cet amendement ajoute à l'apologie des crimes contre l'humanité, la négation et la banalisation des crimes de génocide.

La pénalisation reste inconstitutionnelle. En 1990, le législateur a fait du négationnisme un délit de presse. La loi Gayssot a interdit de contester publiquement un ou plusieurs crimes contre l'humanité, au premier du rang desquels la Shoah.

Après le principe, voté en 1998 à l'Assemblée nationale, la France a adopté la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.

Allons plus loin, pour éviter toute concurrence des mémoires et toute inégalité de traitement entre les victimes et leurs descendants. De nombreux descendants du génocide arménien ont trouvé refuge en France et sont devenus Français. Face au négationnisme - y compris d'État - on doit s'en remettre non à l'arbitraire communautaire mais à la justice de la République.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - La commission des lois a refusé d'étendre le champ des contenus haineux au-delà du texte initial. Avis défavorable. Chacun pourrait ajouter sa cause. En outre, ce dispositif a été déjà censuré deux fois par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable, d'autant que l'article 19 bis A répond à votre souci.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°179 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°420 rectifié, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifié :

1° Après le mot : « humaine », sont insérés les mots : « et au libre choix des personnes à disposer de leur corps » ;

2° La dernière phrase est complétée par les mots : « ainsi qu'à l'article L. 2223-2 du code de la santé publique » .

Mme Marie-Pierre Monier.  - Les tentatives d'entrave numérique à l'IVG sont des atteintes aux principes de la République, commises sous couvert d'information neutre. Les conséquences humaines sont trop graves pour que nous laissions opérer les sites de désinformation. Un délit d'entrave numérique a été instauré en 2017, mais l'interprétation du Conseil constitutionnel est trop restrictive. Aucun site de ce type n'a pu être condamné depuis.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement n°420 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°250  sexies, présenté par MM. Malhuret, Chasseing, Guerriau, Lagourgue et Wattebled, Mme Mélot, M. Decool, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc et Gold, Mme Vermeillet, MM. Kern, Fialaire, de Belenet, Cigolotti et Mizzon, Mme V. Boyer, MM. Bonne, Milon et Laugier, Mme Loisier, MM. Lévrier, Longuet, Mandelli et Burgoa, Mme C. Fournier, M. Charon, Mmes Drexler et Richer, M. Savin, Mme Puissat, M. Louault, Mme L. Darcos, MM. Brisson, Genet et Delahaye, Mme Saint-Pé, M. Klinger, Mmes Havet et Duranton, M. Buis, Mme Guidez, MM. Laménie, Saury et Yung, Mme Férat, M. Moga, Mme Di Folco, M. Bouchet, Mme Schillinger, M. Lefèvre, Mmes Demas et Billon, MM. Rojouan, Vogel, Levi, Chauvet et Meurant, Mme Herzog, MM. Rohfritsch et Longeot, Mme Doineau, MM. Verzelen, Menonville et Médevielle, Mme Guillotin, MM. Requier et de Nicolaÿ, Mme de Cidrac, MM. Bonhomme, P. Martin et Houpert, Mme Schalck, M. J.M. Arnaud, Mme Perrot, M. Capus, Mme Jacquemet et MM. Husson et Rapin.

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 6 du I de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« .... Les personnes mentionnées au 2 du présent I sont civilement et pénalement responsables des informations qu'elles stockent pour mise à disposition du public, dès lors qu'elles effectuent sur ces informations un traitement par algorithme, modélisation ou tout autre procédé informatique, afin de classer, ordonner, promouvoir, recommander, amplifier, ou modifier de manière similaire la diffusion ou l'affichage de ces informations, à moins qu'il ne soit chronologique, alphabétique, aléatoire, ou fondé sur la quantité ou la qualité des évaluations attribuées par les utilisateurs. »

M. Claude Malhuret.  - Les réseaux sociaux sont devenus dangereux. Ils injurient, blessent et commencent à miner la démocratie.

Pour l'heure, nous échouons à y mettre bon ordre - dans tous les pays. Et ce, parce que nous avons cédé à l'argumentation des plateformes et de leurs lobbyistes, alors qu'elles ne sont décidément pas de simples hébergeurs, exonérés de toute responsabilité quant aux contenus illicites. Leur modèle économique les conduit à sélectionner et promouvoir les contenus les plus extrêmes, les plus polémiques, ceux qui génèrent le plus de vues, de messages, donc de fric. Les algorithmes dégradent la visibilité des contenus normaux, mettent en avant les plus dangereux.

Cette sélection est bien un choix de contenus. Je souhaite maintenir l'exonération de responsabilité pour les purs hébergeurs, mais rendre les autres responsables devant le juge pour les contenus qu'elles diffusent.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Responsabiliser les plateformes est un combat utile, mais cet amendement contrevient au droit européen. Ces plateformes sont actuellement régies par la directive e-commerce. Les réflexions en cours au niveau européen sur le statut d'hébergeur permettront d'avancer.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - La démocratie, la société se portent-elles mieux avec les réseaux sociaux ? Je n'en suis pas sûr. La désintermédiation a été enthousiasmante au début. Mais l'équilibre actuel n'est pas le meilleur.

