Prévention d'actes de terrorisme et renseignement (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois .  - La loi du 24 janvier 2015 a fixé un cadre légal pour l'action de la communauté du renseignement français. Elle marquait la maturité de notre démocratie, comme le soulignait Philippe Bas alors.

L'expression de cette maturité repose toujours sur un subtil équilibre entre la recherche de l'efficacité des services de renseignement et la protection des droits et libertés constitutionnels, au premier rang desquels se situe la protection de la vie privée.

Nous devons aujourd'hui consolider cet équilibre, notamment en tenant compte du développement des technologies - 5G et satellite - et de l'évolution vers un « djihadisme d'atmosphère », comme le qualifie Gilles Kepel.

Nos services doivent disposer d'outils adaptés à l'évolution des pratiques des terroristes et des criminels.

L'examen de ce texte intervient dans des délais contraints que nous regrettons mais qui sont justifiés par une double menace juridique. Celle, tout d'abord, du terme de l'expérimentation des algorithmes, repoussé au 31 décembre 2021, et qui risque de priver les services du renseignement d'une technique prometteuse. Nous vous proposerons de pérenniser cette technique mais, s'agissant de l'extension aux URL, de nous limiter à une expérimentation de quatre ans, au terme de laquelle nous aurons plus de recul sur son utilisation.

L'autre menace juridique qui pèse sur les techniques de renseignement provient de l'application des normes européennes. L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 6 octobre 2020 et celui du Conseil d'État « French Data Network » fragilisent la conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion et de localisation.

Les articles 15 et 16, respectant le chemin de crête tracé par le Conseil d'État, précisent et encadrent la conservation de ces données. Ils la conditionnent à une menace grave, actuelle et prévisible. Je proposerai que les données de trafic et de localisation puissent être utilisées pour rechercher les auteurs des actes de criminalité et délinquance grave.

Il faut renforcer le contrôle, ce qui implique que nos services soient fortement encadrés. L'article 16 donne ainsi des pouvoirs contraignants à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignements (CNCTR) tandis que la délégation parlementaire au renseignement voit ses compétences s'élargir.

Les archives seront davantage ouvertes, mais des exceptions seront prévues à la règle des cinquante ans pour les documents les plus sensibles. L'équilibre entre sécurité défense et accès aux archives est ainsi assuré.

Ce texte renforce la liberté et la sécurité, les deux piliers de notre République. Je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Cigolotti rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La commission des affaires étrangères et des forces armées s'est saisie pour avis des articles 7 à 19, qui concernent les services de renseignement, les techniques d'investigation, la lutte contre les drones et les archives intéressant la défense nationale.

Le continuum de sécurité défense est un enjeu central face à une menace terroriste globale, même si elle devient de plus en plus endogène.

Le terrorisme est la première des menaces, mais nous faisons face aussi aux agissements de puissances étrangères de plus en plus décomplexées. Il était donc important que les services de renseignement continuent à disposer des moyens les plus efficaces et les plus performants pour mener leurs actions.

L'interruption satellitaire ou l'extension des algorithmes aux URL sont quelques mesures qui permettent aux services de rester dans la course aux innovations. Nous nous félicitons de la possibilité nouvelle de brouiller les drones menaçants. Cette menace est loin d'être théorique. La gendarmerie nationale est d'ailleurs en pointe sur ce sujet.

Les services ont formé leurs agents au cadre de 2015 ; ils ont besoin de stabilité.

La commission des lois a consolidé l'équilibre entre sécurité et liberté.

Sur la question des interceptions satellitaires, la commission des affaires étrangères a souhaité, en concertation avec la commission des lois, restreindre l'expérimentation aux services du premier cercle. Il s'agit en effet d'une technologie à large spectre et pour le moment très expérimentale, d'où la nécessité de l'encadrer et de la centraliser autant que possible.

Il sera temps de l'ouvrir plus tard à d'autres services, comme la gendarmerie.

La délégation parlementaire au renseignement voit ses pouvoirs renforcés.

Le nouveau régime de communication des archives nous paraît équilibré, même s'il suscite des débats.

La commission des affaires étrangères a approuvé le texte de la commission des lois sur ce projet de loi.

M. Pierre Ouzoulias, rapporteur pour avis de la commission de la culture .  - Nous devons à la Révolution française le principe selon lequel les archives sont des éléments constitutifs de l'État de droit. « Il n'y a pas d'histoire, d'administration, de République sans archives » écrivait Guy Braibant en 1996.

Pourtant, ces sages principes ont toujours été empêchés dans leurs applications par les réticences, les obstructions et les dissimulations d'administrations qui se considéraient comme les seules propriétaires des actes publics qu'elles produisaient et qui s'arrogeaient la licence de décider de leur publicité.

Les lois de 1978 sur l'accès aux documents administratifs et de 1979 sur les archives ont permis aux citoyens de connaître leur administration. La loi de 2008 a conforté ces dispositifs : le sénateur René Garrec (Mme Nathalie Goulet approuve) et la sénatrice Catherine Morin-Desailly ont réaffirmé le principe de libre communication des archives publiques à laquelle ne peuvent être opposées que des dérogations consenties et garanties par le législateur.

Cet édifice législatif a été ébranlé en 2011 et en 2020 par deux instructions générales interministérielles qui ont imposé, sous la forme subalterne d'un arrêté, la prééminence du code pénal sur le code du patrimoine et l'incommunicabilité des documents produits il y a plus de cinquante ans mais classés au titre du secret de la Défense nationale. Ainsi, des documents qui étaient librement disponibles ont dû faire l'objet de procédures de déclassification pour être de nouveau accessibles.

Cet arrêté a été considéré comme illégal par le Conseil d'État. Néanmoins, exceptionnellement, les administrations peuvent ne pas autoriser la divulgation des documents classés depuis plus de cinquante ans qui représenteraient une menace grave pour la sécurité nationale.

Des moyens humains considérables ont été consacrés à la déclassification d'environ un million de pièces, des travaux d'historiens ont été entravés et des domaines entiers de la recherche ont été délaissés à la suite d'une analyse juridique mal assurée.

Le Gouvernement a introduit, de manière quelque peu cavalière, l'article 19 qui institue un nouveau régime dérogatoire pour certains des documents déjà soumis au délai d'incommunicabilité de cinquante ans. Peut-être aurait-il été de meilleure politique d'attendre la décision du Conseil d'État et de ne pas légiférer dans l'urgence...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument !

M. Pierre Ouzoulias, rapporteur pour avis.  - Ni le Conseil supérieur des archives ni la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) n'ont été consultés sur cette révision de la loi de 2008.

La commission de la culture a fait plusieurs propositions pour que les administrations réalisent le récolement de leurs fonds au regard des nouvelles normes de communication et en informent les usagers : nous regrettons qu'elle n'ait pas été entendue.

L'ensemble de la commission vote contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST ; M. Laurent Lafon applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°5, présentée par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement adopté par la commission des lois le 16 juin 2021 (n° 695).

Mme Esther Benbassa .  - Quel est notre ressenti ? L'inquiétude.

Car depuis plusieurs années, la France est le théâtre d'une succession de lois sécuritaires et liberticides, qui font entrer dans le droit commun des mesures justifiées en état d'urgence, mais qui n'ont rien à faire dans le quotidien des Français.

Au motif de la sécurité sanitaire, puis de la sécurité globale et de la lutte contre le séparatisme, le Gouvernement a progressivement rogné les libertés individuelles. Oui, il faut lutter efficacement contre le terrorisme, mais pas au détriment des droits et libertés garantis par notre Constitution.

Certaines dispositions du projet de loi, en portant atteinte à la liberté d'aller et venir, au secret des correspondances, au secret professionnel ou au droit au respect de la vie privée et familiale, risquent d'être inconstitutionnelles.

Dans son article 5, le projet de loi reprend des dispositions de la proposition de loi du 10 août 2020 déjà censurées par le Conseil constitutionnel le 7 août 2020, au motif que la mesure de sûreté n'était ni adaptée ni proportionnée à l'objectif de prévention poursuivi et contrevenait à la liberté d'aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale. Il est inconcevable que le Parlement réintroduise ici une mesure précédemment jugée attentatoire aux libertés individuelles et écartée par le Conseil constitutionnel.

Aux articles 1 à 4, la pérennisation des dispositions de la loi SILT introduit des mesures liberticides exorbitantes du droit commun, telles que la perquisition administrative, l'assignation à résidence, les périmètres de protection. La multiplication des états d'urgence, la prorogation de ces mesures, puis leur pérennisation limitent nos libertés publiques individuelles.

Le recours intensif à des procédures administratives - jugées plus rapides que les procédures judiciaires - contourne le contrôle du juge judiciaire, garant des libertés individuelles conformément à l'article 66 de notre Constitution. Cette déjudiciarisation doit nous alerter.

La surveillance généralisée des URL, prévue aux articles 13 et 14, porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, pourtant reconnue comme principe à valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1999. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) estime que le recueil des URL est susceptible de faire apparaître des informations relatives aux contenus consultés ou aux correspondances échangées. Une procédure de validation a été instituée par la CNCTR, sans aucun caractère contraignant, le Premier ministre pouvant toujours déroger à son avis. La préservation d'un strict équilibre entre la sécurité publique, la protection des intérêts fondamentaux de la Nation et le respect de la vie privée nécessite des garanties et le contrôle par une autorité indépendante du pouvoir politique.

Enfin, les restrictions à l'accès aux archives, prévues à l'article 19, contreviennent au droit d'accès aux documents administratifs, pourtant consacré par la décision n°2020-834 du Conseil constitutionnel en vertu de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La Défense nationale ne saurait justifier une entrave au travail des chercheurs.

Dans le cadre de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, la majorité sénatoriale avait déjà tenté de réécrire les dispositifs les plus liberticides. Cela n'a pas empêché leur censure par le Conseil constitutionnel. De tels procédés illustrent la seule intention d'affichage politique de ces lois sécuritaires, en dépit de toute réflexion sur leur validité juridique. Le projet de loi renforce l'arsenal pénal pour répondre au terrorisme, mais il perd de vue son objectif et il attente aux libertés. Aucune réflexion de fond n'est menée sur la radicalisation, notamment en détention.

Depuis dix ans, nous votons plus d'une loi sécuritaire par an, avec une efficacité hypothétique et en rognant toujours plus les libertés publiques. Cette accumulation législative complique le travail des autorités administratives et judiciaires.

L'objectif politique est manifestement de cranter les sujets régaliens avant la présidentielle ; mais inscrire les procédures d'exception dans le droit commun affaiblit l'État de droit. N'en soyons pas complices. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pierre Laurent et Mme Éliane Assassi applaudissent également.)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - C'est la quatrième fois que nous débattons de ces sujets. J'ai remis deux rapports sur la loi SILT. Les dispositifs des articles 1 à 4 ont déjà été déclarés conformes à la Constitution.

À l'article 5, la mesure de sûreté fait suite à l'inconstitutionnalité de la proposition de loi de la présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Le président François-Noël Buffet a donc élaboré une proposition de loi qui s'inscrit strictement dans les limites posées par le Conseil constitutionnel.

Sur l'extension des algorithmes aux URL, la commission des lois a pris en compte le risque d'une atteinte à la vie privée et a donc proposé une expérimentation.

À l'article 19, nous avons trouvé un équilibre judicieux qui ne porte pas atteinte aux principes constitutionnels.

Avis défavorable à cette motion.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Il est fondamental de poursuivre nos échanges sur la question de la lutte contre le terrorisme.

La motion n°5 n'est pas adoptée.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°16, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, et modifiée par la commission des lois du Sénat, relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement (n° 695, 2020-2021).

Mme Éliane Assassi .  - Le Gouvernement et la majorité de droite du Sénat n'ont pas le monopole de la sécurité, pas plus que la gauche ne détient celui de la protection des libertés.

Nous avons tous à coeur de prévenir ces actes terroristes odieux, presque tous commis au nom d'un islamisme politique qui alimente la peur et attise la haine.

À partir du 8 septembre se tiendra le procès des attentats de 2015, qui réveillera des blessures profondes pour les familles comme pour le pays tout entier. Il est de la responsabilité du politique de se montrer rassurant en réaffirmant nos valeurs et en éclairant les débats.

Ma formation politique est régulièrement obligée de rappeler son opposition à l'obscurantisme islamiste. Je le regrette. Nous partageons la même intransigeance, issue du même constat : nos concitoyens ont le droit de vivre en paix.

Mais nous divergeons sur la réponse. Depuis 1986, les gouvernements se sont succédé sans s'interroger sur les vraies réponses.

Certes, à l'image de celui de Rambouillet, les attentats sont de plus en plus souvent commis par des terroristes isolés, sans lien avec l'étranger, indétectables. Mais ces attentats diffus ne sont-ils pas des passages à l'acte d'individus dont la folie se cristallise sur cette haine de l'autre que véhicule le terrorisme islamiste ? L'article 6, qui autorise la communication d'informations médicales concernant des individus en soins psychiatriques sans consentement, contrevient au respect du droit à la vie privée et au secret médical. Comme le dénonce notamment le syndicat de la magistrature, cela entérine des pratiques d'un autre âge, selon lesquelles un fou est nécessairement dangereux. C'est un leurre : ce faisant, vous servez le modèle de ceux qui réfutent notre État de droit.

Vous voulez pérenniser les Micas alors que, selon l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, « face à des jeunes qui sont tangents, si vous défoncez leur porte à 4 heures du matin, si vous les assignez à résidence pendant trois mois, si bien que certains perdent leur boulot, expliquez-moi en quoi ils sont moins dangereux ensuite ? Tout homme sensé comprend qu'on attise le feu avec de telles méthodes. On tape n'importe qui, n'importe comment. »

Le projet de loi du Gouvernement cumule de nombreux risques d'anticonstitutionnalité. Pourquoi porter la durée des Micas de douze à vingt-quatre mois, en dépit de l'avis réservé du Conseil d'État ? Idem sur les mesures de sûreté.

Le Gouvernement a repris à son compte le dispositif de Yaël Braun-Pivet, censuré par le Conseil constitutionnel en 2020. François-Noël Buffet a réécrit le texte, en l'épurant des réserves du Conseil constitutionnel. Mais aucune de ces réécritures ne nous convainc : leur économie générale porte atteinte à notre État de droit, en se fondant sur des motifs douteux de dangerosité supposée de certains individus ayant purgé leur peine.

La loi Urvoas de 2016 a battu en brèche les aménagements de peine, en réduisant au maximum les réductions de peine pour les détenus coupables d'infractions terroristes. Vous cherchez à résoudre le problème des sorties sèches depuis plus d'un an, mais vous êtes dans l'impasse. Une fois leur peine purgée, que faire de ces personnes ? Instaurer une peine après la peine ? C'est un aveu d'échec pour notre système pénitentiaire.

Rien, dans vos mesures, ne permet de prévenir un acte de terrorisme ni une récidive. Pas même votre pseudo-prévention qui n'est ni efficiente ni souhaitable. Le gouvernement précédent avait fait beaucoup de mal avec ses lois Renseignement I et II qui ont instauré des techniques de surveillance de masse et maintenu à distance les autorités judiciaires. Or les Français le refusent.

Nous contestons le cavalier législatif introduit à l'article 19 et relatif aux archives. Entraver l'accès aux archives, c'est refuser le droit d'accéder à la vérité. L'accès aux archives est reconnu depuis la Révolution, fondé sur l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Avec cette motion, le groupe CRCE entend lutter contre l'idée que la technique ne serait pas politique et remettre le débat sur le terrain des valeurs. La lutte contre le terrorisme ne sera efficace que lorsque nous commencerons par traiter non pas les symptômes, mais les causes de ces crimes odieux.

Quel bilan tirer de toutes les lois antiterroristes votées ces dernières années ? Leur échec flagrant ne doit-il pas nous inviter à revisiter la méthode ? N'est-il pas temps que la prévention prenne le pas sur la répression ? La déflation carcérale sur l'inflation carcérale ? La police de proximité, de prévention et de dissuasion sur la police uniquement répressive ? Nous sommes attachés à la police républicaine. Le Renseignement sortirait renforcé d'une coopération fructueuse avec les policiers qui sont au plus proche de nos concitoyens.

Enfin au niveau diplomatique, ne faudrait-il pas cesser tout échange avec des pays à l'attitude parfois trouble à l'égard des terroristes ? Les obscurantistes veulent le recul de notre démocratie. La France doit rester fidèle à ses idéaux et renoncer à la surenchère sécuritaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)

M. Stéphane Le Rudulier.  - Soyons responsables à l'heure où les mesures issues de la loi SILT arrivent à échéance : les mesures qui ont fait la preuve de leur efficacité doivent être reconduites.

La commission des lois a été force de proposition pour assurer au texte une meilleure robustesse au plan juridique ; je pense en particulier aux mesures de suivi des personnes condamnées pour terrorisme et ayant purgé leur peine.

Il faut enfin donner aux acteurs du Renseignement les moyens de faire face aux défis du monde contemporain.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre la motion et soutiendra avec ferveur le texte proposé par la commission des lois. (M. Bernard Fournier applaudit.)

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Les solutions proposées, même imparfaites, doivent être discutées et approuvées par le Sénat.

Ce texte permet de pérenniser les Micas ; il introduit des dispositifs pour la sortie des personnes condamnées et donne aux services de renseignement les moyens dont ils ont besoin face à une menace et des technologies qui évoluent.

Avis défavorable à la motion.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable : c'est un texte efficace, utile et nécessaire aux femmes et aux hommes qui travaillent dans les services de renseignement.

Loin des caricatures que j'ai entendues, ce texte d'équilibre préserve les libertés : les décisions seront prises sous le contrôle du juge.

La motion n°16 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Ludovic Haye .  - Ce n'est pas un texte de circonstance que nous examinons, mais un texte de fond, réfléchi de longue date.

L'utilité des mesures contre la menace terroriste est prouvée. Il fallait pérenniser les mesures provisoires de la loi SILT. Nos services de renseignement ont besoin d'un cadre juridique adapté. Le texte concilie efficacité et respect des droits et libertés.

Les rapports d'information parlementaire, et tout particulièrement celui du Sénat, établissent l'utilité des Micas. Certains ajustements - sur la captation satellitaire, l'extension de la technique des algorithmes aux URL, le brouillage radioélectrique à l'encontre de drones menaçants - sont nécessaires et ni la CNCTR ni le Conseil d'État n'ont émis d'objection.

La décision French data networks du Conseil d'État et la jurisprudence de la CJUE nous font craindre un affaiblissement de nos capacités de lutte contre la délinquance ne relevant pas de la criminalité grave. Nous aurons l'occasion d'y revenir à la faveur d'un amendement de nos rapporteurs.

Le texte renforce les garanties en matière de sécurité intérieure et de renseignement, avec un meilleur encadrement des transmissions d'informations et de l'extension des algorithmes aux URL. Il renforce également les prérogatives de la CNCTR et celles de la délégation parlementaire au renseignement.

Le Gouvernement et les rapporteurs partagent l'objectif de renforcer le suivi des condamnés pour terrorisme sortant de détention. Mais les rapporteurs proposent une solution différente de celle du Gouvernement. Entre ces deux mesures concurrentes, il nous faudra choisir la moins risquée du point de vue constitutionnel.

L'article 19 a été modifié à l'Assemblée nationale qui a entendu en limiter les effets de bord.

Le groupe RDPI votera en faveur du projet de loi. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Nathalie Delattre .  - Depuis quelques années, le terrorisme nous réunit, hélas, trop souvent.

