Développement de l'agrivoltaïsme en France

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution tendant au développement de l'agrivoltaïsme en France, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution par MM. Jean-François Longeot, Jean-Pierre Moga et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe UC.

M. Jean-François Longeot, co-auteur de la proposition de résolution .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Je suis heureux que notre assemblée se saisisse de notre proposition de résolution sur les freins au développement de l'agrivoltaïsme.

Cette pratique pourrait répondre aux enjeux agricoles et de développement durable de notre pays : souveraineté alimentaire, reconquête de la biodiversité, production d'énergie renouvelable.

Le secteur agricole produit déjà 13 % de l'énergie photovoltaïque, 50 000 des 437 000 exploitations sont équipées de telles installations, et ce nombre pourrait tripler d'ici 2030. Mais il existe un risque de conflit d'usages. Les terres fertiles doivent avant tout servir à nourrir. Tel est l'objectif de notre proposition de résolution, alors que nous avons déjà perdu un quart de nos surfaces agricoles en vingt ans.

Nous croyons à une coproduction agricole et énergétique. L'agriculture y a intérêt : amélioration des rendements et du revenu des agriculteurs, réduction de l'évaporation et du stress hydrique, mais aussi du stress lumineux et du stress thermique.

La production agricole sera améliorée par cette synergie. Nous avons cependant relevé trois freins au développement de cette association vertueuse.

D'abord, l'agrivoltaïsme souffre d'un manque de définition qui a conduit à des divergences d'interprétation par les services instructeurs. Une définition claire permettra de soutenir le déploiement de projets ambitieux. Il est inacceptable en outre que des activités sans aucune vocation agricole puissent se réclamer de l'agrivoltaïsme.

Il faut développer les systèmes de soutien comme ceux des tarifs d'achat par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Les appels d'offres concernent le photovoltaïque au sol, le photovoltaïque sur bâtiment, et seule une très faible part est orientée vers les installations agricoles et innovantes.

Le troisième frein est souligné par un rapport de l'Opecst qui déplore la rentabilité économique inégale et incertaine au regard des investissements nécessaires.

La proposition de résolution comprend quatre éléments principaux : elle inscrit une définition de l'agrivoltaïsme dans le code, elle crée une famille dédiée à l'agrivoltaïsme dans les appels d'offres de la CRE, elle rend éligibles les exploitations agricoles concernées aux aides de la PAC et elle améliore les pratiques de compensation agricoles collectives. De trop grandes divergences entre territoires subsistent en effet.

En somme, nous souhaitons montrer que la production d'énergie est stratégique pour l'agriculture, comme l'agriculture est essentielle pour les énergies renouvelables. Cette coproduction est vertueuse. Le Sénat, avec cette proposition de résolution, soutient le développement d'une nouvelle filière, l'énergiculture. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

Mme Marie Evrard .  - Cette proposition de résolution pourrait faire émerger une nouvelle filière, celle des énergicultures. Malgré sa fraîcheur, et malgré les freins, cette filière se porte bien.

Dans l'Yonne, de nombreux projets agrivoltaïques sont soutenus par des collectifs d'agriculteurs et des entreprises privées.

Conformément à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) adoptée en 2021, le Sraddet porte à 3 800 mégawatts la puissance à installer en Bourgogne-Franche-Comté d'ici 2030.

La commune de Joux-la-Ville va plus loin avec un collectif d'exploitants agricoles et la société Ennergex : c'est le projet Grenier des essences. Un fonds de reconversion agricole devrait permettre la création d'un hectare de culture nouvelle - en l'occurrence, plantes aromatiques et médicinales - pour chaque hectare de panneaux photovoltaïques. D'autres initiatives, notamment des truffières, des exploitations d'apiculture ou d'agroforesterie, devraient voir le jour.