Transformer les réseaux sociaux en hébergeurs n'est faisable ni politiquement, ni démocratiquement. Néanmoins la notion de tierce responsabilité est au coeur des réflexions européennes autour du Digital services act.

Souvent, la plateforme enferme la communication dans des silos informationnels. Nous ne considérons pas les plateformes comme des éditeurs, mais pas non plus comme des simples hébergeurs. Ce sont des accélérateurs de contenus. Il faut approfondir la régulation, mais il serait abusif de les considérer comme des éditeurs - ce serait tuer le modèle.

Mme Nathalie Goulet.  - Je rejoins l'argumentation de M. Malhuret. Vous craignez de tuer ce modèle, mais c'est lui qui nous tuera ! N'oublions pas que Twitter est allé jusqu'à fermer le compte de Donald Trump. Leurs comités de régulation vont loin !

M. David Assouline.  - Les dangers, nous le voyons, sont considérables. Les États n'ont pas encore trouvé les moyens d'assurer une police efficace.

Dans ces conditions, on ne peut pas considérer les plateformes seulement comme des accélérateurs. Un contenu simplement « posté », même non « accéléré », peut occasionner des dégâts majeurs.

Quand une plateforme supprime le compte du président des États-Unis, n'est-ce pas liberticide ? On mesure l'ampleur prise par ces structures. L'appel à l'invasion du Capitole a été lancé sur les réseaux sociaux, et ceux-ci n'ont aucune responsabilité ? Monsieur le ministre, je vous trouve bien complaisant, quand vous invoquez le modèle à préserver. Il faut mettre les plateformes au pas.

M. Pierre Ouzoulias.  - L'invasion du Capitole par des monstres qui voulaient assassiner des sénateurs a été rendue possible par des appels sur les réseaux sociaux. Quel terrible avertissement ! Le spectacle de la démocratie impuissante a été suivi par la planète entière.

Les plateformes se placent, nolens volens, en dehors des règles démocratiques. Hadopi doit pouvoir se faire communiquer des algorithmes mais n'y parvient pas. Trêve d'irénisme, il faut envoyer un message politique fort. Nous voterons l'amendement.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Vous m'accusez à la fois d'être iréniste et liberticide, il faudrait savoir !

Monsieur Assouline, les plateformes ne peuvent être responsables pour chacun des contenus, à moins de tout filtrer avant mise en ligne. Vous défendez l'exact contraire de votre position sur la loi Avia.

Superviser la politique de modération, c'est ce que prévoit le Digital services act. Rendre les plateformes responsables de chaque contenu n'est pas une approche juridique sensée.

Mme Esther Benbassa.  - Je suis sensible à la proposition de M. Malhuret. Il faut responsabiliser Facebook et les autres plateformes dont les algorithmes favorisent la propagation des contenus haineux. Je voterai l'amendement.

M. Claude Malhuret.  - Cet amendement va-t-il tuer les réseaux sociaux ? Ils en ont vu d'autres. Il s'agit de changer un modèle économique délétère.

Mon amendement ne porte pas sur le statut - hébergeur, éditeur ou tiers statut. Il rend les plateformes responsables de leurs algorithmes pour la sélection des contenus. Non, elles ne seront pas obligées de vérifier un par un chaque contenu. C'est l'algorithme qui est visé.

Les plateformes redoutent cette évolution et s'abritent derrière le secret de fabrication. Il y a surtout, derrière les algorithmes, de sales petits secrets. N'attendons pas la Commission européenne et le Congrès américain et soyons à l'origine d'une loi de régulation. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Mais votre amendement rend les plateformes pénalement responsables de chaque contenu.

Les responsabiliser pour leurs algorithmes, c'est précisément ce que nous ferons avec l'article 19 bis.

L'amendement n°250 rectifié sexies est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°500 rectifié, présenté par M. Ravier.

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, sont insérés deux articles 6-1-1 et 6-1-2 ainsi rédigés :

« Art. 6-1-1.  -  Le fait de retirer, de restreindre ou de suspendre la diffusion d'un contenu ou d'une activité dont l'illicéité n'est pas manifeste sur une plateforme en ligne au sens du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation qui propose un service de communication au public reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics est puni d'un an d'emprisonnement et de 250 000 euros d'amende. Le fait de supprimer, de suspendre ou de restreindre l'accès à cette plateforme en raison de la diffusion d'un contenu ou d'une activité dont l'illicéité n'est pas manifeste est puni des mêmes peines.

« Art. 6-1-2.  -  L'autorité judiciaire peut prescrire en référé à tout opérateur de plateforme en ligne au sens du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation qui propose un service de communication au public reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics de mettre fin sans délai à un fait qu'elle estime relever de l'interdiction mentionnée à l'article 6-1-1 de la présente loi ou aux conséquences de ce fait.

« Elle se prononce dans un délai de quarante-huit heures.

