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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage à Olivier Léonhardt

Questions d'actualité

Situation au Mali (I)

M. Patrick Kanner

M. Jean Castex, Premier ministre

Prix de l'énergie

Mme Véronique Guillotin

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Participation de la France aux Jeux Olympiques de Pékin

M. Thomas Dossus

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports

Réforme de la fiscalité locale

M. Alain Marc

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Situation au Mali (II)

M. Christian Cambon

M. Jean Castex, Premier ministre

Lutte contre l'islam radical (I)

Mme Nathalie Goulet

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Situation dans les Ehpad (I)

Mme Céline Brulin

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Varenne agricole de l'eau

Mme Marie Evrard

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Gratuité des soins pour les non-vaccinés

Mme Catherine Deroche

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Situation dans les Ehpad (II)

Mme Monique Lubin

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Prix de l'énergie et collectivités territoriales

M. Bruno Rojouan

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Augmentation des tarifs des péages autoroutiers

Mme Annick Jacquemet

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Lutte contre l'Islam radical (II)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Lutte contre la pédopornographie en ligne

Mme Laurence Rossignol

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

Filière des véhicules électriques

M. Stéphane Sautarel

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Fonction publique communale en Polynésie française

Mme Lana Tetuanui

M. Marc Fesneau, ministre délégué, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne

Avis sur une nomination

« Énergie et pouvoir d'achat : quel impact de la politique du Gouvernement ? »

M. Jean-François Husson

M. Guillaume Gontard

M. Fabien Gay

M. Hervé Maurey

Mme Guylène Pantel

M. Jean-Claude Tissot

M. Didier Rambaud

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Daniel Gremillet

M. Jean-Pierre Moga

M. Thierry Cozic

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Modification de l'ordre du jour

Redonner un caractère universel aux allocations familiales

Discussion générale

M. Olivier Henno, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Laurence Cohen

Mme Annick Jacquemet

Mme Nathalie Delattre

Mme Corinne Féret

M. Dominique Théophile

Mme Colette Mélot

Mme Christine Lavarde

M. Dominique de Legge

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Stéphane Demilly

M. Olivier Paccaud

Mme Martine Filleul

Mme Valérie Boyer

M. Franck Menonville

« L'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l'attention »

Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe UC

Mme Laurence Cohen

Mme Annick Jacquemet

Mme Véronique Guillotin

Mme Corinne Féret

M. Xavier Iacovelli

M. Daniel Chasseing

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Philippe Mouiller

Mme Florence Lassarade

M. François Bonhomme

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État, chargée des personnes handicapées

Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe UC

Ordre du jour du jeudi 3 février 2022




SÉANCE

du mercredi 2 février 2022

53e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Jacques Grosperrin, Mme Victoire Jasmin.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Hommage à Olivier Léonhardt

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que Mmes et MM. les ministres.) C'est avec une grande tristesse que nous avons appris ce matin le décès de notre collègue Olivier Léonhardt, sénateur de l'Essonne depuis 2017.

Maire pendant seize ans de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois, il fut également président de la communauté d'agglomération du Val d'Orge, devenue Coeur d'Essonne Agglomération, jusqu'à son élection au Sénat.

Olivier Léonhardt voyait dans le mandat parlementaire une occasion de poursuivre ses combats locaux, notamment celui des départements de la grande couronne dont il voulait conforter la place.

Au sein de notre assemblée, il appartenait au groupe du Rassemblement démocratique, social et européen (RDSE). J'ai une pensée particulière pour les membres de son groupe.

Membre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable à son arrivée au Sénat, il put notamment s'investir sur la loi d'orientation des mobilités, plaidant pour un rééquilibrage des investissements en transports au sein de la Région Île-de-France.

Depuis 2020, il était membre de la commission des affaires sociales. J'ai le souvenir d'un entretien avec lui au sujet de l'égalité d'accès à la santé, qui était pour lui essentielle.

Investi dans la lutte contre le racisme, il était un des fondateurs de SOS Racisme. Il était un défenseur de nos valeurs républicaines, dont nous partagions ensemble la dimension universaliste ; je l'avais nommé membre de l'Observatoire de la laïcité.

Pour Olivier Léonhardt, comme pour beaucoup d'entre nous, le mandat de maire était au coeur de son engagement républicain.

À l'occasion de son départ de la mairie de Sainte-Geneviève-des-Bois, il exprimait avec beaucoup de justesse ce qu'incarne la fonction de maire : une « passion pour l'intérêt général », « l'amour de sa ville » et aussi, le « dévouement total pour nos concitoyens, dans tous les moments qui ponctuent leur quotidien ».

Au nom du Sénat tout entier - je sais que ses collègues de l'Essonne, dans leur diversité, s'associent à mes propos - je veux assurer celle qui l'a accompagné et que j'ai eue au téléphone tout à l'heure, ses trois filles et tous ceux qui l'ont entouré, de notre sympathie et leur présenter nos condoléances les plus sincères.

Je vous prie d'observer un moment de recueillement à la mémoire d'Olivier Léonhardt qui a mené un rude et courageux combat contre la maladie. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les ministres observent une minute de silence.)

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun au respect des uns et des autres comme du temps de parole.

Situation au Mali (I)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je m'associe à l'hommage rendu à Olivier Léonhardt. J'ai aussi une pensée pour le brigadier Alexandre Martin, décédé le 22 janvier dernier, et les 57 autres soldats français morts au Sahel depuis 2013. L'expulsion de notre ambassadeur au Mali, M. Joël Meyer, montre que la situation se délite. Le Mali n'est pas seul responsable. La France est en première ligne. Il faut l'assumer.

Les menaces sont difficilement contenues. Après le Burkina, c'est la Guinée-Bissau qui est déstabilisée. Les lignes rouges fixées par le Président de la République sont toutes franchies. Notre pays n'a plus grand-chose à proposer et navigue à vue. Le Président de la République a choisi d'oeuvrer en solitaire, sa méthode est brouillonne. Nous voulons des réponses claires sur la stratégie de la France.

Monsieur le Premier ministre, quand consulterez-vous le Parlement sur l'engagement au Mali, sur le fondement de l'article 50-1 de la Constitution ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - Permettez-moi, au nom du Gouvernement, d'adresser à mon tour mes condoléances aux proches d'Olivier Léonhardt.

La situation au Mali est en effet préoccupante. L'engagement français, depuis plusieurs années, est dû à notre volonté de lutter contre le terrorisme qui menace directement nos intérêts.

Si, le Mali est seul responsable : le coup d'État de l'été 2020, qui a porté la junte au pouvoir, a été condamné par la communauté internationale. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a appelé à des élections rapides rétablissant le fonctionnement régulier du pouvoir. Après s'y être engagée, la junte est revenue sur sa parole. Elle a sollicité un groupe dont je tairai le nom, qui s'est illustré en Afrique par des exactions condamnables.

En expulsant notre ambassadeur et le représentant de la Cedeao, ainsi que le Danemark de la force Takuba, le Mali s'isole et cherche la confrontation.

Nous travaillons à une réponse multilatérale, africaine et européenne, puisque nous avons fédéré de nombreux États autour de nous depuis notre engagement initial. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Patrick Kanner.  - Manifestement, votre Gouvernement n'a aucune responsabilité au Mali. La situation se dégrade et le Président de la République refuse d'assumer son échec militaire et diplomatique. Nous voulons un débat sur le fondement de l'article 50-1 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Prix de l'énergie

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC) Merci pour ce bel hommage à Olivier Léonhardt.

La journée d'hier a apporté de mauvaises nouvelles, avec la hausse des prix de l'électricité et des péages.

Après une augmentation de près de 50 % des prix du gaz sur les dix premiers mois de 2021, un bouclier tarifaire a été mis en place depuis octobre, sans quoi ils auraient augmenté de 73 % depuis, et encore de 22 % en février. Hélas, ce bouclier comporte des brèches, notamment pour les grandes copropriétés, tarifées comme de grandes entreprises. L'une d'entre elles, à Longuyon, en Meurthe-et-Moselle, a dû relever son budget prévisionnel 2022 de 600 000 euros, soit une augmentation des charges mensuelles de 100 euros par foyer pour ses 1 200 habitants. En effet, son chauffage collectif entraîne une consommation de gaz trop élevée pour être éligible au bouclier tarifaire.

Beaucoup d'habitants ne peuvent déjà plus régler leur facture. Ils vivent les régulations à venir comme de véritables injustices.

Comment limiterez-vous la hausse des prix du gaz pour les millions de Français qui se trouvent dans ce cas ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Je salue votre question qui rejoint les travaux du député Paluszkiewicz. Nous avons déployé des aides sans précédent - chèque énergie supplémentaire de 100 euros à près de six millions de Français en sus du chèque énergie de 150 euros du printemps, gel des tarifs réglementés du gaz qui auraient sinon bondi de 66 % depuis octobre, prime inflation de 100 euros pour 38 millions de Français. Au total, plus de 15 milliards d'euros d'aides ont été attribués.

Par ailleurs, nous luttons contre les passoires énergétiques avec MaPrimeRénov, avec 660 000 dossiers pour 2 milliards d'euros.

Nous travaillons à des dispositifs pour les grandes copropriétés que vous mentionnez. Les solutions seront trouvées au cas par cas. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Participation de la France aux Jeux Olympiques de Pékin

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'ouverture des Jeux Olympiques de Pékin aura lieu vendredi. Tous mes voeux de médailles aux sportifs français, notamment ceux de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

M. Michel Savin.  - Bravo !

M. Thomas Dossus.  - Ce n'est clairement pas la passion des sports d'hiver qui anime la Chine, qui a installé des pistes artificielles dans des montagnes arides, en pleine réserve naturelle. En réalité, elle affirme sa toute-puissance au monde, tout en accentuant sa politique brutale de répression des droits humains. C'est le « en même temps » chinois.

Les Jeux de Pékin auront lieu dans un climat de tension, de pression sur Hong Kong, de menace sur Taïwan et de persécution des Ouïghours - dont 1,8 à 3 millions sont placés dans des camps. La semaine dernière, l'Assemblée nationale a reconnu les violences contre ces populations comme crime contre l'humanité et génocide.

La question du boycott des Jeux de Pékin se pose : d'autres pays l'envisagent, comme les États-Unis, l'Australie, le Canada et le Royaume-Uni.

Votre condamnation des pratiques inqualifiables s'arrête-t-elle au pied des tribunes officielles ? Madame la ministre des Sports, irez-vous à Pékin ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Jean-Michel Houllegatte et André Gattolin applaudissent également.)

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée, chargée des sports .  - La France mène un dialogue exigeant avec la Chine sur les droits de l'Homme. (On le conteste à gauche.) J'ai rencontré la présidente d'Amnesty International France, Cécile Coudriou. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains) Ce fut l'occasion de rappeler nos exigences en matière de droits de l'Homme et de lutte contre les discriminations. (Protestations sur toutes les travées) Le monde du sport doit être davantage responsabilisé. Il ne peut plus faire d'impasse.

M. Rachid Temal.  - Alors, Pékin ou pas ?

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée.  - Mais la doctrine de la chaise vide n'est pas une solution. Ma présence, en soutien de la délégation française, n'affecte en rien notre position. (Marques d'ironie sur les travées du GEST)

La France soutiendra ses sportifs : Perrine Laffont, Camille Cabrol, Benjamin Cavet, Sacha Theocharis...

M. Vincent Éblé.  - Citez plutôt les noms des Ouïghours !

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée.  - Autant de sportifs qui s'entraînent depuis quatre ans. C'est l'objectif de leur vie. Nous leur devons le respect. Mon rôle, en tant que ministre des Sports, est d'être à leurs côtés. (Protestations ; applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Thomas Dossus.  - Vous légitimez le génocide par votre présence. Arrêtez le slalom et prenez des décisions. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et Les Républicains ; M. Henri Cabanel applaudit également.)

Réforme de la fiscalité locale

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je m'associe à mon tour à l'hommage à Olivier Léonhardt.

La suppression de la taxe d'habitation présente des bénéfices incertains pour de nombreux maires, qui peinent à comprendre le fort complexe dispositif de compensation. C'est d'ailleurs le président de la branche aveyronnaise de l'Association des maires de France qui m'a suggéré cette question.

La perte de recettes de taxe d'habitation a été compensée par le transfert de la part départementale de taxe foncière avec, le cas échéant, un coefficient correcteur. Sur le plan comptable, aucune commune aveyronnaise n'est sortie perdante de l'opération.

Mais les contribuables constatent une hausse importante de la part communale sur leur avis de taxe foncière : ils pourraient croire à une augmentation décidée par leur municipalité, alors qu'il s'agit de financer la péréquation envers des communes d'autres départements.

Comment améliorer la lisibilité pour éviter de placer les maires en situation délicate face à leurs administrés ? Il est urgent de renforcer la pédagogie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Les débats d'il y a deux ans ont été denses. La suppression de la taxe d'habitation rend 700 euros aux ménages, en moyenne. L'intégralité des communes ont été compensées. Elles n'ont pas perdu d'argent.

Lors de la dernière loi de finances, nous avons amélioré les compensations, ce que les élus ont salué.

Le nouveau taux de taxe foncière a augmenté puisqu'il cumule l'imposition communale précédente et l'imposition départementale, le taux départemental étant supprimé. Le taux global reste le même.

Je suis prêt à améliorer la communication autour de cette réforme.

Par ailleurs, la reprise économique alimentera le fonds de compensation pour la TVA, qui augmentera les recettes des collectivités autres que les communes : cette taxe, dynamique, assurera 800 millions d'euros aux régions, autant aux départements et 400 millions d'euros aux EPCI. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Situation au Mali (II)

M. Christian Cambon .  - Notre groupe s'associe à l'hommage rendu à notre regretté collègue, Olivier Léonhardt.

« Malheur et honte aux oppresseurs du peuple malien » entend-on dans les manifestations antifrançaises au Mali, alors que nous y sommes depuis huit ans, que 58 de nos soldats y ont laissé la vie et que des centaines d'autres, blessés, sont marqués pour toujours.

La junte militaire fait de la France le bouc émissaire de ses difficultés. Nos accords militaires ont été dénoncés ; une partie de l'espace aérien nous est interdite à la demande des milices Wagner, soudards des temps modernes.

Humiliation suprême, notre ambassadeur a été rappelé sous 72 heures, presque expulsé.

La France ne peut rester impassible. Il y va de sa crédibilité.

Que comptez-vous faire ? Rester au Mali contre la volonté de ses dirigeants ? Aller au Burkina Faso, au Niger qui ne veut pas de Takuba, au Tchad, distant de 2 600 kilomètres ? (Marques d'impatience sur les travées du groupe SER, où l'on note que le temps de parole est écoulé.)

Vous devez une réponse aux Français et à nos soldats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - Pourquoi parler d'humiliation ? Il y a incontestablement une très grave crise politique avec le Mali. La France a très fermement condamné les actes de la junte. Que voulez-vous qu'elle fît d'autre ? Le représentant de la Cedeao a lui aussi été renvoyé, tout comme les forces du Danemark.

Le renvoi de notre ambassadeur n'est pas une humiliation, mais une preuve de notre fermeté ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Nous devons faire évoluer notre dispositif opérationnel de lutte contre le terrorisme dans cette zone.

J'insiste : le problème n'est pas franco-malien mais international.

Les ministres de l'Union européenne, réunis le 24 janvier, ont décidé de prendre des sanctions. La Cedeao s'est également réunie. Nous continuons à travailler.

Le Parlement, évidemment, mérite d'être parfaitement informé. Nous organiserons un débat relevant de l'article 50-1 de la Constitution, sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Lutte contre l'islam radical (I)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Notre groupe s'associe à l'hommage à Olivier Léonhardt.

La diffusion d'un documentaire sur l'islam radical à Roubaix a déclenché haine et menaces contre la journaliste Ophélie Meunier, désormais placée sous protection policière.

Cela rappelle les affaires Samuel Paty, Mila ou Charlie Hebdo. Journalistes, professeurs, tous devraient être libres de s'exprimer sans contrainte sur l'islam.