Pour ces projets, les financements ne manquent pas ; ils se passent des aides publiques. Les règles d'éligibilité à la PAC sont strictes. Il faudrait réaliser un travail ubuesque pour rendre éligibles ces exploitations, qui d'ailleurs sont déjà rentables. Veillons, en outre, à ne pas rendre le dispositif contre-productif : il serait mal compris que les revenus des agriculteurs proviennent de la production d'énergie et non plus de leurs cultures. Il faut aussi éviter tout dévoiement.

La proposition de résolution suggère d'insérer dans le code de l'énergie une définition de l'agrivoltaïsme. Celle de l'Ademe est pertinente, qui souligne clairement le lien entre production agricole et production d'énergie, en respectant aussi bien l'environnement, les terres agricoles et le revenu des agriculteurs issus de leurs cultures. Il nous semble utile de cranter la démarche par la voie de cette proposition de résolution.

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) D'ici 2050, nous devrons produire 56 % de plus pour assurer notre indépendance alimentaire. La protection de l'environnement doit également constituer une priorité et l'artificialisation des espaces est préoccupante.

L'agrivoltaïsme apporte une réponse couplée à des problématiques complexes : énergie, élevage, culture. Il s'agit d'une écologie pragmatique. C'est aussi une façon de mettre en valeur la production agricole, notamment en réduisant les coûts de production.

En Haute-Garonne, 2 700 mégawatts, soit la consommation de 537 foyers, seront bientôt produits par ce biais, grâce à un partenariat entre les sociétés Green Yellow et Arcelor-Mittal pour la réalisation d'une première centrale sur grandes cultures.

Le développement de l'agrivoltaïsme exige de s'entendre sur le cadre légal de l'activité, en fixant une définition claire dans le code de l'énergie pour reconnaître la filière et encourager son essor. Il est indispensable de conserver une hiérarchie entre les deux productions. La crise sanitaire a rappelé l'importance de l'indépendance alimentaire. Aussi, l'agriculture doit être l'activité principale sur la parcelle. Il s'agit bien d'optimiser la production agricole, non la production énergétique.

Des investissements spécifiques sont nécessaires. Les appels d'offres devront prendre en compte les disparités territoriales. En outre, la possibilité d'obtenir des aides de la PAC devra être explorée.

Enfin, se pose la question du stockage. Le Power to gas (conversion d'électricité en gaz) permet déjà de produire l'hydrogène. Il faudra des contrats de rachat minimum pour assurer la pérennité du modèle économique.

Les Indépendants soutiennent cette proposition de résolution pour une agriculture innovante. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue cette initiative de M. Longeot, qui allie agriculture et transition énergétique.

L'agriculture joue un rôle primordial dans la décarbonation : elle contribue à hauteur d'un cinquième de la production des énergies renouvelables, qui constituent 20 % du mix énergétique français. Ainsi, la Mayenne, terre d'élevage par excellence, pourrait viser l'autonomie énergétique grâce à la méthanisation.

Les panneaux solaires installés sur des cultures agricoles produisent de l'énergie tout en préservant et en protégeant les cultures : l'agrivoltaïsme est donc au service, aussi, de nos objectifs de transition énergétique.

Il est crucial que la diversification du revenu de nos agriculteurs n'empiète pas sur la production alimentaire.

Pour espérer faire de notre pays un pionnier en matière d'agrivoltaïsme, il faut d'abord lever trois freins : le manque de définition, le manque de leviers et le manque de financement.

Pour l'instant, ce modèle innovant n'est pas éligible aux aides de la PAC, alors que cette éligibilité serait tout à fait légitime. La présidence française du Conseil de l'Union européenne devra être l'occasion de lancer ce débat.

Il est également indispensable d'alléger les évaluations environnementales pour faciliter le développement de petits parcs d'agrivoltaïsme, qu'il convient aussi de mieux raccorder.

J'ajoute que le monde agricole a besoin de formation et d'accompagnement pour opérer la nécessaire transition agroécologique.

