Meilleure prise en compte de la qualité de la vie étudiante

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution pour une meilleure prise en compte de la qualité de la vie étudiante, pour renforcer l'accompagnement des étudiants à toutes les étapes de leur parcours et pour dynamiser l'ancrage territorial de l'enseignement supérieur, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC.

M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de résolution .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.) Le Sénat a créé une mission d'information sur les conditions de la vie étudiante à l'initiative du groupe UC, préoccupé par la précarisation de certains étudiants. Nous avions fait cette demande en décembre 2019, à la veille de la pandémie. La mission d'information a finalement conduit ses travaux au premier semestre 2021.

La crise sanitaire n'a pas créé le malaise étudiant, mais elle l'a amplifié et l'a rendu public.

Fins de mois difficiles, logements dégradés, soins difficilement accessibles, alimentation insuffisante : réussir ses études devient un défi quand la famille n'est pas en mesure d'aider. Notre modèle républicain d'égalité des chances s'en trouve altéré.

Les files d'étudiants devant les Restos du coeur sont le résultat d'un triple manquement. D'abord, l'augmentation du nombre d'étudiants - 25 à 30 000 en plus chaque année - n'a pas été anticipée. L'accompagnement à la réussite n'a pas été une priorité. Enfin, les étudiants précaires restent mal connus. On ignore leur nombre, leur proportion, alors que les difficultés de logement, de santé sont une cause majeure d'échec en première année.

Sous la présidence de Pierre Ouzoulias, dont je salue le souci de mener nos travaux dans un climat consensuel (applaudissements sur les travées du groupe UC), notre mission d'information a proposé un ensemble de solutions autour de quatre axes.

Le premier objectif doit être de privilégier l'ancrage territorial de l'enseignement supérieur, dans l'intérêt de l'intégration des étudiants dans le tissu économique local et de l'attractivité des territoires. Il convient de mettre fin au phénomène de métropolisation autour de très grands centres universitaires. Le premier cycle doit au contraire être effectué dans un établissement de proximité, au plus près du domicile familial et une offre de logement adaptée doit être déployée. Les besoins seraient supérieurs à 250 000 logements. Le Président de la République en avait promis 60 000 à la fin 2022, moins de 24 000 sont sortis de terre... Il convient d'intégrer les collectivités territoriales à la politique de construction, via des contractualisations.

Il faut également renforcer l'offre de santé sur les campus, qui repose essentiellement sur les services de médecine préventive, aux compétences et moyens limités. On compte une infirmière pour 10 000 étudiants, un médecin pour 16 000 étudiants, un psychologue pour 30 000.

La crise sanitaire a fait émerger de nouveaux besoins en matière de suivi psychologique ou de prise en charge des soins. Or il n'existe que dix-huit bureaux d'aide psychologique universitaire (BAPU), et aucun à Bordeaux. Il faut aussi renforcer l'articulation avec la médecine de ville et hospitalière, et résoudre les difficultés d'affiliation pour les étudiants ultramarins.

Ensuite, l'accompagnement des étudiants doit être amélioré, notamment en matière alimentaire. Les repas à 1 euro dans les restaurants universitaires pour les boursiers doivent être maintenus.

L'exercice d'une activité peut être nécessaire, mais peut aussi nuire à la réussite des études. Il faut donc proposer plus d'emplois conciliables avec les études, et encourager un vrai statut étudiant.

Enfin, la question des besoins financiers ne peut être éludée. La notion de pouvoir d'achat étudiant est peu prise en compte. Je salue le travail des associations qui soutiennent les étudiants, en leur trouvant parfois des logements d'urgence. L'État verse des bourses et des aides au logement, mais ces dispositifs, soumis à des effets de seuil, doivent être adaptés aux réalités territoriales. Nous proposons de remplacer la notion de pouvoir d'achat par le calcul d'un reste à charge qui prenne en compte la situation géographique et le coût du logement.

Nous regrettons l'abandon de la réforme des bourses, qui n'a pas été jugée prioritaire par Bercy. Quel message envoyons-nous aux étudiants !

Enfin, la mise en place d'un guichet unique pour l'aide sociale serait une réponse concrète aux difficultés des étudiants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Yan Chantrel .  - La pandémie a frappé notre jeunesse de plein fouet. Il y a urgence à agir.