« La procédure est entièrement dématérialisée et, sauf opposition de l'une des parties, l'audience a lieu par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication permettant de certifier l'identité des personnes et de garantir la qualité de la transmission. »

M. Stéphane Ravier.  - Il faut interdire aussi la censure de propos licites par ces réseaux, pour que la liberté d'expression cesse d'être entravée par ces géants. Ce sont parfois des publications d'élus et de parlementaires qui sont visées. Toujours sur le même sujet : l'immigration et l'islamisme. Notre collègue Meurant en a fait les frais lorsqu'il a publié la photo d'une femme en burqa tout en rappelant la loi.

Il faut réguler ces plateformes pour garantir la liberté d'information.

La censure récente d'une Une de Charlie Hebdo présentant Erdo?an dénudé - certes pas d'une grande finesse - relève d'une censure inacceptable. Le sultan turc n'aurait pas fait mieux.

Défendons la liberté d'expression numérique !

Mme la présidente.  - Amendement n°169 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher et Meurant, Mme Joseph, MM. Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler et MM. Genet, Savary, H. Leroy, Segouin et Tabarot.

Après l'article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 6-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 précitée, il est inséré un article 6-... ainsi rédigé :

 « Art. 6-....  -  Le fait de retirer, de restreindre ou de suspendre la diffusion d'un contenu ou d'une activité dont l'illicéité n'est pas manifeste sur une plateforme en ligne au sens du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation qui propose un service de communication au public reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics est puni d'un an d'emprisonnement et de 250 000 euros d'amende. Le fait de supprimer, de suspendre ou de restreindre l'accès à cette plateforme en raison de la diffusion d'un contenu ou d'une activité dont l'illicéité n'est pas manifeste est puni des mêmes peines. »

Mme Sabine Drexler.  - L'auteur des propos bloqués ne dispose d'aucune voie pénale spécifique pour faire cesser l'entrave à la liberté d'expression que constitue ce blocage. Il est seulement prévu par la loi du 21 juin 2004 que le signalement abusif d'un contenu aux hébergeurs en vue d'en obtenir le retrait est sanctionné pénalement, mais la plainte ne vise pas tant la plateforme qu'un autre utilisateur.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Une plateforme n'est pas un service public. Les contenus même licites peuvent faire l'objet d'une modération selon les règles qu'applique l'entreprise. En outre, l'imputabilité est douteuse : qui enverra-t-on en prison ? Le directeur de Twitter ou le modérateur ? Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable.

L'amendement no500 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n° 169 rectifié bis.

Les articles 19 bis A et 19 bis B sont adoptés.

ARTICLE 19 BIS

M. David Assouline .  - La question du respect des droits fondamentaux en matière numérique appelle un débat de fond.

Je souscris à l'objectif de cet article, mais est-il opportun d'examiner ces dispositions avant le texte européen ? Le Gouvernement se précipite, alors qu'un débat de société est nécessaire.

Au-delà du déclaratif, quid des moyens mobilisés, des sanctions prévues ? Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) verra-t-il ses moyens renforcés ?

M. Julien Bargeton.  - Parfois, on nous reproche au contraire d'être à la traîne de l'Europe... Je me réjouis que nous posions les termes du débat mais ce texte n'épuisera pas le sujet de la régulation des grandes plateformes.

Il y a plus de 2,7 milliards de terriens actifs sur Facebook, plus de 1 milliard sur Instagram et 300 millions sur Twitter. Ces entreprises-États sont devenues surpuissantes. À l'opposé, il y a la Chine, État-entreprise qui met en place un contrôle absolu des réseaux sociaux.

Évitons à la fois Charybde et Scylla : il faut inventer le modèle de l'État démocratique entre ces deux modèles répressifs.

Mme la présidente.  - Amendement n°317, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - L'article 19 bis reprend en grande partie le dispositif de la loi Avia, objet de nombreuses censures par le Conseil constitutionnel.

Ses dispositions, qui visent essentiellement à renforcer les pouvoirs de sanction du CSA, n'ont pas leur place dans ce texte et portent atteinte à la liberté d'expression.

Internet est un espace de liberté d'expression, de communication et de critique des pouvoirs publics. Quel rapport avec la lutte contre le séparatisme ? Ne nous trompons pas de combat !

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Le dispositif est fragile au regard du droit européen, mais permet d'avancer. Et les éléments repris de la loi Avia ne sont pas ceux qui ont été censurés. Défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Défavorable. Le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur le fond de ces dispositions, invalidées uniquement par voie de conséquence. Ce sont les articles 2 à 4 de la proposition de loi Avia qui avaient fait l'objet de censures.

Je ne suis pas sûr que le groupe écologiste au Parlement européen trouve ce dispositif liberticide...

L'amendement n°317 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°424 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Au début, les mots : « À ce titre, elles doivent » sont remplacés par les mots : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2 doivent également » ;

II.  -  Après l'alinéa 9

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...°Après le même quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Après notification par une ou plusieurs personnes, tout contenu dont il apparaît qu'il contrevient manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du présent 7 doit faire l'objet dans les vingt-quatre heures d'un retrait ou doit être rendu inaccessible à titre provisoire. Ce retrait reste en vigueur jusqu'à sa validation par le tribunal de grande instance statuant en référé saisi par les personnes mentionnées aux 1 et 2. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine.