Les propos de la ministre des Sports, à l'Assemblée nationale, sur la laïcité dans le sport ne me rassurent pas. Qu'allez-vous faire pour que la peur change de camp ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Bruno Sido applaudit également.)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Le Gouvernement soutient Ophélie Meunier pour ce reportage qui montre les actions d'islamistes et les réponses de l'État, et se mobilise pour tous les journalistes. Ophélie Meunier est placée sous protection policière, tout comme certains témoins entendus dans le reportage. Le Gouvernement lutte de manière résolue contre l'islamisme.

La loi confortant les principes de la République a été votée par le Sénat. Elle est mise en oeuvre. Avec Sarah El Haïry, nous avons présenté à Beauvais le contrat d'engagement républicain, qui obéit au principe suivant : pas un euro d'argent public pour les ennemis de la République.

Nous avons doublé les crédits de la DGSI depuis 2017, évité 37 attentats islamistes, créé 2 000 emplois dans ce domaine, expulsé plus de 700 étrangers radicalisés, mené plus de 24 000 contrôles sur des établissements soupçonnés de radicalisation.

Je partage votre constat. Le Gouvernement est pleinement mobilisé contre la menace islamiste.

Mme Nathalie Goulet.  - Votre bilan n'est pas si positif : vous traitez les symptômes, non les causes. L'association roubaisienne présentée dans le documentaire, proche des Frères musulmans, a reçu des deniers publics. La scandaleuse campagne sur le hijab du Conseil de l'Europe et du Parlement européen était financée par des fonds européens.

La France préside le Conseil de l'Union européenne. Allez-vous contrôler les rescrits fiscaux des associations et interdire les Frères musulmans, qui doivent être inscrits sur la liste des groupes terroristes ? Les dérives doivent être dénoncées. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

Situation dans les Ehpad (I)

Mme Céline Brulin .  - Notre groupe s'associe à l'hommage rendu à Olivier Léonhardt.

Le Gouvernement a annoncé un renforcement des contrôles sur les Ehpad. Avec quels objectifs ? Seront-ils menés par les agences régionales de santé (ARS) qui prônent la rentabilité économique et l'efficience de la dépense publique, alors que nos aînés ont besoin de soins et d'humanité ? Irez-vous vers un taux d'encadrement d'un professionnel par résident ?

Au-delà des faits dénoncés par le livre Les Fossoyeurs, les sous-effectifs s'apparentent à une maltraitance institutionnelle. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Je suis bouleversé par ce qui est décrit, pour les blouses blanches et les directeurs d'établissements. Ayant été soignant en Ehpad pendant trois ans, je connais l'engagement permanent des équipes.

Je suis aussi bouleversé pour les familles, qui ont fait un choix qui ne pouvait plus être repoussé.

Ce n'est pas une question de statut mais de manque de personnel, dans le public comme dans le privé. En instaurant le cinquième risque, en créant 10 000 postes sur les 40 000 prévus, avec le Ségur de l'investissement, la création et la rénovation de 3 000 établissements et le développement du numérique, cette majorité agit.

Mme Bourguignon mène l'enquête sur la maltraitance institutionnelle avec courage, pour en évaluer l'ampleur. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Céline Brulin.  - Oui, il est difficile de travailler en Ehpad, toutes catégories confondues.

Le futur ex-PDG d'Orpéa a engrangé 600 000 euros en vendant des actions, si je puis dire, « au bon moment »... Le site du groupe vante un rendement attractif et une gestion optimisée. Au pays de la sécurité sociale, il faut un service public de la dépendance plutôt qu'emmener les PDG de ce secteur en voyage présidentiel, comme récemment en Chine. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST ; Mme Nathalie Goulet et M. Ludovic Haye applaudissent également.)

Varenne agricole de l'eau

Mme Marie Evrard .  - (Applaudissements sur quelques travées du RDPI) Notre groupe s'associe également à l'hommage à Olivier Léonhardt.

Le changement climatique affecte notre avenir. Les catastrophes sont de plus en plus fréquentes : canicule, gel, sécheresse, épisodes cévenols s'intensifient. Le gel a frappé 30 % des vignes dans l'Yonne. Le Président de la République a donc demandé un Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique.

L'accès à l'eau est un enjeu vital. Point d'agriculture sans eau, ni de France forte sans agriculture forte.

Il faut sortir, grâce à la concertation, des conflits d'usages.

Quelque 1 400 personnes ont participé aux travaux du Varenne dont les conclusions ont été rendues publiques hier. Je salue la présence du Premier ministre à cette occasion.

Quel consensus se dégage de ces propositions ? Quel calendrier d'action pour leur mise en oeuvre ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Le sujet de l'eau est majeur. Le Sénat s'est énormément impliqué et je l'en remercie.

Avec Bérangère Abba, sous l'égide du Premier ministre, nous avons organisé le Varenne de l'eau sur trois thématiques : la protection de nos cultures, leur adaptation et le stockage de l'eau.

Quelque 215 millions d'euros y seront consacrés, en soutien à des projets territoriaux. Nous révisons aussi des textes réglementaires pour les faciliter.

Je conclurai en citant l'ancien sénateur et ministre de l'agriculture Edgard Pisani : « le drame, en politique, est de sombrer dans le détail et d'oublier l'essentiel ». Revenons à l'essentiel. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

M. le président.  - Merci pour cette référence !

Gratuité des soins pour les non-vaccinés

Mme Catherine Deroche .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au nom de la commission des affaires sociales, je m'associe à l'hommage rendu à Olivier Léonhardt.

La semaine dernière, le directeur de l'AP-HP, Martin Hirsch, s'est interrogé sur la pérennité de l'accès gratuit aux soins pour les personnes non-vaccinées hospitalisées ou en réanimation. Quelle est la position du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Vous connaissez ma position, qui est celle du Gouvernement - ou plutôt vous connaissez la position du Gouvernement, qui est la mienne. (Rires) Je l'ai dit comme médecin, comme citoyen, comme ministre : il n'est pas question une seule seconde de différencier la nature du remboursement des soins des malades selon qu'ils sont vaccinés ou non.

On ne le ferait pas davantage pour un malade du cancer qui fumerait, pour un malade du foie qui aurait continué à boire, pour un accidenté de la route qui n'aurait pas mis sa ceinture.

Notre combat, votre combat, c'est celui de la conviction, pour que les Français se vaccinent - car il en reste à convaincre, même s'ils sont de moins en moins nombreux - et reçoivent leur dose de rappel. N'oublions pas que le 15 février, les règles du passe vaccinal évoluent. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Catherine Deroche.  - Merci de votre réponse. Pareille décision ouvrirait en effet une boîte de Pandore. On ne saurait créer un cadre éthique spécifique à la pandémie, a rappelé hier le président du Comité national d'éthique, Jean-François Delfraissy.

Je m'étonne que le directeur de l'AP-HP laisse entendre que la surcharge des hôpitaux serait imputable aux non-vaccinés. Notre commission d'enquête sur l'hôpital montre que le sujet est bien plus large. La suggestion de Martin Hirsch était pour le moins saugrenue.

Les médecins ont beau être épuisés, ils s'élèvent contre de tels propos qui vont à rebours du serment d'Hippocrate.

J'ai entendu le porte-parole du Gouvernement dire que les devoirs passent avant les droits. Non, ce serait une dérive que de réduire les droits ! C'est à méditer dans la période actuelle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Thomas Dossus et Mme Raymonde Poncet Monge applaudissent également.)

Situation dans les Ehpad (II)

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis la sortie du livre Les Fossoyeurs, chaque jour apporte des témoignages insoutenables. Déjà en 2020, la presse épinglait des Ehpad d'un autre groupe privé bien connu.

Quels contrôles avez-vous mandatés depuis deux ans, quelles décisions avez-vous prises ? L'horreur doit-elle être documentée pour qu'enfin vous réagissiez ?

Rendements de 5 à 9 %, rémunérations extravagantes des dirigeants, taux d'encadrement nettement plus faible que dans le public, captation de l'argent public versé par l'assurance maladie et les départements, rétrocessions versées par les fournisseurs, primes aux gestionnaires en fonction des économies réalisées... Tout cela pour rémunérer des actionnaires qui profitent d'une généreuse niche fiscale !

Allez-vous continuer à subventionner ces investisseurs, à leur donner des agréments ? Aurez-vous le courage de dire que le grand âge ne peut être confié qu'au secteur public ou au privé non lucratif ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Les faits allégués sont graves, bouleversants. J'ai saisi l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) : elle diligentera une enquête globale qui pourra être étendue au-delà du groupe incriminé.

En parallèle, l'Inspection générale des finances enquête sur le comportement allégué des dirigeants et sur les mécanismes fiscaux et financiers à l'oeuvre. Nous mettrons au jour tous les agissements condamnables.

Les soignants, qu'ils exercent dans le public ou dans le privé, ont le même engagement chevillé au corps. Cette majorité entend les revendications de chacun à travailler dans de bonnes conditions, et y répond avec la mise en place de la cinquième branche, les 10 000 postes médicalisés dans les Ehpad, les infirmières de nuit...

M. Vincent Éblé.  - Il ne s'agit pas des salariés des Ehpad mais des dirigeants !

M. Olivier Véran, ministre.  - Nous n'avons pas attendu un livre pour agir !

J'ai été socialiste, vous l'êtes : le rapport de la Cour des comptes de 2017 notait une forte hausse des Ehpad privés dans les départements socialistes. Si vous changez vos convictions, peut-être aurez-vous l'occasion également de changer cette politique ! (Protestations sur les travées du groupe SER ; applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Monique Lubin.  - Votre exemple est fort mal choisi. Dans mon département, longtemps présidé par Henri Emmanuelli, tous les Ehpad sont publics ! (Applaudissements et bravos sur les travées du groupe SER)

Prix de l'énergie et collectivités territoriales

M. Bruno Rojouan .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En pleine préparation de leur budget 2022, les collectivités territoriales s'inquiètent. L'envolée du prix de l'électricité a des répercussions sur les finances locales. Selon l'Association des Maires de France, la hausse va de 30 à 300 % ; neuf communes sur dix seraient impactées.

Alors que les dépenses en énergie étaient de 4 milliards d'euros en 2017, le surcoût dépasse 1 milliard d'euros !

Beaucoup de collectivités ne sont plus éligibles au tarif réglementé.

L'État s'inquiète à raison du sort des ménages et des entreprises, mais n'oubliez pas les collectivités territoriales ! L'augmentation des recettes fiscales liées à la revalorisation des bases locatives sera loin de compenser celle du prix de l'énergie. Que répondez-vous aux inquiétudes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Le sujet concerne aussi l'État. Avec la ministre de la Transition écologique, nous avons eu à réviser certains contrats, du fait des difficultés de nos propres fournisseurs. Avec le Premier ministre, nous sommes très attentifs au coût de l'énergie pour tous les acteurs, privés comme publics.

Deux éléments doivent vous rassurer. D'abord, les collectivités territoriales bénéficieront de la baisse de la taxe sur la consommation finale d'électricité (TCFE) pour les activités non commerciales, non soumises à la TVA.

Ensuite, le relèvement des volumes de production au titre de l'Arenh, ramène la hausse de 40 % à 20 %. Les petites collectivités dont le budget est inférieur à 2 millions d'euros ou qui comptent moins de dix ETP bénéficient du tarif réglementé, dont la hausse est limitée à 4 % et d'un prix du gaz gelé depuis octobre.

Les compensations sous forme de TVA vont se traduire par une augmentation de 2 milliards d'euros par rapport à 2021. Enfin, les recettes fiscales sont dynamiques ; la révision des valeurs locatives de 3,4 % représente quatre à cinq fois la hausse du prix de l'énergie pour les collectivités. Le Gouvernement reste vigilant. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bruno Rojouan.  - N'oubliez pas que 70 % des investissements publics sont le fait des collectivités territoriales. Un milliard d'euros en moins, c'est 2 % d'investissements en moins, avec un impact sur l'emploi et l'économie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)

Augmentation des tarifs des péages autoroutiers

Mme Annick Jacquemet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Une fois encore, les tarifs des péages augmentent : nos concitoyens sont exaspérés, alors que leur pouvoir d'achat fond comme neige au soleil.

Cette hausse est d'autant plus incompréhensible que les sociétés concessionnaires sont hyper-rentables. Sa seule justification, c'est qu'elle est prévue par les contrats de concession. Preuve qu'il faut les remettre en cause !

Le Sénat a mené une commission d'enquête sur le sujet, sous la houlette de Vincent Delahaye, qui a rendu ses conclusions en septembre 2020 : aucune réaction du Gouvernement depuis. Elle faisait pourtant des propositions concrètes, comme ne plus prolonger la durée des concessions, définir l'équilibre économique des concessions et identifier les marges d'investissement sans nouvelles hausses tarifaires.

Comment allez-vous reprendre en main ce dossier ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Effectivement, certains tarifs vont augmenter. Nous sommes liés par le droit des contrats. Un décret de 1995 fixe les règles de révision des tarifs, qui est limitée à 70 % de l'inflation.

Certaines sociétés concessionnaires ont toutefois décidé de geler les tarifs pour les trajets du quotidien - c'est à saluer.

Le modèle de concession a été source de progrès : augmentation du nombre de kilomètres aménagés, recettes fiscales pour l'État. Ne le remettons pas en cause brutalement, alors que les concessions se terminent entre 2031 et 2036.

Renationaliser serait une folie budgétaire, qui coûterait 47 milliards d'euros.

M. Antoine Lefèvre.  - Je suis d'accord.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - La loi du 6 août 2015, dite loi Macron, a fixé le cap : nous n'échangerons plus un allongement des concessions contre la réalisation de travaux. C'est dans ce cadre que nous allons travailler. (M. François Patriat applaudit.)

Lutte contre l'Islam radical (II)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dimanche 23 janvier, M6 diffusait un effrayant reportage sur la réalité de l'islamisme radical sur notre territoire. Depuis, la journaliste Ophélie Meunier et le juriste Amine Elbahi sont sous protection policière.

En France, 35 personnes vivent sous protection car menacées pour des propos jugés hostiles à l'islam. Faut-il renoncer à dénoncer une idéologie mortifère pour être tranquille ?

Qu'avez-vous fait concrètement depuis cinq ans pour lutter contre l'islamisme et contre l'entrisme des Frères musulmans qui étendent inexorablement leur emprise sur notre territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne et Mme Lana Tetuanui applaudissent également.)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Tout d'abord, Madame la sénatrice, je salue votre engagement à nos côtés sur la loi confortant les principes de la République. Enrichie au Sénat, elle nous donne des outils concrets pour lutter contre la menace islamiste. Elle s'inscrit dans le prolongement du discours des Mureaux du Président de la République, qui a nommé la menace : le séparatisme.

Nous nous sommes dotés d'un contrat d'engagement républicain, nous avons renforcé la protection face aux menaces, notamment sur les réseaux sociaux. Avec le Premier ministre et le garde des Sceaux, nous nous sommes rendus auprès de Pharos et du pôle national contre la haine en ligne qui mettent en oeuvre les dispositions de la loi. Nous fermons des établissements grâce à cette loi que vous avez contribué à renforcer. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Des mots, toujours des mots !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Non, une loi !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Il a fallu attendre le rapport de notre commission d'enquête, fin 2019, pour que le Président de la République parle enfin de séparatisme, en janvier 2020. Le Sénat vous a fait des propositions, notamment ce que certains ont appelé les « amendements textiles » sur le voile ou le burkini. Vous avez toujours renoncé, par lâcheté, par clientélisme, alors que les Frères musulmans gardent leurs bases arrière à Château-Chinon, à Saint-Denis... Les Français veulent des actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Yves Détraigne et Mme Lana Tetuanui applaudissent également.)