Selon une étude de l'Inserm et de l'université de Bordeaux, 37 % des étudiants interrogés font état de troubles dépressifs et 27 % d'anxiété ; un sur six a des pensées suicidaires. Nous sommes tous témoins de cette détresse de la jeunesse étudiante.

L'aveuglement et le déni du Gouvernement constituent une violence supplémentaire. La moitié des repas servis par des Restos du coeur le sont à des moins de 25 ans.

Face à une jeunesse qui s'enfonce dans la précarité, nous ne pouvons rester les bras ballants. Le groupe SER défend l'instauration d'un minimum jeunesse, avec l'extension du RSA aux moins de 25 ans. Les deux tiers des Français soutiennent cette mesure de bon sens.

La pandémie n'a fait que mettre en exergue des problèmes structurels : la précarité est le résultat d'un sous-financement.

Le nombre d'enseignants a baissé de 2 % dans les universités en dix ans, quand celui des étudiants augmentait de 20 %. Les disparités entre cursus sont criantes : on dépense 11 000 euros par étudiant et par an pour un cursus en lettres contre 60 000 euros pour un cursus d'ingénieur. Grandes écoles et universités constituent un système à deux vitesses, cette exception française qui favorise la reproduction sociale et la sous-dotation endémique des universités.

Prendre soin de notre jeunesse, c'est prendre soin de l'avenir de notre pays. Il nous faut garantir à ces étudiants les conditions d'une vie digne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Pierre Ouzoulias et Daniel Salmon applaudissent également.)

M. Xavier Iacovelli .  - La crise sanitaire a été un électrochoc pour 2,8 millions d'étudiants, révélant leur précarité. Combien de témoignages d'étudiants isolés, déprimés, ou faisant la queue aux Restos du coeur a-t-on entendus, alors que ce devrait être leurs plus belles années : celles où ils gagnent en autonomie et en responsabilité. Il leur faut des conditions décentes pour s'épanouir.

La mission d'information sénatoriale sur les conditions de la vie étudiante a proposé des pistes en matière de logement -  il manque 250 000 logements étudiants - de soins psychologiques ou encore d'alimentation, sachant qu'un étudiant sur deux saute des repas pendant une semaine de cours.

La santé mentale des étudiants doit être au coeur de nos préoccupations. L'enseignement à distance a montré ses limites. L'accès aux stages est source de préoccupation pour ceux qui n'ont pas de réseau. Le Gouvernement a apporté des réponses concrètes avec le plan « Un jeune, une solution », doté de 9 milliards d'euros, avec un volet consacré aux stages.

Rappelons que quatre étudiants sur dix travaillent pendant leurs études pour vivre dans des conditions dignes.

Je salue l'esprit de consensus de MM. Ouzoulias et Lafon qui ont émis des propositions utiles.

Le Gouvernement, conscient des difficultés des étudiants, a mis en place des dispositifs d'accompagnement. Citons le chèque Psy, salué par la mission d'information, qui ouvre droit à des consultations sans avance de frais, le repas à 1 euro dans les restaurants universitaires, le gel des loyers en résidence universitaire, le renforcement des prêts garantis par l'État de 15 000 euros accordés aux étudiants pour financer leurs études, ou encore la revalorisation des bourses sur critères sociaux.

Le groupe RDPI votera cette proposition de résolution. Son adoption constituera un message fort pour les étudiants. Notre ambition est commune : que les générations Covid puissent s'épanouir dans leurs études et leur travail. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Ouzoulias, Mme Monique dMarco et M. Laurent Lafon applaudissent également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Prendre soin de notre jeunesse, c'est préparer l'avenir. C'est une évidence pour les parents, cela devrait l'être pour notre pays. La période des études cristallise le passage effectif à l'âge adulte. Or depuis le début de la pandémie, beaucoup de jeunes ont l'impression que le virus leur a volé leurs plus belles années.

Cette proposition de résolution a le mérite de poser la question fondamentale de la qualité de vie étudiante. Indirectement, c'est de l'avenir de notre pays qu'il est question.

Depuis deux ans, la crise sanitaire a gâché la vie de nombreux jeunes. Le mal est fait, mais cette crise doit aussi être une opportunité pour réfléchir à l'amélioration de l'ordinaire. Posons un diagnostic lucide : la crise a montré qu'au-delà des connaissances, le contact avec les professeurs, les échanges intellectuels, la vie de campus et les activités sportives sont autant d'éléments essentiels à la vie étudiante.