Le législateur s'implique pleinement contre ce fléau barbare. Dès 2017, la loi SILT a instauré provisoirement plusieurs mesures inspirées de la loi du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence. Malheureusement, il nous faut les pérenniser, tout en maintenant un équilibre avec l'État de droit et les libertés individuelles.

Le Conseil constitutionnel y veille : il l'a montré dans sa décision du 7 août 2020. Ce projet de loi répond à cette censure. Je salue le travail du Sénat qui a adopté, le 25 mai dernier, une proposition de loi qui y remédiait également. Celle-ci méritait d'être insérée dans le présent projet de loi : c'est ce que la commission des lois a fait à l'article 5.

Les autres dispositions du texte sont, pour la plupart, nécessaires et attendues.

Lors de l'examen de la loi SILT, le législateur s'était montré précautionneux en adoptant des mesures temporaires limitées au 31 décembre 2020 ; ce délai a dû être prorogé au 31 juillet 2021 ; ce projet de loi supprime toute limitation dans le temps.

Sur le volet Renseignement, le projet de loi opère quelques ajustements aux mécanismes de la loi du 24 juillet 2015. Il faut mieux encadrer la transmission d'informations aux services et entre services.

L'article 19 du projet de loi allonge de cinquante ans le délai d'incommunicabilité de certaines archives, ce qui déséquilibre notre droit. Le RDSE proposera des amendements pour éviter ce dysfonctionnement anachronique.

Le RDSE votera ce projet de loi en étant attentif au sort réservé à ses amendements. (MM. François Patriat et Henri Cabanel applaudissent.)

M. Jean-Yves Leconte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce projet de loi réexamine les mesures de la loi SILT ; il actualise la loi Renseignement pour tenir compte des évolutions technologiques et améliorer les échanges d'informations ; il tire les conclusions de la décision de la CJUE sur les données de connexion ; il réforme la durée de conservation des archives.

Nos rapporteurs ont certes amélioré le texte, mais il reste beaucoup à faire.

Je souhaite saluer la mémoire des victimes du terrorisme et rends hommage à ceux qui sont mobilisés pour la protection des Français. Nous leur devons un texte clair, efficace et respectueux de l'État de droit, ainsi que les moyens d'agir.

Face au terrorisme, nous devons nous montrer résolus et fidèles à nos valeurs. Les mesures issues de la loi SILT peuvent être utiles si elles sont utilisées de manière proportionnée. Nous souhaitons qu'elles restent provisoires et soumises au contrôle du Parlement. Nous saisirons le Conseil constitutionnel pour nous assurer de leur constitutionnalité.

La création de la CNCTR - contre laquelle j'avais voté en 2015 - a permis d'instaurer un véritable contrôle démocratique du Renseignement. Nous devons veiller à un meilleur contrôle des échanges d'informations entre services et tirer les conséquences de la jurisprudence de la CJUE sur les données de connexion. À cet égard, examinons attentivement la manière dont nos partenaires appliquent ces règles.

La Nation a besoin d'accéder aux archives pour écrire son histoire. Restons fidèles à la boussole que constitue la loi de 2008.

Nous soutiendrons certaines dispositions du texte, tout en restant vigilants, en particulier sur les archives. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

présidence de M. Georges Patient, vice-président

M. Stéphane Ravier .  - Cinquième texte en cinq mois sur la sécurité intérieure : cela prouve que la menace est grave, mais aussi que les gouvernements sont incapables d'anticiper et d'agir.

Chaque texte examine la situation par le petit bout de la lorgnette. Faute d'une vision politique cohérente, vous courez après la réalité, avec au pied le boulet de l'idéologie du vivre-ensemble.

Mickaël Harpon, qui a poignardé à mort quatre de ses collègues, était informaticien à la direction du renseignement, habilité secret-défense ! Si le Gouvernement ne comprend pas le problème global de l'immigration, les Français continueront à payer le prix du sang. Vous nous demandez d'étendre les prérogatives des services de renseignement, gangrénés de l'intérieur par un ennemi infiltré.

Nous n'arrêterons pas la dynamique de l'islamisation tant qu'elle sera alimentée par une déferlante migratoire, une démographie conquérante et un rejet de notre modèle français.

Notre arsenal de défense et de renseignement doit utiliser des outils modernes. C'est pourquoi je suis favorable à l'interception satellitaire des communications, à l'adaptation à la 5G de l'interception de télécommunications, à l'extension du champ d'application des algorithmes aux adresses des pages internet ainsi qu'au brouillage des ondes pour la lutte anti-drones.

Moins vous ciblez l'islamisme, plus vous retirez de libertés aux Français ! Par l'immigration massive et le rejet de toute assimilation, l'islamisme devient une menace endogène.

En faisant reculer les libertés de tous, vous ne faites rien contre nos ennemis : rien sur les obligations de quitter le territoire français (OQTF), rien sur le suivi de longue durée des terroristes et des radicalisés, rien non plus sur le fichage des mineurs islamistes - alors que tous les attentats déjoués sont le fait de mineurs ou de très jeunes majeurs. La jeunesse fera la France de demain, mais il n'est pas sûr que capter des URL suffira pour que la France reste la France !

Notre détermination doit être proportionnelle à l'urgence.

M. Alain Marc .  - « Je ne connais rien de plus servile, de plus méprisable, de plus lâche, de plus borné qu'un terroriste », écrivait Chateaubriand.

Nous voulons rendre hommage à la mémoire de Stéphanie Monfermé, tombée sous les coups d'un terroriste à Rambouillet, ainsi qu'aux autres victimes du terrorisme.

La lutte de tous les instants contre les organisations terroristes et les loups solitaires nécessite des outils qui peuvent être attentatoires aux libertés. Le Parlement doit donc surveiller leur application.

Les Micas seraient caduques sans nouveau texte. Il faut les pérenniser, avec quelques ajustements.

La commission des lois a eu le courage de proposer une solution d'équilibre pour l'application des algorithmes aux URL.

Leur traitement permettra de connaître les contenus consultés, mais cela fait peser un risque majeur sur la liberté des Français ; le Conseil constitutionnel, la CNIL et la CNCTR se sont d'ailleurs opposés à cette exploitation. Il est donc sage d'envisager ces mesures dans le cadre d'une expérimentation.

Le texte prévoit également des dispositions destinées à améliorer les capacités de nos services de renseignement, ainsi que des mesures contre la récidive et pour la réinsertion. À cet égard, n'oublions pas l'essentiel : les moyens financiers. Nos services doivent disposer des budgets nécessaires. Nous voterons le projet de loi, tout en restant vigilants sur l'effort financier fourni.

Mme Esther Benbassa .  - Ce nouveau projet de loi antiterroriste est à l'image du quinquennat : il symbolise l'affaiblissement des libertés individuelles.

Le texte durcit certaines mesures de la loi SILT ou de l'état d'urgence. Les Micas ne sont pas décidées par le juge mais par le ministère de l'intérieur. Nous nous opposons à cette déjudiciarisation en marche, qui prive le juge de sa mission de protection des droits et libertés. Cette assignation à résidence ne devait durer que jusqu'au 31 juillet, mais le projet de loi la pérennise.

Les défenseurs des libertés sonnent l'alarme ; leur crainte est légitime. Nous rejouons l'état d'urgence permanent !

Le Conseil constitutionnel a censuré le renforcement des mesures de sûreté contre les condamnés pour terrorisme sortant de prison. Le droit commun permet tout à fait d'assurer un suivi post-détention.

Tout se met en place pour une surveillance de masse de la population, jusqu'aux boîtes noires algorithmiques dont le gouvernement de Manuel Valls, en 2015, avait imaginé le cadre juridique.

Pourtant, ces outils ont une efficacité toute relative - Patrick Calvar, ancien numéro un de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), les juge sévèrement.

Jusqu'où irons-nous ? Sommes-nous prêts, loi sécuritaire après loi sécuritaire, à voir reculer toujours plus les libertés des Français ?

Le GEST votera contre ce projet de loi liberticide, qui n'endigue en rien le terrorisme.

Mme Cécile Cukierman .  - Nous assistons à la multiplication des lois sécuritaires, dérogatoires du droit commun, sans évaluation, sans nécessité ni efficacité. Celle-ci pérennise des mesures temporaires de la loi SILT qui contournent les procédures judiciaires et les droits de la défense.

Le Gouvernement opère un tournant radical en matière de police administrative, inspiré par un principe de précaution incompatible avec nos principes démocratiques fondés sur un droit pénal d'interprétation stricte.

Il faut combattre le terrorisme sans compromettre les libertés individuelles.

Lors de la première loi sur le renseignement de 2015, on nous garantissait que les mesures ne seraient pas pérennisées. Aucun bilan n'a été tiré des mesures expérimentales dont on nous propose la généralisation ! (Mme Nathalie Goulet applaudit.) Elles n'ont pas endigué le terrorisme : 58 des 59 attentats déjoués l'ont été par le renseignement humain, pas par des outils automatisés.

Le texte prévoit un véritable chalutage des données personnelles de la population, placée sous surveillance, avec un contrôle résiduel de la CNCTR et de la délégation parlementaire au renseignement.

La commission des lois a corrigé certains excès, défendant les droits fondamentaux.

Je m'étonne de l'inflation législative - 16 lois contre le terrorisme, 32 contre la délinquance - s'attaquant à nos libertés sans efficacité prouvée contre le terrorisme.

Il faut renforcer les moyens humains au lieu de développer de façon insensée les outils algorithmiques.

L'équilibre fragile entre liberté et sécurité mérite un débat de fond, ce que la procédure accélérée et la période pré-présidentielle ne permettent pas. Nous nous opposons à cette surenchère sécuritaire et à cette inflation législative inefficace ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Nathalie Goulet .  - Je salue les rapporteurs qui ont travaillé avec une diligence extrême.

Nous voilà contraints de décider de mesures tout sauf anodines, sans avoir eu le temps de les expertiser : le rapport sur les algorithmes ne sera remis qu'après cette discussion...

Les articles sur les drones, la captation par satellite et la 5G sont indispensables pour se protéger du terrorisme. En revanche, sur la captation et la conservation des données, le débat est légitime.

L'article 15 va priver les procureurs de moyens sur des affaires liées à la criminalité organisée ou aux trafics. Leur désarroi et leur incompréhension ont créé un malaise en commission.

Nous ne sommes pas non plus insensibles aux alertes d'associations comme la Quadrature du Net. Le Conseil constitutionnel rend quasiment chaque année une décision de censure allant dans leur sens.

Quelle souveraineté face au gouvernement des juges ? Les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne s'imposent à nous, notamment en matière de conservation des données. La Belgique, le Royaume-Uni et l'Allemagne en ont tiré les conséquences, la première pour annuler purement et simplement des dispositions ; les deux autres ont laissé l'affaire pendante. Un peu plus d'harmonie et de politique seraient bienvenues.

L'article 7 porte sur le renseignement financier. Je suppose que nous n'achetons pas les algorithmes sur étagère. Qu'espérez du contrat avec Palantir, qui travaille aussi avec la NSA ? Le président Macron a plaidé pour une souveraineté numérique européenne. Défendons-la, au lieu de la fragiliser au profit des États-Unis.

Où en est le programme Architecture de traitement et d'exploitation massive de l'information multi-sources (Artemis) ?

Collecter et conserver les données exige des conditions de sécurité drastiques.

Ce débat de fin de session, insatisfaisant, nous réduit à un rôle d'enregistrement. Dommage que la discussion ne soit pas plus longue. Le groupe UC votera le projet de loi en conscience, en regrettant l'absence du rapport promis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Catherine Di Folco .  - Chantal Deseyne, membre de la CNCTR, s'exprimera au nom de notre groupe sur le renseignement.

Les deux rapporteurs de la commission des lois ont accompli un travail expert sur ce quatorzième texte sur la sécurité et le terrorisme depuis les attentats de 2015.

Afin de sortir de l'état d'urgence, la loi SILT, entrée en vigueur en novembre 2017, a créé quatre mesures exceptionnelles de police administrative : les périmètres de protection, la fermeture de lieux de culte, les Micas et les visites domiciliaires et saisies. Expérimentées depuis 2019, elles ont sans conteste montré leur efficacité, d'autant que leur mise en oeuvre a été raisonnée et proportionnée : 612 périmètres de protection, 8 lieux de culte fermés, 444 Micas, 462 visites domiciliaires, 244 saisies ; 57 visites ont fait l'objet de poursuites judiciaires, dont 30 pour terrorisme.

Ces mesures ont été prolongées l'année suivante pour sept mois. À l'époque, le Sénat n'a pas été écouté, ce qui a été source de retards.

La commission a veillé à assurer un bon équilibre en tenant compte des réserves émises par le Conseil constitutionnel.

Alors que 162 condamnés pour terrorisme sortiront de détention ces quatre prochaines années, une surveillance et un accompagnant vers la réinsertion sont indispensables. Or les outils juridiques actuels ne sont pas satisfaisants. La mesure proposée par la commission, qui reprend la proposition de loi Buffet, est plus adaptée que le dispositif initial du Gouvernement -  et répond aux observations du Conseil constitutionnel.

Les périmètres de protection sont davantage encadrés, étant précisé que les palpations de sécurité ne peuvent se fonder que sur des critères excluant toute discrimination. La commission des lois a aussi restreint la diffusion des données psychiatriques.

Nous travaillons hélas dans des délais contraints. La commission des lois a fait preuve de pragmatisme et de mesure. Dommage que le Gouvernement fasse fi des apports du Sénat en cherchant dès à présent à rétablir le texte de l'Assemblée nationale.

Nos concitoyens aspirent à vivre en sécurité dans un État de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Yannick Vaugrenard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je salue celles et ceux qui, au quotidien, luttent contre le terrorisme, déjouant régulièrement des attentats au péril de leur vie, pour protéger la nôtre.

Le terrorisme a évolué. La menace s'autonomise, avec des acteurs isolés au profil psychologique instable. Nous devons nous adapter.

L'utilisation des URL offre une plus grande efficacité. À cet égard, la confiance n'exclut pas le contrôle. Ce serait une erreur de considérer que notre pays ne court aucun risque totalitaire. Il faut donc renforcer les instances de contrôle démocratique, en veillant aux libertés fondamentales.

Le Sénat joue un rôle particulier en matière de protection des libertés. Les échanges de données entre services français et étrangers, essentiels, devront être mieux contrôlés a posteriori.

Avant une probable condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne, nous devons revoir notre point de vue.

Le Conseil constitutionnel risque de remettre en cause les Micas, ce qui retarderait la mise en oeuvre rapide de la loi. Le Gouvernement devrait en tenir compte.

Ce texte est nécessaire ; son évolution le sera aussi. Nous souhaitons l'améliorer, le préciser. Le systématisme partisan n'est pas de mise. Nos concitoyens souhaitent associer protection, liberté et responsabilité. C'est le sens de notre démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Chantal Deseyne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce projet de loi revêt une importance capitale pour notre souveraineté. Le cyberespace a renouvelé en profondeur le renseignement.

La prévention du terrorisme a motivé 40 % des demandes à la CNCTR.

Le législateur a doté les services de renseignement de moyens d'investigation sophistiqués définis de manière précise dans le code de la sécurité intérieure. Pour préserver leur légitimité, ceux-ci doivent déroger le moins possible aux principes démocratiques. La montée en puissance du renseignement doit s'accompagner du renforcement des contrôles.

L'article 6 étend la possibilité de communication des informations relatives à l'admission d'une personne en soins psychiatriques au préfet lorsque celle-ci représentent une menace grave en raison de sa radicalisation à caractère terroriste.

L'article 8 autorise la conservation des données pendant cinq ans.

Le texte pérennise la technique de l'algorithme. La CNCTR a constaté une hausse du nombre de demandes de données de connexion, parallèlement à une baisse des autres demandes, notamment les plus intrusives.

Le projet de loi étend la surveillance aux noms de domaines consultés. La commission des lois refuse cette inscription pérenne dans le droit mais autorise l'expérimentation jusqu'au 31 juillet 2025.

L'article 11 autorise les services de renseignement, à titre expérimental, à intercepter des correspondances transitant par la voie satellitaire. Les recommandations et observations de la délégation parlementaire au renseignement doivent être présentées au président de chaque assemblée.

Depuis 2015, la menace d'une attaque projetée depuis l'étranger a fait place à une menace endogène et diffuse.

Selon Jean-François Ricard, l'examen des données de connexion constitue 80 % du travail après un attentat. Dans ce cadre, le travail de la CNCTR est fondamental. En 2020, elle a rendu 262 avis défavorables, ce qui est très faible, et le Premier ministre n'est jamais passé outre.

Je rends hommage à celles et ceux qui travaillent à la protection des Français et de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

À la fin du II de l'article 5 de la loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, la date : « 31 juillet 2021 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2024 ».

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement ne conserve pas le caractère expérimental des mesures de la loi SILT, dont le bilan est mitigé, mais maintient leur nature exceptionnelle.

Le Sénat a rappelé que tout régime d'exception doit être limité dans le temps, ce qui a conduit le Parlement à en fixer le terme au 31 décembre 2021.

Il y a une forme de paresse démocratique à introduire des dispositions dérogatoires au droit commun d'abord de manière expérimentale pour ensuite les pérenniser puis en étendre le champ au gré des circonstances. L'article 44 du projet de loi confortant les principes de la République, qui élargit le champ d'application de la fermeture de lieux de culte sur d'autres fondements que ceux du régime d'exception, en est l'illustration.

Les mesures ici visées accroissent significativement les pouvoirs de l'autorité administrative. Le Conseil constitutionnel ne les juge pas déséquilibrées et le Parlement a constaté qu'elles présentaient un intérêt et que leur utilisation actuelle semblait mesurée et proportionnée. Elles n'en demeurent pas moins exceptionnelles : elles affectent la liberté d'aller et venir, la liberté de culte, le droit au respect de la vie privée et familiale et l'inviolabilité du domicile dans un contexte sécuritaire d'anticipation d'un danger potentiel.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - L'année dernière, la majorité du Sénat s'est prononcée pour une pérennisation immédiate des mesures, alors que la majorité de l'Assemblée nationale était pour leur prorogation.

Le Conseil constitutionnel a estimé que les quatre mesures fondamentales - périmètres de protection, fermetures de lieux de culte, visites domiciliaires, Micas - étaient fondées. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Il est indispensable de pérenniser ces mesures, ce qui n'empêche pas de les contrôler étroitement.

L'amendement n°53 n'est pas adopté.

Mme Éliane Assassi.  - Le groupe CRCE votera contre l'article premier.

La commission des lois a adopté cet article pérennisant les mesures de la loi SILT sans modification.

L'article premier pérennise ainsi les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte et les Micas. Ces dernières actent un changement de paradigme en se fondant sur la suspicion d'une commission d'infraction. Nous déplorons ce tournant radical qui inquiète les magistrats de tout bord.

En 2018, à l'assemblée générale des Nations unies, plusieurs États se sont inquiétés du manque de respect des droits en France.

Le CRCE votera contre l'article premier.

L'article premier est adopté, ainsi que l'article premier bis.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - L'article 2 élargit les mesures de fermeture des lieux de culte. Cela dépasse l'objectif de lutte contre le terrorisme. La notion de « locaux dépendant du lieu de culte » apparaît bien trop floue et susceptible de porter à la liberté du culte et à la liberté associative. C'est la même logique que la loi Séparatisme...