Lutte contre la pédopornographie en ligne

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je m'associe aux hommages à Olivier Léonhardt, irréductible militant de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Il était mon ami. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDSE et sur diverses travées)

L'association Osez le féminisme a procédé à 200 signalements de milliers de vidéos pornographiques, dont la moitié au moins enfreignent la loi. Des sites comme « Jackie et Michel » alimentent les pires fantasmes. « Beurette des cités prise dans une cave », « viol collectif d'ado enceinte » : voilà ce que l'on peut trouver sur le Net, avec les bons mots-clés. Les viols sont de vrais viols, les tortures de vraies tortures. Apologie de la haine, apologie des crimes de guerre, incitation à la haine raciale, viol en réunion, proxénétisme : autant d'infractions pénales, et pourtant ces vidéos demeurent accessibles.

Seule la lutte contre le terrorisme est réellement traquée sur le Net. Si une vidéo montrait un violeur sodomisant une femme en criant « Allah Akbar, à mort les kouffars ! », elle serait immédiatement retirée ; mais pas s'il la viole en disant juste « salope ! ».

M. Jean Castex, Premier ministre.  - C'est n'importe quoi !

Mme Laurence Rossignol.  - Non, monsieur le Premier ministre : je comprends que vous ne connaissez pas bien le dossier, mais je décris la triste réalité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Il n'y a pas deux poids, deux mesures, madame la sénatrice. Vous décrivez des faits graves, que le Gouvernement condamne évidemment.

Le 15 novembre dernier, nous avons lancé un grand plan de lutte contre la prostitution des mineurs, pour protéger ces jeunes exploités.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Rien à voir !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Si, car il y a aussi de la prostitution sur ces sites.

Nous avons renforcé la coordination entre la justice et les forces de l'ordre et créé un réseau d'enquêteurs spécialisé, CyberGend. Je rends hommage aux 310 enquêteurs formés à la cybertraque et aux 6 100 correspondants pour leur travail si difficile.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et le retrait des vidéos ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - En 2021, Pharos a reçu 20 000 signalements relatifs à des contenus pédopornographiques. La cellule Calliope analyse les vidéos pour faciliter le travail avec Interpol.

Pharos recueille les signalements jour et nuit. Je salue l'Office central de répression des violences aux personnes, dont les enquêtes, parfois traumatisantes pour les agents, ont conduit à l'arrestation de centaines de pédocriminels.

Mme Laurence Rossignol.  - Oui, c'est traumatisant de traquer ces vidéos. Comment expliquez-vous que ce soient des citoyennes et des citoyens qui saisissent la justice, qui fassent les signalements à Pharos, et pourtant, que ces sites ne soient toujours pas fermés ? Tout ce que j'ai décrit est toujours sur le Net ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Fabien Gay applaudit également.)

Filière des véhicules électriques

M. Stéphane Sautarel .  - Un grand chef d'entreprise a récemment battu en brèche certaines idées reçues sur les voitures électriques. Étant donné l'empreinte carbone des batteries, le véhicule doit rouler 70 000 kilomètres pour avoir un bilan environnemental positif ! De plus, il lui faut de l'électricité ; faute de stratégie nucléaire, allons-nous devoir recourir aux centrales à charbon ?

Un véhicule électrique coûte 50 % plus cher à produire qu'un véhicule thermique. Les classes moyennes, les collectivités territoriales, les entreprises ont-elles les moyens de supporter ce surcoût ? Nos finances publiques peuvent-elles le compenser ?

Pouvez-vous démentir la rumeur d'un gigantesque plan social dans l'industrie automobile française, à l'heure de l'inflation galopante et de la zone à faibles émissions du Grand Paris ?

Comment défendrez-vous nos entreprises et nos emplois tout en accompagnant une trajectoire réaliste de transition énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Depuis 2017, le Gouvernement accompagne avec énergie la filière automobile, ses 400 000 salariés et ses fleurons industriels.

Dès 2017, nous avons oeuvré pour la compétitivité, la diversification et la décarbonation, en ciblant notamment les PMI et PME.

Avec le Plan de relance, nous consacrons 8 milliards d'euros à la filière et soutenons 400 projets d'investissement, dont 70 % sont portés par des PMI. Nous travaillons à un plan de déploiement des bornes, d'autant que l'électrique est l'une des énergies les moins chères à l'usage.

Le tout électrique n'est pas la solution, c'est pourquoi nous misons aussi sur l'hydrogène, l'énergie du futur. Nous soutenons la filière batterie et la filière recyclage, et le Président de la République a annoncé des implantations industrielles.

Enfin, les aides à l'achat pour accompagner les ménages démontrent notre attention en la matière.

M. Stéphane Sautarel.  - La trajectoire de la transition énergétique doit être accompagnée, en veillant à préserver notre balance commerciale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Fonction publique communale en Polynésie française

Mme Lana Tetuanui .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 13 août 2020, le Haut-Commissaire de la République adressait pour avis au Conseil supérieur de la fonction publique communale de Polynésie un projet d'ordonnance l'intéressant. Le 19 juillet 2021, les élus de l'assemblée de Polynésie étaient saisis en urgence de ce sujet, dont l'examen en procédure accélérée était prévu à l'ordre du jour de notre Haute Assemblée le 8 février 2021.

Pourtant, après un travail long et un consensus inédit entre élus et organisations syndicales qui portaient des revendications légitimes, vous avez décidé au dernier moment de retirer de l'ordre du jour ce projet de loi de ratification. Pourquoi ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. Marc Fesneau, ministre délégué, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne .  - L'objectif de l'ordonnance était de rendre la fonction publique communale plus attractive : cette ambition demeure.

Le retrait de l'ordre du jour du Sénat s'explique par l'impossibilité d'achever le processus de ratification avant la suspension des travaux parlementaires, dans trois semaines. Ce temps sera mis à profit pour poursuivre les concertations, notamment sur les décrets d'application. Une réunion a déjà eu lieu autour de Sébastien Lecornu avec les parlementaires polynésiens et le maire de Tumaraa.

Le projet de loi de ratification sera soumis au Parlement, c'est une exigence constitutionnelle. L'examen en commission des lois a déjà commencé, et le travail se poursuivra en séance publique de la manière la plus apaisée possible. C'est l'engagement du Gouvernement, et une marque de respect à l'endroit des Polynésiens.

Mme Lana Tetuanui.  - Reconnaissez que sur la forme, ce n'est pas acceptable : saisine de l'assemblée de Polynésie en urgence, procédure accélérée au Parlement et retrait brutal.

Cerise sur le gâteau - ou plutôt, en ce jour de chandeleur, sur la crêpe (rires) - vous adressez un message au président Fritch, ce jour à midi vingt-cinq ! Ces méthodes sont irrespectueuses des élus communaux comme du Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER et CRCE)

La séance est suspendue à 16 h 25.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 16 h 35.

Avis sur une nomination

M. le président.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de la culture a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable (28 voix pour, 0 contre) à la reconduction de M. Antoine Petit à la présidence du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

« Énergie et pouvoir d'achat : quel impact de la politique du Gouvernement ? »

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat d'actualité sur le thème : « Énergie et pouvoir d'achat : quel impact de la politique du Gouvernement ? »

Sur la proposition du groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, la Conférence des présidents a décidé qu'un débat d'actualité se tiendrait lors de chaque semaine sénatoriale de contrôle, après la séance de questions d'actualité au Gouvernement.

Nous inaugurons cet après-midi ce nouvel outil de contrôle.

M. Jean-François Husson .  - L'envolée des prix de l'énergie touche durement nos compatriotes comme nos entreprises.

Au-delà de la flambée conjoncturelle, les experts annoncent des prix structurellement plus élevés. C'est dire si les chèques distribués par le Gouvernement, comme autant de sparadraps, ne sont pas à la hauteur de l'enjeu.

Sans boussole ni anticipation, il a pris des mesures de court terme aux insuffisances multiples. Ni cohérence ni stratégie d'ensemble, mais les conséquences sur nos finances publiques, elles, sont lourdes : 20 milliards d'euros !

Le Gouvernement a d'abord augmenté de 100 euros le chèque énergie pour 6 millions de ménages. Face à la hausse du gaz, il est revenu à la bonne vieille méthode de l'économie administrée : le blocage des prix -  mesure très temporaire, dont le coût sera, in fine, supporté par les consommateurs. La mesure ne concerne d'ailleurs que les particuliers : les entreprises sont les grandes oubliées.

Le défaut de vision est tout aussi patent avec l'électricité. Après avoir annoncé que la hausse des tarifs réglementés serait limitée à 4 %, le Gouvernement a finalement introduit par amendement, donc sans étude d'impact, une minoration de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Mesure portée à 6 milliards d'euros qui, pourtant, ne permettra même pas de tenir la moitié de la promesse du Premier ministre... Aujourd'hui ou demain, c'est le contribuable qui la paiera.

Le Gouvernement a ensuite décidé, toujours par amendement, de geler les tarifs réglementés. Mais il faudra bien payer la facture en 2023. Quant à la hausse de 20 térawattheures du volume de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), elle coûtera cher à EDF.

Ce mikado de mesures ébranle la confiance des Français. Concocter en catastrophe des mesures bancales mais très coûteuses n'est plus tenable !

Face à l'envolée du prix des carburants, le Gouvernement a annoncé dans l'urgence une indemnité inflation, saupoudrage électoraliste de 4 milliards d'euros d'argent public. L'augmentation de 10 % du barème de l'indemnité kilométrique est une mesure excessivement concentrée, qui ne règle pas les problèmes des Français vivant en zone rurale ou périurbaine, éloignés des transports collectifs.

Les experts sont unanimes : les prix de l'énergie resteront durablement plus élevés qu'avant la crise, pesant davantage sur le pouvoir d'achat des Français notamment des plus modestes. Est-ce là ce que veut le Gouvernement ? Pour notre part, nous ne nous y résignons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Douze millions : c'est le nombre de Françaises et de Français qui ne peuvent chauffer correctement leur logement.

L'énergie n'est pas un bien de consommation comme les autres, mais un bien de première nécessité : chacun en a besoin pour se chauffer, cuisiner. La puissance publique a donc un devoir de régulation, de contrôle et de planification.

Nous alertons depuis des mois sur la hausse des prix. Il faut des réponses à la hauteur. Les carburants sont aujourd'hui plus chers que lors de la mobilisation des gilets jaunes...

Le Gouvernement a pris des mesures, mais insuffisantes et inadaptées. Le relèvement du barème kilométrique ne profitera qu'aux ménages qui paient l'impôt sur le revenu.

Nous souhaitons élargir le bénéfice du chèque énergie et en porter le montant à 400 euros pour les plus modestes.

Le Gouvernement mène une politique hypocrite, reprenant d'une main, par exemple avec la réforme de l'assurance chômage, ce qu'il a donné de l'autre. Le seul pouvoir d'achat qu'il aura fait progresser, c'est celui des plus riches !

Les jeunes, en particulier, se retrouvent en grande précarité. Nous, écologistes, défendons un revenu citoyen automatique de 920 euros dès 18 ans. (Mme Sophie Primas s'exclame.)

Cette mesure est déjà en place dans l'agglomération lyonnaise.

Par ailleurs, vous ne faites rien pour transformer en profondeur notre modèle énergétique. Le meilleur moyen de soutenir le pouvoir d'achat consiste à réduire la consommation d'énergie par la rénovation thermique des habitations. En la matière, il faut un reste à charge zéro pour les plus précaires.

EDF doit être renationalisée dans le cadre d'un grand service public de l'énergie. Nous devons renforcer notre souveraineté en soutenant les filières françaises, notamment dans le photovoltaïque et l'hydroélectricité.

Nous avons besoin d'une politique ambitieuse en matière de mobilité. Le rail nécessite des investissements importants : au moins 4 milliards d'euros par an. La politique de tarification doit assurer que les transports en commun sont moins chers que la voiture individuelle.

Les propositions des écologistes allient justice sociale et souveraineté énergétique. Le Gouvernement, lui, baisse la garde face aux inégalités et perpétue notre dépendance aux puissances étrangères.

M. Fabien Gay .  - Quel impact de la politique du Gouvernement sur l'énergie et le pouvoir d'achat ? Le bilan est globalement négatif...

Le Gouvernement est responsable, avec les libéraux qui l'ont précédé, de la dégradation de l'accès à l'énergie. Nous payons la note de la libéralisation du secteur, dont vous refusez pourtant de faire le bilan.

À une retraitée qui gagne moins de 8 euros par jour, une de vos collègues du Gouvernement a conseillé de changer de système de chauffage... Pour vous, les usagers ne sont bons qu'à payer. Dans le même temps, vous dépecez EDF pour préserver les revenus des acteurs alternatifs.

Vous avez confié au privé ce qui devrait relever du public, dans le cadre d'une Union européenne conçue par et pour le marché. Résultat : défaut d'investissement, perte de compétences et manque de prévoyance. En témoignent les allers-retours sur la centrale de Cordemais : après avoir abandonné le projet de conversion Ecocombust, vous vous êtes avisés qu'il faudrait prolonger la centrale de 2 000 heures pour passer l'hiver...

La rénovation thermique des logements, essentielle, est beaucoup trop lente : seulement 70 000 rénovations par an, quand il en faudrait 370 000 pour respecter la stratégie nationale bas carbone.

Votre dernière trouvaille ? Saigner EDF avec le relèvement du plafond de l'Arenh, ce système qui devait permettre aux fournisseurs alternatifs d'investir dans leurs propres moyens de production, ce qu'ils n'ont évidemment pas fait. EDF ayant déjà vendu son électricité, elle devra racheter sa propre production sur le marché de gros pour la revendre à ses concurrents quatre fois moins cher. On frôle le génie... EDF étant publique à 80 %, nous serons doublement perdants, comme usagers et comme citoyens.

L'énergie n'est ni un luxe ni un avantage à conquérir : c'est un bien de première nécessité. L'accès à l'énergie pour tous doit être reconnu comme un droit fondamental.

Baissons la TVA à 5,5 % sur le gaz et l'électricité, sortons l'énergie des griffes du marché et renationalisons EDF et Engie, pour qu'elles assurent un approvisionnement à prix compétitifs et oeuvrent à la nécessaire transition écologique ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER)

M. Hervé Maurey , rapporteur.  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Notre pays est affecté par une inflation sans précédent depuis des années. Les prix de l'essence atteignent des niveaux supérieurs à ceux qui ont provoqué le mouvement des Gilets jaunes. En 2021, le gaz a augmenté de 40 %.

Face à ces hausses, le Gouvernement n'est certes pas resté les bras croisés, mais les mesures prises sont insuffisantes, parfois même néfastes.

Le chèque inflation est une mesure mal ciblée. Le Gouvernement semble ignorer que les territoires ruraux souffrent particulièrement. Chauffer son logement y coûte 33 % de plus qu'en ville. Pourquoi ne pas intégrer cette réalité ?

Pourquoi ne pas utiliser le levier fiscal pour limiter le coût du carburant pour nos concitoyens ? En moyenne, la fiscalité énergétique représente 900 euros par an pour les ménages.

La hausse des prix de l'énergie pèse également sur les collectivités territoriales, qui devront alourdir leur fiscalité ou renoncer à des projets d'intérêt local. Que compte faire le Gouvernement pour éviter cette double peine ?

Quid du rattrapage du blocage des prix de l'électricité, évoqué par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à l'horizon de 2023 ?

Enfin, je dénonce les décisions néfastes prises s'agissant d'EDF. L'augmentation du plafond de l'Arenh lui coûtera 8 milliards d'euros, soit le prix d'un EPR. C'est irresponsable, alors que l'entreprise, très endettée, fait face à un mur d'investissements de 80 à 100 milliards d'euros.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics.  - Le Gouvernement n'aurait pas eu recours au levier fiscal ? C'est faux. Nous avons baissé la TICFE à 0,50 euro par mégawattheure, pour un coût de 8 milliards d'euros.

Nous avons demandé à EDF de produire plus au titre de l'Arenh, pour un coût équivalent. Vous critiquez cette décision, dont nous avons pesé les avantages et les inconvénients, mais quelles sont vos contre-propositions ?

Sans les mesures que nous avons prises, la facture énergétique des ménages aurait explosé de 40 % en février.

