Crise du logement

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur la crise du logement que connaît notre pays et sur le manque d'ambition de la politique de la ville, à la demande du groupe Les Républicains.

Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a cinq ans, Emmanuel Macron promettait un choc d'offre pour faire baisser le prix du logement, construire 60 000 nouveaux logements étudiants et répondre aux besoins des ménages les plus modestes. Il est temps de faire le bilan du quinquennat.

En réalité, le choc d'offre n'a pas eu lieu et la crise du logement s'est aggravée. Le groupe Les Républicains veut formuler des propositions alternatives pour notre pays.

Les Français sont inquiets face à l'envolée des prix du logement et de l'énergie, qui pèsent lourdement sur le pouvoir d'achat, et face au risque de déclassement. Le logement est au coeur de leurs préoccupations. Le souhait de devenir propriétaire devient hélas une chimère. Et les propos de la ministre du logement qualifiant la maison individuelle de rêve dépassé et de non-sens écologique ne les rassurent guère...

Ce gouvernement technocratique a fait du logement des plus modestes une source d'économies budgétaires. (M. Laurent Burgoa approuve.) Les aides personnalisées au logement (APL) ont diminué - ce sont 10 milliards d'euros qui manquent ! -, les bailleurs sociaux ont vu leurs moyens d'action amputés du fait de la réduction de loyer de solidarité - 1,3 milliard d'euros chaque année ! -, Action Logement a été menacé de démembrement et ponctionné de plus de 2 milliards d'euros.

Malgré la prolongation de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) et l'affichage de tardives ambitions en matière de logement social, la vision de l'exécutif continue à inquiéter : notre modèle de logement social est remis en cause ; les ressources propres qui y sont destinées sont en recul ; la dépense nationale pour le logement, qui devrait être inflationniste, continue de baisser...

La construction affiche un déficit de 170 000 logements sur quatre ans selon l'Institut Montaigne. Sur les 60 000 promis, seuls 30 000 logements étudiants seront construits. La crise sanitaire, les élections municipales n'expliquent pas tout : l'Insee a mis en évidence un recul de la construction sur les cinq dernières années, inédit depuis 1986.

Nous déplorons aussi le manque d'ambition en matière de politique de la ville. Le rapport Borloo a été refusé. Par deux fois, les maires des quartiers prioritaires de la ville (QPV) ont lancé un appel au secours au Président de la République. Certes l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a été relancée et le Nouveau Programme national de renouvellement urbain (NPNRU) plus que doublé, mais ce sont Action Logement et les bailleurs sociaux qui en ont assuré le financement : l'État a mis moins de 80 millions d'euros, loin des 200 millions promis sur le quinquennat.

Une autre politique est possible pour relancer la construction et redonner de l'oxygène aux bailleurs sociaux avec une TVA à 5,5 %, ainsi que je l'avais proposé lors de l'examen du projet de loi Climat, pour une économie de 5 000 euros par logement neuf.

À cet égard, le plan de relance est une occasion manquée.

Le logement locatif a été obéré par une vision trompeuse du bailleur privé, vu comme un rentier, non comme un entrepreneur en logement. C'est pourquoi j'ai proposé, lors de l'examen du projet de loi Climat, de rehausser le déficit foncier.

Il faut simplifier et sécuriser l'acte de construire, car la multiplication des normes pèse sur le coût de la construction.

Il faut rétablir la fluidité du parcours résidentiel en soutenant l'aspiration légitime à la propriété. Valérie Pécresse a récemment dénoncé les primes d'assurance qui pèsent sur les personnes séropositives ou atteintes d'un cancer. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

Il faut également revoir la politique du logement social, afin d'éviter la concentration des ménages les plus modestes dans les mêmes territoires, car la loi SRU n'a pas su être vecteur de mixité sociale. C'est le sens du plafonnement du pourcentage de logements les plus sociaux que nous avons proposé dans le cadre du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit 3DS.

Le logement social doit aussi davantage s'ouvrir aux classes moyennes qui ont le droit d'habiter près de leur emploi.

Nous proposons une ANRU des habitants pour accompagner les populations de ces quartiers vers la réussite économique et l'intégration républicaine.

Le logement est un élément majeur de l'ascenseur social. Prenons les mesures qui s'imposent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée, chargée de la ville .  - Je vous souhaite à tous une belle et heureuse année et vous prie d'excuser l'absence d'Emmanuelle Wargon à laquelle je souhaite un prompt rétablissement.

Nous conduisons des réformes fortes pour le logement, afin de répondre aux besoins.

Nous sommes face à un paradoxe : alors que la demande en ville est forte, la construction de nouveaux logements ne suit pas. Or ne pas répondre à ce besoin, c'est organiser l'éviction des plus pauvres en périphérie, éloigner les actifs de leur lieu de travail et accroître le recours aux transports individuels.

Le Gouvernement est mobilisé pour accompagner le secteur. Fin 2021, la construction a retrouvé son niveau d'avant crise sanitaire, mais il faut rattraper le retard.