En outre, l'administration dispose déjà du pouvoir de dissoudre toute association incitant à la commission d'actes de terrorisme ou de fermer tout lieu constituant une menace pour l'ordre ou la sécurité publique.

M. le président.  - Amendement identique n°64, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Mme Esther Benbassa.  - L'article 2 autorise la fermeture des locaux dépendant du lieu de culte fermé dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'ils seraient utilisés pour contourner l'interdiction. Son champ d'application est bien trop large et la notion de « locaux dépendant du lieu de culte » trop floue.

L'administration peut déjà dissoudre toute association incitant à la commission d'actes de terrorisme ou fermer tout lieu constituant une menace pour l'ordre ou la sécurité publique.

Cet article superfétatoire est susceptible de porter atteinte à la liberté du culte et à la liberté associative.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Ces amendements sont contraires à la position de la commission qui a souhaité élargir les fermetures aux associations ayant des liens financiers avec les lieux de culte - c'était une demande des préfets. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Cet article est nécessaire pour fermer effectivement les lieux de culte. Il a été validé par le Conseil constitutionnel. En cas de fermeture du lieu de culte, certains locaux annexes peuvent être utilisés à la place : ils doivent pouvoir être également fermés. Le Conseil d'État a estimé que cette mesure respectait les principes de nécessité et de proportionnalité au but poursuivi, tout en préservant la liberté religieuse.

Les amendements identiques nos19 et 64 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°100 rectifié, présenté par M. Haye et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

I.  -  Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

gérés, exploités ou financés, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale gestionnaire du lieu de culte dont la fermeture est prononcée sur le fondement du même I, qui accueillent habituellement des réunions publiques, 

par les mots :

dépendant du lieu de culte dont la fermeture est prononcée sur le fondement du même I

II.  -  Alinéa 6 

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° À l'article L. 227-2, après le mot : « culte », sont insérés les mots : « ou d'un lieu en dépendant ».

M. Ludovic Haye.  - Cet amendement rétablit la rédaction de l'Assemblée nationale.

La modification opérée en commission conduirait à la fermeture de locaux ne présentant aucun lien avec le motif de fermeture du lieu de culte. Une telle portée est disproportionnée.

La mention « qui accueille habituellement des réunions publiques » est trop restrictive, car elle exclurait de nombreux locaux utilisés pour contourner la fermeture administrative.

Le rétablissement de cet article dans sa rédaction initiale empêchera les contournements tout en garantissant la proportionnalité de la mesure.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable. Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions. La rédaction de la commission est beaucoup plus précise et revient au motif principal de la fermeture. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Il est indispensable de rétablir la version initiale de l'Assemblée nationale. Les critères de la commission sont à la fois trop larges et trop restrictifs et ne correspondent pas à la situation qu'il s'agit de traiter. Avis favorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous n'avons pas déposé d'amendement sur cet article, même si nous nous interrogeons sur des lieux où des personnes éliraient domicile... Nous n'avons pas réussi à trouver une rédaction satisfaisante.

L'amendement n°100 rectifié n'est pas adopté.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet article est très important, car il reprend la mention du lien direct ou indirect et le suivi du financement. On pourra ainsi poursuivre les associations terroristes. Je voterai cet article

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pierre Laurent.  - Dans la même logique, nous proposons de supprimer l'article 3 qui renforce le régime des Micas, particulièrement attentatoires aux libertés publiques, qui avaient été mises en place à titre expérimental et avec clause de revoyure -  justement en raison de leur caractère particulièrement exorbitant du droit commun. Elles sont mises en oeuvre par le ministre de l'intérieur, avec des motifs insuffisamment précis. C'est la légalisation de la menace pressentie. Les Micas ne peuvent durer plus de douze mois. Le Gouvernement veut aller jusqu'à vingt-quatre mois. Le Conseil constitutionnel estime que, quelle que soit la gravité de la menace, une décision de police administrative ne peut se prolonger si longtemps.

Nous voterons contre l'article et contre l'amendement n°89 du Gouvernement.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Je remercie M. Laurent d'avoir fait la promotion de la position de la commission des lois. De fait, notre dispositif prend en compte les arguments constitutionnels qu'il a présentés. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

M. Pierre Laurent.  - Je prends acte de la position de la commission, mais il n'en demeure pas moins que vous intégrez dans le droit commun une mesure dérogatoire.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

L'amendement n°7 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6

Rétablir le c dans la rédaction suivante :

c) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à la durée totale cumulée de douze mois prévue à l'alinéa précédent, lorsque ces obligations sont prononcées dans un délai de six mois à compter de la libération d'une personne condamnée à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d'une durée supérieure ou égale à cinq ans pour l'une des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l'exception de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, ou d'une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l'infraction a été commise en état de récidive légale, et si les conditions prévues à l'article L. 228-1 du présent code continuent d'être réunies, la durée totale cumulée de ces obligations peut atteindre vingt-quatre mois. Pour les douze premiers mois de leur mise en oeuvre, les obligations sont renouvelées dans les conditions prévues à l'alinéa précédent ; au-delà d'une durée cumulée de douze mois, chaque renouvellement, d'une durée maximale de trois mois, est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. » ;

II.  -  Alinéa 12

Rétablir le b dans la rédaction suivante :

b) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à la durée totale cumulée de douze mois prévue à l'alinéa précédent, lorsque ces obligations sont prononcées dans un délai de six mois à compter de la libération d'une personne condamnée à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d'une durée supérieure ou égale à cinq ans pour l'une des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l'exception de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, ou d'une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l'infraction a été commise en état de récidive légale, et si les conditions prévues à l'article L. 228-1 du présent code continuent d'être réunies, la durée totale cumulée de ces obligations peut atteindre vingt-quatre mois. Pour les douze premiers mois de leur mise en oeuvre, les obligations sont renouvelées dans les conditions prévues à l'alinéa précédent ; au-delà d'une durée cumulée de douze mois, chaque renouvellement, d'une durée maximale de six mois, est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. » ;

III.  -  Alinéa 17

Rétablir le a dans la rédaction suivante :

a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à la durée totale cumulée de douze mois prévue à l'alinéa précédent, lorsque ces obligations sont prononcées dans un délai de six mois à compter de la libération d'une personne condamnée à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d'une durée supérieure ou égale à cinq ans pour l'une des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l'exception de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, ou d'une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l'infraction a été commise en état de récidive légale, et si les conditions prévues à l'article L. 228-1 du présent code continuent d'être réunies, la durée totale cumulée de ces obligations peut atteindre vingt-quatre mois. Pour les douze premiers mois de leur mise en oeuvre, les obligations sont renouvelées dans les conditions prévues à l'alinéa précédent ; au-delà d'une durée cumulée de douze mois, chaque renouvellement, d'une durée maximale de six mois, est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. » ;

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Les 188 condamnés terroristes islamistes qui vont sortir de détention d'ici 2025, dont beaucoup demeurent ancrés dans une idéologie radicale, représentent un enjeu sécuritaire majeur : prosélytisme, menace à court terme du fait de profils impulsifs, menace d'attentats à moyen et long terme ou encore tentative de redéploiement vers des zones de djihad.

Pour ces profils, le placement sous Micas se révèle utile et adapté : il facilite leur surveillance, permet d'observer leurs relations habituelles, leur pratique religieuse, leur activité sur les réseaux sociaux, leurs efforts de réinsertion, sans mobiliser les mêmes ressources humaines qu'une surveillance physique ou technique à temps plein.

Pour les profils particulièrement dangereux, la limite de douze mois se révèle toutefois inadaptée ; depuis 2017, dix-neuf Micas sont déjà arrivées à échéance, malgré la menace persistante. C'est pourquoi nous souhaitons les prolonger à vingt-quatre mois.

Le dispositif judiciaire proposé par votre commission priverait les autorités de la réactivité nécessaire, alors que la sortie de détention est parfois décidée en quelques heures seulement - or les Micas peuvent être prises dans un délai très court.

De plus, le régime proposé par la commission des lois risquerait, paradoxalement, de conduire à un suivi plus strict pour les personnes radicalisées n'étant jamais passées à l'acte que pour des personnes sortant de prison ! Le dispositif du Gouvernement est assorti de garanties fortes qui le sécurisent sur le plan constitutionnel.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - La ministre ne nous a pas convaincus. Le risque constitutionnel est réel. La décision du 24 mars 2018 précise bien que les Micas ne sauraient excéder douze mois. Et le commentaire ajoute : « quelle que soit la gravité de la menace qui la justifie, la mesure ne saurait durer le temps que dure la menace ».

Les mesures de suivi judiciaire prononcées par le juge peuvent prévoir une surveillance plus longue, tout en offrant de meilleures garanties pour les individus ; elles peuvent associer des mesures sociales visant à favoriser la réinsertion. En outre, elle peut être cumulée, la première année, avec une Micas. Avis défavorable.

L'amendement n°89 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 21

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un article L. 228-... ainsi rédigé :

« Art. L. 228-....  -  Le juge des libertés et de la détention de Paris peut être saisi, à tout moment, aux fins de statuer, à bref délai, sur la mainlevée immédiate d'une mesure de sûreté prévue aux articles 706-53-13 à 706-53-19 du code de procédure pénale et à l'article 131-36-1 du code pénal, lorsque que celle-ci est incompatible avec le prononcé d'une des obligations prévues aux articles L. 228-2 à L. 228-7 du présent code à l'égard de toute personne mentionnée à l'article L. 228-1.

« La saisine peut être formée par :

« 1° La personne faisant l'objet d'une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance et d'une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion ;

« 2° Les titulaires de l'autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure ;

« 3° Son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité ;

« 4° Le procureur de la République.

« Le juge des libertés et de la détention peut également se saisir d'office, à tout moment. »

M. Jean-Yves Leconte.  - Une même personne peut être soumise à la fois à des mesures administratives et judiciaires, ce qui pose la question de la cohérence.

Nous proposons de recourir au juge des libertés et de la détention (JLD) pour trancher au cas par cas, par exemple sur une main levée.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Il peut en effet y avoir des conflits entre les obligations relevant des Micas et des mesures de sûreté. Mais je suis surpris que vous proposiez qu'une mesure administrative l'emporte sur une mesure judiciaire.

Vous soulevez une vraie question, mais la réponse proposée n'est pas la bonne. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je prends note de votre remarque. Je maintiens toutefois mon amendement, car il faut trouver une réponse à ce problème, éventuellement en cours de navette.

L'amendement n°45 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°102, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission des lois.

Alinéa 22

1° Remplacer les mots :

huitième et neuvième

par les mots :

septième et huitième

2° Remplacer le mot :

septième

par le mot :

sixième

3° Remplacer les mots :

quatrième et cinquième

par les mots :

troisième et quatrième

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Coordination.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Sagesse.

L'amendement n°102 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 4 BIS (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article L. 229-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du septième alinéa, les mots : « ou les témoins » sont supprimés ;

2° Le huitième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Cette copie préserve l'anonymat des témoins mentionnés au troisième alinéa du présent article. L'identité et l'adresse des témoins sont inscrites dans un autre procès-verbal signé par les intéressés et versé dans un dossier distinct du dossier de la procédure. Il en est fait mention dans l'original du procès-verbal ainsi que dans la copie de ce document. »

M. Jean-Yves Leconte.  - L'article 4 bis, inséré par l'Assemblée nationale, entendait répondre à la difficulté pour les JLD de trouver des témoins pour une visite domiciliaire menée en l'absence de l'occupant des lieux, ceux-ci ne souhaitant pas apparaître dans la procédure par crainte légitime de représailles. Or l'anonymisation absolue des témoins dans le procès-verbal contrevenait manifestement aux droits de la défense : la commission des lois a donc supprimé l'article - mais le problème de la protection des témoins demeure.

Nous proposons donc cette rédaction qui répond aux préoccupations des uns et des autres.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable, même si M. Leconte soulève un réel problème.

Sa proposition ne permet pas d'en sortir.

La présence de témoins lors de la visite domiciliaire garantit les droits de la défense. Si nous anonymisons les témoins dans le procès-verbal, le prévenu ne pourra pas s'assurer qu'ils existent bel et bien ; si leur identité est consignée dans un procès-verbal distinct, le problème demeure : comment le prévenu pourra-t-il s'assurer de l'existence et de la régularité de ce second procès-verbal ? Son droit à un recours effectif serait compromis.

Retrait ou avis défavorable, même si la solution n'est pas totalement satisfaisante.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Je rejoins l'argumentation du rapporteur. La présence des deux témoins est une des conditions de la régularité de la mesure. L'anonymisation totale des témoins empêcherait la personne concernée de faire valoir ses droits en cas de recours. Avis défavorable.

L'amendement n°54 est retiré.

L'article 4 bis demeure supprimé

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 4 bis (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conséquences sur les personnes détenues mises en cause dans des affaires de terrorisme islamiste ou celles écrouées pour des faits de droit commun et repérées par l'administration et par les services de renseignement comme étant susceptibles de radicalisation, de :

- l'isolement et des quartiers spécifiques ;

- la réduction des aménagements de peine depuis la législation antiterroriste de 2016 ;

- l'accès aux activités de réinsertion.

Mme Michelle Gréaume.  - La loi de 2016 a durci les conditions d'octroi, voire supprimé les aménagements de peine en matière de terrorisme, remettant en cause toute la philosophie de l'aménagement des peines et de la préparation à la sortie.

Depuis 2016, six quartiers d'évaluation de la radicalisation ont été mis en place. Les détenus les plus radicalisés - 15 % environ - sont isolés des autres, dans des quartiers de prise en charge de la radicalisation. On nous propose aujourd'hui de déterminer un nouveau niveau de dangerosité et des mesures de sûreté quand ces personnes ne sont plus écrouées - ce qui interroge sur la pertinence de ces quartiers. Selon la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, l'accès aux activités de réinsertion n'est pas assuré.

Plutôt que de verser dans la surenchère sécuritaire pénale, faisons le point sur les méthodes engagées pour lutter contre la récidive et pour favoriser la réinsertion de ces individus.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Défavorable par principe aux demandes de rapport. Nous avons d'autres outils pour étudier ces questions.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Que faire de ces personnes radicalisées une fois purgée leur peine ? Le législateur de 2016 s'est mis dans l'impasse en limitant drastiquement tout aménagement de peine pour ces détenus, d'où des sorties sèches.

Cet article aménage le dispositif de régime de sûreté voté l'été dernier et censuré par une décision du Conseil constitutionnel du 10 août 2020. Renforcer encore notre arsenal judiciaire antiterroriste - l'un des plus stricts au monde - affaiblit l'État de droit. 

M. le président.  - Amendement identique n°65, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Mme Esther Benbassa.  - Cet article, qui reprend les mesures de sûreté censurées par le Conseil constitutionnel le 7 août 2020, cristallise les oppositions.

Le Conseil d'État, dans son avis du 23 juin 2020, s'était déjà interrogé sur l'utilité d'une telle mesure de sûreté. De nombreuses dispositions permettent en effet d'assurer un suivi post-détention : suivi socio-judiciaire, surveillance judiciaire, suivi post-libe?ration.

S'il faut bien sûr prévenir la commission d'actes terroristes, la gravité de ces actes ne dispense pas d'apprécier la stricte nécessité des mesures prévues pour y parvenir. Or cette mesure, qui plus est rétroactive, porte une atteinte excessive aux libertés individuelles.

Le GEST regrette de surcroît que ne soit pas prise en compte la situation des prisonniers de droit commun qui se radicalisent en détention.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable à la suppression d'un article qui reprend la proposition de loi du président Buffet et répond point par point aux objections du Conseil constitutionnel.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos21 et 65 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Le titre XV du livre IV du code de procédure pénale est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« De la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion

« Art. 706-25-16.  -  I.  -  Lorsqu'une personne a été condamnée à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d'une durée supérieure ou égale à cinq ans pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l'exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, ou d'une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l'infraction a été commise en état de récidive légale, et qu'il est établi, à l'issue d'un réexamen de sa situation intervenant à la fin de l'exécution de sa peine, que cette personne présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme, faisant ainsi obstacle à sa réinsertion, le tribunal de l'application des peines de Paris peut, sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste, ordonner, aux seules fins de prévenir la récidive et d'assurer la réinsertion, une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion.

« La décision définit les conditions d'une prise en charge sanitaire, sociale, éducative, psychologique ou psychiatrique destinée à permettre la réinsertion de la personne concernée et l'acquisition des valeurs de la citoyenneté. Cette prise en charge peut, le cas échéant, intervenir au sein d'un établissement d'accueil adapté.

« Elle peut imposer à la personne concernée d'exercer une activité professionnelle ou de suivre un enseignement ou une formation professionnelle ; elle peut également lui interdire de se livrer à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

« La décision précise les conditions dans lesquelles la personne concernée doit communiquer au service pénitentiaire d'insertion et de probation les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations et répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du service pénitentiaire d'insertion et de probation. Elle peut aussi l'astreindre à établir sa résidence en un lieu déterminé.

« Les obligations auxquelles la personne concernée est astreinte sont mises en oeuvre par le juge de l'application des peines du tribunal judiciaire de Paris, assisté du service pénitentiaire d'insertion et de probation, le cas échéant avec le concours des organismes habilités à cet effet.

« II.  -  Le tribunal de l'application des peines de Paris ne peut prononcer la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion qu'après s'être assuré que la personne condamnée a été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, de mesures de nature à favoriser sa réinsertion.

« III.  -  La mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion prévue au I peut être ordonnée pour une durée maximale d'un an. À l'issue de cette durée, la mesure peut être renouvelée sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste par le tribunal de l'application des peines de Paris, après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l'article 763-10, pour au plus la même durée, périodes de suspension comprises, dans la limite de cinq ans ou, lorsque le condamné est mineur, dans la limite de trois ans. Chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires qui le justifient précisément.

« IV.  -  La mesure prévue au I ne peut être ordonnée que si elle apparaît strictement nécessaire pour prévenir la récidive et assurer la réinsertion de la personne concernée. Elle n'est pas applicable si la personne a été condamnée à un suivi socio-judiciaire en application de l'article 421-8 du code pénal ou si elle fait l'objet d'une mesure de surveillance judiciaire prévue à l'article 723-29 du présent code, d'une mesure de surveillance de sûreté prévue à l'article 706-53-19 ou d'une rétention de sûreté prévue à l'article 706-53-13.

« Art. 706-25-17.  -  La situation des personnes détenues susceptibles de faire l'objet de la mesure prévue à l'article 706-25-16 est examinée, sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste, au moins trois mois avant la date prévue pour leur libération par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue à l'article 763-10, afin d'évaluer leur dangerosité et leur capacité à se réinsérer.

« À cette fin, la commission pluridisciplinaire mentionnée au premier alinéa du présent article demande le placement de la personne concernée, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues, aux fins notamment d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité.

« À l'issue de cette période, la commission adresse au tribunal de l'application des peines de Paris et à la personne concernée un avis motivé sur la pertinence de prononcer la mesure mentionnée à l'article 706-25-16 au regard des critères définis au I du même article 706-25-16.

« Art. 706-25-18.  -  La décision prévue à l'article 706-25-16 est prise, avant la date prévue pour la libération du condamné, par un jugement rendu après un débat contradictoire et, si le condamné le demande, public, au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d'office. Elle doit être spécialement motivée au regard des conclusions de l'évaluation et de l'avis mentionnés à l'article 706-25-17 ainsi que des conditions prévues aux II et IV de l'article 706-25-16.

