Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification (Conclusions de la CMP)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dire ce que l'on fait, faire c'est que l'on dit : tel est l'état d'esprit dans lequel Mme Gatel et moi-même avons travaillé, avec pragmatisme et à l'écoute des aspirations des élus des territoires.

Nous avons repris à notre compte l'intégralité des cinquante propositions formulées, voilà un an et demi, sous l'impulsion de Gérard Larcher.

Je regrette l'attitude de la majorité de l'Assemblée nationale, qui a soigneusement détricoté notre texte. Heureusement, la CMP a finalement repris certains de nos apports.

Ce texte comporte des avancées concrètes sur le logement, l'encadrement du transfert des routes nationales ou encore le renforcement de l'État territorial pour faire du préfet une porte d'entrée pour les élus. L'implantation d'éoliennes sera interdite sur certaines parties du territoire communal. Les élus locaux seront intégrés à la gouvernance des agences régionales de santé (ARS).

Certes, ces mesures vont dans le bon sens. Mais l'audace sénatoriale n'a pas trouvé d'écho du côté du Gouvernement : alors que nous avions la ferme intention d'agir, sa main a tremblé. Dommage, car l'esprit du temps commande de faire confiance aux élus locaux.

Je pense en particulier à l'eau et l'assainissement ; central pour la vie de nos territoires : ce sujet doit être traité. (M. Jean-Michel Arnaud approuve.)

De façon générale, il faudra aller bien plus loin que ce texte d'ajustement, encore trop timide. En matière de déconcentration, par exemple, il faut donner aux préfets l'agilité nécessaire pour répondre efficacement aux besoins des élus.

Nous nous sommes efforcés de faire oeuvre utile pour nos territoires, où bat le coeur de la démocratie. Il faudra franchir d'autres étapes pour donner à la déconcentration et à la décentralisation leur pleine mesure ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales , rapporteur.  - Nous concluons cet après-midi un travail collectif de plus de deux ans.

Ce texte est le fruit d'une méthode : plus de 2 000 élus consultés dans chaque région, des centaines de réunions de travail avec les associations d'élus, une vingtaine de ministères impliqués.

Il résulte aussi d'un travail parlementaire apaisé et constructif, pour lequel je vous remercie. Ce travail a été nourri par les cinquante propositions de Gérard Larcher, dont je salue l'engagement, ainsi que celui de toute la Haute Assemblée, pour faire aboutir ce texte.

Déconcentration, logement social, métropole d'Aix-Marseille, gouvernance des ARS et, même, eau et assainissement : sur tous ces sujets, nous nous sommes mis autour de la table et avons trouvé des compromis. Preuve que, lorsqu'il s'agit d'oeuvrer pour les territoires, nous sommes capables de nous retrouver sans dogmatisme.

Le projet de loi est passé de 84 à 270 articles. J'y vois le signe que nous partageons la même ambition : améliorer l'efficacité de l'action publique locale. Au reste, le texte est très bien accueilli par les maires, qui attendent avec impatience son entrée en vigueur.

Nous mettons de l'huile dans les rouages ; nous améliorons le paysage institutionnel plutôt que de le bouleverser, marque de respect pour nos 510 000 élus, dont l'engagement est une immense richesse pour le pays ; nous les sécurisons et leur donnons de nouveaux outils pour agir.

Ce texte améliorera le quotidien des élus, donc la vie de nos concitoyens.

Plus précisément, nous pérennisons les objectifs de la loi SRU en les adaptant aux réalités locales. Nous allons au bout de la décentralisation des routes nationales, sur une base volontaire. Ce texte favorisera aussi le développement des petites lignes ferroviaires, axes de vie des territoires.

En matière de santé, première préoccupation des Français, le texte instaure de nouveaux outils de lutte contre les déserts médicaux. Nous créons une nouvelle compétence départementale sur l'habitat inclusif, pour faire face à la transition démographique. La recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) sera possible pour les départements qui le souhaitent, ce qui est une mesure de justice.