L'agriculture française est résiliente ; elle est en mesure de produire une alimentation saine pour tous et pour tous les budgets. Il faut accompagner toutes les agricultures, dans une approche de progrès et d'innovation.

Cette proposition de résolution ne remet aucunement en cause la vocation première de l'agriculture, et c'est pourquoi le groupe Les Républicains la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Daniel Salmon .  - La programmation pluriannuelle de l'énergie nous impose de développer la production d'énergies renouvelables, sûres et propres, notamment le photovoltaïque. L'objectif est de passer de 10 GW en capacité installée à 20,6 GW en 2023 et 35,6 GW en 2028 - un chantier colossal. Toutes les opportunités doivent être étudiées. L'agrivoltaïsme pourrait à cet égard jouer un rôle pivot, tout en respectant les principes de non-artificialisation des sols et de maintien des surfaces agricoles.

L'agrivoltaïsme est à la croisée des enjeux énergiques, agricoles et d'acceptabilité sociale liée à la préservation de l'environnement. Ses atouts sont nombreux : soutien économique aux exploitations, protection contre les aléas climatiques... Le GEST soutient donc cette proposition de résolution, mais plusieurs principes doivent primer.

Il faut un cadre juridique clair pour éviter des déploiements non pertinents, comme les panneaux solaires installés sur les toits de serres maraîchères qui ne permettent pas une vraie production agricole.

Les cultures alimentaires doivent toujours primer sur la production d'énergie - il y va de notre souveraineté alimentaire.

Les installations doivent privilégier les espaces déjà artificialisés et les friches agricoles.

Enfin, il existe un risque de spéculation immobilière et de non-transmission des fermes si les agriculteurs retraités sont incités à conserver l'activité photovoltaïque et les revenus afférents. Ce modèle ne peut devenir une rente découplée de l'activité agricole.

Oui, l'agrivoltaïsme peut être une opportunité dans les territoires agricoles en déprise, mais des garde-fous sont nécessaires. Les questions d'écartement et de hauteur des panneaux sont essentielles.

La définition de l'agrivoltaïsme devra consacrer les enjeux de biodiversité et de non-artificialisation.

Si la création d'une nouvelle famille au sein des appels d'offres de la CRE est pertinente, l'éligibilité aux aides de la PAC semble, elle, poser problème. Monsieur le ministre, nous attendons des précisions sur ce point.

Enfin, nous manquons encore de recul ; une période exploratoire est nécessaire avant de légiférer. Seule une planification par un service public des énergies renouvelables pourra éviter les déploiements anarchiques guidés par le seul profit...

Sous ces réserves, nous voterons cette proposition de résolution.

M. Fabien Gay .  - Je remercie les auteurs de cette proposition de résolution. Ce texte aborde de nombreux sujets souvent débattus - foncier agricole, revenus des agriculteurs, évolution du mix énergétique - et soulève la question de la multifonctionnalité de l'agriculture et de la vocation des agriculteurs à offrir d'autres services qu'alimentaires.

Agriculture et énergie sont liées : le secteur agricole français est certes émetteur de gaz à effet de serre, mais fournit aussi 20 % de la production d'énergies renouvelables... D'autre part, les agriculteurs sont les premiers affectés par le dérèglement climatique.

Il est clair que la production alimentaire doit primer. Néanmoins, comme la petite hydroélectricité, l'agrivoltaïsme maîtrisé peut avoir des vertus : moindre évaporation, protection des cultures contre la grêle par exemple.

Gare toutefois aux conflits d'usage de la terre. L'énergie solaire a des airs de nouvel or vert, d'autant que les revenus des agriculteurs sont faibles. On risque d'assister à un développement de fermes photovoltaïques qui stérilisent les surfaces agricoles et renchérissent le foncier.

L'agrivoltaïsme est une façon d'éviter ces conflits d'usage - à condition d'en donner une définition précise pour le distinguer du photovoltaïque au sol.