« Le fait de ne pas respecter l'obligation définie à l'alinéa précédent est puni des peines prévues au I du VI. » ;

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Comment encadrer au plan judiciaire le retrait des contenus manifestement illicites ? Nous proposons, comme dans la loi Avia, une obligation de retrait en 24 heures avec validation par le juge des référés. Ce système combine urgence du retrait et garantie des libertés publiques.

Mme la présidente.  - Amendement n°598 rectifié, présenté par MM. Savin, Brisson, Savary et Kern, Mme Primas, MM. Rapin, Laugier, Mandelli et Belin, Mme Demas, M. Sol, Mmes Vermeillet, V. Boyer et Puissat, MM. Darnaud, Genet, D. Laurent, Boré et Le Rudulier, Mmes Gosselin, Goy-Chavent et Imbert, MM. Chasseing, Laménie, Lefèvre et Regnard, Mme Belrhiti, MM. Decool et Moga, Mme Mélot, MM. Lagourgue et Bouchet, Mmes Billon et Deroche, MM. Burgoa, Allizard, Vogel et A. Marc, Mmes Gruny et Herzog, MM. Bonne et H. Leroy, Mmes Lassarade et Boulay-Espéronnier, M. Le Gleut, Mmes Ventalon et Di Folco, MM. Hingray et Duffourg, Mmes Schalck, Muller-Bronn, Canayer et Dumont, MM. E. Blanc et Wattebled, Mme Berthet, MM. Segouin, Somon, Longeot et Sautarel, Mme Bourrat, MM. Levi et Malhuret, Mme Saint-Pé, M. Détraigne et Mme N. Delattre.

Alinéa 11

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 6-5.  -  Les opérateurs de plateforme en ligne définis à l'article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le classement, le référencement ou le partage de contenus mis en ligne par des tiers et dont l'activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu'ils soient ou non établis sur le territoire français, sont tenus de retirer ou de rendre inaccessible, dans un délai de vingt-quatre heures, tout contenu contrevenant manifestement aux dispositions de l'article L. 222-17 du code pénal ou incitant manifestement à commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Lorsqu'il est saisi dans les conditions prévues au présent article, l'opérateur n'est tenu d'apprécier le caractère manifestement illicite qu'au regard du signalement qui lui en est fait.

« Les opérateurs de plateforme en ligne définis à l'article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le classement, le référencement ou le partage de contenus mis en ligne par des tiers et dont l'activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu'ils soient ou non établis sur le territoire français, concourent à la lutte contre la diffusion publique des contenus contrevenant aux dispositions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l'article 6 de la présente loi ainsi qu'à l'article 24 bis et aux troisième et quatrième alinéas de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. À ce titre :

M. Stéphane Le Rudulier.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°608 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I.  -  Alinéa 11, première phrase

Remplacer les mots :

la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics 

par les mots :

le classement, le référencement ou le partage de contenus 

II.  -  Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« I.  -  Les opérateurs définis au premier alinéa qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le partage de contenus mis en ligne par des tiers :

III.  -  Alinéas 12, 16 à 20, 22 et 32

Supprimer le mot :

Ils

IV.  -  Alinéa 37

Supprimer le mot :

ils

V.  -  Alinéa 44

Remplacer la mention :

9° 

Par la mention :

II.  -  

VI.  -  Alinéa 45

Remplacer la mention :

a) 

par la mention :

1° 

VII.  -  Alinéa 46

Remplacer la mention :

b)

par la mention :

2° 

VIII.  -  Alinéa 47

Remplacer la mention :

c) 

par la mention :

3° 

IX.  -  Alinéa 48

Remplacer la mention :

10° 

par la mention :

III. 

X.  -  Alinéa 56, première phrase

Remplacer la référence :

9° 

par la référence :

II

M. Julien Bargeton.  - La commission des lois a exclu les moteurs de recherche du champ du dispositif. Cela peut s'entendre. En revanche, eu égard au rôle que jouent les grands moteurs de recherche dans l'accès aux contenus en ligne, il faut leur appliquer plusieurs obligations.

Cet amendement d'équilibre les oblige uniquement à évaluer les risques systémiques liés à leurs services, à prendre des mesures pour atténuer ces risques et à en rendre compte au CSA.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°681 à l'amendement n° 608 rectifié de M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

Amendement 608 rect.

I. - Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

Après la référence:

« Art. 6-5.  -  

insérer la référence :

I A.  -

et remplacer les mots :

II. - Après l'alinéa 5

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Alinéa 11, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III. - Alinéa 8

Remplacer la référence :

premier alinéa

par la référence :

I A

et après le mot :

contenus

insérer le mot :

publics

IV - Alinéa 13

remplacer le mot :

le

par les mots

la seconde occurrence du

V. - Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

... - En conséquence, alinéas 4 (deux fois), 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 26, 33, 38, 39, 41, 44 (deux fois), 45, 48, 55 (deux fois), 59 et 69

remplacer la référence :

premier alinéa

par la référence :

I A

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Sous-amendement de coordination.