Nous poursuivons la simplification des relations entre les citoyens et l'administration ; en développant les maisons France Services.

Le projet de loi comporte des avancées importantes en matière de coopération transfrontalière. (M. Loïc Hervé acquiesce.)

Il accélère la revitalisation des territoires, notamment en permettant la récupération des biens sans maître et en luttant contre la disparition des chemins ruraux.

Enfin, ce texte donne toute sa force à l'État local. Le préfet sera ainsi le délégué territorial des grandes agences de l'État, comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), comme c'est déjà le cas pour l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Au-delà de nos différences, nous regardons dans la même direction : la cohésion, pour que la diversité des territoires soit une force - ce qui suppose de garantir l'égalité des possibles.

Les élus locaux demandent de la stabilité, des moyens et un accompagnement de leurs projets. C'est pourquoi nous continuons d'augmenter les dotations, de renforcer l'ANCT, de contractualiser. Nous avons aussi stoppé l'érosion des services départementaux de l'État.

Ce nouveau cap s'incarnera dans ce texte, que je suis fière de défendre. Nos territoires, j'en suis convaincue, sont la bonne échelle pour résoudre les immenses défis qui sont devant nous ; nous devons être à leurs côtés. C'est le sens de ce projet de loi, qui est un jalon utile et attendu sur le long chemin de la décentralisation de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC)

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 3

Mme le président.  - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7

Après le mot :

déterminé

insérer les mots :

, au plus tard six mois avant le renouvellement général des conseils municipaux,

ARTICLE 5 SEPTIES AA

Mme le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les avances consenties postérieurement par les communes ou leurs groupements à toutes les sociétés dont ils sont actionnaires ne peuvent avoir pour effet de porter leur montant total au-delà du seuil de 15 %.

II.  -  Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les avances consenties postérieurement par le département à toutes les sociétés dont il est actionnaires ne peuvent avoir pour effet de porter leur montant total au-delà du seuil de 15 %.

ARTICLE 6

Mme le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 5

Supprimer la seconde occurrence des mots :

d'un

II.  -  Alinéa 6, première phrase

Remplacer le mot :

quatrième

par le mot :

cinquième

III.  -  Alinéa 15, première phrase

Supprimer les mots :

dans la région

ARTICLE 7

Mme le président.  - Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 19, première et seconde phrases, et alinéa 21

Supprimer les mots :

dans la région

ARTICLE 9

Mme le président.  - Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 28

Remplacer les mots :

61-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale

par les mots :

L. 334-1 du code général de la fonction publique

ARTICLE 12 TER

Mme le président.  - Amendement n°8, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un alinéa et un paragraphe ainsi rédigés :

...° Au septième alinéa, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « septième ».

....  -  À l'article L. 112-1-2 du même code, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».

ARTICLE 16

Mme le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 9

1° Après le mot : 

transmettent

insérer les mots : 

, avant le 31 mars,

2° Supprimer les mots :

avant le 31 mars

II.  -  Alinéa 10

Supprimer le mot :

maximal

ARTICLE 17

Mme le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 21

Remplacer le mot :

mentionnées

par les mots :

dont l'objectif de réalisation est défini

ARTICLE 18

Mme le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7

Remplacer le mot :

mentionnées

par le mot :

définies

ARTICLE 34 BIS AA

Mme le président.  - Amendement n°9, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  À l'article L. 741-4 du code rural et de la pêche maritime, la référence : « L. 241-13, » est supprimée.