De même, il faut rappeler que la priorité reste la production alimentaire, et que le photovoltaïque est à son service.

Les aides doivent être mieux ciblées, tout en encadrant les surfaces de production solaire afin que la part du revenu tiré de la production photovoltaïque ne soit pas disproportionnée.

Les problèmes économiques des agriculteurs ne peuvent se régler par des revenus de substitution - vous le savez, monsieur le ministre. Nous voterons néanmoins cette proposition avec joie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Jean-Pierre Moga .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Défense de notre souveraineté alimentaire, réforme de l'assurance récolte, non-artificialisation des sols : l'agriculture est au coeur de la transition énergétique.

Elle joue un rôle croissant dans la production d'énergies renouvelables, comme l'a montré le rapport de l'Opecst. Cette production sera multipliée par trois d'ici 2050. Mais son essor ne doit pas se faire au détriment de la production alimentaire. Il s'agit de mettre la production d'énergie au service de l'agriculture, et non l'inverse.

En conciliant cette double production, agricole et photovoltaïque, sur une même parcelle, en visant des synergies pour améliorer la production agricole, l'agrivoltaïsme présente de nombreux atouts : préservation de la biodiversité, réduction de la consommation d'eau et du stress thermique.

Le printemps 2021 a été marqué par un épisode de gel historique, qui a causé plus de 2 milliards d'euros de pertes. Certains viticulteurs ou pruniculteurs du Lot-et-Garonne ont tout perdu. L'agrivoltaïsme peut atténuer les effets de ce type de catastrophes. En cela, il est complémentaire de la réforme de l'assurance récolte. Il optimise la production agricole et la rend plus résiliente contre le soleil, le gel, le froid ou la pluie.

Nous comprenons cependant les réticences de ceux qui craignent qu'un dévoiement de cette pratique ne fasse reculer l'activité agricole. Au contraire, nous recherchons une dynamique vertueuse entre les deux productions.

Le développement de l'agrivoltaïsme se heurte à trois freins - absence de définition permettant de distinguer les projets sérieux des projets alibi, manque de leviers via les appels d'offres de la CRE, manque de financements faute d'éligibilité aux aides de la PAC.

Jean-François Longeot vous a parfaitement présenté nos propositions. Je reviendrai seulement sur les compensations collectives, qui font l'objet d'une étude préalable. Ces mesures sont de diverses natures, comme la réhabilitation de friches ou les aides à l'installation ou à l'acquisition de matériel agricole. Le Gouvernement va-t-il se saisir de cette proposition de résolution pour favoriser le développement de l'agrivoltaïsme ? Des annonces sont attendues depuis plusieurs mois...

Le groupe UC votera ce texte et se félicite que le Sénat soit précurseur sur ce sujet d'avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Henri Cabanel .  - Les récentes tensions d'approvisionnement sur le marché de l'énergie montrent combien il est urgent d'agir. Les besoins en énergie décarbonée augmentent, or la France est en retard sur ses engagements en matière d'énergies renouvelables.

Il faudrait tripler ou quadrupler les surfaces de photovoltaïque pour respecter les objectifs de la PPE, mais cela ne doit pas se faire au détriment des surfaces agricoles, alors que les conflits d'usage se multiplient dans les territoires.

La proposition de résolution prône l'agrivoltaïsme pour coupler la production d'énergie secondaire à une production agricole principale ; cette dernière s'en trouverait même améliorée, grâce, par exemple, à des ombrières pilotables par l'intelligence artificielle. Les agriculteurs bénéficieraient en outre d'un complément de revenu.

Il faut toutefois garantir un contrôle des projets pour éviter tout dévoiement. L'installation de panneaux photovoltaïques sur des serres s'est par exemple traduite par une activité agricole réduite, voire nulle. Un label ad hoc, tel que préconisé par le rapport de l'Opecst de 2020, pourrait constituer une piste.

