Faire évoluer la formation de sage-femme

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faire évoluer la formation de sage-femme.

Discussion générale

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le Gouvernement accueille favorablement cette proposition de loi examinée sur l'initiative du GEST, fruit d'une initiative parlementaire de l'Assemblée nationale sous la précédente législature.

Je salue l'implication de l'ordre des sages-femmes, qui a signé, aux côtés de l'ensemble des ordres, un accord le 12 octobre dernier proposant des solutions concrètes pour faciliter l'accès à la santé. Ce travail s'inscrit pleinement dans le cadre du Conseil national de la refondation en santé. Parmi les propositions figure notamment l'amélioration de l'attractivité des professions de santé. Il s'agit aussi de garantir une démographie des professionnels de santé cohérente avec celle de la population.

Un nouveau pas est franchi avec l'intégration des formations de sage-femme dans l'université. Cela favorisera la recherche. L'objectif est que tous les étudiants en santé apprennent à coopérer et bénéficient de tous les services dont profitent les étudiants en licence-master-doctorat (LMD).

La transformation de plusieurs facultés de médecine en facultés de santé a accéléré le mouvement. La création d'une section du Conseil national des universités (CNU) est une étape de plus. Une mission sur l'universitarisation sera bientôt confiée au professeur Christine Ammirati.

La création d'un statut de maître de stage en maïeutique est une réponse au besoin d'encadrement, mais il faut un travail plus large d'harmonisation. Un groupe de travail associant les acteurs de la formation, les étudiants et les formateurs sera créé cet automne.

Les conditions d'agrément des sages-femmes sont renvoyées à un décret en Conseil d'État : il ne s'agit pas d'élargir l'agrément au-delà des centres de formation actuels.

La rédaction de l'article premier bis reprend l'article L. 4131-6 du code de santé publique, relatif aux filières de médecine. Maintenons ce dispositif. Ce sont bien les universités qui donneront les agréments de maître de stage universitaire.

Les missions des sages-femmes ont été élargies depuis 2009. Le suivi de la santé des femmes avant et après l'accouchement s'est aussi ouvert à l'exercice en ville.

Le Gouvernement soutient la proposition de loi dans sa rédaction issue des travaux de la commission. Le report d'un an de l'entrée en vigueur du texte est bienvenu. Le maintien du dispositif initial aurait en effet concerné les étudiants actuels.

Cette proposition de loi est saluée par les représentants de la profession. Elle a reçu un soutien unanime des députés. J'espère qu'il en sera de même au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDSE et du groupe Les Républicains ; quelques membres du groupe SER applaudissent également.)

Mme Raymonde Poncet Monge, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale en novembre dernier, comme à la commission des affaires sociales du Sénat le 5 octobre. « Merci pour les femmes » : cette phrase prononcée par les représentantes des sages-femmes lors de leur dernière audition, nous la leur adressons à notre tour. Merci aux sages-femmes !

Les sages-femmes, dont 97 % sont des femmes, se demandent : pourquoi si peu de considération ? Est-ce parce que nous sommes des femmes qui prenons soin des femmes ? En France, leur champ d'activité est le plus large d'Europe. En s'occupant des femmes et des familles, elles pratiquent un métier du care, du « prendre soin » ; elles maîtrisent la frontière entre physiologie et pathologie.

Malgré des avancées majeures, elles ressentent un profond malaise et ont la conviction de ne pas être suffisamment reconnues. Leur taux d'encadrement est toujours fixé par le décret sur la périnatalité de 1998, qu'il est temps de modifier. Leurs conditions de rémunération ne correspondent pas, de l'avis de toute la profession, à leurs responsabilités ; elles devraient refléter l'augmentation de leurs compétences.

L'attractivité de la formation en maïeutique se dégrade : à la rentrée 2022, 20 % des places en deuxième année de maïeutique étaient vacantes. Les étudiantes sont 70 % à déclarer souffrir de symptômes dépressifs. Or la profession de sage-femme, à l'hôpital comme en ville, est essentielle à la santé publique.

Le dernier rapport de Santé publique France fait état d'une situation préoccupante de la santé périnatale, or l'état de santé dans la petite enfance conditionne la santé à l'âge adulte.

Cette proposition de loi pose les jalons d'une meilleure reconnaissance. Elle réaffirme la vocation universitaire de la formation en maïeutique. D'après le ministère, seules 14 écoles sur 35 sont intégrées à une université. Cela ne favorise pas la recherche en maïeutique.

Cette proposition de loi prévoit que l'« universitarisation » soit achevée pour le 1er septembre 2027. Elle fixe aussi les modalités : les écoles seront préférentiellement rattachées aux unités de formation et de recherche de santé mixtes. Si et seulement si ce n'est pas possible, elles seront rattachées aux UFR de médecine. Cela permet de conserver l'autonomie pédagogique et la collaboration entre professions médicales.

La maïeutique n'est-elle pas l'art d'accoucher les esprits ?

L'article 3 facilite la conciliation, pour les sages-femmes, de l'activité d'enseignement et de recherche et de l'activité clinique, ce que leur statut actuel empêche, contrairement à celui des autres professions médicales. Malgré l'ouverture d'une section maïeutique par le Conseil national des universités (CNU), le recrutement de sages-femmes enseignants-chercheurs reste marginal : une professeure d'université et quelques dizaines de maîtres de conférences.

La proposition de loi adapte la formation aux mutations de la profession : elle crée un statut de sage-femme agréée maître de stage universitaire, comme pour les généralistes. Le Gouvernement doit cependant réfléchir à la manière de mieux encadrer les stages à l'hôpital, un point souvent décrit comme difficile.