ARTICLE 34 BIS

Mme le président.  - Amendement n°10, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1, première phrase

Remplacer les mots :

cinquième alinéa

par les mots :

4° du II

ARTICLE 40

Mme le président.  - Amendement n°11, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

1° Première phrase

Remplacer les mots :

la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière

par les mots :

le code général de la fonction publique

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée

par les mots :

le même code

ARTICLE 53 QUATER

Mme le président.  - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

1° Remplacer les mots :

la société mentionnée à l'article 6 de l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d'investissement

par les mots :

cette société

2° Remplacer les mots :

effectuées par cette société

par les mots :

qu'elle effectue

ARTICLE 56

Mme le président.  - Amendement n°15, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 48

Remplacer les mots :

53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale

par les mots :

L. 412-6 du code général de la fonction publique

et les mots :

47 ou 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée

par les mots :

L. 343-1 et L. 412-6 du code général de la fonction publique

ARTICLE 66 BIS

Mme le président.  - Amendement n°16, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 20

Après le mot : 

fin

insérer les mots :

du premier alinéa

ARTICLE 67 BIS

Mme le président.  - Amendement n°17, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 6, seconde phrase

Remplacer les mots :

au II de l'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État

par les mots :

à l'article L. 253-1 du code général de la fonction publique

II.  -  Alinéa 10

Remplacer les mots :

9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

par les mots :

L. 211-1 du code général de la fonction publique

III.  -  Alinéa 13, première phrase

Remplacer les mots :

à l'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée

par les mots :

aux articles L. 251-2 à L. 251-4, L. 253-1 à L. 253-4 et L. 254-1 du code général de la fonction publique

IV.  -  Alinéa 14

Remplacer les mots :

à l'article 18 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée

par les mots :

aux articles L. 413-1 et L. 413-2 du code général de la fonction publique

V.  -  Alinéa 15

1° Deuxième phrase

Remplacer les mots :

dernier alinéa du III de l'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée

par les mots :

7° de l'article L. 253-1 du code général de la fonction publique

2° Dernière phrase

Remplacer les mots :

avant-dernier alinéa de l'article 15 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée

par les mots :

article L. 252-5 du code général de la fonction publique

ARTICLE 69

Mme le président.  - Amendement n°18, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Remplacer les mots :

à l'article 42 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État et à l'article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale

par les mots :

aux articles L. 512-8, L. 512-10 à L. 512-13 et L. 512-15 du code général de la fonction publique.

II.  -  Alinéa 2

Remplacer les mots :

à l'article 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

par les mots :

aux articles L. 124-4 à L. 124-6 du code général de la fonction publique

ARTICLE 73 SEPTIES

Mme le président.  - Amendement n°20, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 24 et 25

Rédiger ainsi ces alinéas :

II.  -  L'article L. 122-10 du code général de la fonction publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, aucune déclaration mentionnée au premier alinéa du présent article n'est exigée lorsque le fonctionnaire a quitté ses fonctions avant l'expiration du délai de deux mois mentionné au même premier alinéa. »

ARTICLE 73 OCTIES

Mme le président.  - Amendement n°21, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéas 1, 3, 4, 6, 7, 11 et 15

Remplacer les mots :

l'article 25 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

par les mots :

la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code général de la fonction publique

II.  -  Alinéa 8

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

IV.  -  À l'article L. 122-12 du code général de la fonction publique, après la référence : « L. 122-10 », sont insérés les mots : « du présent code, des articles 4 ou 11... (le reste sans changement)

ARTICLE 83 QUATER

Mme le président.  - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 16

Remplacer le mot :

deuxième

par le mot :

premier

ARTICLE 84

Mme le président.  - Amendement n°19, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2, seconde phrase

Remplacer les mots :

14 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

par les mots : 

L. 445-1 du code général de la fonction publique

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Ces amendements sont purement techniques ou de coordination. Ils ont été déposés en accord avec les rapporteurs des deux assemblées.

Seul l'amendement n°14 est substantiel. Il porte sur l'application de la composition par défaut, en l'absence d'accord local, des conférences territoriales de l'action publique (CTAP). Manquait une date butoir, que nous fixons à six mois avant le renouvellement général des conseils municipaux.