L'agrivoltaïsme ne doit pas devenir plus rentable que l'activité agricole, au risque d'entraîner un renchérissement du foncier agricole et de favoriser la spéculation, alors que les loyers versés par les énergéticiens sont trois à quatre fois supérieurs au prix des fermages...

Diversification des revenus des agriculteurs ne signifie pas remplacement par des rémunérations provenant d'activités annexes. D'où l'intérêt de fixer un seuil de chiffre d'affaires.

Oui à une définition, à un encadrement -  mais la proposition de résolution ne précise pas les points de blocage qu'elle souhaite voir disparaître.

Sans être opposé à l'agrivoltaïsme, je reste prudent. Il faut évaluer les projets en cours ; privilégier le développement du photovoltaïque dans des zones déjà artificialisées, sur les friches ou sur les toits. Plus de 88 hectares disparaissent chaque jour en France ; il est impératif de protéger les terres agricoles.

Pour autant, le RDSE votera majoritairement ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Claude Kern applaudit également.)

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie les auteurs de la proposition de résolution. Ce texte met en lumière l'importance de la transition énergétique et le rôle de l'agriculture en la matière, qui participe pour 20 % à la production des énergies renouvelables sur le territoire français.

Près de 15 % du parc photovoltaïque se trouve déjà en terres agricoles. Cependant, la première fonction de ces terres doit demeurer agricole. Le législateur doit protéger leur vocation nourricière face à la concurrence que représente la production d'énergie, plus rémunératrice. Les loyers des terres dévolues au photovoltaïque peuvent en effet être dix fois supérieurs au rendement des cultures - d'où une augmentation du prix du foncier agricole, qui accentue les difficultés d'installation.

L'agrivoltaïsme a l'avantage de faire coexister les deux productions. Son développement nécessite au préalable une définition précise de cette activité, la jurisprudence actuelle étant peu protectrice. La définition de la proposition de résolution a-t-elle été tronquée ? Elle n'indique pas que le lien entre production énergétique et agricole doit être « démontrable », contrairement à celle de la CRE, qui me semble préférable. C'est important, pour éviter certaines dérives - dans les Pyrénées-Orientales, les contrôles ont révélé que 40 serres sur 60 ne présentaient soit aucune activité agricole, soit une activité réduite.

Les effets positifs de l'agrivoltaïsme pour la production agricole ne concernent que certaines installations innovantes, pour les vignes et vergers notamment. Or à l'heure actuelle, la plupart des installations se trouvent dans des pâturages...

Nous regrettons de ne pouvoir amender ce texte pour y introduire des garde-fous. Il faudrait un moratoire sur les centrales photovoltaïques installées sur les terres agricoles. Ne faisons pas croire que l'avenir appartient aux « énergiculteurs », alors qu'il nous faut avant tout défendre nos agriculteurs et leur permettre de vivre de leur travail. Nous nous abstiendrons donc.

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue à mon tour l'initiative de Jean-François Longeot et Jean-Pierre Moga.

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, nous devons développer les énergies renouvelables, mais leur empreinte au sol est très supérieure à celle du nucléaire (M. Daniel Salmon sourit), ce qui conduit à des conflits d'usage dans les territoires ruraux.

Le Sénat s'est toujours montré soucieux d'un développement harmonieux des énergies renouvelables, proposant, par exemple, de soumettre les projets de méthanisation à l'avis préalable des maires ou d'associer les communes aux projets d'éolien en mer.

J'accueille donc cette proposition de résolution avec intérêt. Elle promeut l'agrivoltaïsme en lui offrant un cadre juridique et en l'intégrant aux appels d'offres de la CRE et aux fonds de la PAC.

Je souscris à cet objectif.

L'activité agricole doit rester l'activité principale. Les installations énergétiques doivent aussi préserver les paysages et le patrimoine. Le pouvoir des maires doit être respecté. Veillons à ne pas reproduire les mêmes erreurs que pour les éoliennes !