« Le jugement précise les obligations auxquelles le condamné est tenu ainsi que la durée de celles-ci.

« La décision est exécutoire immédiatement à l'issue de la libération du condamné.

« Le tribunal de l'application des peines de Paris peut, sur réquisitions du procureur de la République antiterroriste ou à la demande de la personne concernée, selon les modalités prévues à l'article 706-53-17 et, le cas échéant, après avis du procureur de la République antiterroriste, modifier la mesure ou ordonner sa mainlevée. Cette compétence s'exerce sans préjudice de la possibilité, pour le juge de l'application des peines, d'adapter à tout moment les obligations auxquelles le condamné est tenu.

« Art. 706-25-19.  -  Les décisions du tribunal de l'application des peines de Paris prévues à la présente section peuvent faire l'objet du recours prévu au second alinéa de l'article 712-1.

« Art. 706-25-20.  -  Les obligations prévues à l'article 706-25-16 sont suspendues par toute détention intervenue au cours de leur exécution.

« Si la détention excède une durée de six mois, la reprise d'une ou de plusieurs des obligations prévues au même article 706-25-16 doit être confirmée par le tribunal de l'application des peines de Paris dans un délai de trois mois à compter de la cessation de la détention, à défaut de quoi il est mis fin d'office à la mesure.

« Art. 706-25-21.  -  Le fait pour la personne soumise à une mesure prise en application de l'article 706-25-16 de ne pas respecter les obligations auxquelles elle est astreinte est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

« Art. 706-25-22.  -  Un décret en Conseil d'État précise les conditions et les modalités d'application de la présente section. »

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Cet amendement rétablit la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement propose d'une part la prolongation des Micas à vingt-quatre mois, d'autre part une mesure judiciaire de prévention de la récidive et de réinsertion, là où votre commission crée une mesure judiciaire de sûreté mixte.

Notre dispositif fait cohabiter deux mesures distinctes mais complémentaires, avec une meilleure articulation. Il répond aux exigences du Conseil constitutionnel, selon le Conseil d'État.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous sommes au coeur du débat ! La commission estime qu'il y a un risque constitutionnel à allonger les Micas. Je redis que l'on peut associer mesures judiciaires et Micas, la première année. Avis défavorable.

L'amendement n°87 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Allizard et Bascher, Mmes Belrhiti, Bonfanti-Dossat et V. Boyer, MM. Burgoa et Charon, Mmes Chauvin, Deromedi, Garnier et Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Lassarade, MM. Le Rudulier, Lefèvre, Meurant, Savin, Sido, H Leroy et Tabarot et Mme Joseph.

Alinéa 13

Après le mot :

légale

insérer les mots :

, ou a e?te? prise en charge dans un quartier d'isolement en raison de sa radicalisation ou a e?te? e?value?e comme s'e?tant radicalise?e au cours de sa de?tention pour une ou des infractions de droit commun,

Mme Marie-Christine Chauvin.  - Défendu.

L'amendement n°9 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, est retiré.

M. le président.  - Amendement n°103, présenté par M. Daubresse, au nom de la commission des lois.

Alinéa 23, seconde phrase

Remplacer la référence :

V

par la référence :

IV

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Coordination.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Sagesse.

L'amendement n°103 est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - L'article 6 autorise la communication aux préfets et à certains services de renseignements des données à caractère personnel issues du fichier relatif au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement, lorsqu'un patient représente une menace grave à raison de sa radicalisation à caractère terroriste.

L'interconnexion des fichiers est déjà autorisée par le décret du 6 mai 2019.

Selon le Syndicat de la magistrature, la lutte anti-terrorisme, dotée d'un arsenal pléthorique, est prétexte à créer toutes sortes de dispositifs exorbitants tels que le fichage et le traçage des personnes atteintes de troubles mentaux, qui vient entériner l'idée que même les fous doivent être jugés. Nous y reviendrons lors du projet de loi sur l'irresponsabilité pénale. D'ici là, supprimons cet article.

M. le président.  - Amendement identique n°66, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Mme Esther Benbassa.  - Cet article élargit aux préfets et à certains services de renseignement des informations relatives aux personnes admises en soins psychiatriques sans consentement, au motif de leur dangerosité.

Nous prenons très au sérieux la lutte contre le terrorisme, mais elle ne saurait servir de prétexte au fichage et au traçage des personnes atteintes de troubles psychiatriques. Le secret médical doit prévaloir.

Les phénomènes de radicalités violentes sont compliqués et protéiformes. Ces dispositifs de contrôle stigmatisant n'ont pas leur place dans notre société.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable à ces amendements de suppression.

Une minorité de personnes radicalisées présentant un risque terroriste -  entre 15 et 20 % d'après mes auditions  - souffrent de troubles mentaux. Le dispositif proposé facilitera leur suivi par le préfet. La commission a encadré l'article en tenant compte des préoccupations de la CNIL sur l'interconnexion des fichiers.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai contre ces amendements. La commission des lois et la commission des affaires sociales ont travaillé sur l'expertise psychiatrique et les difficultés liées au contrôle des hospitalisations.

J'ai saisi le garde des Sceaux, lors des questions d'actualité au Gouvernement, sur l'absence, depuis 2019, de collecte de données concernant les 18 000 personnes ayant fait l'objet de non-lieu ou de classement sans suite pour irresponsabilité, y compris pour des faits graves. C'était une préconisation du rapport de Jean Sol, ainsi que du rapport Houillon-Raimbourg sur l'irresponsabilité pénale.

Les amendements identiques nos22 et 66 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°88, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

, ainsi que les agents placés sous son autorité qu'il désigne à cette fin

par les mots :

ainsi que ceux des services de renseignement mentionnés aux articles L. 811-2 et L. 811-4 du code de la sécurité intérieure désignés à cette fin par un décret en Conseil d'État

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Cet amendement rétablit la possibilité pour les services de renseignement d'être destinataires des informations d'identification et de situation administrative des personnes présentant une menace terroriste ainsi que des troubles psychologiques ou psychiatriques.

C'est indispensable dans le cadre de la prévention du terrorisme.

Les finalités de cet échange d'informations sont limitées au suivi d'une personne qui représente une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics ; la communication se limite aux services de renseignement du premier cercle et à certains services du second cercle, désignés par décret en Conseil d'État ; les échanges sont limités dans le temps.

M. le président.  - Amendement identique n°98 rectifié bis, présenté par M. Haye et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Ludovic Haye.  - Le Conseil d'État n'a pas émis de réserves sur l'accès des services de renseignement à ces informations, dont les modalités ont été resserrées par l'Assemblée nationale.

M. le président.  - Amendement n°99 rectifié bis, présenté par M. Haye et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots : 

, ainsi que les agents placés sous son autorité qu'il désigne à cette fin

par les mots :

ainsi que ceux des services de renseignement mentionnés aux articles L. 811-2 et L. 811-4 du code de la sécurité intérieure désignés à cette fin par un décret en Conseil d'État et qui exercent une mission de renseignement à titre principal

M. Ludovic Haye.  - Amendement de repli.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Il s'agit de trouver le juste équilibre entre respect des libertés, respect du secret professionnel et efficacité de la lutte contre le terrorisme.

Avis défavorable aux amendements identiques nos88 et 98 rectifié bis car l'acception des services autorisés est très large. Ce débat n'est pas anodin. Tenons-nous en au champ prévu par l'amendement n°99 rectifié bis, auquel je suis favorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis favorable à l'amendement n°99 rectifié bis.

Les amendements identiques nos88 et 98 rectifié bis ne sont pas adoptés.

L'amendement n°99 rectifié bis est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

L'article 6 bis est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 6 bis

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 6 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'efficacité de toutes les lois dites antiterroristes en France depuis la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme, ainsi que leurs conséquences sur les libertés et droits fondamentaux.

M. Pierre Laurent.  - Plus de trente ans de législations antiterroristes mériteraient un bilan sérieux pour évaluer leur efficacité, mais aussi leurs conséquences sur les libertés fondamentales.

Le 9 septembre 1986 naissait la première législation antiterroriste dérogatoire au droit commun. Après les attentats de 2015, l'état d'urgence a été prorogé six fois en deux ans, et durci. En 2017, le président Macron promettait une loi unique - mais le processus se poursuit avec le présent texte, qui va très loin.

Le réseau Antiterrorisme, droits et libertés sonne l'alerte et estime que le Gouvernement a perdu la boussole des principes de l'État de droit, en hybridant les logiques administratives et judiciaires et en balayant le principe selon lequel on ne saurait priver un individu de liberté que sur la base d'une infraction pénale précise.

Il est nécessaire d'évaluer précisément l'accumulation des mesures antiterroristes depuis trois décennies. Le Parlement s'honorerait à mener ce travail à bien.

M. le président.  - Amendement n°92 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Après l'article 6 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l'efficacité de toutes les lois antiterroristes en France depuis la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme, ainsi que leurs conséquences sur les droits et libertés fondamentaux.

Mme Esther Benbassa.  - Depuis 1986, des dizaines de textes ont été adoptés sans que leur efficacité soit évaluée. Ces dernières années ont vu se déployer un arsenal pénal important : lois renseignements, prorogations de l'état d'urgence, loi SILT, loi sécurité globale, jusqu'au présent texte.

Dès lors que ce texte consacre dans le droit commun des mesures qui suscitent l'inquiétude d'associations de défense des libertés publiques, il doit faire l'objet d'une expertise quant à ses conséquences sur nos libertés fondamentales. C'est une exigence démocratique.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable à ces rapports. Il y en a déjà eu sur la loi SILT, tant qu'elle n'était pas définitive. Nous avons des outils pour évaluer l'application des lois après leur promulgation.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Pierre Laurent.  - Un état des lieux sérieux s'impose sur un sujet de cette importance. S'il y a eu des rapports sur la loi SILT, c'est que les rapports sont utiles !

Quel était l'État de droit en 1986, quel est-il aujourd'hui ? Il est impératif de mener un travail d'évaluation.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - La loi SILT a donné lieu à des rapports pour décider s'il fallait la pérenniser ou la laisser « s'autodétruire », pour reprendre les mots du président Bas. L'évaluation peut prendre d'autres formes que des rapports : mission d'information, commission d'enquête... Nous avons au Parlement des outils pour le faire. Les rapporteurs de cette loi continueront à en suivre le parcours.

Mme Nathalie Goulet.  - Aucune évaluation n'a jamais été faite sur les programmes anti-radicalisation... Nous avons obtenu de haute lutte un rapport budgétaire de politique transversale sur le financement de l'anti-terrorisme. Il faut renforcer ce document qui est très bien fait. Je voterai contre les amendements.

L'amendement n°36 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°92 rectifié.

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article 7

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Avant l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 811-1 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 811-... ainsi rédigé :

« Art. L. 811-....  -  Dans le respect du droit et des conventions internationales auxquelles la France est partie, le Premier ministre fixe des orientations relatives aux échanges entre les services spécialisés de renseignement et des services étrangers ou des organismes internationaux. »

M. Yannick Vaugrenard.  - Les échanges de renseignements avec des services étrangers n'ont curieusement pas été inclus dans le cadre de la loi du 24 juillet 2015. Ce volet doit être encadré, comme le demandent la CNCTR et la délégation parlementaire au renseignement.

Le Gouvernement s'est dit prêt à envisager un cadre réglementaire formalisé. Qu'en est-il de la charte en cours d'élaboration ? Pourquoi le projet de loi est-il silencieux sur cette question ?

Le 5 mars 2019, Emmanuel Macron s'étonnait qu'en France « les coopérations entre services soient parfois inconnues des décideurs eux-mêmes ». Nombre de nos partenaires ont encadré ces échanges. Cet amendement traduit aussi une exigence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cette question délicate fait l'objet d'un contentieux devant la CEDH. Le sujet doit être travaillé en concertation avec le Gouvernement ; une évolution législative serait prématurée.

Le président de la commission des lois, qui est membre de la Délégation parlementaire au renseignement, a indiqué que celle-ci pourrait se pencher sur la question.

Enfin, il y a un problème juridique et technique à rendre communicables les orientations définies par le Premier ministre.

Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable sur cet amendement et le suivant.

Il serait prématuré de tirer les conséquences dans notre droit d'une décision de la CEDH qui ne concernait pas la France, mais les législations suédoise et britannique, très différentes de la nôtre. Attendons qu'elle statue spécifiquement sur la France. Un examen minutieux est nécessaire.

L'amendement n°42 n'a pas de portée normative.

L'amendement n°43 supprime la règle du tiers service, clé de voûte du partenariat entre services de renseignements.

Enfin, l'amendement n'exclut pas que le rapport annuel prévu comporte des informations sur les opérations en cours, ce qui serait contraire à la séparation des pouvoirs.

M. Pierre Laurent.  - Je trouve cet amendement très intéressant. Il n'est pas prématuré, mais urgent ! La législation anti-terroriste évolue très vite dans les différents pays. La définition de la lutte antiterroriste est évolutive, parfois extensive. Encadrer les coopérations entre les services est une nécessité brûlante !

M. Yannick Vaugrenard.  - La quasi-totalité des pays européens réalisent des contrôles posteriori des échanges entre leurs services et les services étrangers ; les États-Unis ont même une commission parlementaire dédiée. Nous sommes en retard. Réagissons maintenant, car la France, pays des droits de l'homme, risque d'être condamnée par la CEDH.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous en parlions déjà à l'automne dernier. Et il faudrait encore attendre ? L'arrêt de la CEDH est pourtant clair !

Cet encadrement est aussi nécessaire pour que nous continuions à bénéficier de la communication d'informations par les services étrangers ; c'est donc une question de sécurité. N'attendons pas de rentrer dans le mur pour réagir ! Trêve de procrastination !

L'amendement n°42 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Avant l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 833-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Au 4° , les mots : « à l'exclusion » sont remplacés par les mots : « y compris » et les mots :« ou qui pourraient donner connaissance à la commission, directement ou indirectement, de l'identité des sources des services spécialisés de renseignement » sont remplacés par les mots : « dans le cadre des orientations fixées par le Premier ministre » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Elle remet un rapport annuel à la délégation parlementaire au renseignement relatif aux échanges avec les services étrangers. »

M. Yannick Vaugrenard.  - Cet amendement pourrait permettre au Gouvernement de s'en tirer avec les honneurs. Il prévoit un rapport faisant état d'un contrôle a posteriori  des activités de coopération des services de renseignement français avec les services étrangers. Je répète que de nombreux pays sont en avance sur nous en la matière. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique, la Suisse, le Danemark, les Pays-Bas ou encore la Norvège se sont dotés d'un contrôle spécifique, sans que cela nuise à leurs activités de coopération.

La CEDH, dans son arrêt Big Brother Watch du 13 septembre 2018, considère d'ailleurs « que le transfert d'informations à des partenaires de renseignement étrangers doit également être soumis à un contrôle indépendant », ce qu'a confirmé son arrêt du 25 mai 2021.

Nous étendons les compétences de la CNCTR qui pourra ainsi contrôler le respect des orientations prises par le Premier ministre en la matière. Cette commission remettrait un rapport annuel à la Délégation parlementaire au renseignement.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Ce sujet doit être travaillé en amont au regard des implications internationales.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

M. Yannick Vaugrenard.  - Le 5 mars 2019, le Président de la République soulignait que les coopérations entre services sont parfois inconnues des décideurs eux-mêmes. Il faut réagir !

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°67, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Cet article acte la fin du principe selon lequel les renseignements ne peuvent être utilisés pour d'autres finalités que celles motivant la surveillance. Il est donc attentatoire aux libertés publiques.

L'absence de contrôle préalable aux mesures de surveillance est problématique. Quelle traçabilité, quelle durée de conservation de ces informations une fois transmises ?

Supprimons cet article qui allonge la liste des déjudiciarisations.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet article encadre pour la première fois la transmission d'informations aux services et entre services de renseignement, avec des contrôles internes et externes renforcés. Le supprimer, c'est supprimer tous les contrôles.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°67 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéas 9 à 11

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces transmissions sont subordonnées à une autorisation du Premier ministre après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement dans les conditions prévues aux articles L. 821-1 à L. 821-4.

M. Jean-Yves Leconte.  - Bien que le principe de la transmission d'informations entre services de renseignement soit inscrit dans la loi, il n'est toujours pas sécurisé juridiquement en l'absence de décret d'application. En outre, il n'existe pas de dispositions particulières concernant les renseignements transmis au sein d'un même service.

L'absence de publication des textes réglementaires est regrettable même si l'on considère que le simple dialogue entre services de renseignements n'a pas à être spécifiquement encadré. Cet amendement y remédie.

M. le président.  - Amendement n°69, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

1° Alinéa 9

Après le mot :

avis

insérer le mot :

conforme

2° Remplacer la référence :

L. 821-4

par la référence :

L. 821-3

Mme Esther Benbassa.  - Comme l'a souligné la CNIL, il est regrettable de ne pas instaurer un avis conforme de la CNCTR. Cette commission ne doit pas être un faire-valoir des décisions de l'exécutif. Il faut des garanties afin de protéger les libertés individuelles de nos concitoyens.

M. le président.  - Amendement n°68, présenté par Mme Benbassa et M. Benarroche.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les transmissions de renseignements collectés, extraits ou transcrits à des services de renseignements étrangers.

Mme Esther Benbassa.  - Les interceptions de masse réalisées par les services secrets danois sur les communications électroniques montrent qu'il est urgent d'assurer un contrôle démocratique sur les échanges de données avec les services de renseignements étrangers.

Dans son arrêt Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni rendu public le 25 mai dernier, la CEDH précise les conditions dans lesquelles les interceptions de masse réalisées par les services secrets pourraient être acceptables. Or le contrôle politique ou juridique de l'échange de données avec les services de renseignements étrangers, condition majeure, n'est pas rempli par la France.

Qui s'assure que sont respectées les libertés individuelles de nos concitoyens ? Ni le Parlement, ni l'autorité judiciaire, ni même la CNCTR n'ont de droit de regard sur ces sujets.

Les services français risquent de contourner les règles régissant les interceptions en France avec l'appui de leurs homologues étrangers.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°39, qui soumet toutes les transmissions à autorisation du Premier ministre après avis de la CNCTR. Il faut de la fluidité dans les échanges de renseignement. L'article 7 est équilibré et encadre le contrôle interne - l'agent doit être habilité et l'échange tracé - et externe, avec la CNCTR.

Avis défavorable à l'amendement n°69, satisfait. L'avis de la CNCTR est contraignant : si le Premier ministre passe outre, le Conseil d'État statue sous 24 heures.

L'amendement n°68 remet en cause la règle du tiers service. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis sur ces trois amendements.

Madame Benbassa, l'arrêt de la CEDH porte sur la législation britannique. La nôtre, très différente, doit encore être examinée par cette juridiction.

L'amendement n°39 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos69 et 68.

M. le président.  - Amendement n°104, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission des lois.

Alinéa 27

Remplacer les mots :

quatre premiers

par les mots :

premier, deuxième et quatrième

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Amendement de précision.

L'amendement n°104, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'amendement n°40 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 34

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toute transmission d'information, telle que précédemment écrite, fait l'objet d'une autorisation préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, sollicitée par le service intéressé.