C'est pourquoi le Gouvernement a engagé un plan d'action concret de relance de la construction : quelque 250 000 logements sociaux seront construits en deux ans et le fonds Friches, doté de 650 millions d'euros, est pérennisé.

Mais les permis de construire relèvent des collectivités territoriales. Nous avons sur ce sujet confié un rapport à une commission présidée par François Rebsamen, et à laquelle les sénateurs Estrosi Sassone, Martin, Marchand et Lienemann ont participé. Ses conclusions sont claires : il faut réhabiliter l'acte de construire. Nous avons repris plusieurs propositions de la commission. Quelque 175 millions d'euros du plan France Relance seront consacrés à la signature de contrats de relance du logement dans les territoires tendus. Par ailleurs, la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) sera entièrement compensée pendant dix ans pour les logements sociaux agréés en 2021 et jusqu'à la fin du mandat municipal. Le dispositif « Louer abordable » a été rendu plus attractif. La loi SRU a été pérennisée dans le texte 3DS et je salue le travail de Mmes Estrosi Sassone et Létard.

Par ailleurs, sachez que nous agissons de matière déterminée dans les territoires de la politique de la ville. Dès 2017, le Président de la République a doublé l'enveloppe de l'ANRU et augmenté de 131 millions d'euros les crédits de la politique de la ville. La relance passe par tous les territoires : au-delà de l'objectif initial de 1 milliard d'euros, c?est en fait 1,2 milliard d'euros qui a été engagé dans les QPV.

Nous souhaitons aller plus loin en mettant en oeuvre une grande partie du rapport Borloo - ne vous en déplaise, madame la sénatrice -, à la suite du comité interministériel des villes du 29 janvier 2021.

En 2017, l'ANRU était à l'arrêt. Nous avons relancé le NPNRU, avec plus de 12 milliards d'euros, pour mener des projets dans 450 quartiers, au profit de trois millions d'habitants. Des dossiers anciens ont été débloqués, en Seine-Saint-Denis, à Marseille, dans les Hautes-Pyrénées ou les Yvelines chères au Président du Sénat.

Nous agissons aussi pour la tranquillité des habitants, avec la création de 1 200 postes de policiers et gendarmes dans 62 quartiers de reconquête républicaine, et le développement de la justice de proximité. Quarante-cinq bataillons de prévention - soit 600 éducateurs et médiateurs - ont été créés pour prévenir le passage à l'acte : nous voulons assécher les viviers de recrutement de la délinquance, de la criminalité et du séparatisme.

Je vois que certains candidats s'intéressent enfin au sujet... (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Nous investissons aussi le domaine de l'éducation avec les cités éducatives et le dédoublement des classes. (Brouhaha persistant à droite)

Nous faisons tant d'autres choses que je n'ai pas le temps de développer. Notre ambition est intacte pour nos quartiers; pour qu'ils fassent partie de cette France 2030 que nous sommes en train de construire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Emmanuelle Wargon a fait couler beaucoup d'encre avec ses propos sur les pavillons individuels. Il faut cependant s'interroger sur nos modèles. La France compte 55 % de logements individuels, mais les collectivités territoriales font face à deux défis contradictoires : répondre aux besoins de logements et respecter l'objectif de zéro artificialisation des sols. Conséquence : dans certains territoires, les prix flambent. Or le logement représente déjà 40 % du budget des ménages les plus modestes.

Certaines collectivités territoriales choisissent alors de construire la ville sur la ville, sans étalement urbain - comme à Clermont-Ferrand avec la clause canopée - ou en mettant en valeur d'anciennes friches.

Les périphéries s'urbanisent, et pour autant, les centres de petites villes continuent à se vider. Comment construire plus et, surtout, mieux ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Oui, les Français plébiscitent encore la maison individuelle pour son confort et sa qualité de vie, mais le modèle du pavillon de banlieue interroge sur la désertification des centres-villes, le sentiment d'exclusion des habitants des lotissements - manifeste dans la crise des Gilets jaunes - et la disparition massive des terres naturelles. Toutes les cinq minutes, l'équivalent d'un terrain de foot est bétonné...

Il faut construire plus et mieux, sur les espaces déjà artificialisés grâce à la pérennisation du fonds Friches qui va permettre la création de 70 000 logements. Nous encourageons une densité acceptable grâce à l'aide de la relance de la construction durable dans plus de 1 300 communes. Nous favorisons la mixité des matériaux avec la RE2020 et accompagnons le logement intermédiaire et institutionnel.

Nous agissons aussi pour rénover le parc existant. Près de 800 000 demandes de MaPrimeRénov' ont été déposées en 2021, un véritable engouement. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'ambition première du Président de la République de changer le visage de nos quartiers n'a jamais vu le jour. Seules des mesures éparses ont été engagées, à l'initiative des villes, et non de l'État, qui s'est désengagé. Même le Premier ministre n'avait jamais entendu parler de l'initiative « Coeur de quartier », annoncée en 2018... Les appels à projets manquent d'efficacité. En réalité, ce n'est que le principe de « premier arrivé, premier servi » qui prévaut. Nous constatons l'absence totale d'une vision gouvernementale de la politique de la ville.