Il faut donner un cadre à l'agrivoltaïsme. Je salue sur ce point les initiatives de la CRE et la charte de bonnes pratiques liant les chambres d'agriculture, la FNSEA et EDF.

Intégrer l'agrivoltaïsme aux appels d'offres me semble utile, à condition de respecter une neutralité technologique entre les procédés de valorisation énergétique en agriculture.

Il est enfin fondamental de prendre en compte l'impact environnemental de ces installations pour éviter tout dumping environnemental et relocaliser les chaînes de valeur en France.

Nous avons une carte à jouer en agriculture avec l'agrivoltaïsme. Nous sommes attachés au bilan carbone : veillons à sa complète application.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Difficile de s'opposer à ce qui aura force de loi à l'avenir. L'agriculture devra contribuer à la production d'énergie renouvelable.

L'agrivoltaïsme constitue une synthèse entre les deux objectifs de transition énergétique et d'indépendance alimentaire, tout en assurant un revenu complémentaire aux agriculteurs. Son développement doit cependant s'accompagner de garanties afin de préserver le foncier agricole de tout détournement : son usage premier doit demeurer la production alimentaire, animale ou végétale.

Il faut également éviter toute spéculation sur le prix du foncier agricole, que l'éligibilité de ces surfaces aux aides de la PAC entraînerait à coup sûr. La maîtrise du prix du foncier agricole est indispensable au renouvellement des générations - sans compter que l'agriculteur peut être tenté de conserver cette rente pour compléter une retraite souvent faible, plutôt que de transmettre son activité.

Des espaces artificialisés, sans main-d'oeuvre, dotés d'installations au caractère irréversible sur des terrains déconstruits, voilà qui aurait de graves conséquences pour les territoires ruraux...

Nous devons encourager, bien sûr, les énergies renouvelables, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions. L'agrivoltaïsme doit donc être encadré et contrôlé. La FNSEA a proposé une charte de bonnes pratiques, mais elle n'est pas contraignante. La Confédération paysanne, elle, appelle à un moratoire sur les installations photovoltaïques au sol.

Notre agriculture de fermes ne peut pas devenir une agriculture de firmes, ni céder aux sirènes d'un capitalisme court-termiste. Il est bon de permettre aux agriculteurs de disposer d'un revenu complémentaire, mais ils ne doivent pas devenir des « énergiculteurs ».

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je félicite à mon tour les auteurs de la proposition de résolution.

L'agrivoltaïsme répond à des enjeux d'avenir pour l'agriculture et les agriculteurs. Cette activité constitue une voie très prometteuse, un défi pour la transformation du secteur, qu'il faut encourager par des politiques publiques claires.

La proposition de résolution pose les fondements d'une reconnaissance effective de la filière. La ministre de la transition énergétique n'a pas toujours favorisé ces installations, et ses changements de pied ont fragilisé le développement du photovoltaïque en France. Christine Lavarde a montré que le Gouvernement avance, en la matière, dans la précipitation et le brouillard.

L'agrivoltaïsme est certes complexe, mais porteur d'avenir. Le réseau de collecte, de stockage et de distribution doit être anticipé. Dans l'Aveyron, deuxième département producteur d'énergie renouvelable, le retard dans le déploiement des infrastructures d'Enedis et de RTE se compte en années.

Il est vital que l'agrivoltaïsme ne soit pas dévoyé. Le risque serait que la production d'énergie prenne le pas sur la production agricole. Au contraire, l'agrivoltaïsme permet une optimisation de la production. L'énergie doit être au service de l'agriculture, non l'inverse !

Je soutiens cette proposition de résolution, qui développe le mix énergétique que nous appelons de nos voeux (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je remercie le groupe UC, le président Longeot et M. Moga pour l'inscription à l'ordre du jour de cette question importante et essentielle.