Mme Éliane Assassi.  - L'article 7 apporte des garanties indispensables, mais il nous semble légitime de prévoir en sus une autorisation préalable par la CNCTR.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement contraire à la position de la commission ; ce n'est pas le rôle de la CNCTR, qui contrôle les techniques des renseignements, et non les échanges de données.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par MM. Leconte et Vaugrenard, Mmes S. Robert et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie et Sueur, Mmes Carlotti, Conway-Mouret et G. Jourda et MM. Roger, Temal, Todeschini, M. Vallet et Vallini.

Alinéa 35

Compléter cet alinéa par les mots :

et au plus tard dans un délai de six mois.

M. Jean-Yves Leconte.  - L'alinéa 35 prévoit la destruction des informations soumises à secret professionnel, mais il faut que cette destruction soit rapide. Un délai de six mois nous semble raisonnable, car ces données n'ont pas vocation à être stockées. Jean-Jacques Hyest, en 2015, répétait que les informations sensibles devaient être rapidement traitées. C'est aussi un gage d'efficacité.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable car le délai de six mois peut se révéler insuffisant pour les enquêtes longues.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Concernant les échanges avec les services étrangers, le Gouvernement remet un rapport au Parlement avant le 31 décembre 2022 afin de travailler à la définition d'un cadre légal sur ces échanges et de se conformer aux exigences européennes.

M. Yannick Vaugrenard.  - Ce texte aurait dû être l'occasion d'inscrire dans la loi les règles des échanges entre services. Tel n'est pas le cas, ce qui est l'angle mort de l'article.

L'argument unique que nous opposent les rapporteurs est la nécessité d'une réflexion préalable. Pour qu'elle soit réellement engagée, cet amendement prévoit la remise d'un rapport. J'insiste : le tiers service n'empêche en rien le contrôle posteriori.

Mme Agnès Canayer, rapporteur - Avis défavorable à cette demande de rapport.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°44 n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet article marque un progrès, même s'il est insuffisant. Des administrations qui ne sont pas des services de renseignement utilisent des techniques de renseignement - je pense aux services fiscaux ou à la Hadopi - sans que leurs activités puissent être contrôlées par la CNCTR.

Celle-ci doit en être saisie, sans quoi le dispositif de sécurité ne sera pas crédible. C'est un sujet sensible : le décret prévu par la loi n'a jamais été publié... Il y a encore du pain sur la planche.

L'article 7, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 7

M. le président.  - Amendement n°70, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le IV de l'article 19 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :

1° Après le mot : « traitement », la fin de l'alinéa est ainsi rédigée : « est soumis aux modalités de contrôles prévues au second alinéa du présent IV. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La conformité de ces traitements est contrôlée, en coopération avec la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, par un ou plusieurs membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés désignés par le président parmi les membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'État, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes. Le contrôle est effectué dans des conditions permettant d'en assurer la confidentialité. Les conclusions du contrôle sont remises au seul ministre compétent. Les conditions de mise en oeuvre de cette procédure sont précisées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

Mme Esther Benbassa.  - Il existe aujourd'hui treize fichiers ayant trait à la sûreté nationale, sur lesquels la CNIL n'exerce aucun contrôle. La préservation d'un strict équilibre entre la sécurité publique, la protection des intérêts fondamentaux de la Nation et le respect de la vie privée nécessite des garanties et le contrôle d'une autorité indépendante du pouvoir politique. C'est d'ailleurs le sens des décisions rendues par la Cour de justice de l'Union européenne dans les affaires Privacy International, La Quadrature du Net, French Data Network et Ordre des barreaux francophones et germanophones.

Il convient d'apporter une garantie supplémentaire afin que la loi Informatique et libertés soit pleinement appliquée.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. N'ajoutons pas un autre contrôle à celui de la CNCTR, autorité administrative indépendante.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Ces fichiers de souveraineté n'échappent pas au droit. Leur création est soumise à la CNIL et au Conseil d'État, qui vérifient leur pertinence au regard des objectifs visés.

La CNIL s'assure de l'opportunité des données collectées dans les locaux même des services de renseignement si elle est saisie par une personne physique.

Cet amendement n'est pas nécessaire : avis défavorable.

L'amendement n°70 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°97, présenté par Mme N. Goulet.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 4° de l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « et de son financement ».

Mme Nathalie Goulet.  - Lors des auditions, la directrice de Tracfin nous a indiqué qu'elle avait recours à l'article L. 811-3 de code de la sécurité intérieure pour toutes les affaires relatives au financement du terrorisme. Cet amendement le précise néanmoins car le financement du terrorisme est un sujet crucial.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Inutile de le préciser. En outre, les listes finissent toujours par limiter les dispositions juridiques.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Effectivement, cela pourrait s'avérer contreproductif. C'est bien la lutte contre le terrorisme, dans toutes ses composantes, qui est concernée.

L'amendement n°97 est retiré.

La séance est suspendue à 20 h 05.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - L'article 8 instaure un régime autonome de conservation des données aux fins de recherche et de développement. Le groupe CRCE y est opposé.

Même si le Gouvernement assure que ces données seront anonymisées, l'article n'apporte aucune garantie.

La Quadrature du Net note que cet article autorise la conservation jusqu'à cinq ans des informations obtenues dans le cadre du renseignement. Cela fera sauter les limitations pour la conservation des fadettes notamment, au prétexte de recherche et de développement. Et ensuite, elles seront utilisées pour le renseignement...

M. le président.  - Amendement identique n°71, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Mme Esther Benbassa.  - L'allongement de la durée de conservation des données personnelles à des fins de recherche et développement - terme vague - est pour le moins problématique. Le Conseil d'État pointe un risque de détournement à des fins de surveillance.

C'est le principe même d'une conservation indiscriminée des données personnelles qui est préjudiciable. La conservation de données inutiles et sensibles sans autre contrôle que celui de la CNCTR fait peser une menace disproportionnée sur la vie privée de nos concitoyens.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article 8 dote les services de renseignement d'outils utiles, tout en fixant des bornes.

Mme Florence Parly, ministre des armées.  - Même avis.

Les amendements identiques nos25 et 71 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le 1° du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Soixante jours à compter de leur recueil pour les paroles et les images captées en application de l'article L. 853-1 ; »

M. Yannick Vaugrenard.  - Le code de la sécurité intérieure prévoit des durées maximales de conservation différentes pour les données collectées par les dispositifs de captation de paroles et ceux de captation d'images, respectivement fixées à trente et cent-vingt jours. Ainsi, un mois après le recueil, les services de renseignement sont contraints de supprimer l'audio et de conserver certaines vidéos muettes, ce qui les rend difficilement exploitables.

Pour échapper à cet écueil, l'Assemblée nationale a harmonisé, en première lecture, les durées maximales de conservation en les alignant sur la durée la plus élevée, soit cent-vingt jours. Or, comme le précise la délégation parlementaire au renseignement dans son dernier rapport, cet alignement serait susceptible d'être jugé disproportionné par le Conseil constitutionnel. C'est pourquoi il lui apparaît plus raisonnable d'envisager une durée intermédiaire de soixante jours.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Cent-vingt jours est une durée proportionnée eu égard au renforcement du contrôle de la CNCTR. Toute donnée non utilisée pourra être détruite.

Mme Florence Parly, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°47 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°72, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 4, au début

Insérer les mots :

À titre expérimental, pour une durée de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° .... du ....., relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement,

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement de repli borne dans le temps les dispositions de l'article afin de permettre à la représentation nationale d'en évaluer les effets et l'efficacité.

Le principe même de la validation de la conservation massive de données à des fins de recherche et de développement pose un problème de fond, d'autant que le mécanisme de contrôle prévu paraît largement insuffisant, la CNCTR n'ayant que la possibilité de recommander au Premier ministre la suspension d'un programme de recherche quand elle estime qu'il ne respecte plus les conditions posées dans le texte. À ce moment du processus, le mal sera fait...

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Une expérimentation est inutile, car la conservation des données est encadrée. Chaque nouvelle technique de renseignement doit être autorisée par le législateur.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°72 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le stockage de ces données est matériellement et informatiquement cloisonné afin d'empêcher leur utilisation à des fins de surveillance.

Mme Esther Benbassa.  - Aux termes de cet article, les données extraites seront conservées pendant cinq ans. Le syndicat de la magistrature s'est interrogé sur la possibilité de les utiliser à des fins de surveillance. D'où cet amendement qui prévoit un stockage cloisonné, conformément aux recommandations de la CNCTR.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait : toute utilisation à des fins de surveillance est explicitement exclue. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°73 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

dans des conditions

par les mots :

dans un registre anonymisé dans lequel est inscrite la date de leur recueillement et

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement renforce la traçabilité des renseignements conservés pour les besoins de la recherche et du développement afin que la CNCTR exerce pleinement son contrôle sur la durée de conservation de tels renseignements jusqu'à cinq ans après leur recueil.

En l'absence de décret d'application, il faut prévoir un registre faisant apparaître la date de recueil pour assurer leur destruction au plus tard à l'échéance fixée par l'article.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Un registre anonymisé ne permettra pas d'atteindre l'objectif. Les données collectées sont déjà anonymisées et comportent une date de recueil.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°55 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°56, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le programme de recherche et de développement mentionné au présent III recourt à des traitements algorithmiques, il définit clairement les modalités et les critères pris en compte pour son déploiement.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement reprend une recommandation de la CNIL qui préconise d'apporter des précautions supplémentaires lorsque les programmes de recherche et de développement portent sur des techniques mises en oeuvre au moyen d'un traitement algorithmique.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure prévoit que la CNCTR émet un avis sur les paramètres de conservation. L'amendement est donc satisfait : avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°56 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 7

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

deux

Mme Éliane Assassi.  - Cet article est dangereux. Et comme nous sommes tenaces, voici un amendement de repli.

Le délai proposé par le Gouvernement de cinq années apparaît trop long pour des informations qui ne permettent pas d'identifier des signaux faibles d'une éventuelle menace terroriste. Nous proposons deux ans, en demandant un avis argumenté de la ministre...

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Les cinq ans sont un maximum et les données sont détruites une fois devenues inutiles. Deux ans seraient trop courts pour la recherche et le développement.

Mme Florence Parly, ministre.  - Cet amendement limiterait fortement les capacités des services à développer des outils pertinents. La conservation des données est assortie de nombreuses garanties, à commencer par l'anonymisation. Avis défavorable.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Leconte.  - Merci à Mme Assassi d'avoir demandé à la ministre une explication circonstanciée... C'est pourtant un article qui mérite un encadrement particulier pour calmer des inquiétudes légitimes. Nous comprenons l'utilité de l'article, mais n'avons pas été rassurés sur son encadrement.

L'article 8 est adopté, de même que l'article 9.

ARTICLE 10

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pierre Ouzoulias.  - Les intercepteurs de numéros de l'usager de téléphonie mobile - je le dis en bon français - permettent de recueillir partout sur le territoire toutes les données de connexion de tous les usagers. Cet article les adapte à la 5G.

De fait, comme l'a noté la CNIL, il s'agit d'un chalutage indiscriminé des données de tous les citoyens. Cette technique est fortement attentatoire aux libertés individuelles.

M. le président.  - Amendement identique n°74, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Mme Esther Benbassa.  - L'IMSI catching, technique utilisant un appareil de surveillance pour intercepter le trafic des communications mobiles, récupérer des informations à distance ou pister les mouvements des terminaux, inquiète les défenseurs de la protection de la vie privée. Le ministre de l'Intérieur Cazeneuve l'avait, en son temps, reconnu.

Si cette technique est pour l'instant réservée à certaines procédures judiciaires concernant des infractions graves à la loi pénale, son utilisation inquiète en raison du risque d'une surveillance de masse. Son caractère très intrusif justifie qu'elle ne soit utilisée que de manière exceptionnelle.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'INSI catching est déjà mentionné à l'article L. 851-6 du code de la sécurité intérieure. C'est une technique contingentée et subsidiaire. L'article permet la réquisition des opérateurs dans le cadre de la 5G, ce qui permet aux services de renseignement d'être en phase avec l'évolution des technologies. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos26 et 74 ne sont pas adoptés.

L'article 10 est adopté.

ARTICLE 11

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - Le groupe CRCE s'oppose à l'expérimentation pour une durée de quatre ans de l'interception des communications empruntant la voie satellitaire. Cette expérimentation risque de conduire au recueil d'informations qui ne concernent pas la prévention d'actes terroristes.

Aucune garantie ne permet d'empêcher le recueil de données sensibles qui relèveront de la violation de la vie intime. Un filtrage en amont serait plus respectueux de la vie privée des personnes.

La voie satellitaire n'est pas à écarter d'emblée, mais pourquoi ne pas prendre le temps d'affiner cette expérimentation afin d'éviter une surveillance de masse ?

De plus, il ne fait aucun doute que l'expérimentation sera pérennisée : en matière de renseignement, il n'y a jamais de retour en arrière...

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Il est essentiel de donner aux services de renseignement les moyens de faire face au déploiement de nouvelles constellations satellitaires comme Starlink, OneWeb et Amazon. C'est le sens de l'expérimentation prévue à l'article 11 : avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°90, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

renseignement

insérer les mots :

et les services mentionnés à l'article L. 811-4 désignés, au regard de leurs missions, par un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement,

Mme Florence Parly, ministre.  - La commission des lois du Sénat a adopté un amendement restreignant la technique expérimentale d'interception des correspondances par voie satellitaire aux seuls services de renseignement dits du « premier cercle ».

D'une part, cela semble contradictoire avec l'objectif même de la modification législative envisagée, qui consiste non pas à ajouter un nouvel outil à l'arsenal des services de renseignement, mais uniquement à combler le déficit opérationnel qui résulterait du changement technologique.

Les services appartenant au second cercle du renseignement sont également susceptibles de subir le déport de certaines communications vers les moyens satellitaires : ils doivent pouvoir recourir à cette technique.

Cela ne fera pas obstacle à ce que la mise en oeuvre effective des interceptions relève des services du premier cercle, pour le compte de ceux du second cercle.

D'autre part, sur le plan constitutionnel, le seul fait que le service demandeur soit un service du second cercle ne majore pas l'atteinte à la vie privée. Il pourrait accéder à une interception de sécurité classique pour les finalités considérées : sa demande est soumise à l'avis de la CNCTR et autorisée par le Premier ministre, les opérations postérieures à la demande sont prises en charge par les services du premier cercle et par le groupement interministériel de contrôle (GIC) ; le service du second cercle dispose seulement du résultat final.

Cet amendement réintroduit donc la possibilité de désigner des services de renseignement du second cercle comme bénéficiaires potentiels de cette nouvelle technique.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission a limité le recours à cette technique aux seuls services du premier cercle, qui sont les plus spécialisés. Nous n'avons pas encore de visibilité suffisante sur cette technique.

L'amendement n°90 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°57, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Un lien avec la personne concernée par l'autorisation est établi lorsqu'il est utile à la poursuite de l'une des seules finalités mentionnées au présent I.

M. Jean-Yves Leconte.  - Amendement de précision. L'article 11 autorise, à titre expérimental, les services de renseignement à intercepter des correspondances émises ou reçues par la voie satellitaire lorsque des raisons pratiques ou de confidentialité font obstacle au concours des opérateurs. 

Ce type de technique de renseignement est susceptible de permettre la collecte systématique et automatique de données appartenant à des personnes n'ayant aucun lien autre qu'une proximité géographique avec la personne visée. Les correspondances interceptées seront détruites en l'absence de lien apparent avec la cible recherchée. Mais il convient de circonscrire précisément la nature de ce lien afin d'assurer un contrôle effectif.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable : l'amendement est satisfait par la rédaction de la commission, qui encadre suffisamment le dispositif.

Mme Florence Parly, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°57 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°75, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 10

Remplacer l'année :

2025

par l'année :

2022

Mme Esther Benbassa.  - Cette nouvelle technique risque de conduire au recueil d'informations ne concernant pas directement la prévention d'actes terroristes. Le Conseil d'État le dit, l'étude d'impact ne précise ni les modalités d'évaluation de cette expérimentation ni les critères d'appréciation.

L'expérimentation ne saurait perdurer au-delà du prochain renouvellement de la majorité parlementaire, qui se prononce alors sur son éventuel maintien.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable : une expérimentation d'un an est trop courte au regard de la complexité de cette technique.

Mme Florence Parly, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°75 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d'évaluation d'étape sur l'application de ces dispositions avant leur échéance. À l'expiration de ce délai, si aucun rapport n'a été remis, l'autorisation est suspendue jusqu'à ce que le rapport soit adressé au Parlement.

Mme Esther Benbassa.  - Problème récurrent : nous votons des demandes de rapports sur le renseignement, mais les mois - parfois même les années - passent et... pas de rapport. Nous demandons donc qu'un rapport d'étape nous soit remis, faute de quoi l'expérimentation sera automatiquement suspendue.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d'évaluation d'étape sur l'application de ces dispositions au plus tard le 31 décembre 2023 et un rapport d'évaluation définitif au plus tard six mois avant le terme fixé pour la fin de leur application.

M. Jean-Yves Leconte.  - Une fois n'est pas coutume, même la commission demande un rapport. Mais nous attendons toujours celui sur les algorithmes...

C'est pourquoi nous prévoyons un rapport d'étape et en précisons le contenu.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce rapport précise le nombre de communications interceptées sans rapport avec la cible visée ainsi que l'évaluation des obstacles juridiques, techniques ou opérationnels ayant empêché le recours aux régimes des interceptions de sécurité de droit commun du I de l'article L. 852-1 du code de la sécurité intérieure.

M. Jean-Yves Leconte.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Le Sénat n'est pas favorable aux demandes de rapports - même si les députés en ont introduit un dans le texte. C'est peu contraignant pour le Gouvernement et souvent purement formel. La délégation parlementaire au renseignement pourra jouer son rôle. Avis défavorable aux trois amendements.

Mme Florence Parly, ministre.  - Les amendements nos76 et 59 sont partiellement satisfaits puisque le texte prévoit un rapport six mois avant la fin de l'expérimentation, afin que le Parlement se prononce en connaissance de cause sur une éventuelle pérennisation. Le Parlement peut par ailleurs enquêter via la délégation parlementaire au renseignement.

L'interruption automatique de l'expérimentation en cas de non-remise du rapport pourrait avoir des conséquences opérationnelles.

Avis défavorable aux trois amendements.

L'amendement n°76 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos59 et 58.

Mme Nathalie Goulet.  - Je suis l'avis de la commission et du Gouvernement sur ces sujets. Mais le Parlement doit pouvoir exercer son contrôle et ne pas dépendre de réponses aléatoires.

Il est regrettable que nous n'ayons pas reçu le rapport sur les algorithmes. Que le Gouvernement s'engage au moins à nous transmettre les informations !

M. Jean-Yves Leconte.  - Je suis dans le même état d'esprit que Mme Goulet et je suis étonné de la réponse de Mme la ministre : si le rapport est prévu dans la loi, il doit être remis, indépendamment des contraintes opérationnelles.

Nous faisons preuve de beaucoup de bonne volonté en acceptant d'expérimenter de nouvelles techniques alors que d'autres, plus anciennes, n'ont pas fait l'objet du rapport prévu !

L'article 11 est adopté.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pierre Laurent.  - Cet article abroge l'article 25 de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, qui prévoyait l'expérimentation des « boîtes noires » jusqu'au 31 décembre 2021 et la remise d'un rapport au plus tard le 30 juin 2021. Nous y sommes. Or les évaluations précises et détaillées de ces mesures font défaut : aucun chiffre ni bilan sur l'utilisation des algorithmes contenus dans les « boîtes noires ». Le rôle du Parlement est une nouvelle fois entravé.