Mme la présidente.  - Amendement n°435, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 11

Remplacer les mots :

la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics

par les mots :

le classement ou le référencement au moyen d'algorithmes informatiques ou le partage de contenus proposés ou

M. David Assouline.  - Conformément à notre position sur la loi Avia, nous souhaitons réintroduire les moteurs de recherche dans le champ de la régulation du CSA.

Ils en ont été exclus en commission des lois au motif que la nouvelle régulation devait se concentrer sur les réseaux sociaux à fort trafic. Ces derniers constituent les principaux vecteurs d'échanges de propos haineux illicites, certes, mais cette justification ne suffit pas.

Au contraire, l'intégration des moteurs de recherche s'impose, en raison de leur capacité à accentuer la viralité des contenus haineux.

Mme la présidente.  - Amendement n°436, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I.  -  Alinéa 17

Supprimer les mots :

internes et

II.  -  Alinéa 18

Supprimer les mots :

et des recours internes

III.  -  Alinéa 25

1°  Supprimer les mots :

internes et

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Tout contenu notifié dont il apparaît qu'il contrevient manifestement aux dispositions mentionnées au premier alinéa du présent article doit faire l'objet dans les vingt-quatre heures d'un retrait ou doit être rendu inaccessible, à titre provisoire.

IV.  -  Alinéa 26

Après le mot :

inaccessible

insérer les mots :

à titre provisoire

V.  -  Alinéa 29

Supprimer les mots :

internes et

VI.  -  Après l'alinéa 31

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La décision mentionnée au même d reste en vigueur jusqu'à sa validation par le tribunal judiciaire statuant en référé saisi par la personne à l'origine de la publication d'un contenu ayant fait l'objet d'une décision de retrait ou de rendu inaccessible. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. »

VII.  -  Alinéas 32 à 36

Supprimer ces alinéas.

M. David Assouline.  - Le recours prévu au bénéfice des personnes qui voient leurs contenus supprimés par les plateformes ne va pas assez loin.

Seule l'autorité judiciaire devrait évaluer, au cas par cas, les recours formés par les utilisateurs contre des opérations de modération. Il est important de s'appuyer sur les juges, car la censure est une pente dangereuse.

C'est pourquoi nous proposons d'instaurer une décision de retrait ou de blocage de 24 heures, à titre provisoire, d'un contenu haineux manifestement illicite, jusqu'à la validation par le tribunal judicaire statuant en référé.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - L'amendement n°424 rectifié introduit une sorte de référé confirmation. Il a déjà été rejeté deux fois par le Sénat. Ce mécanisme n'est pas totalement opérationnel. Avis défavorable.

L'amendement n°436, également rejeté par le Sénat dans la proposition de loi Avia, n'est pas plus praticable. Avis défavorable.

L'amendement n°598 rectifié reprend une disposition censurée par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable, comme à l'amendement n°435, contraire à la position du Sénat.

Avis favorable à l'amendement n°608, qui vise uniquement les grands moteurs de recherche et la vigilance systémique, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n°681.

Avis défavorable à l'amendement n°435.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis défavorable aux amendements nos424 rectifié, 598 rectifié et 436. Avec ou sans juge, comment traiter en 24 heures de tels flots de messages, même en référé ? Il y a un risque de sur-censure.

Avis favorable à l'amendement n°608 rectifié, pour les raisons exposées par la rapporteure. Je demande le retrait de l'amendement n°435, au bénéfice du premier.

Sur le sous-amendement de la commission des lois, sagesse. La rédaction devra être retravaillée dans la suite de la navette.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je soutiens fortement l'amendement n°424 rectifié. Tôt ou tard, on en viendra à un dispositif de ce type. Le mal est fait, instantanément, pour la victime d'attaques haineuses. La suspension du message est la seule manière de la protéger. Ce n'est pas exorbitant !

L'intervention du juge est la garantie absolue pour éviter l'arbitraire. Le dispositif de référé permet d'aller vite tout en garantissant le respect des libertés. Si on le mettait en oeuvre, l'effet dissuasif serait très important.

M. David Assouline.  - Je retire l'amendement n°435 au profit de l'amendementn°608 rectifié - même si on aurait aussi bien pu faire l'inverse.

L'amendement n°435 est retiré.

Les amendements nos424 rectifié et 598 rectifié ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement n°681 est adopté.

L'amendement n°608 rectifié, sous-amendé, est adopté.

L'amendement n°436 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°665, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

du présent I

II.  -  Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

du présent 7

L'amendement rédactionnel n°665, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°434, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 16, seconde phrase

Remplacer le mot :

rapide

par les mots :

dans un délai de quarante-huit heures

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La mise en place d'un point de contact unique faisant office d'interface entre les autorités publiques et les opérateurs pour la mise en oeuvre des mesures visant à lutter contre la haine en ligne est un progrès. Mais prévoir un délai de traitement « rapide » est peu opérant : nous préférons un délai de 48 heures.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable, car certaines décisions ne requièrent pas de rapidité particulière. Laissons le CSA apprécier.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°434 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°601, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 21

Supprimer les mots :

d'indépendance, 

M. Julien Bargeton.  - La commission des lois a utilement prévu l'obligation de désigner des « signaleurs de confiance » dont les notifications font l'objet d'un traitement prioritaire. C'est cohérent avec le Digital Services Act et avec la récente mise en place par certaines plateformes de procédures de traitement accéléré des plaintes et des signalements provenant d'entités publiques comme Pharos, ou d'associations de lutte contre la haine ou les discriminations sur internet.