Les précaires crédits du Plan de relance ont été distribués de manière très inégale. Quel avenir pour des dispositifs tels que les quartiers d'été, les vacances apprenantes ou les bataillons de la prévention ?

Les maires dénoncent une non-assistance à territoire en danger et un décrochage de la République : que leur répondez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Je n'ai que deux minutes pour vous répondre, mais j'aurais tant à dire ! Quelque 131 millions d'euros supplémentaires, après dix années de baisse, ce n'est rien ? Quelque 3,3 milliards d'euros décidés par le Premier ministre lors du comité interministériel des villes, ce n'est rien ?

Les élus nous disent que nous avons inventé des dispositifs attendus depuis longtemps : cités éducatives, cités de l'emploi, « Action coeur de ville », « Coeur de quartier » - devenu « Quartiers productifs » -, tiers lieux, maisons France Services, etc.

Le visage de nos quartiers change, grâce aux élus locaux avec lesquels nous avons engagé une nouvelle forme de contractualisation.

Ne vous en déplaise, oui, l'État est engagé et oui le Président de la République a respecté ses promesses en faveur des quartiers. Nous continuerons ce travail aux côtés des élus locaux. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Viviane Artigalas.  - C'est étonnant, vous semblez croire ce que vous dites. Pourtant, les maires nous disent autre chose : selon eux, la situation est catastrophique ! Les dispositifs que vous proposez sont peu pérennes.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Certes, vous avez raison de souligner ce problème de pérennité. C'est pourquoi j'ai installé il y a quelques semaines une commission sur la nouvelle génération des contrats de ville afin de réfléchir à leur pérennisation. Nous avons pris nos responsabilités pour ouvrir dès maintenant cette concertation à grande échelle.

Mme Viviane Artigalas.  - Certes les budgets ont augmenté, mais l'ANRU reste encore sous-financée par l'État avec seulement 80 millions d'euros sur cinq ans sur les 200 millions annoncés. Les QPV ont besoin de crédits territorialisés et non d'appels à projets. Par ailleurs, les bataillons de la prévention viennent doublonner l'éducation spécialisée menée par les départements ; il n'y a eu aucune concertation entre le département des Yvelines et l'État.

Madame la ministre, votre bilan n'est pas bon et vous n'avez aucune ambition pour la politique de la ville ! (M. François Patriat le conteste.)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Ce n'est pas vrai !

M. Frédéric Marchand .  - Dans ma commune d'Hellemmes près de Lille, j'ai souvent été confronté au manque de logements sociaux. Le rapport Rebsamen fait des propositions en matière de construction, mais il faudrait aussi réaliser un vrai travail d'inventaire, en lien avec les typologies de cellules familiales et les besoins réels dans les quartiers.

Un bailleur social nordiste, propriétaire de près de 73 000 logements, loge 171 000 personnes, à peine plus de deux personnes par logement... Il est vrai qu'au fil des années, avec le départ des enfants, la taille des ménages se réduit.

Les élus sont totalement démunis face à cette inadéquation, car il est difficile de quitter son logement. Pour que le vivre-ensemble existe, il faudrait des moyens. Madame la ministre, qu'envisagez-vous en la matière ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Il faut améliorer la fluidité dans le parc social. La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite ELAN, a oeuvré en ce sens et amélioré l'adéquation entre offre et demande. Dans les territoires tendus, une révision a lieu tous les trois ans, notamment en cas de sous-occupation des logements. Mais les QPV méritent une attention particulière : dans ces quartiers, les habitants historiques, aux revenus plus élevés, doivent aussi être préservés, afin de favoriser le vivre-ensemble. Il faut y stabiliser l'occupation et redonner de l'attractivité afin de limiter les refus dont font l'objet certains quartiers.

Nous encourageons aussi les initiatives interbailleurs, comme la bourse d'échange en Île-de-France. Comme vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé.

M. Dany Wattebled .  - En économie, il y a une loi intangible : la rareté crée la valeur. Le foncier n'y échappe pas.

Le projet de loi Climat a changé la donne : le Gouvernement a organisé la rareté chronique du foncier et une immense pénurie s'annonce. Les obligations environnementales - loi sur l'eau, RE2020 - viennent compliquer les initiatives des entrepreneurs. La main-d'oeuvre coûte cher, tout comme les matières premières.

Dans ces conditions, comment garantir aux Français des logements abordables ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Notre politique du logement repose sur deux objectifs que nous menons de front : l'accès au logement de tous et le respect de l'environnement. L'objectif zéro artificialisation nette ne s'applique pas dès maintenant, mais en 2050 : 140 000 hectares restent disponibles à la construction sur les dix prochaines années.

La RE2020 a été précédée d'une intense concertation, avec l'ensemble des professionnels. Les surcoûts qu'elle induit sont limités à 3 %, à mettre en regard des économies induites pour les ménages.