On n'est pas étudiant dans le métavers, mais dans un territoire. Les étudiants ont un impact sur leur bassin de vie, stimulent le logement, la restauration, les transports. Miser sur eux, c'est miser sur la formation, l'industrie, l'environnement, promouvoir l'innovation et stimuler le rayonnement intellectuel de notre pays. Ce n'est pas un confort superflu.

Le groupe INDEP est favorable au guichet unique, à la prolongation du repas à 1 euro, à la facilitation du cumul entre études et job étudiant proposés par la mission d'information.

Nous ne pouvons ignorer que la rentrée universitaire se fera sous un nouveau mandat présidentiel. Des priorités d'action nouvelles devront être définies...

Mme le président.  - Votre temps de parole est épuisé.

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Notre groupe votera cette proposition de résolution.

Mme Laure Darcos .  - Notre mission d'information a mené un travail approfondi sur les conditions de la vie étudiante. L'entrée dans l'enseignement supérieur est un véritable rite initiatique, marqué par le départ de l'environnement familial, une perte de repères qui peut déstabiliser. La nature de la formation est déterminante : combien choisissent leur filière par défaut ou par méconnaissance ?

C'est pourquoi l'ancrage territorial de l'enseignement supérieur est crucial. L'Institut national universitaire (INU) d'Albi, avec ses sites à Albi, Rodez et Castres, pourrait être cité en exemple. Il compte 4 000 étudiants, dont 80 % ont fait de la proximité géographique avec leur famille un critère déterminant. Nous devons, à l'image de l'Allemagne et de l'Italie, développer un maillage de petites villes universitaires sur tout le territoire.

L'engagement des collectivités locales est considérable. Elles pallient notamment les manques dans le domaine de la santé.

Il faut encourager le lien avec le tissu économique et associatif, avec l'emploi local. La capacité à garantir une adéquation entre formation et emploi est un facteur important de différenciation entre universités.

À Paris-Saclay, la qualité de vie sur le campus et le lien avec les entreprises sont très favorables à l'employabilité des jeunes, à la réussite de leurs études.

L'ancrage territorial des études est une piste de réflexion essentielle. Le groupe Les Républicains votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Hussein Bourgi et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme Monique de Marco .  - Les étudiants sont les victimes oubliées et indirectes de la crise sanitaire. Nous avons été plusieurs à interpeller le Gouvernement lors de questions d'actualité, mais les réponses n'ont pas été à la hauteur.

Cette proposition de résolution présente avec acuité les difficultés persistantes des étudiants, illustrées par les files devant les Restos du coeur - qui ont d'ailleurs ouvert un centre à l'université d'Évry. En Gironde, 220 000 repas ont été servis en 2021. Les associations, les maires, les départements, les régions agissent.

Il est de plus en plus difficile de se loger : les loyers ont augmenté de 5,5 % entre 2020 et 2021. Les associations trouvent des solutions, mais de trop nombreux jeunes sont contraints d'abandonner leurs études ou de faire des choix par défaut.

L'urgence n'a que trop duré. Une réforme des aides aux étudiants s'impose. En effet, la majorité des étudiants demandant des aides ne sont pas boursiers. La ministre juge une réforme trop complexe ? Ce qui est complexe, c'est de dépendre de l'aide alimentaire !

Le GEST soutient les préconisations de cette proposition de résolution, mais nous voulons aller plus loin, avec une vraie réforme du système de bourses, une allocation autonomie, une revalorisation des aides au logement, le rétablissement du ticket à 1 euro pour tous. Il faut aussi un recrutement massif d'assistantes sociales et de psychologues et une revalorisation salariale de ces métiers, pour un accompagnement personnalisé des étudiants.

Enfin, une véritable politique d'aménagement du territoire pour développer des petites structures à l'échelle locale est un investissement nécessaire pour l'avenir de notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - Cette proposition de résolution a été cosignée par tous les membres du bureau de notre mission d'information, représentant tous les groupes ; je remercie le président Lafon d'en avoir permis l'inscription à l'ordre du jour.

Nul ne peut plus ignorer la profonde dégradation de la situation des étudiants. Notre pays a été heurté par ces images de jeunes réduits à la pitance des banques alimentaires.