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois.  - En effet, ces amendements ne sont que de précision ou de coordination : ils ne changent rien au fond. Avis favorable sur l'ensemble.

Explications de vote

M. Alain Milon .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) Ce texte nous aura tenus en haleine jusqu'au bout du quinquennat... En 2019, on nous avait mis en appétit en annonçant une réforme territoriale ambitieuse autour de la décentralisation, de la déconcentration et de la différenciation - un quatrième « D », pour décomplexification, est ensuite brièvement apparu.

Le calendrier, trop optimiste, n'a pas été tenu. La pandémie de covid-19 a sans doute joué.

À sa présentation, ce texte était timide et hétéroclite. Sans se décourager, le Sénat s'est attaché à le renforcer, en puisant largement dans les cinquante propositions de son président pour renforcer l'efficacité de l'action publique locale, en évitant un nouveau big bang territorial.

Je remercie nos rapporteurs, Mmes Estrosi Sassone et Gatel et MM. Darnaud et Gueret, pour la grande qualité de leur travail.

La fin de non-recevoir que nous a d'abord opposée l'Assemblée nationale était inquiétante. Mais la CMP a finalement débouché sur la prise en compte de nombre de nos mesures. C'est un succès indéniable pour les collectivités territoriales.

D'importants progrès sont prévus pour l'exercice des compétences locales. Je pense notamment à la restitution des compétences voirie et tourisme aux communes. Nous faisons ainsi le choix de la confiance en l'intelligence territoriale.

Sur la compétence eau et assainissement, malgré un désaccord persistant avec l'Assemblée nationale, des compromis ont été trouvés.

En matière de déconcentration, les propositions sénatoriales ont été retenues pour renforcer le rôle du préfet de département, notamment dans le domaine environnemental.

S'agissant de la question, délicate, des éoliennes, nous saluons une meilleure maîtrise des installations par le bloc communal.

Quant au transfert de 10 000 kilomètres de routes nationales, des garanties appréciables sont offertes aux départements.

Le volet sanitaire du texte comporte une rédaction de compromis, plus sécurisante.

Enfin, des avancées importantes du Sénat sont conservées en matière d'urbanisme et de logement. Renforcé et désormais non soumis à la commission nationale SRU, le contrat de mixité sociale donnera confiance et flexibilité au couple maire-préfet. Le volet sanction du dispositif est ajusté dans le même esprit. Nous nous félicitons aussi du maintien du dispositif anti-ghetto.

Certaines questions restent ouvertes, sur lesquelles nous continuerons de faire des propositions. C'est le cas notamment de l'obligation de transfert à l'intercommunalité des compétences eau et assainissement et de l'interdiction de construire des logements très sociaux dans les communes comptant plus de 40 % de logements sociaux.

Si le texte issu de la CMP est loin d'être pleinement satisfaisant, il conserve suffisamment d'apports du Sénat pour constituer un pas en faveur des libertés locales. Le groupe Les Républicains le votera donc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel, rapporteur, et M. Jean-Paul Prince applaudissent également.)

M. Guy Benarroche .  - Que dire de ce texte, si ce n'est qu'il concentre le renoncement du Gouvernement à une réelle modification de l'organisation territoriale dont la France a besoin ?

Le grand soir promis par le Président de la République lors de son tour de France, après la crise des gilets jaunes, n'est pas au rendez-vous, notamment en matière de démocratie et de participation citoyenne. C'est d'autant plus dommage que l'urgence climatique doit être appréhendée avant tout à l'échelle locale !

Pourquoi ne pas autoriser le maire à fixer des limites pour l'épandage ou le stockage de déchets nucléaires, mais lui accorder des pouvoirs sur l'implantation d'éoliennes ? La loi Climat prévoyait déjà qu'il soit consulté.

Le maire de Velleron a dû faire appel à deux sénateurs, Lucien Stanzione et moi-même, pour obtenir gain de cause auprès du préfet, afin de mettre un terme à des dommages irréversibles. Où sont les pouvoirs essentiels du quotidien pour les maires ?