Toutefois, la commission impose un critère général d'indépendance pour ces groupements. Tenons-nous en aux garanties de diligence et d'objectivité, doublées des exigences de transparence et de non-discrimination.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Nous vous proposons de rectifier votre amendement en précisant « indépendance à l'égard des opérateurs ». Avis favorable dans ce cas.

M. Julien Bargeton.  - Certaines plateformes financent ces signaleurs de confiance. Il serait dommage de sanctionner des pratiques plutôt positives, qu'il faudrait plutôt encourager.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je suis du même avis que M. Bargeton, ce qui ne vous surprendra pas.

De nombreuses associations pour la protection de l'enfance ou la lutte contre le racisme ou l'homophobie ont des accords de financement avec les plateformes qui ne remettent pas en cause leur indépendance. Ce critère doit être retravaillé, car il risque de sortir ces associations du jeu. Par conséquent, avis favorable.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. La notion d'indépendance devrait figurer dans le Digital Services Act. De plus, j'ai du mal à comprendre en quoi une association financée par une plateforme serait indépendante.

L'amendement n°601 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°535 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 26

Après les mots :

d'en informer

insérer les mots :

, avant l'exécution de la décision,

II.  -  Après l'alinéa 30

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« En cas de protestation motivée de l'utilisateur à l'origine de la publication du contenu notifié, la mesure de retrait ou de rendu inaccessible est automatiquement suspendue. Ils informent le notifiant de sa possibilité de saisir le juge des référés.

« Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.

« En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.

« Les actions fondées sur le présent d sont exclusivement portées devant un tribunal de grande instance et une cour d'appel déterminée par décret.

M. Pierre Ouzoulias.  - Ma position reste la même que lors de l'examen de la loi Avia. Il ne me semble pas acceptable que les plateformes puissent faire disparaître en 24 heures l'identité numérique d'un individu, fût-il président des États-Unis, d'autant qu'elles sont en situation de monopole.

Mon amendement, rédigé avec le Barreau de Paris, donne la possibilité aux personnes ayant fait l'objet d'un effacement qu'elles jugent intempestif de saisir le juge.

Mme la présidente.  - Amendement n°437, présenté par M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 43

1° Après la première phrase

Insérer trois phrases ainsi rédigées : 

Elles restent en vigueur jusqu'à leur validation par le tribunal judiciaire statuant en référé saisi par les utilisateurs ayant fait l'objet des mesures mentionnées aux mêmes a et b. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. En cas d'appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine.

2° Seconde phrase

Supprimer les mots :

internes et

M. David Assouline.  - Comme les décisions univoques de retrait d'un contenu, les mesures radicales consistant à suspendre ou résilier le compte d'un utilisateur ou à suspendre l'accès au dispositif de notification ne sauraient être prises qu'à titre provisoire. Le recours interne est insuffisant sans le contrôle de l'autorité judiciaire.

Cet amendement écarte tout risque de suspension ou de résiliation abusive : il convient que l'autorité judiciaire exerce un contrôle sur les suspensions de comptes.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Déjà repoussés par le Sénat lors de l'examen de la loi Avia, ces amendements présentent des effets pervers.

L'amendement n°535 rectifié pose deux problèmes : d'abord une requête peut émaner de toute personne, même non lésée par le contenu, or il faut avoir un intérêt à se porter devant le juge. Ensuite, il oblige la plateforme à rétablir le contenu en attendant la décision du juge qui peut prendre une semaine, alors que ce contenu engage sa responsabilité.

Quant à l'amendement n°437, le délai de 48 heures accordé au juge des référés pour statuer est illusoire. Les personnes qui s'estiment lésées peuvent déjà saisir le juge, y compris en référé. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°535 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°437.

Mme la présidente.  - Amendement n°438, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 45, première phrase

Remplacer les mots :

en matière de

par les mots : 

favorisant la

M. David Assouline.  - Défendu.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis favorable à cet amendement rédactionnel.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - J'estime au contraire qu'il n'est pas seulement rédactionnel et va à l'encontre de son objectif, car sa formulation pourrait restreindre le périmètre du contrôle. Avis défavorable.

L'amendement n°438 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°602, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 55, première phrase

Remplacer la dernière occurrence du mot :

par

par le mot : 

sur

M. Julien Bargeton.  - Défendu.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable : un texte ou une image ne sont pas diffusés « sur » un opérateur de plateforme mais « par » cet opérateur.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°602 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°439, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 56, deuxième phrase

Supprimer les mots : 

principes de fonctionnement des 

M. David Assouline.  - L'article 19 bis prévoit que les plateformes donnent au CSA accès aux principes de fonctionnement des outils automatisés auxquels ils ont recours, ainsi qu'aux paramètres utilisés par ces outils.