L'accès au logement abordable est enfin encouragé par plusieurs mesures historiques du Gouvernement précédemment exposées.

M. Dany Wattebled.  - Vos réponses ne me conviennent qu'à demi. Voyez l'inflation actuelle dans l'immobilier.

Mme Frédérique Puissat.  - Il a raison !

Mme Marta de Cidrac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La crise du logement est quantitative, mais aussi qualitative. Il y a six mois, vous avez lancé « Mieux habiter demain en ville ». À cette occasion, les résultats d'une enquête ont été publiés : ils montrent une dégradation de la qualité du logement.

Un référentiel de qualité du logement a été élaboré, qui met en avant les questions de surface, de volume, d'accès à un espace extérieur et de qualité de la ventilation : c'est un sujet multifactoriel. Quelles suites comptez-vous donner à ce nouveau référentiel de qualité ?

Des propositions ont été faites pour mutualiser les rénovations à l'échelle de copropriétés ou des quartiers afin d'en diminuer le coût. Comment faciliter les dynamiques collectives de rénovation de l'existant ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - La crise sanitaire a renforcé la dimension essentielle du logement pour nos concitoyens, car l'on vit et travaille chez soi. Emmanuelle Wargon a encouragé la création de ce référentiel de qualité du logement en confiant une mission à François Leclercq et Laurent Girometti. Certains critères seront retenus à partir de 2023.

La qualité du logement est aussi du ressort des maires. Il s'agit avant tout de construire mieux, avec, par exemple, une double exposition des appartements à partir du T3. La Ville de Nice a signé une charte locale de qualité, que je salue. (Marques d'ironie à droite)

Le Gouvernement soutient cette amélioration de la qualité des logements, car c'est une solution pour l'attractivité du logement social.

Mme Marta de Cidrac.  - Ma question portait sur l'habitat existant. Clairement, nous avons besoin d'autre chose que de rapports. Quelles sont les actions que vous mettez en place, là, maintenant ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Emmanuelle Wargon a annoncé des travaux et des rapports dans les semaines à venir. Pour le parc existant, j'ai déjà annoncé des mesures concrètes dans mes réponses précédentes.

Mme Marta de Cidrac.  - Toujours des rapports... Nous voulons des actions !

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Grâce à un appel solennel de nombreux maires, une petite partie du Plan de relance - 1 milliard d'euros - a été fléchée vers les QPV. Nous voulons tous que ces quartiers reprennent le train de la République. Or ces crédits répondent à de tout autres objectifs. Au fur et à mesure, ce sont en fait d'autres projets qui sont financés, et non les projets de réhabilitation des quartiers, comme le prouve le tableau de bord du Gouvernement.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Le Premier ministre, lors du comité interministériel des villes, a décidé de flécher 1 milliard d'euros au profit des 1 514 QPV, situés dans 859 communes. Mais les quartiers auraient bien entendu bénéficié du Plan de relance ! Et la politique du Gouvernement en faveur de ces quartiers ne se limite pas au Plan de relance. Madame Taillé-Polian, vous occultez tous les crédits de l'ANRU, portés de 5 à 12 milliards d'euros ! (Mmes Sophie Taillé-Polian et Marie-Noëlle Lienemann protestent.) Éducation, prévention, cités éducatives, autant d'autres initiatives qui montrent tout l'engagement du Gouvernement.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Dans le Val-de-Marne, ces crédits vont aux friches, pas aux QPV !

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Dans ce département que je connais bien, nous sommes au rendez-vous. La présidente de la région Île-de-France y est-elle autant que nous, alors que cela concerne ses compétences ? (Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Je ne vais pas dire que la Présidente d'Île-de-France tient ses promesses, mais cela ne peut être une excuse à votre absence de politique. Les associations sont en souffrance en raison de la fin des contrats aidés. Les QPV connaissent une intensification de la pauvreté : baisse des APL, de l'assurance-chômage, vous accentuez les problèmes. Vous venez nous faire la réclame comme si tout allait bien, mais en réalité, ça ne va pas du tout : votre Gouvernement n'est pas à la hauteur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Le pouvoir d'achat de nos concitoyens est plombé par la hausse des dépenses de logement et pourtant le Gouvernement continue d'affirmer qu'il s'améliore... En vingt ans, les prix de l'immobilier ont augmenté cinq fois plus vite que l'inflation ; la rente a bondi de 200 %. Pourquoi M. Macron ne s'est-il pas attaqué à la rente foncière ?

Le Gouvernement a laissé s'accroître ce dangereux écart entre loyer et revenu ; pire, il a réduit les APL. Que faire à présent ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Oui, le logement constitue une dépense essentielle pour les ménages.

Dans le parc existant, nous avons proposé l'expérimentation de l'encadrement des loyers dans les zones tendues : Paris, Lyon, Lille, Villeurbanne, Est-Ensemble, Montpellier, Bordeaux, combien de villes se sont saisies de cette mesure de la loi ELAN ? Le projet de loi 3DS prévoit d'allonger la durée de l'expérimentation.