C'est le résultat de deux décennies de politiques qui ont oublié l'essentiel : impossible d'apprendre le ventre vide, dans la promiscuité d'un logement trop petit, avec une vue mal corrigée, des dents mal soignées, ou dans la peur de perdre un emploi précaire.

Les étudiants ne se réduisent pas à des cerveaux où l'on verserait des connaissances, que l'on stimulerait en leur disant qu'ils participent à une compétition internationale dont ils ne connaissent pas les règles. En somme, le classement de Shanghai est moins efficace que les Restos du coeur pour aider les étudiants.

La réussite de leurs études suppose un accompagnement individuel. La mission d'information a constaté avec surprise que ce sont les plus petits établissements, sur le territoire, qui proposent les dispositifs les plus efficaces, à l'image de l'INU Champollion d'Albi. Cet établissement, ouvert aux jeunes ruraux qui n'ont pas les moyens ni la volonté de s'inscrire dans une université plus grande, affiche l'un des meilleurs taux de réussite en licence de France. Cette excellence républicaine devrait être mieux valorisée.

L'échec en licence n'est pas une fatalité. Il est possible d'agir, et des moyens doivent être mis en oeuvre. Le sous-investissement chronique a été mis en lumière par le Conseil d'analyse économique (CAE) et la Cour des comptes, dont le constat, affligeant, est sans contredit : la dépense intérieure par étudiant baisse depuis dix ans, les effectifs ont augmenté de 20 % quand le nombre de professeurs baissait de 2%. Les conséquences sur l'innovation, la productivité sont très néfastes, mais aussi sur la cohésion sociale, car l'université est incapable de corriger les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur.

Le CAE estime qu'il faudrait entre 5 et 8 milliards d'euros par an pour remettre à flot le système universitaire. C'est beaucoup, mais si peu si nous pouvons donner à notre jeunesse une raison d'espérer et à notre pays une voie pour surmonter les épreuves à venir, par un engagement républicain renouvelé en faveur de l'émancipation humaine. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, du GEST et sur quelques travées du groupe UC)

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de résolution conclut les travaux menés par la mission d'information du Sénat ; la réflexion dépasse le simple cadre de la vie quotidienne et matérielle des étudiants.

La crise sanitaire a mis en lumière des difficultés qui préexistaient. Quelles perspectives offrons-nous à nos jeunes ? La mission d'information a formulé plus de cinquante recommandations. Alors que le nombre d'étudiants n'a cessé de croître et que le système est à bout de souffle, il est urgent d'agir de manière globale.

La question du logement, primordiale, conditionne souvent la poursuite des études. Or l'offre de logements en résidence étudiante est insuffisante : 350 000 places pour 2,7 millions d'étudiants.

En 2018, le Gouvernement annonçait 60 000 logements avant 2022 ; en 2020, nous en étions à 23 000. Un retard imputé à la frilosité des bailleurs et au manque d'implication des communes...

L'alimentation, charge principale pour le budget des étudiants, devient une variable d'ajustement. Petites quantités, mauvaise qualité ou même rien du tout : voilà comment certains jeunes se nourrissent.

Les moins de 25 ans représentent la moitié des bénéficiaires des Restos du coeur. Ils fréquentent aussi les épiceries solidaires. Les étudiants ont faim !

Malgré des efforts, le décalage entre l'offre des restos U et la demande persiste. Éloignement, temps d'attente, faible amplitude horaire d'ouverture... Le ticket resto étudiant aurait pu régler une partie des problèmes. Nous devons raisonner selon une logique territoriale et garantir une offre de restauration à tarif social à tout étudiant.

Les aides publiques, qui peuvent représenter jusqu'à 50 % des ressources des étudiants, sont très complexes, et particulièrement difficiles à appréhender pour un public peu habitué aux démarches administratives. Il y a également des lacunes de prise en charge, je pense en particulier aux étudiants des classes moyennes, victimes des effets de seuil.

Il faut, pour lutter contre le non-recours aux aides, améliorer l'accès à l'information en recensant toutes les aides sur un seul portail et en instaurant un guichet unique. Les critères sociaux doivent être revus.

Il est nécessaire de promouvoir un ancrage territorial de l'enseignement supérieur, en s'appuyant sur l'échelon régional. Les étudiants sont une richesse pour nos territoires.