Je déplore un mouvement de recentralisation, avec un pouvoir accru octroyé au préfet.

Le texte ne prend nullement en compte la parole des citoyens en dehors des élections, qu'ils boudent de plus en plus. La limitation du droit de pétition au niveau local est un coup de canif dans notre pacte républicain.

Le renoncement est tout aussi flagrant sur la mixité sociale. La théorie du « pas chez moi » revient de plus belle... L'assouplissement des obligations de la loi SRU est regrettable.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Non, responsable !

M. Guy Benarroche.  - Nous saluons en revanche la rédaction de l'article 56, sur la métropole Aix-Marseille, issue de la CMP, plus équilibrée que celle du Sénat.

Ce projet de loi clôt un quinquennat de renoncements, sur l'environnement comme sur la politique sociale. Fourre-tout, il ne traduit aucune vision structurante et ne résoudra pas les problèmes des collectivités. Il ne répond pas non plus aux demandes des Français.

Fervent défenseur de la décentralisation, le GEST ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Cécile Cukierman .  - Sans surprise, ce texte ne recueille pas l'assentiment de mon groupe. Je salue cependant le travail réalisé par les rapporteurs.

Ce projet de loi, à rebours de l'exigence constitutionnelle de clarté de la loi, compte désormais près de 300 articles. Il est riche de paradoxes. Ainsi, le pouvoir des régions est renforcé, mais sans moyens supplémentaires. On est loin de la décentralisation, pourtant plus que jamais nécessaire.

De la crise des gilets jaunes à la crise sanitaire, le besoin de proximité des Français n'a jamais été aussi fort, mais ce texte n'y répond pas. Ainsi, il n'y aura aucune parité entre État et élus locaux à la tête de l'ANCT. C'est le « en même temps » territorial.

La loi SRU est pérennisée au-delà de 2025, ce dont nous sommes satisfaits, mais elle est modifiée au détriment de la mixité sociale et du choc de l'offre prôné par Emmanuel Macron.

Nous regrettons la baisse des dotations, la suppression de la part de l'État dans les aides à la pierre, la disparition du soutien aux maires bâtisseurs, le tout couplé aux conséquences de la loi NOTRe, qui a accru les normes, sans la capacité pour les communes de s'y conformer.

En matière de mobilité, les petites lignes sont favorisées, mais sans moyens correspondants. Nulle cohérence non plus s'agissant des routes, abandonnées aux collectivités, dans l'éternelle logique du « en même temps ». On préfère faciliter la privatisation autoroutière.

Je salue toutefois certains transferts à la carte comme sur la voirie et le tourisme. J'espère que nous y inclurons prochainement l'eau et l'assainissement - je regrette que la position du Sénat ait été abandonnée en CMP.

Ce texte sera confronté au réel. Le temps dira l'efficacité des équilibres établis.

Qu'en sera-t-il demain de l'organisation territoriale de notre pays ? Il y a aura des heurts et des inégalités. Certains seulement pourront se payer le luxe de la différenciation. Le pouvoir local s'en trouvera un peu plus fragilisé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Françoise Gatel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Madame la ministre, merci pour votre ténacité sur ce texte dont l'examen n'a pas été un long fleuve tranquille ! Je remercie également les rapporteurs pour le dialogue long, exigeant, rugueux mené entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

La France guérira-t-elle un jour de sa verticalité, perversion d'un esprit cartésien qui nous fait toujours rigidifier quand il faudrait de l'agilité ?

La clef de l'organisation territoriale réside dans la subsidiarité et la confiance dans les collectivités. Les communes doivent être partenaires d'un État régalien et régulateur.

L'heure n'est plus aux colloques, mais à l'action.