On nous oppose le secret des affaires, mais il s'agit de confier ces outils à une instance spécifique.

L'obligation de transparence créée par l'article 19 bis est incomplète. Afficher les intentions ou les principes ne suffit pas. Il faut contrôler la conformité des algorithmes aux principes d'un espace public démocratique.

Les algorithmes seront audités par les experts du CSA, soumis à obligation de réserve. Cela nécessitera des moyens supplémentaires pour l'organisme, car les ingénieurs spécialisés s'arrachent à prix d'or.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Cette suppression ne rend pas le texte plus opérant. Avis défavorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Votre amendement est moins puissant que la rédaction proposée. Dans le machine learning généralement utilisé par les plateformes, l'accès au texte du code n'est d'aucune utilité si l'on ne connaît pas les paramètres de test et de fonctionnement. La formulation d'origine permettait cet accès global. Retrait ?

M. David Assouline.  - Si vous estimez que ce n'est pas suffisant, sous-amendez ! Vous ne m'avez pas convaincu.

L'amendement n°439 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°603, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 56, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots : 

, y compris lorsque l'accès à ces données nécessite la connexion à un compte

M. Julien Bargeton.  - Il s'agit d'éviter une restriction excessive des capacités de régulation du CSA par la collecte automatisée de données.

À la suite d'une décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 2019, la formule « données publiquement accessibles » pourrait être interprétée comme excluant les données protégées par un mot de passe. Or de nombreux acteurs visés par le dispositif ne présentent rien sur l'internet ouvert : c'est le cas des réseaux sociaux, puisqu'il faut avoir un compte pour accéder aux contenus proposés, même lorsqu'ils sont publics. D'où cette précision, pour couvrir tout le champ des données publiques.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°603 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°257 rectifié, présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Guérini, Guiol, Requier, Roux et Artano et Mme Pantel.

Alinéa 64, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

M. Stéphane Artano.  - Nous ne pouvons admettre que des opérateurs soient exonérés de sanctions pécuniaires parce qu'un autre pays les a déjà condamnés pour un même manquement. Ces sanctions doivent être rendues souverainement, d'autant que les seuils prévus sont insuffisants au regard des bénéfices des sociétés concernées.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable : votre amendement aboutirait à des sanctions disproportionnées. Mais cela montre à quel point nous avons besoin du Digital Services Act.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°257 rectifié n'est pas adopté.

L'article 19 bis, modifié, est adopté.

L'article 19 ter A est adopté.

L'article 19 ter est réservé.

L'article 19 quater est adopté.

ARTICLE 20

Mme la présidente.  - Amendement n°318, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Par dérogation à l'article 397-6 du code de procédure pénale, cet article étend la procédure de comparution immédiate aux auteurs présumés de provocation à la haine et délits de provocations prévus à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881.

Selon le Conseil national des barreaux, cela revient a? méconnaître la technicité de ces dossiers, qui nécessitent une vraie expertise.

Les magistrats rencontrent plus de difficultés à matérialiser des faits de cyber-harcèlement et à qualifier pénalement les infractions du champ virtuel. Le manque de personnel formé au sein des services enquêteurs allonge considérablement les délais d'analyse des données recueillies.

La France, très attachée à la liberté d'expression, doit maintenir un cadre spécifique pour ce type de contentieux.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°421 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pourquoi le garde des Sceaux est-il absent lorsque l'on aborde un sujet aussi grave que la comparution immédiate pour les délits de presse ? Ce n'est pas signe d'un grand intérêt...

La procédure de comparution immédiate n'est pas applicable dans deux cas : pour les infractions à la loi du 29 juillet 1881 et pour celles qui concernent les mineurs. Nous allons aujourd'hui, dans un hémicycle clairsemé après de très longs débats, déroger à ce principe ancien.

Le garde des Sceaux a déclaré à la commission des lois souhaiter que les « gamins haineux » soient jugés rapidement. Cela signifie-t-il qu'il veut aussi déroger au principe de la non-comparution pour les mineurs ?

De plus, la comparution immédiate entraîne le recours à la garde à vue et la détention provisoire. On met à la poubelle les principes de la loi de 1881. C'est très grave car, demain, le champ sera élargi, et il n'y aura plus de protection des journalistes.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°571, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.

Supprimer cet article.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le garde des Sceaux nous a promis, avec force effets de manche, qu'il ne toucherait pas à la liberté de la presse ; mais quand il en est question, il n'est plus là. J'aurais aimé qu'il défende cette liberté fondamentale avec toute la verve qu'il a déployée un peu plus tôt...

Il est triste de voir cette liberté attaquée un vendredi soir, dans l'indifférence totale.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. La rédaction, en visant ceux qui agissent individuellement et sont retenus exclusivement responsables de leurs propos, exclut bien les journalistes.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - M. Dupond-Moretti est retenu auprès du Premier ministre. Il arrive que, dans une discussion parlementaire, un ministre en remplace un autre au nom du Gouvernement. Dénoncer l'absence d'un ministre fait partie du jeu politique ; mais M. Dupond-Moretti ne s'est aucunement défaussé, et il reviendra la semaine prochaine pour la suite de la discussion.