Le dispositif « Louer abordable » a aussi été rendu plus attractif dans le projet de loi de finances 2022 : mais vous avez rejeté le budget en bloc, dommage... (Mme Sophie Primas proteste.)

Nous avons pris plusieurs mesures pour libérer le foncier et faciliter sa maîtrise, comme l'abattement de plus-values pour les terrains cédés pour le logement social.

Nous avons aussi encouragé le développement du bail réel solidaire (BFS), une réponse innovante et adaptée. Soixante et onze offices de foncier solidaire (OFS) ont été agréés en cinq ans et 500 logements ont déjà été commercialisés dans ce cadre. Le parc dépassera probablement les 10 000 unités en 2024.

Voilà des actions concrètes en faveur du logement abordable.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Cet encadrement des loyers remonte à la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite ALUR ! Il faut maintenant généraliser cet encadrement, comme le recommande l'OCDE.

Je défends ardemment les BRS, créés aussi par la loi ALUR.

Mais vous ne proposez que des pansements ridicules. Il faut mieux encadrer et lutter contre les plus-values abusives. (Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit.)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (M. Pierre Louault applaudit.) Alors que rien dans son programme ne le laissait présager, le Président de la République a réalisé des coupes claires dans le financement du logement social et de l'accession sociale à la propriété. Ces restrictions ont durablement déstabilisé les acteurs du secteur et dégradé l'accès au logement des plus modestes.

Ces dernières années, la production de logements a été très insuffisante, du fait notamment de la suppression de l'aide aux maires bâtisseurs et de la restriction du prêt à taux zéro (PTZ). Le nombre de mises en chantier a même baissé de 7 % entre 2019 et 2020.

Sur le plan de la méthode, les bailleurs sociaux n'ont pas été consultés. Ils n'ont donc pas pu anticiper et s'adapter.

L'insuffisance de logements est particulièrement préoccupante dans les outre-mer. À La Réunion, ma collègue Nassimah Dindar signale que 33 000 familles ayant droit à un logement social en sont privées en raison de la pénurie.

Comment comptez-vous réduire les coûts de construction ? En particulier, que répondez-vous à ceux qui réclament une meilleure maîtrise de l'inflation réglementaire ?

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Ces douze derniers mois, 472 000 logements ont été autorisés, alors que, auparavant, la moyenne était de l'ordre de 450 000.

Le plan Logement outre-mer 2019-2022 a été décliné à La Réunion. Il vise la production de 2 000 à 2 500 logements sociaux, ainsi que l'amélioration de 400 logements privés indignes ou insalubres.

S'agissant de l'inflation réglementaire, je rappelle que la RE 2020 n'est applicable qu'en métropole. Les règles de construction tiennent compte des spécificités des outre-mer.

À La Réunion, une réflexion a été engagée avec les acteurs de la construction sur la maîtrise des coûts, sans compromis sur la qualité. Sur cette question, nous travaillons à des réponses locales en liaison avec les acteurs des territoires.

Les contrats de relance du logement ont été mis en place sur les crédits de France Relance, et les collectivités territoriales bénéficieront d'une compensation intégrale de TFPB jusqu'à la fin du mandat des maires.

Mme Sophie Primas.  - C'est bien la moindre des choses !

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Nous aurions pu ne pas le faire.

M. Denis Bouad .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les différents dispositifs ne suffisent pas à masquer la défaillance de la politique du logement social. Dans le Gard, entre 2018 et 2019, la production de logements sociaux a été divisée par deux !

Nous disposons maintenant du recul nécessaire pour juger des choix politiques faits depuis 2017. Si le Président de la République avait annoncé un choc de l'offre, les signaux envoyés ont eu l'effet rigoureusement inverse. Je pense au relèvement de la TVA pour les logements sociaux, à la restriction du prêt à taux zéro, à la suppression de l'APL Accession...

Selon la Fondation Abbé Pierre, plus de 10 milliards d'euros ont été économisés sur le logement ces cinq dernières années au détriment des plus modestes. En outre, la capacité d'investissement des bailleurs sociaux a été obérée.

Comment expliquer un tel décalage entre les promesses et les décisions ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Nous avons mené une réforme structurelle du secteur : le regroupement des bailleurs accroît leur capacité financière par la mutualisation des ressources. De plus, le logement social bénéficie d'un soutien accru de la Banque des territoires et d'Action Logement.

Monsieur le sénateur, vous avez dressé la liste de tout ce que le Gouvernement n'a pas fait, mais vous avez passé sous silence tout ce qu'il a fait ! (Murmures à gauche)

Nous avons décidé que 2021 et 2022 seraient des années de mobilisation sans précédent en faveur du logement social, avec plus de 1,5 milliard d'euros d'aides à la pierre. C'est historique : il n'y a jamais eu autant de financements disponibles. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame.)