Nous sommes opposés à la pérennisation tacite des « boîtes noires » qui, couplée à l'article 13, vient nourrir un projet ultra-intrusif.

M. le président.  - Amendement identique n°77, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Mme Esther Benbassa.  - Selon la CNIL, les boîtes noires « portent une atteinte particulièrement forte à la vie privée des individus et au droit à la protection des données à caractère personnel ».

Les biais de conception des algorithmes ont des effets pervers bien documentés.

Le soupçon pèse sur le fait que le secret de la défense nationale pourrait être invoqué pour empêcher toute évaluation sérieuse de ces techniques. Les journalistes et chercheurs pourraient être les premiers à modifier leurs méthodes de travail pour éviter d'être surveillés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à cette suppression des algorithmes puisque nous souhaitons pérenniser cette technique prometteuse, même si, nous aussi, nous regrettons que le rapport prévu n'ait pas été remis. La CNCTR contrôle leur application à des données de connexion anonymes.

Mme Florence Parly, ministre.  - La pérennisation de ce dispositif pertinent est nécessaire. Ce n'est pas un système de surveillance mais un outil de détection adapté à la menace terroriste, de plus en plus endogène et difficile à repérer ; c'est un complément au renseignement humain, qui est central mais ne peut tout couvrir.

L'extension de la technique aux URL renforce encore son efficacité. Le Parlement a reçu un rapport non confidentiel et la délégation parlementaire au renseignement, une documentation détaillée couverte par le secret de la défense nationale.

Ce dispositif est proportionné. Trois algorithmes fonctionnent, et ont donné lieu à 1 739 alertes en 2020. Le taux d'alerte est donc très mesuré. Les services ne surveillent pas en masse et ne sont pas noyés par les alertes.

Des garanties existent. Les données sont gérées par le GIC et ne sont pas accessibles aux services. Il faut une autorisation du Premier ministre après avis de la CNCTR pour lever l'anonymat.

Le projet de loi apporte de nouvelles garanties, notamment la destruction immédiate des données non nécessaires et la restriction au premier cercle.

Le système est efficace, encadré, adapté. Avis défavorable à cette suppression.

Mme Nathalie Goulet.  - Je ne voterai pas les amendements de suppression. Mais, madame la ministre, j'ai interrogé votre collègue en discussion générale sur les contrats avec la société américaine Palantir. Je repose la question. Nous devrions pouvoir produire de tels outils en France...

M. Pierre Ouzoulias.  - Mme Goulet a raison : les garanties du Gouvernement valent à condition que l'État français soit garant de la souveraineté numérique. Or vous utilisez Microsoft, opérateur américain ! La France est tributaire de puissances étrangères. Je le regrette. Les États-Unis pourraient ficher toute la population française. Je suis désolé de vous le dire depuis ces bancs mais le modèle chinois n'est pas pour nous une référence ! (Sourires)

M. Stéphane Piednoir.  - Ça a évolué ! (Sourires)

Les amendements identiques nos29 rectifié et 77 ne sont pas adoptés.

L'article 12 est adopté.

ARTICLE 13

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le Conseil d'État a fait remarquer qu'avec les URL, on ouvrait un champ d'investigation potentiellement attentatoire à la vie privée.

Nous ne croyons pas aux assurances du Gouvernement selon lequel il n'est pas possible d'obtenir d'informations précises sur ce qui est consulté. L'URL -  au hasard  - xavierbertrand2022.eu (sourires) donne des indications sur les opinions politiques de la personne qui la consulte.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Pas forcément ! (Sourires)

M. Pierre Ouzoulias.  - Cette collecte d'informations permet le fichage politique. Imaginez que nous ne soyons plus en État de droit : nous risquons de donner des outils très dangereux à des gouvernements dont les intentions sont moins légitimes que les vôtres. (Mme Catherine Morin-Desailly approuve.)

M. le président.  - Amendement identique n°78, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Mme Esther Benbassa.  - La CNIL estime que le recueil des URL est susceptible de faire apparaître des informations relatives à la vie privée, comme l'orientation sexuelle ou l'état de sante?. Elle a demandé une expérimentation, sans être suivie par le Gouvernement.

Le Syndicat de la magistrature a également alerté sur ce système d'investigation.

Le GEST craint une surveillance généralisée de la population et déplore que les législateurs soient tenus d'inscrire un tel dispositif dans la loi sans étude d'impact.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous sommes opposés à la suppression de l'extension des algorithmes aux URL. C'est bien parce que nous avons peu de recul sur les données mixtes que nous avons prévu une expérimentation.

Mme Florence Parly, ministre.  - L'extension aux URL répond à un besoin opérationnel clairement identifié. Les individus que les algorithmes visent à détecter utilisent beaucoup plus les applications chiffrées d'Internet que la téléphonie mobile classique, moins sûre.

Un exemple : la propagande d'Al-Qaïda ou de l'État islamique met en ligne des tutoriels très précis sur la fabrication d'explosifs ou le déraillement d'un train, sur des sites de plus en plus clandestins. Un algorithme fondé en partie sur le téléchargement et la diffusion de ces vidéos peut être envisagé, avec des modalités de contrôle très strictes par la CNCTR, qui interviendrait à chaque étape.

Le texte réduit au strict nécessaire la conservation des données et limite le maniement de cette technique au premier cercle.

Cela ne va pas à l'encontre du respect de la vie privée. Avis défavorable.

Mme Esther Benbassa.  - (Marques d'agacement à droite) Nous sommes au Parlement, nous sommes là pour débattre ! (Marques d'encouragement sur les travées du groupe CRCE)

Madame la ministre, imaginez-vous les dégâts que fera cette expérimentation, alors que nous n'avons toujours pas éradiqué le terrorisme ? Le Sénat est silencieux... Quel est le but de cette loi cosmétique ? Voulez-vous nous faire croire que vous préservez la vie privée des gens avec cet outil ? Vous seriez bien seule à le croire - quoique j'en doute...

Je n'énumérerai pas les livres qui décrivent un monde orwellien. Le terrorisme exige d'autres outils de lutte. Où sont achetées les armes ? Ce n'est pas Internet qui arme les terroristes.

Les amendements identiques nos28 et 78 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°79, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement de repli supprime la disposition spécifique visant les URL.

Il n'est aucunement démontré que cette surveillance accrue des Français constitue un moyen efficace de lutter contre le terrorisme.

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 4

Après le mot :

internet

insérer les mots :

à l'exclusion de celles pouvant figurer au sein de contenus de correspondances électroniques

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous n'avons aucun doute sur l'utilité de l'exploitation des données URL, correctement encadrée. Il serait paradoxal de s'y opposer et d'accepter qu'Amazon le fasse...

Le lien hypertexte peut aussi faire partie d'une correspondance, auquel cas ce n'est pas une donnée de connexion. Cet amendement précise les choses. Le Conseil d'État délimite strictement données de contenu et données de connexion.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°79. Sur l'amendement n°60, je sollicite l'avis du Gouvernement. Les adresses référencées dans le corps des courriels sont-elles bel et bien exclues ?

Mme Florence Parly, ministre.  - En aucun cas l'algorithme n'accède au contenu des correspondances électroniques. Un traitement par l'algorithme des URL contenues dans le corps des textes est totalement exclu par la loi.

Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°60.

Avis défavorable à l'amendement n°79.

M. Jean-Yves Leconte.  - Merci : cela va mieux en le disant.

M. le président.  - Il est donc retiré ?

M. Jean-Yves Leconte.  - Bien au contraire !

L'amendement n°79 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°60.

M. le président.  - Amendement n°107, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

Mme Florence Parly, ministre.  - La commission des lois a donné un caractère expérimental à l'extension de la technique de l'algorithme. Or celle-ci a déjà été expérimentée. Nous avons le recul suffisant et sommes en mesure de l'utiliser, comme plusieurs États européens.

Chacun le sait, c'est par internet que passe l'essentiel des communications.

En pratique, les algorithmes ne distinguent pas les URL « données de connexion » des URL « données mixtes », et ne donnent qu'un aperçu très limité du contenu. Le surcroît d'atteinte à la vie privée est extrêmement réduit.

De plus, le caractère expérimental n'est aucunement une garantie de proportionnalité. Seules les données résiduelles peuvent être transmises aux services - uniquement de premier cercle, dans des conditions très encadrées.

Enfin, le Gouvernement a de nombreux leviers de contrôle. Un rapport sera rendu au 1er juillet 2024 sur le point spécifique de l'extension aux URL.

En matière de terrorisme, il faut doter les services de renseignement de moyens d'action dans la durée.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Cet amendement tardif n'a pu être examiné par la commission, mais il est contraire à sa volonté de soumettre l'extension des algorithmes aux URL à expérimentation.

Les algorithmes instaurent une surveillance de masse indifférenciée, qui doit être encadrée. Le faible développement des algorithmes justifie un nouveau rendez-vous devant le Parlement - d'autant que le rapport prévu n'a pas été remis... Avis défavorable.

M. Pierre Ouzoulias.  - Les algorithmes ne collectent pas l'information mais la traitent pour recueillir les signaux faibles. Pour cela, il faut une collecte aussi large que possible, par un tamis à très petite maille.

Les Gafam collectent et traitent les données exactement dans les mêmes conditions. Je n'ai qu'une question : pourquoi ne les soumettez-vous pas à cet encadrement très strict ?

Mme Cécile Cukierman.  - On va trop loin. Le premier objectif, le seul qui doit nous animer, est la lutte contre le terrorisme. Elle nécessite des moyens techniques, mais surtout humains. On n'endigue pas cette menace avec la technologie.

Votre amendement supprime l'expérimentation d'une mesure attentatoire aux libertés individuelles.

Depuis des années, les lois s'empilent, soi-disant de plus en plus performantes ; or la menace terroriste, malheureusement, anticipe et s'adapte. Croyez-vous qu'un terroriste ira sur internet sans prendre de précaution et se laissera prendre par ces algorithmes ? L'expérimentation est nécessaire pour évaluer l'efficacité du dispositif et savoir s'il justifie une remise en cause des libertés individuelles.

Mme Nathalie Goulet.  - Mme Cukierman a presque tout dit. Nous sommes déjà assez déplumés en matière de contrôle, avec des rapports non remis.

Le groupe UC votera avec la commission, dont le texte est équilibré.

L'amendement n°107 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté.

ARTICLE 14

M. le président.  - Amendement n°80, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Cet article prévoit l'extension des algorithmes aux URL et non plus seulement aux données de trafic et de connexion de téléphonie. Il attente d'autant plus à la protection de la vie privée et des données personnelles.

Le Conseil constitutionnel a estimé que les données conservées « ne peuvent en aucun cas porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées, sous quelque forme que ce soit, dans le cadre de ces communications ».

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Cet amendement pourrait laisser penser, de façon trompeuse, que toutes les données figurant dans le contenu des correspondances pourraient être traitées. Avis défavorable.

L'amendement n°80 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

à l'exclusion de celles pouvant figurer au sein de contenus de correspondances électroniques

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet amendement reprend la distinction entre liens hypertextes « données de connexion » et liens hypertextes « correspondance ».

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°61 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Ajouté par lettre rectificative du 12 mai 2021, cet article modifie à la marge le système qui oblige les opérateurs à conserver pendant un an l'ensemble des données de connexion - système jugé largement inconventionnel par la CJUE en octobre dernier dans sa décision Quadrature du Net.

M. le président.  - Amendement identique n°81, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Mme Esther Benbassa.  - Cet article instaure une surveillance de masse, autorisée à titre exceptionnel mais systématisée en pratique : sur injonction du Premier ministre, les opérateurs Internet et téléphoniques devront conserver pendant un an les données de connexion généralisées et indifférenciées d'une partie de la population. C'est disproportionné.

Cette mesure fait l'objet d'un contrôle insuffisant et ne respecte pas l'arrête de la CJUE qui exige le contrôle en amont du juge ou d'une autorité administrative indépendante dotée d'un pouvoir contraignant.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article 15 emprunte le chemin de crête tracé par le Conseil d'État en application de la décision de la CJUE. Il n'est pas parfait mais sauvegarde l'essentiel.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos30 et 81 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°93 rectifié, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I. ? Alinéa 7

Après le mot :

criminalité

insérer les mots :

et la délinquance

II.  -  Alinéa 12

Après le mot :

criminalité

insérer les mots :

et de la délinquance

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet article tire les conséquences de l'arrêt de la CJUE interdisant la conservation des données de connexion par les opérateurs. Or on compte deux millions de réquisitions tous les ans ; quatre enquêtes judiciaires sur cinq utilisent cet outil, et sont donc remises en cause par cet arrêt.

Par cet amendement, nous tentons d'améliorer le dispositif en l'élargissant à la délinquance grave.

Cet arrêt concerne tous les États européens. Or aucune étude d'impact n'a été faite sur l'application dans les autres États, malgré l'inquiétude de la Conférence nationale des procureurs de la République.

Quand le droit européen pose problème à de nombreux États, il doit être changé. Le droit européen est fait de régulation économique et du RGPD...

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Yves Leconte.  - Il doit évoluer.

M. le président.  - Amendement identique n°105, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission des lois.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'article 15 emprunte une voie bornée par les arrêts de la CJUE et du Conseil d'État. Mais les auditions ont mis en lumière les difficultés qui en découleront pour les enquêtes judiciaires dans des affaires de criminalité ordinaire.

Merci à M. Leconte d'avoir rectifié son amendement pour le rendre identique à celui de la commission. C'est un moindre mal.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nos93 rectifié et 105 sont adoptés.

M. Jean-Yves Leconte.  - Cet article est très important, et nous n'avons pas épuisé le sujet avec cet amendement.

Le dispositif n'est pas très robuste : demander l'intervention du Premier ministre pose un problème en termes de séparation des pouvoirs.

Nous devrions regarder ce que font nos partenaires, soumis aux mêmes contraintes. Pour avoir dénié à l'Europe toute compétence en matière de sécurité nationale, nous en arrivons à perdre notre souveraineté ! Le droit européen peut et doit être changé.

Cet article 15 est ce que l'on peut faire de mieux en l'état, mais ce n'est pas la panacée.

Mme Nathalie Goulet.  - La Belgique a purement et simplement annulé les dispositions de sa loi du 29 mai 2016. Le Royaume-Uni n'appliquera pas cette décision ; en Allemagne, c'est une affaire pendante.

Le politique doit reprendre la main sur ces questions : nous ne pouvons pas nous permettre d'avancer en ordre dispersé.

L'article 15, modifié, est adopté.

ARTICLE 16

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Au premier alinéa, après le mot : « avis » , il est inséré le mot : « conforme » ;

M. Pierre Laurent.  - Actuellement, le Premier ministre peut passer outre un avis défavorable de la CNCTR. Cet amendement rend l'avis de la CNCTR contraignant sauf cas d'urgence absolue.

Le Conseil d'État, dans son arrêt du 21 avril 2021, préconise un contrôle préalable par une autorité administrative indépendante ayant pouvoir contraignant ou par une juridiction. Même chose pour la Cour européenne des droits de l'homme dans sa décision Big Brother Watch du 25 mai.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement, satisfait en pratique par l'article 16 qui prévoit un recours systématique devant le Conseil d'État en cas de refus par le Premier ministre de suivre l'avis de la CNCTR.

Mme Florence Parly, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°83, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Alinéa 4, dernière phrase

Supprimer les mots :

, sauf en cas d'urgence dûment justifiée et si le Premier ministre a ordonné sa mise en oeuvre immédiate

Mme Esther Benbassa.  - Malgré la demande de la CJUE et du Conseil d'État, cet article ne rend pas l'avis de la CNCTR contraignant envers toute demande émanant du Premier ministre. « En cas d'urgence dûment justifiée et si le Premier ministre a ordonné la mise en oeuvre immédiate de la technique ainsi autorisée », il peut passer outre.

Cet amendement supprime cette possibilité.

La CJUE permet la conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion autres que les adresses IP « aux seules fins de sauvegarde de la sécurité nationale lorsqu'un État est confronté à une menace grave pour la sécurité nationale qui s'avère réelle et actuelle ou prévisible, sur injonction d'une autorité publique, soumise à un contrôle effectif d'une juridiction ou d'une autorité administrative indépendante ».

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Même avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°83 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°86, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes concernées par les mesures prévues au présent article sont informées de leur fin une fois les mesures levées. » ;

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement met en place un droit d'information envers les personnes concernées par les mesures. Il est normal que l'intéressé soit au fait de la situation dans laquelle il se trouve au regard des techniques de renseignement.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable ; cela peut être dangereux. L'individu pourrait faire l'objet d'autres techniques de renseignement ; évitons de l'informer.

Mme Florence Parly, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°86 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°62 rectifié, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le précédent alinéa s'applique sans préjudice des dispositions de l'article L. 773-7 du code de la justice administrative. » ;

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous sommes favorables au principe de l'article 16. Il est nécessaire d'articuler strictement les prérogatives constitutionnelles de l'exécutif et les pouvoirs de contrôle de la CNCTR, autorité administrative indépendante, combinés avec le recours éventuel au Conseil d'État en cas de désaccord avec le Premier ministre.

La procédure d'urgence n'en soulève pas moins des interrogations légitimes, en particulier au regard de l'existence d'un réel contrôle a posteriori.

Dans l'hypothèse où le Conseil d'État, saisi par la CNCTR, jugerait que la technique de renseignement a été mise en oeuvre alors que l'urgence n'apparaîtrait suffisamment caractérisée, il pourra, en application de l'article L. 773-7 du code de la justice administrative, annuler l'autorisation délivrée par le Premier ministre et ordonner la destruction des renseignements irrégulièrement collectés.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'amendement paraît satisfait. Retrait ou avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Je comprends votre motivation mais le seul renvoi à l'article L. 773-7 du code de la justice administrative est insuffisant. L'amendement pourrait être accepté sous réserve de renvoyer également aux dispositions du chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de juridictions administratives.

Avis favorable sous réserve de cette rectification.

M. Jean-Yves Leconte.  - Êtes-vous en mesure de nous proposer un sous-amendement ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Pour examiner cette proposition, pourrions-nous suspendre la séance ?

La séance est suspendue quelques instants.

M. le président.  - Je vous propose de réserver le vote sur l'amendement n°62 rectifié - désormais  n°62 rectifié bis - et sur l'article 16.

Il en est ainsi décidé.

L'article 16 bis est adopté, ainsi que l'article 17.

ARTICLE 17 BIS

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Le 6° est ainsi rédigé :

« 6° Les recommandations et observations que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement adresse au Premier ministre en application des articles L. 833-6 et L. 855-1 C du même code ; »

M. Yannick Vaugrenard.  - La délégation parlementaire au renseignement a souhaité, à l'unanimité, être informée des recommandations adressées par la CNCTR à l'exécutif tendant à l'interruption de la mise en oeuvre d'une technique de renseignement et à la destruction des renseignements collectés en cas d'irrégularité constatée. C'est indispensable pour savoir si des techniques de renseignement ont été accordées, mises en oeuvre ou exploitées en méconnaissance du livre VIII du code de la sécurité intérieure.