Avis défavorable sur le fond. D'abord, soyez rassurée, madame de la Gontrie : les mineurs ne seront pas jugés en comparution immédiate, je le réaffirme devant vous.

Ensuite, cet article exclut les contenus éditorialisés, donc les journalistes. L'individu qui profère des menaces de mort sur Facebook et le journaliste engagé par une déontologie font l'objet d'un traitement différencié.

La capacité à juger vite est essentielle à la crédibilité du droit et de la parole publique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Je connais cette argumentation, qui s'appuie sur le fait que dans la loi de 1881, l'auteur principal des propos poursuivis est le directeur de publication ; le journaliste n'est que complice.

Sauf qu'un journaliste, aujourd'hui, s'exprime par de nombreux canaux - et lorsqu'il s'exprime sur Facebook, c'est toujours en son nom propre. Il pourrait donc être visé par cet article. C'est une dérive inquiétante.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous ne pouvons nous résigner à laisser passer, dans une certaine apathie, des dispositions qui rognent la liberté de la presse - l'article 24 de la loi Sécurité globale la semaine dernière, l'article 18 du présent texte, et enfin cet article.

Cette question de la comparution immédiate n'est pas anodine. Le mot « journaliste » n'apparaît pas dans l'article, or la fabrication d'un journal est souvent une oeuvre collective : un article passe par divers stades - rédaction, correction et publication.

Votre rédaction introduit une grande part d'arbitraire. Vous savez combien depuis Beaumarchais, notre pays est attaché à la liberté d'expression. Il est très grave de banaliser la comparution immédiate pour les oeuvres de l'esprit.

Les amendements identiques nos318, 421 rectifié et 571 ne sont pas adoptés .

Mme la présidente.  - Amendement n°666, présenté par Mme Eustache-Brinio, au nom de la commission des lois.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

dès lors qu'il apparaît que l'auteur du propos poursuivi en est exclusivement responsable

par les mots :

sauf si ces délits résultent du contenu d'un message placé sous le contrôle d'un directeur de la publication en application de l'article 6 de la loi du 29 juillet 1881 précitée ou de l'article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Cet amendement évite justement la mise en oeuvre de procédures de jugement rapide dans tous les cas où un organe de presse est concerné.

Mme la présidente.  - Amendement n°422 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Cette dérogation n'est pas applicable :

« - aux journalistes qui s'expriment dans le cadre de leurs fonctions sur les réseaux sociaux ;

« - aux lanceurs d'alertes, tels que définis par l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;

« - aux mineurs. » ;

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Votre amendement, madame la rapporteure, remplace des termes de la loi de 1881 qui sont peu compréhensibles pour un public non spécialiste. Cela montre bien que, dans les cas où il n'y a pas de directeur de la publication, c'est le journaliste qui est visé.

Notre amendement exclut explicitement les journalistes s'exprimant en leur nom sur les réseaux sociaux, les lanceurs d'alerte et les mineurs - mais sur ce dernier point, monsieur le ministre, vous m'avez donné satisfaction. Autant le dire, car le garde des Sceaux n'était pas clair devant la commission.

Mme Dominique Vérien, rapporteure.  - Avis défavorable. Pour les journalistes, la question est réglée par notre amendement. La précision sur les lanceurs d'alerte est inutile : leur bonne foi pourra être établie par un juge. Enfin, les mineurs ne peuvent faire l'objet d'une comparution immédiate.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Avis favorable à l'amendement n°666, avis défavorable à l'amendement n°422 rectifié.

L'amendement n°666 est adopté.

L'amendement n°422 rectifié n'est pas adopté.

L'article 20, modifié, est adopté.

L'article 20 ter est adopté.

Mme la présidente.  - L'examen du chapitre V est réservé jusqu'à mardi prochain.

Nous avons examiné 93 amendements au cours de la journée ; il en reste 338.

Fait personnel

Mme la présidente.  - Je suis au regret de faire état d'un fait personnel, mais qui touche aussi la présidence.

À deux reprises au cours de cette séance, j'ai été interpellée mezza voce par le garde des Sceaux, qui recherchait un échange avec moi sur des éléments n'ayant trait ni à la séance, ni à la présidence.

Ce n'est pas à moi qu'il a ainsi été porté atteinte, mais à la sérénité de la présidence. Une règle fondamentale de notre assemblée est la dissociation entre la présidence de séance et la personne qui l'exerce. En franchissant la porte qui mène à cette estrade, nous n'avons plus ni opinions, ni amitiés, ni inimitiés. J'espère qu'il en va de même pour tout le monde. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER).

Prochaine séance, mardi 6 avril 2021 à 14 h 30.

La séance est levée à 18 h 15.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 6 avril 2021

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : Mme Pascale Gruny, vice-président Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

Secrétaires de séance : Mme Patricia Schillinger - Mme Marie Mercier

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission, n°455 rectifié, 2020-2021)