Je remercie mes collègues, en particulier MM. Ouzoulias et Lafon, pour les travaux de la mission d'information. Mon groupe votera cette proposition de résolution avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE)

M. Bernard Fialaire .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) L'augmentation continue du nombre d'étudiants et une situation sanitaire exceptionnelle ont révélé les difficultés des étudiants.

Le groupe RDSE soutiendra cette proposition de résolution.

À l'arrivée dans l'enseignement supérieur, les situations sont très hétérogènes. Olivier Babeau suggère une année de propédeutique pour préparer les futurs étudiants, combler des lacunes, renforcer l'autonomie. Une telle remise à niveau éviterait une année blanche préjudiciable, par exemple pour les étudiants en santé.

Les officines privées pour préparer aux examens et concours sont très coûteuses. Un tutorat inter-promotions améliorerait la réussite de façon économe et renforcerait les liens sociaux mis à mal par la pandémie. Il conviendra de s'interroger sur la gratification des tuteurs sous forme de bourse ou de points.

L'inscription est un moment décisif. Il importe de fournir aux étudiants toutes les informations sur les possibilités offertes par les établissements et la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC) ; un bilan de santé serait également bienvenu. Là encore, le tutorat et l'accueil par les pairs représenteraient un utile soutien psychologique.

La CVEC constitue un élément important de la qualité de vie étudiante. Avec Céline Boulay-Espéronnier nous avons formulé des propositions à ce sujet dans notre rapport - à commencer par une consultation de tous les acteurs de la vie étudiante.

L'ancrage territorial de l'enseignement supérieur ne saurait concerner exclusivement les grands pôles. Les villes moyennes peuvent offrir une meilleure qualité de vie aux étudiants et l'accueil de doctorants aurait des retombées très positives pour le dynamisme de certaines filières.

Les campus connectés offrent une opportunité de formation à des personnes éloignées des établissements, tout en recréant du lien social. Il faut les développer.

Alors que certaines universités ont fait le choix du distanciel pour cette rentrée, demeurons attentifs au bien-être des étudiants. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDSE et du groupe UC)

Mme Esther Benbassa .  - (Mme Monique de Marco applaudit.) L'Observatoire de la vie étudiante montre que les conditions de vie et d'apprentissage n'ont cessé de se dégrader. Le Gouvernement ne semble pas mesurer la gravité de la situation alors que 21 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté et que 13 % ont des pensées suicidaires. Beaucoup doivent allier job alimentaire et études, souvent en restreignant la part de celles-ci, parfois en abandonnant leur cursus.

J'ai toujours une pensée émue pour cet étudiant de 22 ans qui avait tenté de mettre fin à ses jours en s'immolant en novembre 2019. Et que fait le président Macron ? Presque rien. Le candidat Macron avait promis 60 000 logements universitaires : nous en sommes loin. Au lieu de revaloriser les APL, Emmanuel Macron les a diminué !

Les repas à 1 euro et les aides exceptionnelles, souvent inadaptées, ne répondent pas aux besoins. Les universités se transforment en centres d'aide sociale pour pallier l'inefficacité du Gouvernement. Il faut centraliser les aides et donner des moyens supplémentaires aux Crous, instaurer un revenu de base, gage de réussite universitaire et priorité absolue face à un système de bourse obsolète.

Je doute que le Gouvernement nous entende, mais je voterai cette proposition de résolution, car elle présente des solutions pour améliorer les conditions de vie des étudiants, en cette période de paupérisation accélérée par la pandémie.

M. Hussein Bourgi .  - Cette proposition de résolution fait suite aux travaux de la mission d'information sur les conditions de vie étudiante en France. Je remercie le groupe UC d'y revenir avec ce débat.

Notre pays compte trois millions d'étudiants, soit deux fois plus que dans les années 1980. La France a relevé le défi de la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur. Toutefois, on déplore un fort taux d'échec en première année et durant le premier cycle, de mauvaises orientations, et beaucoup de précarité.

Les moyens mobilisés au service de la jeunesse sont insuffisants. Il serait utile d'évaluer nos politiques publiques pour les adapter.

Après l'ère des grands pôles d'excellence, on pourrait réfléchir au rôle des petites et moyennes villes pour accueillir des formations. Ces villes remplissent déjà un rôle d'équilibre du territoire. Elles offrent des conditions d'hébergement intéressantes. Mais il ne suffit pas d'y créer un premier cycle d'études pour dire que l'État a accompli sa mission. Il faut aussi une offre sociale, sportive et culturelle. Au groupe SER, nous avons la conviction que les pôles d'excellence doivent coexister avec des structures de proximité attractives et performantes.