C'est en responsabilité, au nom de ses avancées et bien consciente de ses timidités, que je vous invite à adopter ce texte. On y retrouve le fil d'Ariane de la pensée sénatoriale, notamment des cinquante propositions du président Larcher. Il comprend des mesures satisfaisantes : une plus grande transparence et une sécurité des élus dans l'exercice de leurs missions, leur présence accrue dans plusieurs commissions, la reconnaissance de leur capacité à gérer l'aménagement de leur territoire, notamment en matière d'implantation d'éoliennes, sujet souvent hystérique, qui prend les maires en otage.

Deux avancées significatives reflètent le souffle sénatorial. Les dispositions relatives à la loi SRU ne sont pas des renoncements coupables, monsieur Benarroche, mais des avancées responsables. Nos collègues Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard ont su convaincre le Gouvernement qu'il ne servait à rien de taxer les communes par des amendes. Il faut plutôt, avec réalisme, permettre aux élus de récupérer le retard pris ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Le contrat de mixité sociale, signé par le préfet et le maire, responsabilise chacun bien mieux que des décisions nationales imposées artificiellement. À ce titre, madame la ministre, je sais que vous avez gardé un esprit sénatorial...

Nous avons également promu une intercommunalité plus efficiente et plus heureuse. Le Sénat ne lutte pas contre l'intercommunalité, qui peut être une valeur ajoutée, mais tant qu'elle est conçue comme une entité uniforme, elle ne fonctionnera pas. La différenciation est nécessaire, mais sans droit d'exception, comme pour la métropole d'Aix-Marseille-Provence.

Je regrette le sort qui a été fait à la médecine scolaire et à la compétence eau et assainissement.

Ce texte est nanti d'un intitulé quelque peu jargonnant ; il aurait fallu le nommer « E », comme « efficacité », comme un souffle d'air frais ! Nous sommes pour les lois qui facilitent. La majorité de notre groupe votera ce texte. Puisse cette hirondelle annoncer le printemps des libertés locales... (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le 9 novembre 1789, Thouret présentait sa réforme de l'administration municipale devant la jeune assemblée constituante. Voici comment il y caractérisait le pouvoir et la fonction des communes : « Chacune a des intérêts, des droits et des moyens qui lui sont particuliers ; chacune entretient, soigne, embellit son intérieur, et pourvoit à tous ses besoins. » À chaque collectivité, ses spécificités : cela n'a guère changé depuis.

Après la décentralisation et la déconcentration, nous parlons de différenciation.

Le projet de loi initial était composé de mesures diverses, éparpillées, sans ligne directrice. Il aura eu le mérite de nous faire débattre de nombreuses préoccupations de nos territoires.

Nous avons eu à coeur de remonter les demandes des élus locaux, notamment sur les règles ridicules régissant les conflits d'intérêts, qui ont par exemple empêché trente des trente-quatre élus du conseil départemental des Hautes-Pyrénées de participer au vote d'une subvention au service départemental d'incendie et de secours (SDIS).

Je salue l'avancée de l'article 73 ter, pour une tenue plus sereine des assemblées locales.

L'article 2 sur le pouvoir réglementaire local, largement enrichi par le Sénat, débouche sur un compromis bien timide. Idem pour les compétences eau et assainissement.

Si le transfert des routes aux départements est à saluer, je déplore le maintien de l'article 7 relatif au transfert aux régions, alors que le domaine routier est très éloigné de leurs compétences. C'est symptomatique d'une tendance, que le RDSE déplore, à privilégier les intercommunalités et les régions au détriment des communes et des départements.

M. Jean-Claude Requier.  - Absolument !

Mme Maryse Carrère.  - Malgré ces réserves, la majorité du groupe RDSE mesure les avancées du texte et le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP ; M. René-Paul Savary applaudit également.)