Les études prospectives de la Caisse des dépôts et consignations montrent que la situation financière du secteur est très solide. Il est donc faux de prétendre que ce quinquennat aurait sonné le glas des bailleurs sociaux !

M. Denis Bouad.  - N'ayant qu'une poignée de secondes, je dirai seulement que la ministre ne m'a pas du tout convaincu... (Sourires ; applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - J'avais abandonné cette ambition...

M. Sébastien Meurant .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) Décevante et coûteuse : voilà comment la Cour des comptes qualifie la politique du logement - 37 milliards d'euros par an, ce qui fait une somme.

Depuis des années, nous entendons la même musique : le gentil Gouvernement veut construire, mais les vilains élus locaux ne font rien... (Marques d'approbation à droite)

Il faut regarder la réalité en face. Les besoins en logements ne cessent de croître, mais la pression normative renchérit la construction et les collectivités territoriales sont soumises à des injonctions contradictoires.

Pourtant, les Français aiment la pierre et les taux d'intérêt sont historiquement bas. Vous aviez donc tout pour réussir.

Mais votre politique défavorable aux bailleurs, pour lesquels la rentabilité est parfois négative, et la lenteur de la justice ont entraîné une augmentation sans précédent des logements vacants - nous en avons plus de trois millions.

Dès avant son élection, Emmanuel Macron avait dénoncé la rente immobilière et affirmé que l'immobilier ne créait pas d'emplois...Vous avez brisé la confiance avec les Français et les élus locaux ! Comment comptez-vous la rétablir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Oui, le Gouvernement a une stratégie globale pour le logement : elle vise l'accès de tous à un logement abordable et la transition écologique du parc.

Nous avons amélioré le bail réel solidaire en lui appliquant le taux de TVA de 5,5 %. Le PTZ a été prolongé jusqu'à la fin de 2023. Nous avons également renforcé le dispositif « Louer abordable ».

Nous agissons pour la rénovation énergétique comme aucun gouvernement ne l'a fait jusqu'à présent. Dans le cadre du plan de relance, 650 millions d'euros sont consacrés au fonds Friches.

La RE 2020 favorise la construction bas-carbone, et 700 000 dossiers ont été déposés dans le cadre de MaPrimeRénov', bien au-delà de l'objectif de 500 000.

Pour la construction comme pour la rénovation, le Gouvernement a une stratégie claire !

M. Sébastien Meurant.  - Vous dressez un inventaire de mesures, mais où est la stratégie globale d'aménagement du territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Arnaud .  - La crise qui nous préoccupe frappe particulièrement les territoires touristiques, comme les Hautes-Alpes. Nous rencontrons des difficultés pour loger populations locales et saisonniers.

Dans certaines communes, les résidences secondaires représentent la moitié des logements. Il en résulte une pression sur les prix, qui rend la construction de logements particulièrement complexe.

Le zonage ne favorise pas nécessairement la transformation de logements vacants en logements sociaux. Quelles incitations comptez-vous mettre en place pour lutter contre les « lits froids » ?

S'agissant du dispositif « Louer abordable », le taux de décote est trop important pour les logements en zone C, qui couvre de nombreuses communes de montagne. Comment transformer les logements touristiques en logements pérennes ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Le plan Avenir montagnes vise à redynamiser le tourisme dans ces territoires, non plus seulement en hiver, mais toute l'année. Le Gouvernement est très mobilisé pour le mettre en oeuvre.

Les « lits froids » sont un problème très sérieux. Nous entendons favoriser leur utilisation tout au long de l'année.

La réforme du dispositif « Louer abordable » vise à inciter les propriétaires à louer à un loyer maîtrisé, à travers une mesure fiscale : la réduction d'impôt sur les revenus fonciers sera proportionnée au loyer perçu.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Dans les stations notamment, on construit des logements neufs parce qu'on n'est pas en mesure de rénover le parc existant, faute d'incitation fiscale...

M. Serge Mérillou .  - La crise du logement concerne aussi le monde rural.

La loi Climat et résilience fixe des objectifs ambitieux en matière de lutte contre l'artificialisation. Si nul ne conteste la nécessité de préserver la biodiversité, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.

Partout, les élus ruraux sont inquiets. De fait, on ne peut appliquer la même politique de la même façon à tous les territoires, au risque de pénaliser les zones rurales. Il faut différencier les objectifs en la matière.

Comment les communes rurales pourront-elles maintenir leur école si elles ne peuvent accueillir de nouvelles familles ? Alors que la ruralité connaît un regain d'attractivité, les exigences des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) sont déjà très fortes.

Comptez-vous écouter les élus locaux et différencier l'application des objectifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Le Gouvernement est à l'écoute des territoires ruraux.

Ceux-ci représentent 14 % de la consommation d'espace, pour 4 % de la population. Les communes rurales doivent se doter d'un document d'urbanisme pour maîtriser leur aménagement.

Par ailleurs, elles disposent de nombreux dispositifs incitatifs.