Dans ce bilan, il ne sera fait mention d'aucun élément permettant aux membres de la délégation de connaître d'une opération en cours ou d'une méthode opérationnelle. Pour rappel, les membres de la délégation, de même que les fonctionnaires qui composent son secrétariat, sont habilités au niveau secret-défense.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - L'article 17 bis est le fruit d'un compromis sur l'élargissement du pouvoir de contrôle et de surveillance de la délégation parlementaire au renseignement. La transmission d'informations sur des opérations en cours pose problème. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

I.  -  Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Aux fins de mener ces missions sus-citées, la délégation peut donner des instructions générales aux services de renseignement, notamment en ce qui concerne les stratégies d'alliance avec d'autres services de renseignement. » ;

II.  -  Après l'alinéa 7

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...°  La première phrase du premier alinéa du II est ainsi modifiée :

a) Les mots : « quatre députés et de quatre sénateurs » sont remplacés par les mots : « dix députés et de dix sénateurs » ;

b) Sont ajoutés les mots : « , les groupes d'opposition et minoritaires doivent être représentés » ;

Mme Esther Benbassa.  - La délégation parlementaire au renseignement n'est composée que de quatre députés et quatre sénateurs, dont les présidents des commissions permanentes chargées des affaires de sécurité intérieure et de défense, membres de droit. Cet amendement porte son effectif de huit à vingt membres afin d'accroître le pluralisme politique et assurer la représentation des groupes minoritaires et d'opposition, et renforce son pouvoir d'injonction.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Après l'alinéa 7

Insérer trois alinéas ainsi rédigé :

...° Le II est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « quatre députés et de quatre sénateurs » sont remplacés par les mots : « vingt-et-un députés et de vingt-et-un sénateurs » ;

b) La première phrase du second alinéa est complétée par les mots : « , chaque groupe d'opposition et minoritaire devant disposer de droit d'un membre » ;

II.  -  Après l'alinéa 18

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« ...° Tout agent des services de renseignement ;

« ...° Les membres du collège de la Commission nationale du contrôle des techniques de renseignement. » ;

Mme Éliane Assassi.  - Dans sa composition actuelle, la délégation parlementaire au renseignement n'est pas en mesure de mener pleinement ses missions. De fait, les groupes minoritaires et d'opposition n'y sont pas représentés.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Si !

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement la rend plus démocratique.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°84. La délégation parlementaire au renseignement est équilibrée et ouverte aux groupes minoritaires et d'opposition des deux assemblées. Idem pour l'amendement n°31 rectifié.

Mme Florence Parly, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°84 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°31 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« La délégation entend le Premier ministre, chaque année, sur le réexamen périodique de l'existence d'une menace pour la sécurité nationale justifiant la conservation généralisée des données de connexion. » ;

M. Yannick Vaugrenard.  - Pour répondre aux exigences de la CJUE, le Conseil d'État, dans sa décision du 21 avril 2021, a imposé au Gouvernement de procéder, sous le contrôle du juge administratif, à un réexamen périodique de l'existence d'une menace pour la sécurité nationale, afin de justifier la conservation généralisée des données de connexion.

Nous proposons une audition annuelle du Premier ministre devant la délégation parlementaire au renseignement, afin qu'un contrôle parlementaire s'exerce sur le sujet et que l'exécutif motive sa position.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable : la délégation peut déjà auditionner tous les ministres, dont le Premier ministre, quand elle le souhaite.

Mme Florence Parly, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

L'article 17 bis est adopté.

ARTICLE 16 (Suite - Précédemment réservé)

M. le président.  - Nous revenons à l'amendement n°62 rectifié bis, présenté par M. Leconte et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il est saisi en application de l'alinéa précédent, le Conseil d'État statue dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative. » ;

M. Jean-Yves Leconte.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°62 rectifié bis est adopté.

L'article 16, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 17 bis

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 17 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 833-6 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque année, la commission adresse un bilan de ses recommandations à la délégation parlementaire au renseignement. »

M. Yannick Vaugrenard.  - Amendement de coordination avec l'amendement à l'article 17 bis.

L'amendement n°50, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 17 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du I de l'article L. 861-3 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « ainsi que la délégation parlementaire au renseignement ».

M. Yannick Vaugrenard.  - Il s'agit d'informer la délégation parlementaire au renseignement des saisines du procureur de la République par la CNCTR.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable. Cela obligerait à transmettre des informations sur des opérations en cours.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°51 n'est pas adopté.

L'article 17 ter A est adopté, de même que l'article 17 ter.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 17 ter

Mme Michelle Gréaume.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 17 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les moyens affectés au renseignement humain, en particulier à l'échelle territoriale et sur les formations dispensées aux agents de renseignement.

Mme Michelle Gréaume.  - Il s'agit d'envisager un renforcement du renseignement humain, plutôt que de miser sur un renseignement automatisé reposant sur des techniques intrusives et nuisibles à la protection des données personnelles. Depuis 2002, la police est soumise à une politique du chiffre, exacerbée par l'état d'urgence, or elle a un rôle à jouer au plus près de la population pour détecter les signes de radicalisation.

M. le président.  - Amendement n°91 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

Après l'article 17 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les moyens affectés au renseignement humain, en particulier à l'échelle territoriale et sur les formations dispensées aux agents de renseignement.

Mme Esther Benbassa.  - Alors que le Gouvernement mise tout sur la surveillance technologique, nous souhaitons valoriser le renseignement humain.

La DGSI recrute surtout des profils d'experts en cybersécurité, en surveillance des télécommunications, en cyber-infiltration. Pourtant, 58 des 59 attentats déjoués entre 2013 et 2019 l'ont été grâce au renseignement humain ! Les nouvelles technologies au service de la lutte antiterroriste ne doivent pas justifier la surveillance de masse.

Les parlementaires n'ont aucune information précise sur les moyens affectés au renseignement humain et à la lutte antiterroriste. Cet amendement y remédie.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable à ces demandes de rapport. La délégation pour le renseignement rédige un rapport annuel, en grande partie public. Jeudi paraîtra son rapport sur le renseignement territorial ; il sera consultable par les parlementaires.

Mme Florence Parly, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°34 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°91 rectifié.

ARTICLE 18

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.   - Cet article légalise l'usage de brouilleurs afin de lutter contre des drones malveillants pour les besoins de l'ordre public, de la défense et de la sécurité nationales et du service public de la justice ou afin de prévenir le survol d'une zone d'interdiction temporaire.

Alors que le Gouvernement a tenté - avant d'être désavoué par le Conseil constitutionnel  - de légaliser son propre usage de drones pour surveiller les populations, il instaure ici un cadre de non-utilisation pour les citoyens. On s'interroge sur les finalités politiques...

Le rapport de la commission des lois évoque un nombre élevé de survols de zones interdites, dont des centrales nucléaires, nécessitant de se doter d'un cadre légal. Se pose la question de l'étendue des brouillages, nous renvoyant à l'équilibre entre liberté individuelle et protection collective.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Jusqu'ici vos positions me semblaient cohérentes... Nous parlons ici de drones malveillants. En 2019, 335 survols illicites ont été relevés par le ministère de l'Intérieur et 54 par le ministère de la Justice.

Que ferions-nous, demain, si un drone survolait un stade lors de la Coupe du monde de rugby ou des Jeux olympiques ? Il faut une base légale ; nous l'avons strictement encadrée et l'équilibre atteint me semble acceptable. Avis défavorable.

Mme Florence Parly, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté.

ARTICLE 19

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis .  - Notre commission des affaires étrangères et de la défense, consciente que ce nouveau régime de conservation des archives fait débat, estime que l'équilibre atteint est solide.

La mesure transitoire prévue à l'article 19 n'entend pas refermer la communication des documents d'archives librement accessibles. Il appartiendra aux services d'archives, qui disposent aujourd'hui de systèmes d'information permettant une gestion automatisée, d'identifier les documents dont les critères de communicabilité seront susceptibles d'être modifiées par la loi. Pour les usagers, l'opération sera neutre.

M. Pierre Laurent .  - Cet article a suscité la colère et l'émoi de la communauté scientifique et culturelle qui travaille avec les archives. Outre qu'il n'a pas sa place dans un texte sur le renseignement, il porte clairement atteinte au principe de communicabilité de plein droit des archives publiques après cinquante ans, consacré par la loi de 2008.

La loi protège déjà les archives les plus sensibles -  sur le nucléaire, par exemple. Il n'est nul besoin, madame la ministre, d'ajouter quoi que ce soit au droit existant.

L'autorisation administrative remet en cause le rôle du Parlement. Le rapporteur public du Conseil d'État a rappelé que toute restriction au délai de cinquante ans posait un grave problème. La seule garantie serait d'inscrire dans la loi les critères précis qui pourraient relever d'une menace grave pour la sécurité nationale, justifiant un allongement.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Pierre Laurent.  - C'est ce que le groupe CRCE proposera.

M. Jean-Pierre Sueur .  - Nous avons travaillé avec des universitaires et des historiens spécialistes des archives. Cet article fait l'unanimité contre lui.

Cinq groupes politiques ont présenté cinq amendements identiques. C'est un signe ! En l'état, le sort de cet article conditionnera le vote du groupe SER sur l'ensemble du texte.

Qu'en est-il de la prolongation des délais à l'alinéa 5, à laquelle aucune limite de temps n'est fixée ? Est-ce perpétuel ? Qu'en est-il de la « perte de la valeur opérationnelle » ? Qui en décide ? La vérité, c'est que l'exécutif décidera souverainement si l'on peut, ou non, accéder à tel ou tel document.

Je me souviens du discours de Robert Badinter lors de l'examen de la grande loi de 2008 sur les archives et de l'unité du Sénat sur ce texte. (Mme Catherine Morin-Desailly s'en souvient également.)

Certes, des restrictions sont nécessaires, mais nous proposons qu'elles soient prévues pour une durée limitée. C'est une question fondamentale.

N'acceptons pas cet article, surtout dans un texte qui n'a rien à voir avec ce sujet. Article 45 mes amis ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST ; M. Gilbert Favreau applaudit également.)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Rapporteure pour avis de la loi de 2008, je ne puis qu'aller dans le même sens.

Cet article a été introduit dans le texte sans avis du ministère de la Culture, qui est pourtant le ministère de référence sur les archives. Il marque un recul historique. Des associations de chercheurs, d'historiens s'en émeuvent. Il comporte une avancée, certes, mais elle ne fait que mettre fin à des pratiques notoirement illégales de fermeture de l'accès aux archives.

Cet article prévoit un allongement inédit des délais de communication, et inverse le dispositif de 2008. Il y a des risques d'impossibilité d'accès, de délais indéfiniment étendus, de complexification du travail des archivistes.

La loi de 2008 organisait le régime des exceptions et confiait la coordination interministérielle à la Culture, que nous n'avons pas entendue.

Mme Esther Benbassa .  - Plusieurs groupes ont déposé le même amendement pour satisfaire les historiens, les chercheurs et les archivistes, en sanctuarisant l'accès aux archives publiques.

Moi-même chercheuse et historienne, je regrette que la majorité et le Gouvernement veuillent remettre en cause la loi de 2008.

Je ne peux concevoir que des historiens soient soupçonnés de porter atteinte à la sécurité nationale. Les terroristes ne fréquentent que très rarement les archives ! L'accès aux archives et déjà strictement encadré : la qualité des demandeurs est toujours contrôlée.

Que fait cet article dans ce texte ? L'accès aux archives publiques est constitutionnellement garanti en vertu de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Ces restrictions ne font pas honneur à notre pays, à notre recherche et à la science.

Que le Gouvernement et la majorité s'interrogent sur leur position.

M. Pierre Ouzoulias .  - Je me suis exprimé tout à l'heure au nom de la commission de la culture, permettez-moi de parler maintenant à titre personnel, en tant qu'ancien conservateur du patrimoine.

Mettez-vous à la place d'un chercheur se rendant aux archives pour demander un document de plus de cinquante ans. Le service des archives devra s'adresser au service héritier du service émetteur pour lui demander si le document relève des critères prévus par l'article. Or, les professionnels des archives nous ont confié leur grande crainte : que les services émetteurs ne répondent pas, non par mauvaise volonté, mais par méconnaissance de leurs propres documents.

Le service historique de la Défense gère remarquablement bien ses 660 000 documents d'archives, vieux de plus de cinquante ans ; il y en aurait 60 000 qui relèveraient des critères énoncés dans cet article.

Madame la ministre, le Gouvernement s'engage-t-il à ce qu'un travail similaire soit mené par les services d'archives de tous les autres ministères ?

M. le président.  - Amendement n°106, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission des lois.

I.  -  Alinéa 3

Remplacer les mots :

après le mot : « nationale », sont insérés les mots : «

par les mots :

le mot : « nationale, » est remplacé par les mots : « nationale

II.  -  Alinéa 6

1° Remplacer le mot :

hauteur

par le mot :

dimension

2° Après les deux occurrences du mot :

infrastructures

insérer les mots :

ou parties d'infrastructures

III.  -  Alinéa 9

1° Première phrase

Après le mot :

État

insérer les mots :

qui exercent une mission de renseignement à titre principal

2° Seconde phrase

Supprimer les mots :

, qui exercent une mission de renseignement à titre principal,

IV.  -  Alinéa 20

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

II.  -  Les règles de communicabilité prévues au I ne sont pas applicables :

1° Aux documents n'ayant pas fait l'objet d'une mesure de classification ou ayant fait l'objet d'une mesure formelle de déclassification et pour lesquels le délai de cinquante ans prévu au 3° du I de l'article L. 213-2 du code du patrimoine, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, a expiré avant l'entrée en vigueur du présent article ;

2° Aux fonds ou parties de fonds d'archives publiques ayant fait l'objet, avant l'entrée en vigueur du présent article, d'une ouverture anticipée conformément au II de l'article L. 213-3 du code du patrimoine.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La commission estime que cet article parvient à un équilibre satisfaisant entre le code du patrimoine et le code pénal.

La communication de documents classés secret-défense est ouverte à tous, de plein droit, après cinquante ans.

L'instruction 1300 doit, selon le Conseil d'État, être supprimée mais elle n'aura plus cours une fois cet article voté.

Les exceptions à la règle des cinquante ans sont strictement encadrées et les documents seront déclassifiés au fil de l'eau dès lors qu'ils ne répondront plus aux critères visés.

L'inventaire de recollement devra être conduit régulièrement pour que les documents concernés par les exceptions soient connus.

Cet amendement apporte quelques précisions rédactionnelles, notamment sur les documents relatifs aux caractéristiques techniques de certains bâtiments protégés par l'article, en y intégrant ceux relatifs aux barrages hydrauliques de grande dimension, et en prévoyant la possibilité de communication de ces documents en cas de désaffectation partielle d'un bâtiment.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Gold, Mme Guillotin et MM. Requier et Roux.

Alinéas 5 à 10

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

« Si, à l'issue du délai défini au premier alinéa du présent 3°, la divulgation des informations contenues dans un document représente une menace grave pour la sécurité nationale, ce délai peut être prolongé pour les seuls documents :

« a) Relatifs aux caractéristiques techniques des installations militaires, des installations et ouvrages nucléaires civils, des barrages hydrauliques de grande dimension, des locaux des missions diplomatiques et consulaires françaises et des installations utilisées pour la détention des personnes, lorsque ces infrastructures ou parties d'infrastructures demeurent affectées à ces usages et qu'il n'existe pas d'infrastructures en service présentant des caractéristiques similaires ;

« b) Relatifs à la conception technique et aux procédures d'emploi des matériels de guerre et matériels assimilés mentionnés au second alinéa de l'article L. 2335-2 du code de la défense, désignés par un arrêté du ministre de la défense révisé chaque année, lorsque les forces armées et les formations rattachées mentionnées à l'article L. 3211-1-1 du même code continuent de les employer ;

« c) Révélant des procédures opérationnelles ou des capacités techniques des services de renseignement mentionnés à l'article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure, lorsqu'elles conservent leur valeur opérationnelle ;

« d) Révélant des procédures opérationnelles ou des capacités techniques de certains services de renseignement mentionnés à l'article L. 811-4 du même code désignés par décret en Conseil d'État, lorsqu'elles conservent leur valeur opérationnelle. Un décret en Conseil d'État définit les services concernés, qui exercent une mission de renseignement à titre principal, par le présent d ;

« e) Relatifs à l'organisation, à la mise en oeuvre et à la protection des moyens de la dissuasion nucléaire, lorsqu'elles conservent leur valeur opérationnelle.

« Cette prolongation est accordée pour une période de dix ans renouvelable par l'administration des archives, à la demande de l'autorité dont émane le document et, lorsque le document fait l'objet d'une mesure de classification mentionnée à l'article 413-9 du code pénal, après avis de l'autorité mentionnée à l'article L. 2312-1 du code de la défense. » ;

Mme Nathalie Delattre.  - L'article 19 fixe comme principe que toute mesure de classification prend fin après cinquante ans. Mais l'accès pourrait rester restreint pour certains documents, sans que la loi ne précise pour combien de temps.

Certes, la communication de certains documents pourrait nuire aux intérêts fondamentaux de la Nation. Mais la rédaction actuelle est insuffisamment encadrée, notamment sur le nombre de documents concernés par l'allongement.

Cet amendement propose donc que la prolongation pour dix ans renouvelables soit due à l'existence d'une menace grave. L'administration devra justifier sa décision d'incommunicabilité.

M. le président.  - Amendement identique n°37, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Laurent.  - Madame la rapporteure, reprenant l'argumentation du Gouvernement, vous parlez d'équilibre ? C'est le contraire qui est vrai : sans critères précis pour la prolongation du délai, vous faites entrer un grand nombre d'archives dans une procédure inverse où il faudra demander l'accès sans connaître à l'avance le délai de prolongation. Vous laissez à la discrétion d'une autorité administrative cette décision, pour un temps illimité.

La rédaction actuelle n'apporte pas de garanties suffisantes, à l'inverse de ces amendements identiques.

Avec cet article, Jean-Noël Jeanneney, président du prix du livre d'histoire du Sénat, n'aurait pas pu écrire son magnifique livre sur l'attentat du Petit Clamart. Ne tournons pas le dos à la communauté des historiens, des scientifiques, des archivistes.

M. le président.  - Amendement identique n°52 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Madame la ministre, vous connaissez - et même partagez - notre attachement à la recherche. Si cet article était adopté, vous seriez responsable de ce préjudice porté à l'histoire. Il est encore temps de l'éviter !

Nous aurions pu reprendre l'exposé des motifs du rapporteur public du Conseil d'État : c'était lumineux.

Nous ne vous demandons que de justifier une prolongation de dix ans renouvelables en cas de menace grave pour la sécurité nationale.

Ne revenons pas sur cette loi de 2008 tant aimée par la communauté des historiens !

M. le président.  - Amendement identique n°85, présenté par Mme Benbassa, MM. Dossus, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Thomas Dossus.  - L'accès aux archives est un enjeu démocratique. Il est affirmé par l'article 15 de la DDHC. Cet objectif a été précisé par les lois de 1979 et de 2008. Or, ce consensus est rompu par l'instruction générale interministérielle n°1300, conditionnant la communicabilité à une décision expresse de déclassification, puis par cet article.

Le Conseil d'État a été clair : ces deux textes ne sont que des subterfuges pour entraver le travail des historiens, notamment sur la guerre d'Algérie.

Cet amendement vous propose une solution équilibrée, transpartisane et consensuelle.

M. le président.  - Amendement identique n°94 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mmes Billon et Férat et MM. Le Nay, J.M. Arnaud, Moga et Delcros.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Oui, cet article déséquilibre la loi de 2008. Ces amendements réécrivent une partie de l'article pour garantir que cette incommunicabilité a un caractère exceptionnel. Il ne s'agit en aucun cas d'ignorer les impératifs de sécurité nationale.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Gold, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.