Environ 30 000 communes bénéficient du tarif réglementé. La baisse de la TICFE bénéficiera aussi aux collectivités territoriales, qui peuvent compter en outre sur la revalorisation des valeurs locatives et sur la hausse de leurs recettes fiscales liées à la TVA.

M. Hervé Maurey.  - En commission des finances, Bruno Le Maire a dit hier : nous serons au côté d'EDF... Mais qu'est-ce que cela signifie concrètement ? La vérité, c'est que vous fragilisez un de nos fleurons industriels.

Sur les collectivités territoriales, je suis loin d'être le seul à être inquiet ; toutes les associations d'élus le sont. On ne peut pas dire que vous nous avez rassurés.

M. Fabien Gay.  - Rappel au Règlement ! Dans le cadre de cette nouvelle formule de débat, il me semble que le Gouvernement devrait répondre soit à tous les orateurs, soit à aucun. En l'occurrence, MM. Husson et Gontard et moi-même avons été privés de la réplique dont a bénéficié M. Maurey.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Ce n'est pas nous qui fixons les règles...

M. le président.  - Peut-être les règles devront-elles évoluer, mais il ne m'appartient pas de les changer à cet instant. Je transmettrai...

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Après deux ans de pandémie, la reprise de l'économie et la faiblesse des stocks entraînent une forte inflation qui affecte le pouvoir d'achat des Français.

Les prix de l'énergie ont augmenté de 18 %, et même de 41 % pour le gaz, alors que la précarité énergétique touchait déjà 5 millions de ménages. Beaucoup d'autres risquent désormais de basculer.

Nous payons notre dépendance aux énergies fossiles et l'application du principe du coût marginal, que la France souhaite réviser dans le cadre d'une éventuelle réforme du marché européen de l'énergie.

Le Gouvernement a réussi à maintenir l'inflation en dessous de la moyenne européenne avec différentes mesures : bouclier fiscal, chèque inflation, entre autres. L'addition se montera à 15 milliards d'euros. Mais jusqu'où pourra-t-on tenir avec ces pansements à faible adhérence ?

Les aides sont saupoudrées, au détriment des territoires hyperruraux dont les particularités géographiques ne sont pas appréhendées. Par ailleurs, on oublie que les collectivités territoriales aussi pâtissent de la hausse des prix.

Une réduction des taxes sur l'énergie ou de la TVA est certes complexe et ne ciblerait pas les plus modestes. Reste que les prix de l'énergie continueront d'augmenter, d'autant que la transition énergétique nécessitera des efforts considérables. Investir dans la décarbonation, le stockage et les réseaux intelligents aura un coût.

Nous devons redoubler d'efforts en matière d'économies d'énergie. Accélérons la rénovation des logements, en particulier dans les territoires hyperruraux.

Quelles actions durables entendez-vous mener, et avec quelle coordination européenne ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis des mois, les Françaises et les Français voient augmenter les prix des produits du quotidien. L'explosion de la facture énergétique, en particulier, les plonge dans le désarroi. De fait, le surcroît de dépenses pour l'énergie est d'un peu plus de 40 euros par mois et par ménage, dont 20 euros pour les carburants.

Les habitants des communes rurales sont particulièrement touchés, et la facture énergétique pèse plus lourd dans le budget des ménages à faible revenu. Le renchérissement de l'énergie aggrave donc les inégalités sociales et territoriales.

Cette flambée des prix a aussi de très lourdes conséquences sur la compétitivité de nos entreprises.

Face à ces difficultés, le Gouvernement ne prend que des décisions de court terme. Bouclier tarifaire sur l'électricité, augmentation du chèque énergie, indemnité inflation : ce sont là, certes, des premières mesures pertinentes, mais dont le niveau et le ciblage nous interrogent.

L'Ademe recommande un chèque énergie à 710 euros. L'envoi d'un chèque de 100 euros a certainement été un soulagement pour les ménages concernés, mais c'est très insuffisant compte tenu de l'augmentation des dépenses.

L'indemnité inflation et l'augmentation du barème de l'indemnité kilométrique souffrent également d'un ciblage incertain.

Cette seconde mesure ne concerne que les Français imposables, qui peuvent déclarer leurs frais professionnels. D'autre part, en vous concentrant sur les gros rouleurs, vous oubliez les 17 millions de Français contraints de prendre tous les jours leur voiture pour travailler, faute d'accès à des transports en commun.

Voilà des mois que nous proposons plusieurs mesures immédiates : création d'un bouclier tarifaire énergétique, doublement du chèque énergie, versement automatique de celui-ci pour mettre fin au non-recours.

Cette crise met en lumière les impensés et l'impréparation de la politique énergétique du Gouvernement. La situation, pourtant, était prévisible. Dès le début de la pandémie, la commission des affaires économiques du Sénat vous a alertés sur le risque inflationniste en sortie de crise. Du fait de cette impréparation -  qui est aussi celle des gouvernements précédents  - , vous êtes conduits à dépenser au moins 15 milliards d'euros pour des mesures qui ne sont que d'urgence.

Il est étonnant que vous ne tiriez pas les leçons de cette crise. La libéralisation à l'extrême du marché de l'énergie est la cause de cette crise profonde.

Le relèvement du plafond de l'Arenh, nouvel exemple de votre orientation ultralibérale, bénéficiera uniquement aux fournisseurs, au détriment d'EDF qui aurait besoin de fonds pour investir.

Il convient de renouer avec une politique énergétique volontariste, l'État investissant massivement dans ses entreprises publiques. Il faut aussi réformer le marché européen de l'énergie à la faveur de la PFUE. Enfin, planifions à long terme, dans la concertation, la transition écologique qui préservera le pouvoir d'achat des Français et la souveraineté énergétique de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Didier Rambaud .  - L'inflation est là, qui s'installe dans le quotidien des Français. Elle touche particulièrement l'énergie. Gaz, électricité, carburant : rien n'est épargné.

Pour autant, est-ce que tout va mal ? Non ! La situation économique doit être envisagée dans sa globalité. Notre croissance est ainsi de 7 %.

Mme Sophie Primas.  - Après une déflation de 8 % !

M. Didier Rambaud.  - Notre taux de chômage est historiquement faible, proche du plein-emploi.

La stratégie du « quoi qu'il en coûte » a permis de sauvegarder les entreprises et les emplois.

Après une année de paralysie économique, le rebond de la consommation et le renouvellement des stocks des entreprises ont fait bondir la demande. L'inflation est la conséquence du retour de la croissance.

Pour chaque situation, le Gouvernement a travaillé à des dispositifs ciblés.

Le Premier ministre a annoncé le gel des tarifs réglementés du gaz jusqu'en avril. Sans cette mesure, l'augmentation aurait été insupportable !

Les prix de l'électricité augmentent de 4 %, certes ; mais, sans le bouclier tarifaire, la hausse aurait été de 40 % ! Nous limitons les dégâts autant qu'il est possible. En Espagne, la facture d'électricité passe de 1 000 à 1 700 euros ; en Italie, de 1 000 à 2 290 euros !

Le Gouvernement soutient les plus modestes, notamment à travers l'indemnité inflation, qui bénéficie à 38 millions de Français gagnant moins de 2 000 euros par mois.

Ces mesures sont saluées par un grand nombre de nos concitoyens.

La hausse des prix du carburant est impressionnante. Le Gouvernement a augmenté le barème kilométrique de 10 %, mesure ciblée qui permettra une économie moyenne de 150 euros. Nous devons être attentifs, certes, à ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu.

Une baisse de taxes aurait été plus longue à mettre en place, mais aussi déraisonnable sur le plan économique comme sur le plan environnemental.

J'ajoute que le Gouvernement n'a pas attendu cette crise pour soutenir le pouvoir d'achat des Français. Suppression de la taxe d'habitation, pass Culture, défiscalisation des heures supplémentaires, revalorisation de la prime d'activité, Ségur de la Santé : depuis 2017, il fait ce dont aucun gouvernement n'avait été capable avant lui.

M. Patrick Kanner.  - Ce n'est pas l'avis de la Fondation Abbé Pierre...

M. Didier Rambaud.  - Lorsqu'on ajoute le rebond de 7 % de la croissance, il y a lieu d'être optimiste !

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - En 2020, le monde s'est arrêté. Le prix du pétrole est même devenu négatif : -38 dollars le baril... Comment croire que, moins de deux ans plus tard, nous faisons face à une forte inflation ?

C'est, à la vérité, la face opposée de la même médaille. Grâce aux vaccins et aux mutations du virus, nous avons pu reprendre le chemin du travail, et la reprise économique renchérit toutes les matières premières.

Pendant la pandémie, nous avons amorti le choc pour l'économie. Mais les mesures prises favorisent l'inflation et augmentent la dette publique - double épée de Damoclès.

Le chemin de crête est étroit, car l'énergie est un poste important de dépense pour nos concitoyens. Nous avons tous en mémoire les conséquences, teintées de jaune fluo, d'une hausse trop importante du prix de l'énergie due à une nouvelle fiscalité.

Dans le même temps, compenser ces hausses revient à tirer sur nos finances publiques déjà bien tendues. Turgot, dont la statue nous surplombe dans cet hémicycle, doit nous regarder avec sévérité, lui qui se plaignait de la trop grande facilité avec laquelle les prédécesseurs de Louis XVI avaient accueilli la multitude des sollicitations...

Nous devons étudier attentivement les moyens de renforcer l'efficacité énergétique de nos bâtiments, développer l'autoconsommation collective, renforcer notre souveraineté énergétique.

« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l'opportunité dans chaque difficulté » disait Winston Churchill. Les opportunités sont là, et certaines filières sont enthousiasmantes - je pense à l'avion bas-carbone.

Le groupe INDEP est attaché à la bonne gestion de nos finances publiques. Ne multiplions pas les mesures conjoncturelles, certes parfois incontournables. L'argent public est bien mieux employé dans des secteurs novateurs. Le pouvoir d'achat de nos concitoyens comme nos finances publiques s'en ressentiraient favorablement !

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous sommes confrontés à une crise sans précédent des prix des énergies. En moins de deux ans, les prix ont été multipliés par 2,5 pour le pétrole, 3 pour le gaz et 10 pour l'électricité.

Cette hausse était prévisible. La commission des affaires économiques du Sénat a d'ailleurs alerté le Gouvernement dans ce sens. Nous avions regretté un bouclier tarifaire insuffisant et demandé le relèvement des aides aux entreprises et aux collectivités territoriales.

Cette flambée met sous tension l'ensemble des secteurs. L'énergie représente 10 % du budget des ménages, et une hausse de la précarité énergétique est à craindre. Les entreprises énergo-intensives sont touchées, mais aussi nos TPE et PME.

Les collectivités territoriales ne sont pas épargnées. Selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, les hausses observées sur plusieurs milliers de points de livraison s'établissent entre 30 et 300 % !

La hausse du plafond de l'Arenh a été un choc pour EDF, entraînant une dégradation de sa notation et une grève. Certains concurrents, comme Leclerc Énergies, ont cessé leur activité, laissant 140 000 consommateurs sur bord de la route.

Dans ce contexte, la politique à court terme du Gouvernement est erratique. Mal calibré, le bouclier tarifaire est aussi mal évalué. Lors du budget, le Gouvernement avait estimé à 6 milliards d'euros la baisse de la TICFE. On en est à 8 milliards d'euros... Où s'arrêtera-t-on ? En outre, rien n'est prévu au-delà de 2022. Et puis, l'action sur les tarifs réglementés pourrait se répercuter in fine sur les ménages et les entreprises.

Le relèvement du plafond de l'Arenh n'empêche pas la stagnation du prix à 46 euros du mégawattheure. C'est dérisoire alors que le prix de marché de l'électricité dépasse les 200 euros.

Au-delà, la politique du Gouvernement est indigente ; le modèle de financement érode l'investissement : les 8 milliards d'euros perdus par EDF l'illustrent, alors que la transition énergétique nécessite 10 milliards d'euros par an. Comment, dans ces conditions, financer la construction de trois EPR qui devraient coûter 46 milliards d'euros ?

Pire, le Gouvernement élude les vraies décisions à prendre : la fermeture de réacteurs fragilise notre approvisionnement. L'atteinte des objectifs du paquet 55 impose d'inclure le nucléaire dans la taxonomie verte. Dans son rapport, RTE a indiqué qu'il était urgent de se mobiliser.

Au total, la crise des prix de l'énergie révèle l'insuffisance de la politique du Gouvernement.

Il faut garantir un prix de l'électricité faible à tous nos concitoyens. Un vrai bouclier tarifaire impose une relance de la filière nucléaire, colonne vertébrale de notre souveraineté énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Moga .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La crise actuelle démontre notre dépendance aux énergies fossiles, qui grève le pouvoir d'achat et l'économie. Le nucléaire représente 70 % de notre électricité, mais moins de 20 % de notre consommation d'énergie finale.

Plus généralement, l'Europe dépend largement des importations d'énergies fossiles. La crise actuelle rappelle le besoin de réformer le marché européen de l'énergie, notamment le principe de coût marginal. Je salue la défense par la France d'un prix plus fidèle au coût domestique moyen de production. Sans une telle réforme, la France ne bénéficiera pas du faible coût d'une électricité produisant dix fois moins de gaz à émission de serre que l'Allemagne, grâce aux centrales et barrages.

Il est temps d'accélérer la décarbonation de l'économie, en découplant le prix de l'électricité de celui des énergies fossiles.

Je défends la logique développée par RTE, qui prône la complémentarité entre du renouvelable intermittent et du nucléaire pilotable. Ce dernier assure une électricité stable dans la transition : le nucléaire n'est pas un problème, mais une partie de la solution et il assurera la stabilité des prix de l'électricité.

La construction de nouveaux réacteurs est pertinente. Ainsi nous renforcerons notre indépendance énergétique.

J'ai déposé avec Jean-François Longeot une proposition de résolution en faveur de l'essor du nucléaire. Les mini-réacteurs contribueront notamment à la décarbonation et à la production d'hydrogène. De plus, la 4e génération de réacteurs sera plus sûre et encouragera le multirecyclage des déchets.

Quelles sont les propositions françaises pour réformer le marché européen de l'énergie ? Qu'en est-il du nucléaire dans la lutte contre la crise actuelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Thierry Cozic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Reconnaissons que nous sommes en crise. Une crise provoquée par des facteurs imprévus, causant l'explosion des prix de l'énergie et révélant la faillite d'une Europe bâtie sur la seule concurrence et la volatilité des marchés.

La crise est due à la libéralisation du secteur. Le système actuel ne permet même pas de financer des investissements faute de visibilité. Il faut un changement de cap pour une transition écologique acceptée par tous. Or, la crise de 2008 a découragé certains États membres d'investir dans l'énergie.

Les autoroutes européennes de l'énergie n'existent pas encore : ainsi, beaucoup de pays hors Union ont signé des partenariats d'approvisionnement avec des États membres qui avancent en ordre dispersé. Certains, comme l'Espagne, l'Italie et la France, protègent les consommateurs au moyen de diverses aides ; elles coûteraient à la France pas moins de 18 milliards d'euros.

La présidence française de l'Union européenne n'est pas étrangère à ce tour de passe-passe budgétaire qui accepte ces aides... mais les mesures se font au détriment du contribuable : situation ubuesque !

Le ministre de l'économie, la semaine dernière, ne m'a pas répondu quand je lui ai demandé lors des questions au Gouvernement pourquoi EDF vendait son énergie à bas coût à des revendeurs pratiquant des prix exorbitants. J'attends toujours sa réponse.

Combien de temps la Banque centrale européenne maintiendra-t-elle sa politique monétaire et des taux faibles ? La crise risque de durer. Les hausses du gaz se propagent et gagnent les marchés des switchers. Les contrats d'électricité 2022-2023 voient leur coût multiplié par quatre par rapport à 2019. Les intervenants sur le marché n'anticipent donc pas de baisse rapide et les factures des ménages augmenteront inéluctablement. Vos mesures conjoncturelles ne changeront pas la donne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Tout d'abord, je confirme que le Gouvernement revendique une réforme du marché européen de l'énergie visant à dissocier le marché particulier de celui de gros, d'autant que la France est capable de produire une énergie moins chère.