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les divergences avec l'Assemblée nationale étaient nombreuses, mais nous sommes parvenus à un compromis « quoi qu'il en coûte », dont chaque majorité peut tirer profit. Résultat : un texte utile, mais somme toute modeste, à la fois hypertrophié et hétéroclite. Pour paraphraser Pascal, son centre est partout et sa circonférence nulle part ! (Sourires)

La rédaction finale a été trouvée par les rapporteurs, dont je salue le travail. Mais cette façon de faire la loi est défaillante : pour un texte si complexe de 270 articles, une deuxième lecture aurait été utile. Il n'est pas exclu que nous y trouvions, à l'usage, des irritants qu'une autre méthode aurait pu éviter.

Le Président de la République avait promis une nouvelle donne territoriale. L'avis des associations d'élus sur le texte est plutôt en demi-teinte, même s'ils se félicitent de certaines mesures.

S'en dégage un sentiment de collage et de superposition. Le « S » de « 3DS » est devenu celui de « supérette » : chacun peut y trouver des motifs de satisfaction.

Heureusement, les tentatives de détricotage des intercommunalités (Mme le rapporteur proteste) ont été endiguées. Les compétences facultatives à la carte introduiront une nécessaire souplesse.

Les mesures de régression sociale sur le contrôle des bénéficiaires du RSA, introduites par la majorité sénatoriale, ont heureusement disparu. La lutte contre le non-recours aux droits a été inscrite dans la loi et un compromis trouvé sur les routes : espérons que cela bénéficiera aux départements.

Nous regrettons le caractère trop cosmétique de la différenciation territoriale. C'est l'uniformité qui engendre l'inégalité !

Nous déplorons aussi la suppression du transfert de compétences aux régions en matière d'emploi, d'apprentissage et de formation ainsi que les trop nombreuses concessions faites par les députés sur la loi SRU. Faut-il rappeler que ce quinquennat a fait 15 milliards d'euros d'économies sur le logement ?

Les élus locaux sont aux avant-postes de la crise sanitaire, mais la co-présidence de l'ARS leur est refusée. L'actualisation du coût des transferts de compétence tous les cinq ans a été supprimée. Nous regrettons aussi que les pouvoirs du Conseil national d'évaluation des normes n'aient pas été renforcés : c'est même curieux.

Enfin, nous déplorons une absence : celle du « D » de « démocratie », alors que l'abstention progresse à chaque élection locale. Nos citoyens aspirent à participer autrement à la vie démocratique locale, non seulement lors de l'élection, mais aussi pendant la mandature.

En dépit de ces regrets, nous voterons ce texte, à l'insu de notre plein gré, car il aurait pu être pire. (Sourires sur les travées du groupe SER) Il comporte des correctifs utiles, rien de rédhibitoire, mais ses ambitions restent réduites. C'est un petit début, avec un petit « d ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Parmi d'autres, j'annonce que notre groupe approuvera ce projet de loi... (On feint de s'en étonner sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa.  - Magnifique !

M. Alain Richard.  - ... mais mon propos vous semblera terne, car à la différence des précédents orateurs qui ont assorti leur soutien d'une multitude de critiques destinées à alléger le poids sur leur conscience (rires), je serai uniquement positif.

Ce texte adapte nos outils d'action locale en s'appuyant sur l'expérience. Nous avons déjà connu trois vagues de réforme des compétences des collectivités locales. La majorité actuelle n'a pas souhaité bouleverser à nouveau leur organisation.

Des besoins d'efficacité se sont exprimés, notamment lors du grand débat national, et nos hémicycles ont discuté de projets ponctuels visant à améliorer la décentralisation. Ce texte y répond.

Je ne tenterai pas de résumer les 270 articles en trois minutes (sourires), mais je salue l'optimisation du système circulatoire français, avec une décentralisation effective vers les départements et une convention spécifique avec les régions pour l'aménagement et la gestion des grandes routes. Citons la solution trouvée avec les régions pour la maintenance des petites lignes ferroviaires, la cogestion des ARS, le renforcement des outils des collectivités territoriales en matière de santé, la possibilité pour elles de recruter du personnel médical ou de financer des équipements, ou encore les avancées en matière d'aménagement du territoire - restructurations commerciales, biens à l'abandon, chemins ruraux. On retrouve un certain nombre de propositions de loi parfois anciennes. (Mme la ministre le confirme.) La loi SRU évolue, avec un maintien des obligations, corollaire du droit au logement, mais une adaptation des programmes communaux et un élargissement des possibilités d'attribution des logements par les collectivités.