Mme Frédérique Puissat.  - C'est hors-sol ! (Mme Sophie Primas renchérit.)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Je pense à l'accès à la propriété en bail réel solidaire. Le dispositif « Louer abordable » est ouvert en zone rurale, et le PTZ a été élargi aux zones détendues.

L'objectif de zéro artificialisation nette est fixé à l'horizon de 2050. Une adaptation aux réalités rurales est prévue.

Nous avons entendu les inquiétudes des territoires ruraux, et les préfets accompagneront les maires dans l'expression de leurs besoins.

M. Serge Mérillou.  - Ce que les maires demandent, c'est qu'on leur laisse quelques terrains à bâtir. (Mme Frédérique Puissat approuve.) Dans le monde rural, le risque n'est pas l'artificialisation, mais la friche. Les élus sont responsables : faites leur confiance ! (M. Pierre Louault applaudit.)

M. Édouard Courtial .  - Le logement est un problème aussi dans nos campagnes - cela vient d'être souligné.

La demande est croissante, notamment à la faveur du télétravail. Il faut y répondre, mais aussi, entre autres défis, assurer un accès fiable à internet.

L'Oise, en particulier, est sous tension. Il est difficile pour les plus fragiles et pour les jeunes d'accéder à la propriété. Dans nos territoires, quoi qu'en disent certains, la maison individuelle reste la norme ; elle est, selon moi, un objectif légitime.

Des dispositifs ont été mis en place, par exemple pour les centres bourgs qui se meurent. Il est certain qu'il n'y a pas d'immobilier sans vie. Mais la politique reste trop centrée sur la ville. Or on ne logera pas tout le monde dans les métropoles ! Il faut retrouver un équilibre entre territoires pour donner toutes leurs chances aux campagnes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Le Gouvernement est très attentif au logement en zone rurale.

L'une des clés consiste pour les communes, je le répète, à se doter de documents d'urbanisme. Il peut s'agir d'une simple carte communale.

La très grande majorité des communes sont compétentes en matière d'urbanisme. Sur 34 900 communes, 26 % relèvent du règlement national d'urbanisme ; seulement 4 852, soit 14 % du total des communes, n'ont aucun document d'urbanisme réalisé ou en cours d'élaboration.

Une faible population n'interdit pas de se doter d'un document d'urbanisme. De très petites communes en disposent.

Par ailleurs, les communes ont accès à divers dispositifs incitatifs, dont j'ai déjà parlé.

M. Édouard Courtial.  - Vous présentez des mesures techniques, mais où est la volonté politique ? Bonne année aux demandeurs de logement en zone rurale ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Denis Bouad applaudit également.)

M. Laurent Burgoa .  - Dans le Gard, les contraintes liées aux risques naturels sont fortes. Il y a aussi les espaces Natura 2000, destinés à protéger notre beau territoire.

Avec le développement du télétravail, la demande croît. Les terrains sont très prisés, et les prix augmentent.

Je regrette que les propositions de Mme Estrosi Sassone sur la loi SRU aient été supprimées de la loi 3DS par votre majorité hors-sol -  quand elle n'est pas hors-hémicycle, comme hier soir...

Les problèmes ne sont pas de droite ou de gauche ! Ils sont factuels. Il faut confier aux préfets le soin d'adapter les règles à la réalité des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - La majorité des communes soumises à la loi SRU sont de bonne foi. Sur les 2 000 communes concernées, la moitié est en déficit, mais seulement 280 sont carencées.

C'est précisément pour prendre en compte les situations locales que nous avons adapté les règles dans le cadre de la loi 3DS. La date butoir de 2025 a été supprimée et des taux de rattrapage réalistes ont été fixés, auxquels il sera possible de déroger en fonction des contraintes locales, notamment lorsqu'une large part du territoire communal est grevée d'inconstructibilité.

Nous agissons en responsabilité.

M. Laurent Burgoa.  - Je ne suis pas convaincu. Tous les maires nous le disent : ils veulent construire du logement social, mais se heurtent au problème du foncier. Dans une commune de mon département - situation aberrante ! -, c'est l'État qui attaque le permis de construire délivré par une commune carencée... (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Laurence Garnier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Chaque année, 17 000 nouveaux habitants arrivent en Loire-Atlantique, troisième département le plus dynamique de France pour la démographie.

Riche en marais, ce territoire est fortement soumis à la loi Littoral. La loi SRU s'applique en outre dans les agglomérations de Nantes et Saint-Nazaire.

Résultat : les prix de l'immobilier bondissent. Dans le pays de Retz, le prix du terrain a triplé en deux ans... Dans le secteur de Guérande, une maison achetée 1,2 million d'euros s'est revendue 2,3 millions d'euros un an plus tard !

À cela s'ajoute l'objectif de zéro artificialisation nette. Pourquoi l'avoir imposé par le haut, sans considération des spécificités locales ? Les maires font face à des injonctions contradictoires. Allez-vous différencier l'application de cet objectif ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - En France, 3,5 millions d'hectares sont artificialisés chaque année. Rapporté à la population, ce chiffre est de 15 % plus élevé qu'en Allemagne, et de 57 % plus élevé qu'au Royaume-Uni et en Espagne. Or 5 % des communes sont responsables de 39 % de la consommation d'espaces.