Pour préserver le pouvoir d'achat, je distingue trois phases.

La première étape est la revalorisation des revenus du travail : prime d'activité et défiscalisation des heures supplémentaires. Cela correspond à 1,9 % de gain de pouvoir d'achat des Français chaque année, soit deux fois plus qu'entre 2007 et 2017.

La deuxième étape concerne la mobilisation de l'activité partielle durant la crise : le pouvoir d'achat a augmenté de 0,4 %, malgré une récession de 8 % en 2020.

Enfin, nous répondons à la crise de l'énergie par les outils déjà évoqués : chèque énergie, indemnité inflation déjà perçue par 20 millions des 38 millions de Français éligibles, et plafonnement des tarifs, pour un total de 15 milliards d'euros, à comparer aux 2 ou 3 milliards d'euros de hausse de recettes fiscales pour l'État. Comme vous le voyez, nous faisons tout pour protéger le pouvoir d'achat de nos compatriotes.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Nous ne remettons pas en cause la nécessité de repenser le mix énergétique pour atteindre nos objectifs de décarbonation. Le modèle économique et industriel français doit être revu et notre souveraineté énergétique garantie au niveau européen.

Les tarifs de l'électricité auraient pu augmenter de 40 %, mais nous avons limité la hausse à 4 %. Le Parlement a accepté la baisse de la TICFE, voulue par le Gouvernement. Nous avons aussi demandé à EDF d'augmenter de 20 térawattheures la production à prix régulé. Nous lui demandons également un effort dans le cadre de sa mission de service public, à l'occasion d'une crise exceptionnelle et imprévisible. Il nous faut renforcer la régulation européenne du marché de l'énergie, avant même d'engager la transition énergétique.

Cette crise des énergies fossiles se vit au niveau européen. Le conseil informel des ministres de l'énergie qui s'est tenu à Amiens la semaine dernière a montré que la majorité des États souhaitait la régulation de ce marché.

Je le redis : 15 milliards d'euros d'aides ont été accordés pour les ménages, malgré des failles identifiées, comme pour les grosses propriétés ou les logements chauffés avec des réseaux de chaleur. Nous affinerons nos mesures dans les prochains jours. Plus de 30 000 communes bénéficient déjà du bouclier tarifaire.

La réactivité permise par les textes récemment votés nous aide à accompagner les Français face à la crise des prix de l'énergie.

La séance, suspendue à 17 h 45, reprend à 18 h 15.

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - La Conférence des présidents avait prévu que nous suspendions la séance entre 20 h 30 et 22 heures.

En accord avec le Gouvernement et avec le groupe UC, nous pourrions prolonger notre séance au-delà de 20 h 30, pour examiner les deux points de l'ordre du jour de l'espace réservé au groupe UC, sans avoir à suspendre.

Il en est ainsi décidé.

Redonner un caractère universel aux allocations familiales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à redonner un caractère universel aux allocations familiales, présentée par M. Olivier Henno et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC.

Discussion générale

M. Olivier Henno, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales .  - La proposition de loi que nous examinons supprime la modulation des allocations familiales en fonction des revenus familiaux. Elles se montent à 12,7 milliards d'euros, soit 41 % des prestations de la branche famille, au bénéfice de plus de cinq millions de familles.

Ces allocations ont une portée symbolique. Elles furent au coeur de la politique nataliste mise en oeuvre durant l'entre-deux-guerres. La loi du 22 août 1946 les a étendues aux personnes dans l'incapacité de travailler et aux femmes seules élevant plus de deux enfants. Elles sont devenues réellement universelles en 1978 par la suppression de l'obligation d'exercer une activité professionnelle pour les percevoir.

Les allocations familiales sont régies par des conditions bien connues, à compter du deuxième enfant, sauf en outre-mer où elles sont versées dès le premier enfant.

A l'occasion d'un amendement voté à l'Assemblée, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a prévu une modulation des allocations en fonction des revenus de la famille. En conséquence, le montant a été réduit pour près de 500 000 familles, soit 10 % des foyers.

L'objectif assumé était de réaliser des économies. En 2016, 760 millions d'euros ont ainsi été économisés au détriment des familles, sans compter d'autres mesures fiscales, comme la réduction du plafond du quotient familial.

La réforme a créé de l'incertitude et de la complexité pour les familles, leur montant dépendant des ressources de l'année N-2. Elle a aussi écorné le principe d'universalité des allocations familiales, qui n'est plus qu'une façade pour certaines familles. Ainsi, les familles situées dans la troisième branche du barème ne perçoivent plus que 33 euros par mois pour deux enfants à charge. Ce faisant, la réforme sape l'acceptabilité de la politique familiale pour les foyers qui en sont exclus mais qui, pourtant, la financent.

Si cet universalisme progressif venait à s'étendre, notre modèle de sécurité sociale serait remis en cause.

À l'évidence, la politique familiale n'a pas été une priorité pour les gouvernements précédents...

La réforme a aussi dévoyé le sens solidaire de la politique familiale, en passant d'une logique de redistribution horizontale à une logique de redistribution verticale.

Il ne s'agit pas de nier les nouveaux objectifs de la politique familiale, mais ils sont déjà pris en compte par les prestations ciblées sur les familles les plus modestes ou les publics spécifiques. En outre, la modulation des allocations familiales n'apporte en réalité aucun bénéfice pour les familles aux revenus modestes. Nous vous proposons donc de supprimer la modulation en fonction des revenus, pour un coût de 830 millions d'euros que la branche famille peut assumer.

Dans le contexte actuel, la politique familiale doit être renforcée. Le taux de fécondité conjoncturel a diminué pour atteindre 1,82 enfant par femme en 2020. Si l'année 2021 marque une stabilisation, les chances d'une remontée durable sont minimes. L'exception démographique française est à terme menacée.

Certes, aucune étude n'a pu mettre en évidence un lien entre la modulation des allocations et la chute de la fécondité, mais cette modulation a démontré l'affaiblissement de la solidarité nationale en faveur des familles, alors qu'elles doivent être soutenues par une politique familiale cohérente et pérenne. Il faut, à cet effet, redonner du sens aux allocations familiales.

D'autres chantiers devront être engagés en matière d'accueil de la petite enfance et de congé parental. Ce texte est une première étape d'un renouveau de la politique familiale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi tendant à redonner un caractère universel aux allocations familiales pour, je cite, « relancer la natalité dans notre pays et redonner du sens à notre politique familiale ». La période est sans doute propice aux propositions démagogiques. Ce n'est pas le cas ici, mais je ne partage pas l'esprit du texte. Il est utile cependant d'en débattre, à l'heure où les positions vont se polariser sur les allocations familiales et le quotient familial.

Le sujet n'est pas neutre. La modulation, datant de 2015, n'est pas le fait du Gouvernement. Elle préserve en réalité le principe d'universalité tout en poursuivant un objectif de justice sociale. Elle ne concerne en outre que 10 % des bénéficiaires et permet de concentrer la solidarité nationale vers les ménages les plus nécessiteux. L'Insee montre que la redistribution horizontale et verticale porte ses fruits.

L'impact des allocations familiales sur la natalité, en outre, n'est pas démontré en France comme dans les autres pays de l'OCDE. Nous restons en tête de ces pays en matière de natalité.

Aussi, je ne peux que m'inscrire en faux en écoutant les propos de certains candidats.

Le niveau de vie et les incertitudes économiques jouent davantage que les allocations familiales sur le taux de natalité, autant que des facteurs démographiques et sociétaux. Il faut donc actionner ces différents leviers, ce que le Gouvernement a fait depuis 2017.

Les débats, pendant trente ans, se sont concentrés sur les aides financières. Il faut répondre aux nouvelles attentes des parents, notamment en matière de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Nous devons construire une société plus accueillante pour les familles et lutter contre les inégalités de destin qui touchent encore trop d'enfants dans notre pays.

Il n'est pas toujours aisé d'être parents - c'est ce que nous disent la moitié d'entre eux - et il convient de les accompagner dès les premiers temps de la parentalité. Près de 20 % des femmes sont touchées par la dépression post-partum. Tel est le sens de la politique des « 1 000 premiers jours », pendant lesquels beaucoup se joue, comme l'a rappelé Boris Cyrulnik.

Nous avons aussi renforcé la prévention des risques systémiques. Les jeunes parents bénéficient désormais tous d'un parcours « 1 000 premiers jours » dès le quatrième mois de grossesse et après l'accouchement.

Il convient également de reconnaître les détresses particulières : nous avons développé des parcours spécifiques pour l'accueil d'enfants prématurés, adoptés ou en situation de handicap.

Les familles monoparentales sont particulièrement soutenues financièrement depuis 2017.

La conciliation entre vie personnelle et professionnelle est également une priorité : le congé paternité et d'accueil du jeune enfant a été porté de 14 à 28 jours, et en partie rendu obligatoire. Une réflexion devra être menée pour aller plus loin, notamment sur les congés parentaux.

Nous menons aussi une action résolue en faveur de la construction d'un véritable service public de l'accueil des jeunes enfants : charte nationale, comité de filières sur les sujets liés à la carrière et la rémunération, formation renforcée des professionnels, création de places de crèches. Nous avançons dans la voie tracée par le Président de la République d'un droit garanti à l'accueil des enfants pour tous à un prix raisonnable et identique en individuel ou en collectif.

Notre politique se développe aussi en faveur de la parentalité numérique pour mieux protéger les jeunes. Lundi prochain se tiendra le Safer Internet Day. Nous ferons prochainement de nouvelles annonces en la matière. Déjà, le site jeprotegemonenfant.gouv.fr fournit conseils et informations.

La politique familiale doit aussi lutter contre les inégalités de destin. Elle est un levier d'émancipation majeur. Près de 3 millions d'enfants vivent sous le seuil de pauvreté, chiffre inacceptable. Ils sont au coeur de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, car il faut en moyenne six générations pour en sortir. Nous avons renforcé l'accueil en crèche, prévu des petits-déjeuners gratuits pour les enfants qui arrivent le ventre vide et des repas à 1 euro à la cantine. Enfin, nous avons dédoublé les classes de CP et CE1 en réseaux d'éducation prioritaire (REP).

Les familles ont tenu toute leur place au cours de ce quinquennat, qui a pris en compte leurs attentes, leurs besoins et leurs incertitudes. Il faut encore aller plus loin.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - L'ordonnance du 4 octobre 1945 sur la sécurité sociale repose sur un principe fondamental : chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Ce principe s'appliquait à tous les risques.

Il en allait ainsi de la branche famille et des allocations familiales versées pour compenser la perte de niveau de vie selon un mécanisme de solidarité horizontale.

Nous soutenons ce principe, sans considérer le lien avec la baisse de la natalité. Ici, corrélation ne veut pas dire causalité.

Pour autant, les 10 % des familles les plus riches profitent de 31 % des aides fiscales, tandis que 30 % des plus pauvres ne bénéficient que de 6,5 %. Les allocations familiales ne sont pas un outil de redistribution verticale. Mieux vaudrait utiliser l'impôt sur le revenu, fait pour cela. Il aurait ainsi été préférable de supprimer le quotient familial, fortement anti redistributif.

L'équilibre de la branche a primé sur le principe fondateur des allocations familiales que nous défendons. Nous restons attachés au principe de redistribution horizontale entre ménages selon leur composition.

Le budget moyen d'un enfant jusqu'à 3 ans s'élève à 490 euros par mois. Les allocations familiales devraient donc être versées dès le premier enfant - ce que 70 % des Français souhaitent.

La réforme de 2015 n'a pas été accompagnée d'aide supplémentaire pour les ménages modestes : c'était une pure mesure d'économie.

Nous préconisons des allocations forfaitaires pour tous dès le premier enfant.

Nous nous abstiendrons sur ce texte.

Mme Laurence Cohen .  - La proposition de loi du groupe UC vise le rétablissement de l'universalité des allocations familiales supprimée par François Hollande au nom de l'équilibre des comptes sociaux. L'élection de ce dernier était porteuse d'espoir et de progrès sociaux, mais cette réforme a marqué le refus de rupture avec la gestion financière des aides sociales.

Comme nous l'avions dit en 2014, la modulation remet en cause l'universalité de la protection sociale héritée du Conseil national de la résistance.

Les prestations familiales jouent un rôle de redistribution horizontale, sans condition de ressources. En les modulant, on prend le risque que les plus aisés se tournent vers un système assurantiel.

Il existe en outre un lien entre la baisse de la natalité et la politique familiale. Le rapport du Haut-Commissariat au Plan de mai 2021 rappelle que la population française augmente moins rapidement qu'auparavant, ce qui démontre la difficile conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

La politique familiale ne se résume pas aux allocations familiales. Nous défendons un service public de la petite enfance pour améliorer l'accueil.

Je regrette aussi que ce texte ne rétablisse pas les cotisations employeurs à la branche famille, supprimées par l'instauration du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et remplacées par une part de TVA - mesure profondément injuste.

Je sais l'opportunité politique de cette proposition de loi, mais nous la voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Annick Jacquemet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi apporte une première réponse à la baisse de la natalité en revenant sur la modulation des allocations familiales.

La France a mis en place dès les années 1930 une politique volontariste pour les familles, renforcée en 1945 avec succès puisque notre pays a eu un des taux de fécondité les plus élevés du continent. Sa pierre angulaire - les allocations familiales - tient à son universalité. Elles permettent de faire partiellement face au coût des enfants. La modulation selon les revenus remet en cause le principe égalitaire qui les régissait et qui portait une charge symbolique importante.

Désormais, il existe un risque de délitement de la solidarité nationale. La famille centriste a toujours été très attachée à l'universalité des allocations familiales.

Pour réduire les inégalités de revenus entre familles, il existe d'autres outils de compensation verticale.

La modulation des allocations familiales s'est appliquée dès le 1er juillet 2015. Elle a conduit à diviser leur montant par deux au-delà de 6 000 euros de revenus par foyer, par quatre au-delà de 8 000 euros. Les débats furent vifs et le Sénat s'y opposa, en vain.

En cette période de baisse de la natalité, je remercie notre collègue Henno d'avoir porté ce sujet à l'ordre du jour et salue son travail. La branche famille est en mesure de soutenir un retour à l'universalité.

En revanche, je suis moins convaincue par l'argument relatif à la natalité. La volonté d'avoir un premier enfant, puis d'autres, dépend de nombreux facteurs. Entre les attentats et la crise sanitaire, le contexte ne porte pas à fonder une famille. La crainte du réchauffement climatique joue également, comme le montre une étude de The Lancet sur dix mille jeunes. Depuis 2015, nous constatons une chute de la natalité. Il y a matière à s'intéresser au sujet...

M. le président.  - Veuillez conclure. Il faut calibrer vos interventions.

Mme Annick Jacquemet.  - Le retour à l'universalité permettra de renforcer la politique familiale. La majorité de notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme Nathalie Delattre .  - Pourquoi soutenons-nous la natalité ? Pourquoi la famille a-t-elle toujours été au coeur de l'action publique ? Parce notre politique familiale vise à assurer le renouvellement des générations et entend soutenir le niveau de vie des familles malgré le coût des enfants.

Notre modèle favorise la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, ce qui garantit l'égalité entre les femmes et les hommes.

Depuis 1945, de nombreuses aides ont été mises en place, réformées récemment sans réelle cohérence.

La modulation des allocations familiales a été adoptée par amendement au PLFSS, sans étude d'impact ni concertation avec les acteurs concernés. Une double peine pour nos classes moyennes, qui avaient déjà subi l'abaissement du plafond du quotient familial en 2013 et en 2014.

Face aux pays anglo-saxons, nous étions fiers de notre solidarité horizontale. Nous restons certes le pays le plus fécond d'Europe, mais notre taux de natalité diminue, et nous sommes passés en dessous du seuil du renouvellement des générations en 2018.