Alinéa 5

Après le mot :

prolongé 

insérer les mots :

, sans pouvoir excéder cent ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier,

Mme Véronique Guillotin.  - L'une des principales difficultés des chercheurs est la longueur de la procédure de recours après un refus de communication d'un document : il faut s'adresser à la CADA, avant un recours en annulation devant le juge administratif. Cela est particulièrement problématique pour les doctorants qui doivent désormais conduire leurs travaux en quelques mois pour les rendre avant l'été.

Cet amendement crée un recours en référé et une injonction à communiquer le document si la CADA l'estime nécessaire.

M. le président.  - Amendement identique n°95 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mmes Billon et Férat et MM. Le Nay, Levi, J.M. Arnaud, Moga et Delcros.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°101 rectifié, présenté par M. Haye et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 9, première phrase

Remplacer les mots :

mentionnés à l'article L.811-4 du même code désignés par décret en Conseil d'État

par les mots :

désignés par le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 811-4 du même code

M. Ludovic Haye.  - Cet amendement rectifie une apparente redondance au sein de l'article 19 relatif au régime de communicabilité des archives classifiées.

En effet, pour désigner les services de renseignement du second cercle, l'alinéa 9 évoque les « services de renseignement mentionnés à l'article L. 811-4 du code de sécurité intérieure désignés par décret en Conseil d'État », avant de préciser dans une seconde phrase, afin de circonscrire le champ des services du second cercle concernés par le dispositif, qu'« un décret en Conseil d'État définit les services de renseignement concernés ».

Le premier renvoi à un décret est redondant : cet amendement clarifie le dispositif.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements identiques nos6 rectifié bis, 37, 52 rectifié, 85 et 94 rectifié bis. La protection proposée est trop restrictive : il faut aussi protéger les documents qui pourront donner à la France un avantage stratégique face à d'autres pays.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est tellement flou ! (Le GEST renchérit.)

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Dans un sens comme dans l'autre !

Le dispositif que vous proposez est trop rigide, et nous lui préférons le système glissant qui rend les documents communicables à échéance variable, sans date butoir.

Il existe aussi un régime de communication anticipée à la demande des chercheurs -  mesure très efficace. À notre initiative, l'obligation d'information des chercheurs a été introduite dans le texte.

Avis défavorable aux amendements nos3 rectifié et 95 rectifié bis, contraires à la position de la commission qui considère que seul un contrôle de proportionnalité approfondi mené par le juge peut décider de la communication.

Avis favorable à l'amendement n°101 rectifié qui apporte des précisions rédactionnelles.

Mme Esther Benbassa.  - Quelle honte !

Mme Florence Parly, ministre.  - Cette question très sérieuse a fait l'objet d'un travail approfondi. (Mme Esther Benbassa le conteste.)

Nous partageons un objectif commun : faciliter l'accès des citoyens aux archives classifiées de plus de cinquante ans.

Les mesures de classification prendront automatiquement fin au - delà de cinquante ans. L'absence d'un tampon de déclassification ne sera plus un obstacle. (Mme Esther Benbassa fait part à haute voix de ses doutes.)

Au-delà des aspects législatifs, l'accessibilité des documents doit être garantie par un meilleur classement des archives.

Cependant, il faut aussi protéger les documents les plus sensibles au regard des intérêts fondamentaux de l'État. C'est la Constitution qui l'exige.

Le rapporteur public devant le Conseil d'État a repris les grandes lignes de la loi de 2008, qui n'assure pas un équilibre entre le droit d'accès aux archives et la nécessité de protéger les intérêts fondamentaux de la Nation.

Dans certains cas très particuliers, le délai de cinquante ans ne met pas fin à la sensibilité des documents et donc à la nécessité de différer leur communication.

C'est en lien étroit avec les historiens que le travail a été conduit... (On le conteste avec force sur les travées du GEST.)

Je ne prétends pas que toute la communauté des historiens était d'accord ! Mais l'association Josette et Maurice Audin, l'association des archivistes français, l'association des historiens contemporéanistes ont été consultés...

M. Pierre Ouzoulias.  - Ils sont contre !

Mme Florence Parly, ministre.  - Tout cela s'est fait sous l'égide du ministre de la culture.

Je n'ai pas le sentiment que vous contestiez que certains documents continuent à être sensibles après cinquante ans. Alors que le Gouvernement propose un délai glissant, vous préférez une prolongation expresse par tranches de dix années.

Je vais essayer de lever les craintes que vous relayez.

La prolongation de la durée d'incommunicabilité restera exceptionnelle, ce qui est garanti par le caractère ciblé et résiduel des catégories de documents concernés -  fixées en concertation avec les professionnels, au plus près des besoins. Le texte a d'ailleurs beaucoup évolué, signe que les préoccupations des historiens ont été entendues.

Selon vous, les historiens auraient avantage à une prolongation par tranche de dix ans, au lieu d'une prolongation pour le strict temps nécessaire. Cela me semble, au contraire, moins avantageux.

Le Gouvernement actualisera la liste tous les ans ; et les archives deviendront communicables dès que sera prononcée la désaffectation des bâtiments.

Le Conseil d'État n'a émis aucun doute sur la constitutionnalité des dispositions du projet de loi. Si certains commentateurs ont pu déceler une opinion contraire, il y a deux semaines, c'est inexact. Dans ses conclusions, le rapporteur public appelle à la conciliation des principes constitutionnels, ce que fait précisément l'article 19.

Vos amendements auraient deux conséquences délicates : les administrations seraient dans l'obligation d'identifier a priori les documents sensibles susceptibles de bénéficier de la prolongation d'incommunicabilité. Or les bordereaux de versement sont souvent incomplets et les documents restés dans les services ne sont pas inventoriés. Il faudrait passer en revue l'ensemble des documents susceptibles de bénéficier d'une prolongation, à l'issue des cinquante premières années. Pour les services, la tâche serait immense et le risque que le système s'enraye au détriment des chercheurs et des historiens réel.

Autre risque : un document sensible pourrait échapper à la vigilance de l'administration.

Avis favorable à l'amendement n°106 sous réserve de l'adoption de l'amendement n°101 rectifié.

Avis défavorable aux autres.

M. Laurent Lafon.  - Ce que nous craignions se réalise : aucun consensus sur l'article. Deux logiques s'affrontent : les enjeux de sécurité nationale et l'enjeu démocratique d'accès aux archives.

La rédaction n'est pas équilibrée. Preuve en est que vous avez passé plus de temps à répondre à ces amendements qu'à tous les précédents !

On ne peut aborder un tel sujet de cette manière, par l'insertion d'un article dans un texte dont ce n'est pas l'objet. Cela démontre une certaine précipitation : vous avez saisi le premier véhicule législatif disponible pour répondre au contentieux pendant devant le Conseil d'État.

Si l'article 19 était voté en l'état, la question se reposerait bien rapidement, car les inquiétudes n'ont pas été levées.

Les trois rapporteurs ont fait un travail de qualité pour trouver une solution d'équilibre ; je regrette qu'elle ne soit pas présentée ce soir.

M. Olivier Paccaud.  - Madame la ministre, permettez-moi une opinion dissidente en tant qu'agrégé d'histoire. Les sociétés les plus matures n'ont pas peur de regarder leur passé en face.

La loi de 2008 est satisfaisante et je ne voterai pas cet article 19.

Tout ce qui fissure le miroir dans lequel doit se regarde une nation est dangereux. (Mme Esther Benbassa et M. Thomas Dossus applaudissent.)

M. Pierre Ouzoulias.  - Madame la ministre, vous affirmez que les trois catégories introduites par ce régime dérogatoire ne concerneraient que des documents classifiés ; je ne le crois pas. Les plans du barrage de Bort-les-Orgues -  qui n'est pas désaffecté  - sont toujours disponibles aux archives départementales de la Corrèze et du Cantal ; ne seront-ils désormais plus communicables ? Les chercheurs qui les détiendraient risqueront-ils une sanction pénale ?

Le rapporteur public du Conseil d'État a estimé que le code pénal n'avait pas prééminence sur le code du patrimoine. La commission de la culture propose le système américain ; or les Américains ne sont pas connus pour faciliter la divulgation de leurs secrets de défense nationale...

Madame la ministre, vous avez reconnu que les services seraient dans l'incapacité d'informer le lecteur sur la communicabilité des documents : c'est tout le problème de cet article !

Mme Nathalie Delattre.  - Si cet article était adopté en l'état, certains documents pourraient ne jamais être déclassifiés.

Madame le rapporteur, je vous prie de m'excuser : je n'ai pas défendu les amendements de repli...

Le groupe RDSE ne votera pas l'amendement n°106.

M. Pierre Laurent.  - Madame la ministre, vous nous appelez à traiter le sujet avec sérieux. Le sérieux appelle la clarté.

Vous vous êtes prévalue d'une concertation avec trois associations : l'association des archivistes français, l'association Josette et Maurice Audin, l'association des historiens contemporanéistes de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Or ces trois associations ont publié il y a deux jours un communiqué dénonçant une « fermeture sans précédent de l'accès aux archives publiques », rappelant que les historiens sont largement opposés à ce texte -  contrairement aux affirmations du Gouvernement  - et qu'ils demandent que l'article 19 soit amendé afin d'éviter l'instauration d'un régime dérogatoire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST)

Mme Esther Benbassa.  - La notion de « valeur opérationnelle » est vague et ferme de fait tout un pan des archives.

Le monde du renseignement continue à utiliser certaines techniques développées par le Bureau central de renseignements et d'action (BCRA) du général de Gaulle.

Des champs entiers de l'histoire ne pourront plus être étudiés : comment faire l'histoire de la guerre d'Algérie ou de la Résistance sans archives ?

Pourtant, le Président Macron avait promis un accès facilité aux archives après le rapport de Benjamin Stora. Madame la ministre, y a-t-il une volonté politique d'empêcher les historiens de faire l'histoire ?

La ministre de la Culture aurait dû être à vos côtés ce soir.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'ai reçu les associations que vous avez citées. Faire dire à l'association Josette et Maurice Audin le contraire de ce qu'elle dit, cela n'est pas possible ! Les professeurs d'histoire contemporaine et les archivistes, dans leur grande majorité, ne sont pas d'accord avec votre projet.

Madame le rapporteur nous invite à prendre en compte les « concurrences dans les intérêts stratégiques » : voilà qui est flou et aura bon dos !

Vous dites que nous reconduisons l'incommunicabilité de dix ans en dix ans, alors que votre dispositif permettrait de raccourcir les échéances. Mais cela pourrait être tout aussi bien dix, quinze, soixante-dix-neuf ans... C'est sans limites !

En 2008, j'étais dans cet hémicycle et j'avais pris la parole à la tribune. Vous affirmez que la loi de 2008 n'a pas permis de trouver d'équilibre entre la consultation des archives et le droit constitutionnel. C'est ahurissant : relisez donc nos débats. En treize ans, nous ne nous en serions pas aperçus ?

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Le monde est certainement devenu plus dangereux et la menace terroriste se fait chaque jour plus pressante. Nous ne contestons pas l'élargissement des dérogations, mais le mécanisme inversé introduit un déséquilibre au détriment des citoyens. Vous présentez comme une avancée ce qui n'est que la fin de pratiques administratives notoirement illégales. Revenons à la loi de 2008. (M. Pierre Laurent applaudit.)

M. le président.  - L'adoption de l'amendement n°106 rendrait sans objet les cinq amendements identiques suivants.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est bien joué ! Un amendement rédactionnel va faire tomber nos amendements...

M. Pierre Laurent.  - C'est scandaleux !

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°106 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°149 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 226
Contre 118

Le Sénat a adopté.

Les amendements identiques nos6 rectifié bis, 37, 52 rectifié, 85 et 94 rectifié bis n'ont plus d'objet.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements nos3 rectifié et 95 rectifié bis sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°150 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 58
Contre 286

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Éliane Assasi. - Assumez vos absences : c'est insupportable !

L'amendement n°101 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°63 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« .... -  Dans le cas où la Commission d'accès aux documents administratifs a, en application des dispositions de l'article L. 342-1 du code des relations entre le public et l'administration, donné un avis favorable à la communication d'un ou de plusieurs documents dont le délai de communicabilité est déterminé par le I du présent article, le juge compétent peut ordonner, y compris en référé, toutes mesures de nature à assurer la communication de ce ou de ces documents. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je veux d'abord saluer les as de la procédure : un scrutin public sur un amendement de rectification formelle pour faire tomber les amendements de fond présentés par cinq groupes...

M. Guy Benarroche.  - C'est un déni de démocratie.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il y aurait eu plus d'allure à demander un scrutin public sur ces amendements... (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)

La procédure de demande de documents classifiés est un parcours du combattant : en cas de refus, vous allez devant la CADA qui, après quelques mois, vous permet d'aller devant le tribunal administratif, où l'on attend encore.

D'où cet amendement qui permet au juge d'ordonner la communication des documents demandés, y compris en référé.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Gold, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Dans le cas où la Commission d'accès aux documents administratifs a, en application des dispositions de l'article L. 342-1 du code des relations entre le public et l'administration, donné un avis favorable à la communication d'un ou de plusieurs documents dont le délai de communicabilité est déterminé par le présent article, le juge compétent peut ordonner, y compris en référé, toutes mesures de nature à assurer la communication de ce ou de ces documents.

Mme Nathalie Delattre.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°96 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mmes Billon et Férat et MM. Le Nay, Levi, J.M. Arnaud et Delcros.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - Avis défavorable sur ces deux amendements, pour les raisons déjà exposées.

Mme Florence Parly, ministre.  - Même avis.

M. Pierre Ouzoulias.  - Le Gouvernement n'a pas entendu la CADA sur le dispositif. Seules les commissions de la culture du Sénat et de l'Assemblée nationale l'ont fait. La CADA a reconnu que certains services ne seront pas en mesure d'informer l'usager de la communicabilité des documents. Elle craint d'ailleurs de devenir l'antichambre de la communication des archives. (Mme Michelle Gréaume applaudit ; Mme Catherine Morin-Desailly renchérit.)

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°63 rectifié est mis aux voix par scrutin public. (Protestations indignées sur les travées du groupe SER)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela devient ridicule ! Cela serait-il donc la révolution si le tribunal administratif se prononçait ?

M. Hussein Bourgi.  - Allez réveiller vos collègues pour qu'ils viennent voter !

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°151 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 118
Contre 226

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Éliane Assassi.  - Nos débats sur ce texte devaient se poursuivre demain après les questions d'actualité au Gouvernement.

Les scrutins publics se multiplient à cause de l'absence des membres de la majorité sénatoriale. Arrêtons là nos débats : nous poursuivrons demain. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST ; Mme Catherine Morin-Dessailly applaudit également.)

M. le président.  - À minuit, personne ne s'est opposé à ce que nous menions l'examen du texte à son terme ce soir. (Protestations sur les travées du groupe CRCE et du GEST)

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos4 rectifié et 96 rectifié bis sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°152 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption11 7
Contre 22 7

Le Sénat n'a pas adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 19 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°153 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 227
Contre 117

Le Sénat a adopté.

L'article 20 est adopté de même que les articles 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27,28 et 29.

Explications de votes

Mme Éliane Assassi .  - Nous sommes insatisfaits de ce débat sans relief, sauf peut-être sur l'article 19, qui a permis des prises de position argumentées - même si je regrette les scrutins publics demandés par la majorité, en minorité ce soir.

Mais le peu d'explications sur nos amendements dans le reste du texte révèle que derrière leur affrontement de façade, majorité et Gouvernement se retrouvent pour pérenniser des dispositifs temporaires et écarter l'autorité judiciaire.

Nous pensons que les causes doivent être traitées et sommes convaincus que l'État de droit doit être renforcé.

Votre refus obstiné de débattre sur les libertés publiques ne nous empêchera pas de faire des propositions alternatives.

Nous voterons contre le texte.

M. Jean-Yves Leconte .  - Le groupe SER partage certains objectifs de ce texte, notamment le renforcement des dispositions sur le renseignement de 2015, car la situation l'exige.

Nous aurions préféré que les mesures issues de la loi SILT demeurent provisoires et qu'elles soient mieux contrôlées par le Parlement.

La majorité a refusé nos demandes de renforcement de la délégation pour le renseignement ou de réglementation de nos échanges avec des services étrangers.

Nous devrons revenir prochainement sur l'article 15, qui ne répond pas aux besoins des réquisitions judiciaires.

Enfin, l'article 19 ne permettra pas aux historiens d'écrire l'histoire.

Nous nous abstiendrons donc. Il n'y a pas de magie : aucune technologie ne remplacera le renseignement humain.

Le groupe SER saisira le Conseil constitutionnel après l'adoption définitive de la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Nathalie Goulet .  - Ce débat fut décevant. Nous avons posé des questions sur le rôle du politique, la souveraineté, la coordination, la société Palantir, les algorithmes... Sans réponse.

Certes, ce texte ne marque pas le grand soir de la lutte contre le terrorisme et les mesures sont en majorité nécessaires - et la majorité du groupe centriste le votera. Mais je garde la désagréable impression d'un débat bâclé.

Nos rapporteurs ont réalisé un très important travail, dans des conditions de délais insupportables.

Devoir obéir à un gouvernement des juges, voilà qui est particulièrement désagréable pour nous parlementaires !

Mme Catherine Di Folco .  - Six mois après le premier vote du Sénat, nous nous félicitons que le Gouvernement ait enfin décidé de ne plus reculer sur la pérennisation des mesures de la loi SILT.

Mais nous déplorons sa position sur les Micas et les risques constitutionnels que leur prolongation à deux ans leur fait encourir.

Ce texte apportera des moyens -  mais aussi des garanties  - supplémentaires pour lutter contre les nouvelles menaces.

Enfin, la rédaction de l'article 19 concilie protection du secret de la défense nationale et liberté dans le travail des chercheurs, historiens et archivistes.

Merci aux rapporteurs.

Le groupe Les Républicains votera ce texte.

Mme Esther Benbassa .  - M'associant à un communiqué du Conseil national des barreaux, je regrette l'absence de concertation préalable et l'usage devenu habituel de la procédure accélérée.

L'accumulation et la pérennisation des lois d'exception nous inquiètent : c'est le huitième texte de ce type depuis 2015. Nous déplorons le manque de cohérence entre les mesures, et l'absence de moyens de prévention de la radicalisation, en particulier en détention.

Comme le souligne la Ligue des droits de l'homme, ce projet de loi confirme les craintes exprimées depuis 2015 par les défenseurs des droits humains et de l'État de droit. Il fait peser de lourds risques sur les libertés individuelles et la protection de la vie privée.

Le Gouvernement serait-il en train de perdre sa boussole ?

La lutte contre le terrorisme est une juste cause, mais ne saurait justifier cette dérive sécuritaire, au point d'aller à l'encontre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État.

Que penseront les Français et les Françaises devant l'abstentionnisme révélé par ces scrutins publics à répétition ? Iront-ils voter pour des absents ?

À la demande du groupe Les Républicains, le projet de loi, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°154 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 278
Pour l'adoption 251
Contre 27

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 30 juin 2021, à 15 heures.

La séance est levée à 1 h 20.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 30 juin 2021

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : Mmes Victoire Jasmin et Françoise Férat

1. Questions d'actualité

Le soir

Présidence : Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

2Projet de loi de finances rectificative, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 (n°682, 2020-2021)

3Clôture de la session ordinaire 2020-2021