Le logement constitue une gageure pour de nombreux Français. Il en va de même pour les étudiants. Le Crous de Montpellier est particulièrement dynamique dans ce domaine ; il a engagé un travail partenarial avec les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux.

Georges Frêche, président de région, avait fixé en 2004 des objectifs chiffrés. Les élus locaux ont beaucoup oeuvré pour que les financements soient mobilisés, et les objectifs ont été atteints. Tendons vers la territorialisation des objectifs de construction de logements étudiants, via les contrats de plan État-Région (CPER).

Le Covid-19 et le premier confinement ont révélé la fragilité psychologique de nombreux étudiants. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Céline Boulay-Espéronnier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si les étudiants sont très majoritairement épargnés par les formes graves du Covid, ils n'en demeurent pas moins victimes, loin de leurs familles et souvent privés de leur emploi d'appoint.

Le mal-être étudiant n'a rien de nouveau et la crise sanitaire en a révélé au contraire le caractère structurel. Les mesures ponctuelles et très circonscrites du Gouvernement ne sont pas à la hauteur des besoins. Je salue donc les préconisations de la mission d'information. Lors de nos travaux, nous avions été attristés de constater le fort nombre d'étudiants incapables de subvenir à leurs besoins.

Le repas à 1 euro pour les boursiers doit donc être prolongé. Il faut aller plus loin avec la création d'un statut d'étudiant salarié au sein des établissements, afin que les étudiants modestes n'aient plus à choisir entre leur réussite et leur dignité.

La lutte contre les inégalités doit commencer dès l'entrée à l'université. En Angleterre, la sélection se fait en partie sur le mérite personnel de l'élève, évalué par un dossier de motivation.

Rapporteur de la mission d'information sur la CVEC, j'ai mesuré l'importance du traçage des financements publics à destination des étudiants. Dans ce cadre, les associations étudiantes, fragilisées, doivent voir leur rôle et leurs prérogatives renforcés.

Si la diversification des outils digitaux rend possible la numérisation des enseignements, la dématérialisation doit rester une exception. Les établissements sont les épicentres de la vie étudiante. Il faut privilégier le présentiel pour éviter une dégradation des enseignements et du bien-être psychologique des jeunes.

Les jeunes doivent être considérés pour ce qu'ils sont : les futurs fleurons de la France. C'est grâce à eux que notre pays connaîtra des lendemains qui chantent ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE ; M. Laurent Lafon applaudit également.)

Mme Béatrice Gosselin .  - Le confinement du printemps 2020 a profondément modifié les conditions de vie de la population française. La précarité des étudiants a été mise en lumière. La crise sanitaire a surtout été un révélateur.

La santé mentale de nos étudiants est préoccupante. À la rentrée 2020, on croyait pouvoir envisager un enseignement sur site, mais il a fallu généraliser l'enseignement à distance ; l'isolement qui en résulte a eu des effets sur la santé mentale.

Selon l'Observatoire de la vie étudiante, une part accrue des étudiants ont rencontré des difficultés psychologiques. Les restrictions ont davantage pénalisé les étudiants que le reste de la population, notamment les jeunes en difficulté financière, les jeunes étrangers, ou les étudiants les plus âgés. Problèmes émotifs, nerveux, comportementaux - et pourtant le chèque psy est très peu utilisé.

Les étudiants ultramarins éloignés géographiquement ont besoin d'un accompagnement particulièrement attentif. Ils ont vécu le confinement loin de leur famille et souffert de la solitude, du découragement, du manque d'équipement informatique. À la clé, la tentation du décrochage.

Les études correspondent à une période de profonds changements dans la vie de l'individu. Il faut davantage accompagner nos étudiants, renforcer l'accès gratuit aux consultations, car leur souffrance psychologique ne doit pas être une fatalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; M. Laurent Lafon applaudit également.)

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - J'adresse à chacun mes voeux les plus sincères pour 2022. Je remercie le Sénat de s'être emparé de la question de la qualité de vie des étudiants.

Je regrette que le programme 231 du projet de loi de finances n'ait pas pu être examiné dans cet hémicycle. Je sais que certains, ici, partagent ce sentiment.