Logiquement, les familles avec enfants ont un niveau de vie inférieur aux autres à revenu identique. D'après une étude de la direction générale du Trésor, l'écart est de 26 % entre une famille sans enfant et une famille avec trois enfants et plus.

Certaines aides permettent de soutenir les ménages les plus fragiles : allocations de rentrée scolaire, primes de naissance ou d'adoption, complément familial, revalorisation des minima sociaux. Au reste, la réforme de 2015 ne leur a pas bénéficié : il s'agissait uniquement de réduire le déficit de la branche famille. Or, les allocations familiales ne doivent pas être une variable d'ajustement budgétaire.

Notre groupe votera ce texte si l'amendement de Colette Mélot est adopté, qui soumet les allocations familiales à l'impôt sur le revenu. Pour ma part, je le voterai : il est temps de lancer un Family Act à la française ! (M. Olivier Henno applaudit.)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte remet en cause un principe cher au groupe SER : la justice sociale. La modulation a été instituée pendant le quinquennat de François Hollande. À un moment où la branche famille était déficitaire, elle a rétabli l'équilibre et permis de revaloriser l'allocation de rentrée scolaire ou le complément familial, afin d'éviter la reproduction de la pauvreté d'une génération à l'autre.

La politique familiale ne peut avoir pour seul but d'améliorer le taux de fécondité ; elle doit aider les familles à élever les enfants, dans une politique globale qui soutient tant les familles que les structures de garde. Nous plaidons pour un véritable service public de la petite enfance.

Il est excessif d'affirmer que la modulation remet en cause la solidarité ou qu'elle aurait fait baisser la fécondité. Je crois plus à l'allongement de la durée des études. La France, en outre, reste en tête des pays européens pour ce qui est de la natalité.

Il est de bon ton, ces derniers temps, de proposer des mesures démagogiques ou populistes, comme le versement de 10 000 euros à chaque naissance dans la France rurale. Une politique volontariste du logement, un soutien au travail des femmes, voilà ce qui devrait plutôt occuper les candidats !

Je regrette l'absence d'étude d'impact de cette proposition de loi. Je ne comprends pas en quoi la modulation des allocations familiales entraînerait celle d'autres aides. Cela n'a jamais été à l'ordre du jour.

Le groupe SER votera contre ce texte, d'autant que la France vit une période difficile qui fragilise les plus vulnérables, notamment les enfants des familles monoparentales, dont 40 % vivent au-dessous du seuil de pauvreté. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Dominique Théophile .  - Cette proposition de loi postule que la modulation des allocations familiales en 2015 aurait précipité la baisse de la natalité. Cette réforme souhaitée par le gouvernement d'Alain Juppé, puis celui de Lionel Jospin et mise en oeuvre par celui de Manuel Valls, a réduit la dépense publique.

Elle fait porter l'effort sur les familles les plus aisées, qui touchent plus de 6 000 euros par mois, et dont les allocations ont été divisées par deux ou quatre. En 2016, cela concernait 450 000 familles, soit moins de 10 % des allocataires.

Le rapporteur confond causalité et corrélation. Certes, la France enregistre une baisse de natalité : 818 000 naissances en 2014, 753 000 en 2019. Mais cette baisse frappe tous les pays de l'OCDE. Avec 1,8 enfant par femme, la France reste malgré tout dans les premiers pays européens, où la moyenne est de 1,56 enfant par femme.

La modulation ne remet pas en cause le caractère universel des allocations mais joue sur la répartition. Les familles monoparentales doivent être soutenues : elles représentent 25 % des bénéficiaires. Il s'agit essentiellement de femmes ; 40 % des mineurs concernés vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Comment expliquer qu'une famille au SMIC touche la même chose que des cadres ?

Beaucoup pourrait être fait pour rendre les allocations familiales plus justes. Cela fera peut-être l'objet d'un prochain débat. Notre groupe votera résolument contre cette proposition de loi.

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Nadia Sollogoub et M. Bruno Belin applaudissent également.) Voilà deux siècles, Malthus appelait à restreindre la croissance démographique d'une nation pour ne pas mettre en péril son avenir. Nous savons que le nombre fait bien souvent la force : la période révolutionnaire et l'Empire nous l'ont démontré.

C'est le gouvernement Tardieu qui, par la loi du 11 mars 1932, a établi une politique familiale. Les allocations ont longtemps été décorrélées des revenus. M. Valls a réussi là ou M. Juppé avait échoué.

Olivier Henno nous invite à revenir sur cette modulation.

Nombreuses, monoparentales ou recomposées, les familles ont beaucoup évolué depuis 70 ans. L'augmentation des séparations, la monoparentalité, la baisse du nombre d'enfants par famille ont joué - les familles se sont réduites d'un membre sur cette période.

Pour ou contre, les deux positions se justifient. D'un côté, la politique familiale, qui encourage la natalité, ne vise pas a priori à compenser une différence de revenus. Mais de l'autre, on peut considérer que la modulation se justifie lorsque les parents ont des revenus élevés. La valeur incitative des allocations familiales est alors difficilement justifiable.

J'ai déposé deux amendements. Le premier assujettit les allocations familiales à l'impôt sur le revenu. Le second, jugé irrecevable au titre de l'article 40, prévoyait des allocations familiales dès le premier enfant, comme c'est le cas dans l'intégralité des États membres de l'Union et au Royaume-Uni.

Nous devons donner aux Français des raisons de croire que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. Les membres du groupe INDEP voteront selon leurs convictions. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous partageons votre constat, monsieur le rapporteur : celui d'une chute de la natalité. Pourtant, le désir d'enfant est bien là, avec une aspiration à 2,39 enfants par famille.

L'orientation générale prise en politique familiale n'a pas été de soutenir la natalité. Selon une étude de l'Institut national d'études démographiques (INED) de 2021, les politiques familiales et les conditions économiques conjoncturelles jouent un rôle majeur sur les niveaux de fécondité. Depuis 2013, la politique familiale a été détricotée et il n'y a pas eu de changement à partir de 2017. De prestations universelles, on est passé à des prestations ciblées. En 2013 puis en 2014, le quotient familial a été abaissé. Les allocations familiales ont été modulées et la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) a été plafonnée. Il n'y a pas eu plus d'argent pour les plus pauvres, mais moins pour les familles modestes et aisées.

Pour les familles de trois enfants, la modulation a fait perdre 34 000 euros pour le premier plafond et 51 000 euros pour le deuxième.

Un effort a été demandé aux familles aisées avec enfant, non à ceux qui n'ont pas ou plus d'enfant à charge.

La branche famille, excédentaire, finance les déficits créés ailleurs. Aussi, en novembre dernier, le Sénat a supprimé le transfert d'un milliard d'euros de la branche famille vers la branche maladie. (Mme Valérie Boyer applaudit.) Une vraie politique familiale consisterait à rétablir les prestations à leur niveau. Les mesures prises relèvent de la politique sociale, qu'il s'agisse de la création de places en crèche dans les quartiers défavorisés ou du repas à un euro à la cantine : cela ressortait de votre discours, monsieur le ministre, à la Conférence nationale de la famille.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Des familles !

Mme Christine Lavarde.  - C'était la première depuis dix ans, je vous l'accorde.

Il faut être capable d'analyser l'ensemble. Rien n'a été fait pour simplifier la vingtaine de prestations familiales. Il faut des outils adaptés à chaque famille. La joie, mais aussi les contraintes ne dépendent pas des revenus et ne s'arrêtent pas aux vingt ans de l'enfant : petits enfants, petits soucis, grands enfants, grands soucis.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je confirme !

Mme Christine Lavarde.  - De nombreuses questions se posent. Comment supprimer les effets de seuil injustes, pénalisants pour le travail des femmes ? Comment favoriser les solidarités familiales ? Quelle forme doit prendre le futur service public de la petite enfance ?

Le déclin démographique obère l'avenir de la France. L'équilibre des retraites dépend aussi du nombre de cotisants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Dominique de Legge .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Merci à Olivier Henno pour cette proposition de loi. L'abandon progressif de l'universalité des allocations familiales, érigé en principe par François Hollande en 2015 et continué sous ce quinquennat, est une lourde erreur.

D'abord, c'est un détournement du principe fondateur de la sécurité sociale selon lequel les familles avec enfants sont soutenues. Avant-guerre, certains patrons avaient mis en place un sursalaire exclusivement fondé sur la présence d'enfants et décorrélé du salaire de base.

Il est erroné de faire de la politique familiale une politique sociale, transformant les familles en cas sociaux. La politique familiale ne relève pas d'une logique assurancielle, car les enfants ne sont pas un risque à couvrir mais un investissement qui participe à notre vitalité démographique et économique. C'est cette vitalité qui conditionne la solidarité entre les générations. Je ne puis que déplorer que les excédents de la branche famille soient systématiquement détournés.

La modulation de 2015 a été très peu lissée : un faible supplément de revenu engendre, pour les familles plus nombreuses, une perte importante. Les effets de seuils dissuadent de reprendre une activité.

Je ne vois pas pourquoi nous devrions servir des allocations à des familles qui n'assument pas leurs responsabilités éducatives. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) À la solidarité nationale doit répondre la responsabilité des familles.

Les excédents de la branche famille ont été détournés de leur vocation première, monsieur le ministre, alors qu'ils auraient pu servir à revaloriser les prestations.

Je voterai sans réserve ce texte qui replace les allocations familiales dans leur rôle de soutien des familles qui ont fait le choix d'avoir des enfants, sans lesquelles aucun pays n'a d'avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme Valérie Boyer.  - Bravo !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Stéphane Demilly .  - Le montant des allocations influence-t-il la natalité ? Faut-il une politique égalitaire ? Le système peut-il assumer une dépense supplémentaire ? Le taux de fécondité de la France, de 1,87, est le meilleur d'Europe : notre pays a intégré le fait familial à la vie quotidienne. Je pense au temps partiel ou aux cantines. Si le gouvernement allemand s'est inspiré avec succès de notre modèle, ce n'est pas un hasard.

Faire un lien entre allocations familiales et fécondité est trop rapide.

La première égalité, c'est l'équité, comme le rappelle Victor Hugo dans Les Misérables. Un retour à l'universalité des allocations familiales serait un changement de cap, à contre-courant. Notre système est déjà déficitaire de 38 milliards d'euros dont 2 pour la CNAF, qui n'est pas capable de supporter une hausse de charges. Je m'abstiendrai.

M. Olivier Paccaud .  - Une réforme de justice et de responsabilité : voilà ce que disait le gouvernement socialiste en 2014. Juste et responsable, la fin de la reconnaissance universelle de l'État envers les Français qui font le choix de fonder une famille ? Non, il n'était ni juste, ni responsable, ni équitable de discriminer les enfants selon le seul fait de leurs origines sociales et de faire du foyer une variable budgétaire, en le sacrifiant aux logiques de réduction du déficit. Ce dispositif, vieux de 77 ans, a entraîné une démographie puissante.

On a sacrifié la solidarité. En aucun cas les allocations familiales ne sauraient être modulées. Renoncer à l'universalité, c'était ouvrir une brèche. Pourquoi dès lors ne pas moduler l'accès aux soins, à l'éducation ? Si notre modèle social nous honore, c'est qu'il est universel. Ne l'ébranlons pas et votons cette excellente proposition de loi.

Mme Martine Filleul .  - La Cour des comptes révèle dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale que la prévalence de la pauvreté est plus forte pour les familles avec un enfant que pour les autres. Un tiers des familles monoparentales - à 85 % assumées par des femmes, - sont sous le seuil de pauvreté, soit trois millions d'enfants.

Une réforme juste consisterait non pas à soutenir toutes les familles, y compris les aisées, mais à ouvrir cette aide dès le premier enfant, comme outre-mer, mais aussi en Belgique, en Suède, au Danemark ou en Italie depuis peu.

C'était une demande issue du grand débat national de 2019, figurant dans ma proposition de loi. Soutenons les familles monoparentales et les femmes, qui méritent toute notre solidarité en cette période de crise. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Valérie Boyer .  - La France est un des pays où le taux d'activité des femmes est le plus élevé. Mais le taux de natalité s'est effondré, de 818 000 naissances en 2014 à 740 000 en 2020.

Le Haut-Commissariat au Plan soutient la natalité, ne le nions pas, mais la politique familiale ne peut être la variable d'ajustement. Emmanuel Macron est bien le fils spirituel de François Hollande en la matière, alors que le taux de natalité baisse. Désindexation, baisse des prestations, refus de rétablir l'universalité des allocations familiales, logique comptable pour la branche famille... Le pacte social est brisé. C'est une violence faite aux femmes d'aujourd'hui. Être dans une société qui n'accueille pas bien ses enfants, voilà ce qu'elles vivent.

Chaque enfant est une richesse. C'est l'avenir de notre pays.

Nous devons augmenter le quotient familial de façon significative. Améliorons le salaire des femmes qui travaillent à temps partiel pour élever les enfants, par exemple en exonérant les cotisations patronales. (La voix de la sénatrice est couverte par les protestations contre le dépassement de son temps de parole.)

M. Franck Menonville .  - Je me réjouis que notre assemblée se saisisse d'un sujet aussi important. Ce texte dénonce une rupture progressive avec la philosophie qui a prévalu à la création de la sécurité sociale, assurant des allocations familiales sans condition depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale. En 2015, l'universalité des allocations familiales a été détricotée, par un amendement au PLFSS, divisant par deux ou quatre les montants touchés au-delà de certains seuils. Il est opportun de revenir à cette universalité. (M. Pierre Louault applaudit.)

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Mélot, MM. Chasseing, Decool, Lagourgue, Capus, Médevielle, Wattebled, Guerriau et Fialaire, Mme Duranton et M. Gold.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Au 2° de l'article 81 du code général des impôts, après les mots : « code de la sécurité sociale », sont insérés les mots : « à l'exception des allocations familiales ».

Mme Colette Mélot.  - Cet amendement supprime l'exonération d'impôt sur le revenu dont bénéficient jusqu'à présent les allocations familiales. Il est nécessaire que ces allocations soient traitées comme des revenus et imposées en tant que tels.

L'universalité reste préservée, mais la justice sociale est rétablie.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Cet amendement conduirait à imposer le montant des allocations selon le taux marginal d'imposition des ménages, donc selon le revenu, ce qui va à l'encontre de l'objet de la proposition de loi.

Le revenu des familles modestes, actuellement non soumises à la modulation, serait aussi réduit, ce qui serait tout à fait paradoxal.

N'envoyons pas de message contradictoire. Avis défavorable.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Daniel Chasseing.  - Le Gouvernement de De Gaulle a instauré le découplage entre niveau de revenus et montant des allocations. Quelque 73 % des familles de plus de deux enfants bénéficiaient de cette prestation jusqu'en 2014. C'est en 2015 que la modulation, proposée par Lionel Jospin en 1997, a été adoptée. Je suis favorable au retour à l'universalité, sous condition d'imposition. Cette mesure avait déjà été défendue par Raymond Barre en 1987 et Alain Juppé en 1995. Ainsi, nous pourrons soutenir la natalité et compenser les coûts de l'éducation des enfants. Il faut aussi instaurer les allocations familiales dès le premier enfant, comme en outre-mer. Si l'amendement n'était pas accepté, je m'abstiendrais sur le texte. (Mme Colette Mélot applaudit.)

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier est adopté, ainsi que l'article 2.

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)

« L'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l'attention »

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « L'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l'attention ».

Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe UC .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) L'amélioration de la prise en charge du trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est essentielle. Les symptômes provoquent des troubles durables et constituent un vrai handicap invisible pour 5 % des enfants et 2,5 % des adultes. Mais ce trouble est sous-diagnostiqué et mal connu. Le retard d'accompagnement est patent.

Le diagnostic, complexe, crée une errance médicale. D'où la proposition de loi que j'avais initialement déposée, pour une meilleure formation des professionnels et un meilleur accompagnement. Un proverbe chinois dit qu'il vaut mieux allumer une bougie que maudire l'obscurité. Je remercie Annick Jacquemet d'avoir mené des auditions sérieuses sur ce sujet. Pour certaines associations, les concertations n'ont pas été assez précoces et j'ai été surprise par une certaine concurrence. Simone Veil nous rappelait qu'aussi longtemps qu'on s'entend, qu'on partage, on vit ensemble, et surtout, on avance ensemble.