Bien sûr, il faut produire plus d'énergie renouvelable. Mais en aucun cas le développement du photovoltaïque ne doit se faire au détriment de notre souveraineté agricole. Or cette concurrence, nous la constatons tous les jours. Nos agriculteurs sont démarchés par des énergéticiens pour racheter leurs terres et les transformer en centrales photovoltaïques. Ce n'est pas acceptable. Préservons notre patrimoine foncier et nos activités agricoles.

L'agrivoltaïsme peut constituer une menace s'il n'est pas précisément encadré, si son développement est anarchique. Nous devons éviter les projets alibis, comme les serres, et le renchérissement des prix du foncier. Le chiffre d'affaires de ces installations peut atteindre 60 000 euros par hectare, et les loyers offerts sont parfois dix fois supérieurs au prix du fermage.

Mais l'agrivoltaïsme représente aussi une opportunité, en protégeant les cultures de certains aléas climatiques, en permettant de réintroduire certaines cultures et en améliorant le revenu des agriculteurs.

Dans ce contexte de menaces et d'opportunités, comment faire de l'agrivoltaïsme une activité non concurrente des activités agricoles ? Dans sa sémantique même, l'agrivoltaïsme insiste sur la notion de synergie.

Le premier principe, c'est la priorité donnée au développement du photovoltaïque sur les toits, les friches et les surfaces déjà artificialisées. C'est une évidence. (M. Daniel Gremillet approuve.)

Le deuxième principe, c'est l'encadrement de l'implantation des panneaux photovoltaïques sur les terres agricoles. Nous travaillons sur l'élaboration d'une doctrine nationale, pour assurer une synergie et non une compétition entre les deux activités. Dans le cadre de l'appel d'offres « Innovation », seuls les projets à vocation principale agricole sont soutenus. Mais d'autres projets se développent en dehors de tout appel d'offres public. Il faut donc aller plus loin et poser un cadre réglementaire.

Les projets photovoltaïques au sol sont soumis aux autorisations d'urbanisme. Or les notions actuelles sont mal définies : le projet doit être « nécessaire » ou « compatible » avec les activités agricoles. L'interprétation varie selon les territoires, et la jurisprudence fluctue... L'idée de synergie, essentielle, n'est pas mise en avant. Il faut donc orienter les projets de centrales au sol vers l'agrivoltaïsme. Ce besoin de clarification est exprimé par les professionnels eux-mêmes.

Il faut également s'assurer de la pérennité dans le temps des activités agricoles (M. Gérard Lahellec approuve), prévoir des mécanismes de contrôle et de sanction en cas de non-respect, pour garantir la préservation du patrimoine foncier agricole.

Enfin, ces dispositions doivent être prises en concertation avec les professionnels. Nous avons mené trois réunions avec les organisations professionnelles pour élaborer un cadre réglementaire vertueux. Il est ainsi proposé de conditionner un projet photovoltaïque à certains critères : un impact minimal avec le maintien d'un couvert végétal pérenne, l'exclusion de fondations en béton, la réversibilité du projet, l'obligation d'un service rendu par l'installation à l'activité agricole - avec réintégration imposée d'une activité agricole en cas de déprise.

Ces critères devront être respectés tout au long de la vie des projets, qui auront été soumis à l'avis préalable obligatoire de la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Ils ne devront pas donner lieu à défrichement.

Fort de ses principes, le Gouvernement les inscrira dans un texte réglementaire puis ouvrira sur cette base les appels d'offres, pour développer des synergies au service du monde agricole, et non contre lui. C'est ainsi que nous balaierons les menaces.

Les agriculteurs jouent un rôle essentiel dans la transition énergétique. Comme je l'ai écrit récemment dans une tribune, ils sont des soldats du climat ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDSE, du RDPI et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

La proposition de résolution est adoptée.

La séance est suspendue à 20 h 45.

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

La séance reprend à 22 h 20.