Ce texte apporte également une solution au sujet difficile du contrôle de la prise illégale d'intérêts, qui est facteur de paralysie. Il a donc de nombreux mérites et je salue le travail considérable, aimable et toujours patient réalisé par la ministre, dont c'est le grand oeuvre...

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Très bien !

M. Alain Richard.  - ... et par les rapporteurs. Le travail se poursuivra lors de prochains rendez-vous législatifs. (Applaudissements sur les travées du RDPI et au banc de la commission)

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Pierre Louault applaudit également.) Neuf mois après le dépôt de ce texte, les deux assemblées sont parvenues à un accord en CMP pour ce nouvel acte de la décentralisation, même si ce n'en sera pas le grand soir.

Les collectivités ont subi, en même temps que la loi NOTRe, une grave baisse de leurs dotations. Il ne fallait pas leur infliger un nouveau bouleversement : il s'agissait donc de réformer sans révolutionner.

Les élus, comme nos concitoyens, ont besoin de lisibilité et de stabilité, pour inscrire leur action dans le temps. À défaut, avec la montée du risque pénal, nos élus seraient poussés à l'immobilisme.

Je regrette que ce texte de 240 pages, marqué par l'inflation normative, reste peu ambitieux et fort technique.

Certaines avancées simplifieront la vie des élus : nombre d'entre elles sont issues du travail du Sénat. (Mme le rapporteur le confirme.) Nous avons tous à coeur de servir ceux qui font vivre la démocratie dans nos territoires. La décentralisation est autant un impératif démocratique qu'un gage d'efficacité.

Nos deux rapporteurs ont su donner un peu plus de relief à ce texte. Je pense en particulier aux routes nationales, qui pourront être confiées aux départements. Les communes pourront choisir les compétences qu'elles transféreront aux intercommunalités ; les EPCI, celles qu'ils délèguent au département ou à la région. Chaque territoire doit pouvoir trouver les équilibres qui lui correspondent.

Le texte concerne aussi les mobilités : les régions deviendront ainsi propriétaires des lignes de desserte fine. En matière d'écologie, les décisions seront rapprochées du terrain, les maires mieux associés aux décisions, par exemple concernant les alignements d'arbres. Les plans locaux d'urbanisme (PLU) pourront fixer le cadre d'implantation des éoliennes.

Un amendement d'Emmanuel Capus visait à rendre plus progressive l'entrée dans le régime d'obligation en matière de logements sociaux : je me réjouis que la CMP en ait conservé le principe. Idem pour l'amendement de Daniel Chasseing sur les communes touristiques.

Je regrette toutefois que nous ne soyons pas parvenus à transférer la médecine scolaire aux départements, en charge de la protection maternelle et infantile (PMI), qui auraient systématisé les visites médicales.

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Absolument !

M. Alain Marc.  - C'était une mesure de justice sociale pour les enfants qui ne voient jamais de médecin.

Je regrette aussi que nous n'ayons pas affirmé la différenciation du freinage de l'artificialisation, à l'heure où les communes rurales retrouvent de l'attractivité.

Sur tous ces sujets, faisons confiance aux élus. Ce texte y concourt, même imparfaitement, grâce au travail du Sénat. Aussi, sans alléger ma conscience en rien, monsieur Richard (sourires), je précise que nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme Françoise Gatel, rapporteur.  - Très bien !

À la demande du Gouvernement, le projet de loi, modifié par les amendements du Gouvernement, est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°97 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l'adoption 301
Contre   32

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI)

La séance est suspendue quelques instants.