Les répercussions de ce trouble dans les sphères familiale et scolaire sont importantes. Les parents sont douloureusement frappés par le comportement de leur enfant et le regard des autres sur ce qu'ils perçoivent comme un mal élevé. Une fois le diagnostic posé, le soulagement laisse place à un parcours du combattant. Accompagner demande du temps et accentue les inégalités. Certains parents doivent renoncer à leur vie professionnelle.

Les enfants peuvent souffrir de dépression, de harcèlement, d'angoisses, de décrochage scolaire. Malgré les efforts des parents et des enseignants, les demandes d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) ne sont pas souvent acceptées. Tous les parents ne peuvent scolariser leur enfant dans des structures spécialisées.

Suicide, délinquance, addictions, les risques sont très importants. Dans la population carcérale, la prévalence est de 26 % !

Malheureusement, dans la majorité des cas, le diagnostic n'est pas établi dans l'enfance ni l'adolescence, alors qu'il existe des mesures psychologiques, éducatives et sociales. En matière de soins, je m'inscris contre la mouvance américaine d'un recours excessif aux médicaments.

Les plateformes de coordination et d'orientation pour les 7-12 ans prévues par le Gouvernement ne sont pas encore opérationnelles. Je regrette tant d'années perdues pour les familles. Les délais d'admission dans les établissements médico-sociaux peuvent dépasser une année. L'accompagnement immédiat n'est pas possible, les soins sont alors réduits.

Les retards à la prise en charge conduisent à de nombreux troubles et les inégalités territoriales sont importantes. Il faut améliorer l'accès au soin et le diagnostic du TDAH.

Nous devons intervenir précocement, en favorisant l'inclusion scolaire, en améliorant la formation des professionnels et des professeurs.

L'accès aux équipes pluridisciplinaires, une fois le diagnostic posé, est crucial. Des enfants mieux traités sont des adultes épanouis et moins dépendants de l'aide publique.

Il est anormal que ces enfants soient mis de côté en France. J'espère que ce débat favorisera leur meilleure reconnaissance et prise en charge. Allons vers la société inclusive, sans privilège, ni exclusivité, ni exclusion, appelée de ses voeux par Charles Gardou.

Mme Laurence Cohen .  - Je salue le travail de nos deux collègues du groupe UC sur la proposition de loi relative à la prise en charge du TDAH. La proposition de loi n'étant pas encore mûre, elle a été remplacée par ce débat. Je souhaite qu'il soit le début d'un travail législatif fructueux.

Le TDAH concernerait entre 3 et 5 % des enfants de 6 à 14 ans. Quelque 2 millions de Français dont 800 000 enfants seraient touchés, et rarement diagnostiqués. Un tiers de ces enfants ont des difficultés d'apprentissage et de langage et 25 % souffrent de dyslexie contre 6 % en moyenne. La mémoire leur fait défaut, prendre des notes est difficile, toute planification pose problème. Ils traitent les informations avec lenteur.

Ces enfants pâtissent d'un déficit de prise en charge par des équipes pluridisciplinaires. La pénurie d'orthophonistes, par exemple, retarde le diagnostic. Levez le numerus clausus, pudiquement appelé « quota ».

La pédopsychiatrie est sinistrée et manque de moyens, mais rien ne se passe. Les établissements connaissent des fusions, ce qui éloigne encore plus les soins.

Nous devons renforcer la formation des enseignants et des AESH au TDAH. Les AESH connaissent un grand malaise : ce sont des femmes en grande précarité, avec des salaires de misère à 800 euros ! Depuis l'instauration des pôles inclusifs localisés, les AESH doivent accompagner de plus en plus d'élèves. Il leur faudrait un vrai statut de fonctionnaires. Madame la ministre, comptez-vous le leur accorder ?

Le 21 mai dernier, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a plaidé pour une meilleure prise en compte du reste à charge. De nombreux frais s'imposent aux familles ayant un enfant TDAH. Ils devraient être pris en charge par l'assurance maladie.

Je souhaite vous faire part de deux revendications de la Coordination nationale TDAH Adultes : reconnaître ce trouble en affection longue durée (ALD) et former les professionnels de santé au diagnostic et au traitement.

Enfin, il faut financer la recherche sur les effets à long terme de la Ritaline. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

Mme Annick Jacquemet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je devais initialement être rapporteure de la proposition de loi. À ce titre, j'ai reçu des messages de parents racontant leur détresse et j'ai été très touchée par ces fragments de vie, appels au secours et témoignages de fierté.

Bien loin de se réduire à une simple hyperactivité, le TDAH est une importante source de mal-être quotidien, qui touche plus de 2 millions de personnes. La souffrance est difficile à qualifier. Ce n'est pas vraiment une maladie, le trouble est compliqué à évaluer et les symptômes sont proches de ceux d'autres affections telles que la précocité intellectuelle. Il s'agit d'une association de symptômes, qui est qualifiée de TDAH quand ils s'accumulent.

Ce trouble est mal reconnu et nos mécanismes de protection sociale le laissent dans un angle mort. Certes, le TDAH se traite et l'on peut vivre avec, mais c'est un enjeu de santé publique.

Chez les adultes TDAH, le risque d'addiction est deux à trois fois plus important que chez les autres. La prévalence du TDAH dans la popularisation carcérale serait de 26 %. Très souvent, le diagnostic n'est pas établi. C'est pourtant un impératif.

Nicolas Sarkozy avait envisagé un dépistage massif chez les enfants ; il s'était heurté à des réticences contre ce qui était perçu comme un outil de lutte contre la délinquance. Mais ce pourrait être une mesure sanitaire excellente.

Des marges de progression demeurent en termes de repérage et de prise en charge. Le retard de la recherche française est important. Le Gouvernement avait envisagé des mesures dans le cadre de la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neurodéveloppement. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous nous les détaillerez.

Il faudrait créer un forfait d'intervention précoce et inclure ce trouble dans une stratégie globale. La plateforme 7-12 ans n'est pas encore opérationnelle, non plus que le plan handicap de façon générale, dont les textes d'application n'ont été pris qu'en septembre dernier.

En outre, le plan, doté de 350 millions d'euros depuis 2018, a ses limites. Il appuie ses efforts de coordination sur les ressources existantes tels que les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) et les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP). Or, selon un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2018, les délais d'admission peuvent parfois dépasser un an. Les parents sont impuissants face à l'errance médicale entre écoles inadaptées et médecins ne voyant que des enfants mal élevés, et face aux coûts des soins chez de rares spécialistes.

Allons plus loin. La stratégie nationale améliore la formation des professionnels, qu'il faut poursuivre. Sur le plan des connaissances, la difficulté du savoir pratique sur les troubles du neurodéveloppement devra s'homogénéiser. Cinq centres d'excellence sont prévus, ainsi que des collaborations internationales. Le TDAH devra être bien pris en compte. L'expérimentation de l'autorégulation du TDAH menée dans une trentaine d'écoles est prometteuse. Le chantier de l'adaptation du travail en classe reste largement ouvert.

En conclusion, nous restons mobilisés auprès des associations, y compris celles que nous n'avons pu auditionner.

Madame la ministre, comment adapter notre protection sociale ? Il ne faut plus laisser personne dans l'errance. Comment rendre plus attractifs les métiers autour des TDAH ? Comment assurer un principe d'égalité et prendre en charge les frais des familles ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Véronique Guillotin .  - (Mme Jocelyne Guidez applaudit.) C'est avec une pointe de regret que le RDSE a appris la transformation de la proposition de loi en débat car cela aurait été l'occasion de faire bouger les lignes. Le nombre de sollicitations qui nous parviennent des associations illustre en tout cas l'intérêt du sujet.

Les troubles du neurodéveloppement se caractérisent par une grande variété de situations et de comportements. Mal connus, ils sont pourtant au deuxième rang des troubles de pédopsychiatrie : 5 % des enfants et 2,5 % de la population générale. Se posent également des questions de sécurité et de santé publique, en raison du risque accru d'accidents ou d'addictions.

Je partage le constat du retard français, comme sur l'autisme. La formation du personnel éducatif est insuffisante. L'école inclusive implique de mettre le paquet sur la connaissance de tous les handicaps.

En amont, un repérage précoce du TDAH est crucial pour empêcher des conséquences très dommageables sur la vie familiale, sociale, scolaire et professionnelle. Le diagnostic nécessite l'intervention de plusieurs professionnels de santé : le forfait intervention précoce diminue le reste à charge pour la consultation de psychologues, neuropsychologues ou psychomotriciens, mais il demeure insuffisant.

Obtenir un rendez-vous dans un centre médico-psycho-social (CMPP) est un parcours du combattant, parfois de plusieurs mois : certains se tournent alors vers des services non remboursés, d'où des inégalités sociales. Or, ce trouble répandu et mal connu exige une offre publique en quantité et qualité.

Pourtant, l'accompagnement des parents, leur sensibilisation, sont une partie de la solution. Ainsi, les écrans jouent un rôle dans les troubles du comportement ; un accompagnement éducatif permet d'éviter une prise en charge plus lourde ensuite. Il ne faut pas coller d'étiquette sur le front de très jeunes enfants si de simples mesures éducatives suffisent à corriger le trouble. L'État et les collectivités territoriales ont un rôle crucial à jouer auprès des familles.

Après le Covid, notre système de santé doit faire l'objet d'une réflexion de fond. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes INDEP et UC)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La prise en charge des millions de Français souffrant de TDAH est un sujet majeur et méconnu. Je suis triste ce soir. J'aurais souhaité que nous légiférions pour ces familles, minées au quotidien, qui sont en attente.

La proposition de loi de Jocelyne Guidez était certes imparfaite mais nous aurions pu l'amender pour aider les familles, du Calvados et d'ailleurs. L'école gagnerait à être plus douce envers ces enfants trop souvent considérés comme perturbateurs. Oui, c'est triste : tous les jours, des parents amènent leur enfant à l'école la boule au ventre, espérant qu'il ne reviendra pas avec une énième punition, qu'il ne sera pas isolé voire harcelé.

Nous avons tous, comme parlementaires, reçu des témoignages de familles attendant une telle proposition de loi. C'est un rendez-vous manqué.

Certes, la loi pour l'égalité des chances des personnes handicapées a permis de reconnaître ce trouble, mais beaucoup reste à faire.

Je centrerai mes propos sur la situation des plus jeunes. Tout d'abord, on ne connaît pas leur nombre ni leur parcours scolaire : beaucoup agissent de sorte que leurs troubles apparaissent plus légers qu'ils ne le sont. Mais cette compensation ne dure qu'un temps et ils finissent par décrocher, parfois tombent dans la dépression à l'adolescence.

Pour connaître ces troubles, il faut recueillir la parole de ceux qui en sont victimes et comprendre leurs difficultés au quotidien. Les familles sont trop souvent pointées du doigt, culpabilisées. Surtout, il faut lutter contre les amalgames : les enfants TDAH ne sont pas autistes, et ce n'est pas un effet de mode d'être diagnostiqué TDAH. De même, je regrette une stratégie nationale englobant autisme et troubles du neurodéveloppement, c'est une source de confusion.

Ensuite, le diagnostic. Beaucoup de familles ne comprennent pas que leur enfant n'est pas forcément indiscipliné mais qu'il souffre simplement de TDAH. Illettrisme, conduites à risque, accès difficile au marché du travail : il faut réfléchir à ce qui permettra d'éviter des années d'errance, des années perdues. Je comprends la défiance des familles envers les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), souvent d'obédience psychanalytique et dont le personnel est insuffisamment formé à ce type de situations.

Le bilan de diagnostic, pluridisciplinaire, a souvent un coût trop élevé. Les plateformes d'orientation sont peu connues. Surtout, on manque de professionnels spécialisés, dont les psychomotriciens, les orthophonistes, les ergothérapeutes... Certaines MDPH refusent en outre de reconnaître le TDAH. Cette disparité entre départements est un problème.

Enfin, je veux évoquer l'école, où l'enfant passe huit heures par jour. Il faut une vraie montée en compétence des enseignants, pas une simple sensibilisation. Il en va de même pour les AESH. L'enseignant a un rôle majeur à jouer dans la détection -  non le diagnostic ! Il devrait pouvoir repérer des signes et orienter la famille vers des spécialistes. Il reste trop de disparités entre écoles et classes, beaucoup repose encore sur la bonne volonté de l'enseignant.

Pour conclure, un avis favorable a été rendu par la commission de transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS), pour l'administration de Ritaline LP aux plus de 18 ans. Je termine sur cette note positive. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe UC)

M. Xavier Iacovelli .  - « Hyperactif » : ce terme réducteur est souvent employé pour des enfants turbulents ou distraits, alors que c'est une pathologie avec des implications pour la famille et l'enfant, bref une réalité complexe. Ce débat permettra d'envoyer un signal à ces personnes en mal de reconnaissance : « vous n'êtes pas seules », leur disons-nous.

Le TDAH est encore peu connu : la difficulté réside dans le diagnostic. On ne peut pas facilement dire qu'un enfant est atteint ou non ; le diagnostic ne repose pas sur une prise de sang. La Fédération TDAH rappelle qu'il se déduit de symptômes persistants, dans différents environnements. Selon la HAS, ce syndrome associe déficit d'attention, hyperactivité motrice et impulsivité.

Le TDAH toucherait 2 millions de personnes dont 800 000 enfants. Il est source de souffrances et de frustration. Repérage et prise en charge sont donc fondamentaux pour en atténuer les effets.

Un retard de diagnostic peut être dommageable sur le plan psychologique : l'enfant perd confiance en lui et se renferme ; il redouble une classe alors qu'un accompagnement permettrait peut-être une scolarité correcte ; sur le plan familial, les parents ne savent plus comment comprendre et appréhender leurs enfants ; sur le plan social enfin, les enfants TDAH ont plus de difficultés relationnelles que les autres. Leur vie entière peut en être affectée.

Une société inclusive est la priorité du Gouvernement, d'où la stratégie nationale autisme et troubles du neurodéveloppement dès 2018, avec des avancées sur le repérage et le parcours de bilan et d'intervention précoce.

Le diagnostic, avec de nombreux professionnels de santé, est fait avant 7 ans sans avance de frais par les familles. Vous avez entendu les élargir aux 7-12 ans, car l'école élémentaire rend les signes du TDAH plus visibles. Cela permettra, avec les 9 millions d'euros prévus à cet effet, d'améliorer le quotidien des enfants et des familles. Le livret pédagogique que vous venez de publier aidera aussi à mieux orienter les parents.

Telles sont les avancées concrètes récentes. Il faut poursuivre ces efforts. Je me réjouis de ce débat - j'aurais moi aussi préféré une proposition de loi - et je remercie le groupe UC, avec Mmes Guidez et Jacquemet, de mettre ce sujet en lumière.

Nous avons tous reçu des témoignages, nous avons tous, parmi nos enfants ou dans notre entourage, des personnes atteintes de TDAH. La formation du personnel éducatif et des professionnels de la petite enfance est un sujet majeur pour une prise en charge effective. J'espère que ce débat démontrera notre implication : la journée TDAH, qui a eu lieu pour la première fois le 12 janvier 2021, sera une occasion d'améliorer la situation.

Madame la ministre, quel est le bilan de ces trois ans de mise en oeuvre de la stratégie nationale ?

M. Daniel Chasseing .  - Je félicite Jacqueline Guidez et Annick Jacquemet pour avoir déposé et rapporté la proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des TDAH, ainsi que pour leur travail approfondi d'auditions.

Ce texte, auquel j'étais favorable, a été rejeté par la commission pour renforcer la concertation avec les associations.

Les troubles dont nous parlons ont des conséquences importantes sur la vie de l'enfant et de l'adulte, avec notamment le risque de décrochage scolaire et de désinsertion professionnelle.