La qualité de vie étudiante est un fil rouge de mon action. C'est une condition de la réussite des études, et le Gouvernement a déjà pris en compte nombre de recommandations de votre mission d'information.

La rentrée de septembre de 2021 a été un succès, grâce à l'engagement des équipes d'enseignement et des Crous, et grâce à la vaccination massive des étudiants. Le retour en présentiel était très attendu. Le tout numérique en solitaire n'a jamais constitué un projet pédagogique mais, pour reprendre le titre d'un rapport d'information de Catherine Morin-Desailly, le numérique est un impératif pour moderniser notre offre de formation. Le Gouvernement y a consacré 160 millions d'euros. Dix-sept démonstrateurs ont été annoncés récemment par le Premier ministre.

Nous avons établi des protocoles sanitaires robustes pour l'organisation des examens et concours, régulièrement actualisés depuis deux ans, ce qui a permis de maintenir les épreuves en présentiel.

Je salue l'immense responsabilité des étudiants, des chefs d'établissement, des directeurs de Crous : une soixantaine de clusters enregistrés seulement, pour 2,7 millions d'étudiants...

La crise a accentué les difficultés sociales de certains. Nous avons revalorisé les bourses au-delà de l'inflation, distribué deux aides exceptionnelles - l'une de 200 euros, et la seconde, de 150 euros, ouverte à tous les étudiants boursiers. Ceux qui perçoivent une aide au logement bénéficient des 100 euros d'indemnité anti-inflation.

La CVEC a été mise à contribution pour aider les étudiants, distribuer des cartes d'achat et du matériel informatique, et créer des centres de santé. Les associations ont également joué un rôle indispensable, je pense aux épiceries sociales, aux actions en faveur de la santé mentale. Quelque 16 millions de repas à 1 euro ont été distribués. Le conventionnement entre Crous et restaurants administratifs se poursuit, partout sur le territoire.

Le projet d'émancipation que porte le Gouvernement pour la jeunesse est un projet global. Nous avons instauré la gratuité de la contraception et lutté contre la précarité menstruelle. Plus de 1 800 psychologues sont regroupés sur la plateforme Santé Psy pour offrir aux étudiants un parcours de soins gratuit jusqu'à huit séances.

Le Gouvernement soutient également l'emploi étudiant avec les 6 milliards d'euros du plan jeunes : financement de tuteurs et de référents, de 15 000 jobs étudiants dans le cadre du plan « Un jeune, une solution », de stages dans la fonction publique. À quoi s'ajoute la reprise économique. Le taux de chômage des jeunes n'a jamais été si faible depuis des décennies.

Ces réponses n'ont fait que renforcer notre engagement depuis 2017 en faveur des étudiants. Dès le début du quinquennat, j'ai présenté un plan de 1 milliard d'euros. L'affiliation automatique à la sécurité sociale a économisé 217 euros par an à chaque étudiant. Nous avons créé un droit à l'année de césure, des licences modulaires, des bachelors universitaires de technologie en trois ans ; nous avons renforcé la contractualisation avec les collectivités territoriales.

La massification de l'enseignement supérieur s'est opérée par vagues successives. Restait à massifier la réussite. Tel était l'enjeu de Parcoursup et des parcours d'accompagnement à la réussite. En quatre ans, le taux de réussite a progressé de quatre points, alors que l'échec en licence était devenu une fatalité.

Nous avons travaillé à la territorialisation de l'enseignement supérieur. Nous avons mis fin aux barrières à la mobilité académique pour les jeunes ultramarins et les élèves de l'enseignement français à l'étranger. La France compte désormais 80 campus connectés, en partie en zone rurale, avec 70 % de taux de réussite. Les études en santé ont également été réformées, notamment avec la création de 434 licences accès santé et la suppression du numerus clausus.

Il faut faire confiance aux nouveaux modèles en devenir, comme l'Institut Champollion à Albi.

Cette proposition de résolution est déjà largement appliquée par le Gouvernement. Par sa résolution, le Sénat nous donne donc quitus pour le travail réalisé, même s'il reste encore beaucoup à faire.

Déjà, 1 milliard d'euros supplémentaire bénéficie chaque année à l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation, qui dessinent l'avenir du pays dans l'ensemble des territoires.

La proposition de résolution est adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.