Je le redis : le zéro artificialisation nette est un objectif à l'horizon de 2050 !

Le Gouvernement est respectueux des prérogatives de chacun, à commencer par les élus locaux. Nous agissons avec pragmatisme : les collectivités territoriales auront le temps de s'adapter et les efforts déjà réalisés seront pris en compte. Nous sommes bien conscients que tous les territoires n'ont pas les mêmes besoins.

Mme Laurence Garnier.  - La loi 3DS était censée simplifier et décentraliser. Avec le zéro artificialisation nette, vous faites tout le contraire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Cyril Pellevat .  - La situation est critique dans les territoires de montagne, surtout lorsqu'ils sont frontaliers.

À proximité de la Suisse ou du Luxembourg, les prix de l'immobilier sont particulièrement élevés. Ceux qui ne sont pas travailleurs frontaliers ont du mal à se loger dignement. Des difficultés de recrutement se posent, y compris pour les services publics, car les fonctionnaires ne veulent plus être affectés dans ces territoires.

Je suis favorable à une prime de vie chère - nous en avons parlé avec M. Dussopt -, mais des solutions axées directement sur le logement seraient plus efficaces.

Les collectivités territoriales devraient pouvoir disposer de foncier pour le louer, et un dispositif de type Pinel pourrait être appliqué spécifiquement aux zones frontalières.

Enfin, il faudrait revoir les périmètres des zones tendues et instaurer des loyers de référence, comme à Lille et Paris.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée.  - Nous avons prolongé le Pinel jusqu'en 2024.

Des incitations fiscales existent déjà, comme le dispositif « Louer abordable », rendu plus attractif par la loi de finances pour 2022.

De nombreuses zones frontalières sont éligibles au Pinel, dont le zonage sera prochainement revu. Par ailleurs, 5 % des logements agréés sont réservés aux fonctionnaires, et les ministères peuvent acquérir des droits supplémentaires. Nous agissons également pour le logement des travailleurs essentiels.

M. Cyril Pellevat.  - Tout cela n'est pas suffisant. Les collectivités territoriales sont prêtes à mettre la main à la poche, mais il faut changer le modèle économique !

M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un chiffre donne la mesure de la crise : selon l'OCDE, il faut aujourd'hui treize ans de revenus à un Français pour acquérir un logement de 100 m2, contre huit en 2000. L'Allemagne ou le Royaume-Uni n'ont pas connu un tel renchérissement du logement.

Les logements perdent en qualité et les inégalités entre territoires persistent. Jean-Louis Borloo a souligné les risques de fracture, voire de rupture, dans certains quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais son rapport n'a guère été pris en considération par le Gouvernement, qui l'avait pourtant commandé... Au total, dix millions de nos concitoyens se considèrent comme relégués.

Les difficultés concernent toute la chaîne du logement, jusqu'à l'hébergement d'urgence : sur 200 000 personnes hébergées, plus de 70 000 le sont dans des hôtels...

On construit moins de 350 000 logements par an, dont environ 100 000 logements sociaux, alors que 2,2 millions de ménages attendent un logement, un chiffre en augmentation de 20 % en huit ans.

Le Gouvernement a annoncé l'agrément de 250 000 logements sociaux en deux ans, mais il est clair que cet objectif ne sera pas atteint.

Avec le relèvement du taux du Livret A, les prêts accordés par la Caisse des dépôts et consignations aux bailleurs sociaux seront plus coûteux, ce qui pèsera sur la construction.

Loin du choc d'offre annoncé, la politique du logement s'est concentrée sur la rénovation - certes indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques, mais qui ne répond pas au besoin de plus en plus massif en logements.

Les cinq années écoulées ont été marquées par la recherche d'économies. La contribution de l'État aux aides personnelles au logement a été réduite, et l'APL Accession a été supprimée ; celle bénéficiant aux locataires a été réduite de 5 euros dès 2017.

L'État s'est désengagé du soutien au logement des plus modestes. Il se repose sur les bailleurs sociaux et sur Action Logement, dont les marges de manoeuvre sont largement entamées.

Parallèlement, l'État accroît les contraintes sur les acteurs du bâtiment, déjà confrontés à l'augmentation des coûts de l'énergie et des matériaux.

Quant aux collectivités territoriales, elles sont soumises à des injonctions difficiles à concilier.

Le succès du fonds friches est révélateur de l'ampleur des besoins. Il prouve que les collectivités territoriales ne manquent pas de projets. L'État doit mieux les accompagner, par exemple dans la production et la révision des documents d'urbanisme.

Production de logements nouveaux, amélioration de la performance énergétique du parc, annulation progressive de toute artificialisation nouvelle : aujourd'hui dispersés, ces trois objectifs doivent être intégrés dans une politique du logement unifiée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.