Le délai moyen de diagnostic est de deux à trois ans avec beaucoup d'errances, alors que le diagnostic précoce est crucial : le manque de personnel médical et paramédical, orthophonistes, psychomotriciens, est patent.

Les CAMSP et les CMPP se trouvent souvent démunis.

Pour une école inclusive il faut renforcer la formation des auxiliaires de vie scolaire et leur présence toute la journée auprès de l'enfant. Les élèves concernés sont parfois exclus, laissant les parents en grande souffrance.

La stratégie nationale pour l'autisme et les troubles du neurodéveloppement de 2018 vise à améliorer l'information des professionnels, coordonner les soins et diminuer le reste à charge. Pour autant, il faut améliorer la prise en compte des TDAH.

L'article 3 de la proposition de loi prévoyait deux consultations de dépistage obligatoire, mais je rappelle qu'il existe, en plus du bilan de santé à 3 ans, un bilan de santé à 6 ans. Or selon la Cour des comptes, seulement 18 % des visites prévues ont eu lieu, faute de médecins scolaires. Avant d'ajouter des visites obligatoires, il faut remédier à cette pénurie...

J'ajoute un mot sur les élèves à haut potentiel, dit surdoués, dont certains présentent ce TADH. Certains pays combinent dépistage précoce et scolarité adaptée. La solution française, faire sauter des classes, n'est pas idéale. Mieux vaudrait adapter la scolarité sans brûler d'étape.

Pour conclure, je remercie le groupe UC de nous offrir cette occasion de débattre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Les écologistes se félicitent qu'un débat TADH remplace la proposition de loi qui en est à l'origine. Le sujet mérite notre intérêt au vu du désarroi des familles, mais le législateur ne doit pas devenir prescripteur normatif en partant d'approches théoriques et cliniques qui ne représentent pas toutes les pratiques de soin ou d'éducation.

Le dépistage précoce du TDAH inscrit sur le carnet de santé, la possibilité pour un généraliste de porter un diagnostic après seulement quelques heures de formation aboutissent à des préconisations qui escamotent les présupposés théoriques sur lesquels elles s'appuient.

D'après un neuropsychiatre, un quart des élèves d'une classe présenterait des troubles de l'attention. Faudrait-il les dépister comme on dépiste une déficience visuelle ? Les tenants d'une certaine vision portent l'idée d'un enfant-symptôme et évaluent les dysfonctionnements du cerveau sans jamais s'intéresser aux ressources mobilisables par l'enfant. Le diagnostic posé, on déploie des thérapies cognitivo-comportementales, venues des États-Unis et qui tendent à devenir hégémoniques. Mais les psychologues cliniciens défendent la pluralité des approches. Ce que certains spécialistes et éducateurs mettent en avant est l'approche polyfactorielle, avec des facteurs internes liés à l'enfant et externes liés à son environnement, y compris la surstimulation des écrans. Cela nous invite à une politique de prévention.

Les TDAH font l'objet de multiples approches : ce n'est pas aux pouvoirs publics de trancher. Les professionnels doivent débattre, sans s'accuser mutuellement de déni, déni de la prédisposition ou déni de la place de l'environnement. Un dépistage précoce n'est pas neutre alors que des travaux cliniques alertent contre le surdiagnostic et la surmédicalisation.

La France a prudemment limité la prescription de neurostimulants aux pédopsychiatres hospitaliers. L'ouvrir à la médecine de ville risque d'augmenter la médicalisation. Les CMPP ont par ailleurs vu leurs moyens péricliter... Et que dire des médecins scolaires et psychologues affectés sur plusieurs écoles ?

Il faut identifier les difficultés sans enfermer l'enfant ; et lui proposer des solutions adaptées.

Enfin, il faut mettre fin à la destruction de dispositifs pluridisciplinaires, essentiels pour que chaque enfant construise son chemin d'émancipation. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.  - Je souhaitais préciser certaines choses. C'est la première stratégie pour l'autisme et les troubles du neurodéveloppement qui prend en compte le TDAH.

L'engagement du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap a été élargi aux 7-12 ans, car c'est souvent à l'entrée en élémentaire que le TDAH se repère. Ce sont les associations qui nous ont alertés. Notre travail de co-construction a porté ses fruits.

Il est important de prendre en compte ce trouble : merci de porter ce débat. Il faut faire tomber le poids qui pèse sur les familles, qui doivent toujours expliquer les adaptations nécessaires. D'où l'intérêt d'une portabilité des adaptations, de l'enfance jusqu'à l'âge adulte.

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À quelques heures du comité interministériel du handicap, ce débat est l'occasion de réaffirmer notre soutien aux familles concernées.

Il fait suite à une proposition de loi de Jocelyne Guidez - que je remercie. Si la proposition de loi n'est pas examinée dans l'immédiat, elle nous permet d'aborder un sujet mal connu : le TDAH et plus largement les troubles du neurodéveloppement.

Le TDAH associe trois dimensions cliniques : l'inattention, l'impulsivité et l'hyperactivité. Selon la HAS, il concerne 5 % des enfants et adolescents et 2,5 % des adultes, soit 2 millions de personnes. Il a des répercussions sur l'apprentissage, sur la vie personnelle, professionnelle et sociale.

Je salue la rapporteure Annick Jacquemet, qui a découvert le sujet et a élargi sa réflexion aux troubles du neurodéveloppement. Car le TDAH fait partie des troubles du neurodéveloppement au même titre que les troubles du spectre de l'autisme, les troubles du développement intellectuel, les troubles dys. Les personnes qui en sont atteintes peuvent présenter d'autres troubles. Chaque trouble est spécifique. Je souhaite que le futur texte traite des troubles du neurodéveloppement dans leur ensemble, car les enjeux sont les mêmes en matière de diagnostic, de scolarité, d'insertion.

Au Gouvernement de se saisir du sujet. Des objectifs ont été définis en 2018 au sein de la stratégie nationale pour l'autisme, mais les résultats restent timides. Les familles ont un besoin urgent de réponse. Elles sont trop souvent démunies, faute de diagnostic précoce et de prise en charge. Les professionnels de l'enfance doivent être formés pour repérer des signaux propres aux troubles du neurodéveloppement, de même que les personnels de l'Éducation nationale, pour les aider dans leurs apprentissages.

Une meilleure prise en charge doit aussi être envisagée, car le reste à charge pour les familles est très élevé. La reconnaissance par les MDPH reste un sujet important, de même que la possibilité de bénéficier d'un accompagnement humain.

La future proposition de loi devra répondre à ces problématiques. Le groupe Les Républicains est prêt à y travailler. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le TDAH est une maladie neurologique complexe qui concerne principalement les enfants et les adolescents. Il toucherait entre 5 et 7 % d'entre eux, et persisterait dans 70 % des cas à l'âge adulte.

Son repérage est complexe, car il n'est associé à aucun signe neurologique ou physique et peut être associé à d'autres troubles du neurodéveloppement.

La construction du diagnostic est complexe ; les symptômes peuvent être aggravés par les écrans.

Ce trouble est à l'origine d'une altération des relations avec l'entourage et de l'apprentissage scolaire. Il nécessite une prise en charge médicale lorsque les symptômes deviennent source de souffrance. Une prise en charge de psychothérapie et de rééducation est prescrite en première intention. Parfois, le méthylphénidate peut être prescrit. Cette molécule est moins prescrite en France qu'aux États-Unis, car elle entraîne des effets secondaires importants. Toutefois, les prescriptions s'envolent, et le nombre de boîtes vendues est passé de 26 000 en 1998 à plus de 600 000 en 2014.

La prise en charge du TDAH doit être la plus précoce possible.

Nous pourrions y travailler en améliorant d'abord le repérage. Seuls 14 % des troubles du neurodéveloppement seraient repérés par les professionnels de santé de première ligne. Ceux-ci peuvent bénéficier d'une formation par internet. C'est un début, mais des plateformes ne sauraient compenser le manque chronique de pédiatres et de pédopsychiatres.

Dès le repérage, les patients devraient bénéficier d'une meilleure prise en charge. Or 15 à 17 % des adolescents atteints sont orientés vers des structures pour adultes, faute de structures spécialisées.

Le TDAH ne disparaît pas subitement à 18 ans. Quid des adultes, chez qui le trouble est sous-diagnostiqué ? Là encore, les délais de consultation sont très longs et l'accès aux soins inégal.

Les conséquences du TDAH durent tout au long de la vie : instabilité professionnelle, accidents, addictions, qui peuvent conduire au suicide. Les psychiatres et pédopsychiatres ne sont pas assez nombreux pour prendre en charge ces patients et les outils actuels sont insuffisants.

La pratique sportive dès le plus jeune âge n'est pas la solution miracle, mais elle peut aider et a le mérite d'être facile à mettre en oeuvre.

Je remercie Jocelyne Guidez et Annick Jacquemet pour leur travail, en attendant une traduction législative et réglementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le TDAH est encore méconnu et douloureux pour les familles. C'est un enjeu de santé publique, car il concerne 5 % des enfants et 2,5 % des adultes. Ce trouble neurobiologique ne disparaît pas avec l'âge. Les adultes atteints sont davantage l'objet de suspensions de permis de conduire, d'accidents et d'arrestations que le reste de la population ; ils présentent un risque accru d'addiction, de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires.

Des dispositifs existent. L'assurance maladie peut prendre en charge un parcours de bilan et d'intervention précoce. Les plateformes d'orientation et de coordination doivent être étendues aux enfants jusqu'à 12 ans. Les professionnels de santé de premier recours peuvent repérer les symptômes, orienter les familles et participer au suivi.

Malgré des progrès indéniables, les familles vivent parfois une errance, faute de diagnostic. Les délais d'attente pour un rendez-vous atteignent dix-huit mois ! Or un diagnostic précoce limite les conséquences sur la vie d'adulte, car l'enfant peut apprendre à vivre avec son trouble, voire éviter le développement de comorbidités psychiatriques.

Seule une petite partie des 5 % d'enfants concernés bénéficiera d'un diagnostic précoce, d'un suivi optimal et donc et d'une vie d'adulte normale. Les autres seront traités sans succès pour trouble bipolaire, dépression ou addiction ; certains se retrouveront en prison du fait de leur impulsivité.

La proposition de loi proposait deux consultations obligatoires de dépistage des troubles du neurodéveloppement, remboursées, à l'instar des examens bucco-dentaires de prévention. On ne peut qu'y souscrire.

Madame la ministre, qu'envisage le Gouvernement pour améliorer le diagnostic précoce du TDAH et ainsi offrir une trajectoire de vie normale aux personnes atteintes de ce trouble ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État, chargée des personnes handicapées .  - J'ai plaisir à débattre ce soir avec vous d'un sujet prioritaire pour le Gouvernement. Je remercie le groupe UC d'avoir demandé ce débat. Je connais l'engagement de Jocelyne Guidez sur ce sujet. Sa proposition de loi reposait sur trois piliers : l'amélioration de la formation des acteurs au contact des enfants et des adultes atteints de TDAH, l'établissement d'un diagnostic précoce et différents dispositifs de repérage et de prise en charge.

Vous proposez la prise en compte du TDAH dans la formation des professionnels et l'accès au repérage, au diagnostic et au remboursement des soins. Néanmoins, le TDAH ne donne pas forcément lieu à une reconnaissance au titre du handicap.

Depuis 2017, des stratégies nationales sont déployées. Nous avons veillé à ce que les besoins du TDAH soient traités dans la stratégie nationale autisme et troubles du neurodéveloppement 2018-2022. Celle-ci vise tout d'abord à structurer une recherche d'excellence, et les TDAH seront bien pris en compte dans le groupement d'intérêt scientifique.

Le diagnostic a été amélioré avec la création des plateformes d'orientation et de coordination, accompagnée d'un forfait précoce pour la prise en charge des interventions de psychomotriciens, ergothérapeutes ou psychologues non conventionnés, sans reste à charge pour les familles : 12 000 enfants en ont profité.

Nous avons créé un guide de repérage des signaux d'alerte pour orienter les familles vers les plateformes.

Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, nous avons consacré 9 millions d'euros supplémentaires au déploiement des plateformes pour les 7-12 ans. Plus de 20 000 enfants avec un trouble du neurodéveloppement ont été repérés par 76 plateformes. Un guide de repérage pour cette tranche d'âge sera testé. Il sera renseigné par les enseignants et les médecins.

Une consultation dédiée aux troubles de l'enfant a été créée, avec une rémunération jusqu'à 70 euros pour le médecin traitant.

Des actions spécifiques sont menées avec l'Éducation nationale, comme le livret de parcours inclusif pour la portabilité des adaptations.

J'entends vos préoccupations concernant les familles. La stratégie nationale pour les aidants déploie par exemple des dispositifs de répit pour les parents d'enfants atteints de TDAH. Une enquête Ipsos sera menée pour évaluer le dispositif et le reste à faire.

Nous continuons de travailler avec les associations à une déclinaison sur le terrain, dans chacun des territoires, au plus près des personnes.

Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe UC .  - Merci pour ce débat constructif et enrichissant. Je remarque un accord général sur son bien-fondé. Je remercie Mme Cluzel pour son engagement.

La prévention a un coût, mais ne pas faire de la prévention a aussi un coût, humain et social. Il est donc judicieux d'investir aujourd'hui pour que toute la société soit demain plus apaisée.

Il est temps de former les enseignants à ce trouble qui affecte 5 % des enfants, temps d'accorder une égalité des chances réelle et d'assurer un travail en classe respectueux des différences.

À toutes les associations, à toutes les familles, je dis que le combat pour garantir des ressources, développer des centres experts ne se termine pas ce soir.

Avec le soutien de la commission des affaires sociales, nous restons mobilisés. La création d'une mission d'information permettrait d'entendre des médecins, des neuroscientifiques, des associations afin de dégager des solutions pour la prise en charge des TDAH.

Il est temps de faire de la solidarité et du vivre-ensemble une priorité. L'attente des parents, épuisés, est très forte.

Ils ont témoigné. « Mon enfant est découragé, il est devenu le bouc émissaire de toute une classe. Je ne souhaite pas que mon enfant soit médicamenté pour pallier un manque de moyens. Nous sommes les parents oubliés de la République, nos enfants sont maltraités par le système éducatif. Personne ne peut imaginer ce que nous subissons, les préjugés, le sentiment d'être incompris, démunis, rejetés. »

À cela s'ajoute une bataille permanente pour faire connaître le TDAH.

Que de temps et d'énergie gagnés si un dépistage systématique était organisé à l'école primaire ! Une main tendue serait pour ces familles une bouée de sauvetage. Évitons-leur les addictions et la dépression.

Je connais bien le quotidien de ces enfants, puisqu'un de mes petits-fils bénéficie d'un suivi pluridisciplinaire hebdomadaire. Mais tous les enfants n'ont pas la même chance.

Une volonté politique solide est nécessaire. Les associations ont déblayé le terrain. Avec Annick Jacquemet, nous pensons que ce combat n'enlèvera rien à la cause des troubles autistiques.

Winston Churchill, une des personnalités sur lequel le diagnostic a été porté a posteriori, disait : « Le succès est d'aller d'échec en échec, sans perdre son enthousiasme ».

Nous continuerons à être à l'écoute de toutes les associations. Vous pouvez compter sur notre engagement. (Applaudissements sur toutes les travées)

Prochaine séance demain, jeudi 3 février 2022, à 10 h 30.

La séance est levée à 21 heures.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 3 février 2022

Séance publique

À 10 h 30 et à 14 h 30

Présidence :

M. Georges Patient, vice-président

Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

Secrétaires :

M. Joël Guerriau - Mme Françoise Férat

1. Questions orales

2. Débat sur le thème : « Quelle réglementation pour les produits issus du chanvre ? » (Demande du GEST)

3. Débat sur le thème : « Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur ? » (Demande du groupe CRCE)

4. Débat sur l'évaluation de l'opportunité et de l'efficacité des aides versées au titre du plan de relance dans le cadre de la crise sanitaire (Demande du groupe SER)