L'article 2 réforme en profondeur le contenu de la formation, créant un troisième cycle d'études de maïeutique. En audition, une sage-femme nous a dit : « Enfin ! Comme pour les professions médicales ». Les sages-femmes obtiendront un diplôme d'État de docteur en maïeutique. En outre, cela réduira le contenu d'études jugées trop denses et favorisera le développement de la recherche.

Enfin, cette proposition de loi accentue la reconnaissance des sages-femmes comme profession médicale. La statistique est, elle aussi, traversée par le genre. Selon les mots d'une sage-femme : « C'est un peu notre histoire, de ne pas être dans la bonne case ». Aussi, la nomenclature de l'Insee sera modifiée.

L'échéancier de la réforme a été revu pour tenir compte des inquiétudes des étudiants comme des enseignants : elle ne sera appliquée qu'aux étudiants entrant en deuxième année en 2024. Cela facilitera aussi la gestion de l'année blanche ainsi engendrée.

J'aurais souhaité vous proposer l'adoption du texte dans des termes identiques à ceux de l'Assemblée nationale, mais les inquiétudes sur le calendrier étaient partagées. Je souhaite qu'il soit présenté le plus vite possible à l'Assemblée nationale.

Donnons aux sages-femmes l'élan qu'elles attendent ! (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes CRCE, SER, du RDSE, sur plusieurs travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Else Joseph .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Savez-vous pourquoi l'on dit « sage-femme » ? Non parce que la femme en question est sage, mais parce qu'elle sait, et connaît les femmes. Sachez donc que l'on peut être homme et sage-femme.

Cette proposition de loi constitue la prise en compte des revendications anciennes d'une des plus belles professions du monde, dont le champ s'est élargi considérablement. Les sages-femmes sont plus que jamais incontournables. Loin de l'image d'Épinal, cette profession exigeante nécessite une formation longue. Elle s'attache à la naissance, mais aussi à l'avant et à l'après. Elle mérite d'être honorée d'un parcours universitaire.

Pour cette raison, je me réjouis de son « universitarisation », dans les UFR de santé ou en médecine. J'approuve également la mise en place d'un doctorat dans un contexte de spécialisation qui touche l'ensemble des parcours d'études.

Cette proposition de loi tient compte aussi des impératifs de ceux qui enseignent : comme en médecine, il est difficile de dissocier théorie et pratique. Il est donc pertinent qu'un statut de maître de stage universitaire en maïeutique soit défini.

Le texte, très attendu, modifie également la place des sages-femmes dans la typologie de l'Insee, en les retirant de la catégorie « autres catégories pour la santé humaine », signe de l'entre-deux où se trouve la profession.

La santé gynécologique est une priorité. Il faut rendre la profession plus attractive -  c'est nécessaire au vu de la pénurie dans les hôpitaux.

Cette amélioration, que je salue, doit être accompagnée d'autres évolutions : pourquoi ne pas prévoir un statut de praticien hospitalier ? C'est une profession jeune, dans laquelle il faut investir. Nous avons besoin de la rendre plus attractive, en ville comme à la campagne.

Les sages-femmes éclairent le chemin. Au lieu de les ignorer comme ces dernières années, il faut les écouter : elles sont un exemple.

Elles offrent l'accès à des soins essentiels et sont indispensables à la santé des femmes. On a besoin de leur expertise, notamment pour la détection des violences conjugales. Je me réjouis de voir tout le monde les soutenir. (Applaudissements)

Mme Colette Mélot .  - Nos sages-femmes jouent un rôle majeur : elles permettent de donner la vie. Ce sont elles qui réalisent 80 % des accouchements dits normaux en France.

La profession est pourtant mal reconnue, alors que son champ de compétences ne cesse de s'accroître. Le métier évolue continuellement vers toujours plus de sécurité pour les patientes.

Je salue les auteurs de cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Je remercie le GEST de l'avoir inscrite à son ordre du jour réservé. La proposition de loi a été votée à l'unanimité par notre commission des affaires sociales ; merci aussi à la rapporteure.

Les cinq articles du texte suppriment le flou autour de l'appartenance de la profession au médical ou au paramédical. Avec le doctorat, les sages-femmes seront intégrées aux professions médicales. C'est essentiel pour l'attractivité et pour l'offre et la qualité des soins. Le flou n'a plus lieu d'être, et l'on répond ainsi à la revendication principale des sages-femmes.

Nous savons combien il est important que des formations soient implantées partout dans l'Hexagone. Les étudiants restent généralement dans les villes où ils ont étudié. Cela pourrait contribuer à des avancées significatives contre les déserts médicaux. C'est pourquoi je me réjouis également de la création du statut de sage-femme agréée maître de stage universitaire.

Cette proposition de loi n'est pas suffisante, mais apporte une solution adéquate. Elle doit être appréhendée comme la première étape d'une réforme plus globale de notre système de santé. Pour cela, nous devons poursuivre nos réflexions.

Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements)

Mme Monique de Marco .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Cette proposition de loi adoptée il y a près d'un an par l'Assemblée nationale a été inscrite à l'ordre du jour à la demande du GEST. Voilà une profession en souffrance : 70 % des sages-femmes en études souffriraient de symptômes dépressifs, et 27 % songeraient à quitter leur formation.

En juillet 2021, un rapport de l'Igas abordait la possibilité d'intégrer la formation des sages-femmes à l'université. La détérioration des conditions de travail des personnes accompagnant les mères nouvelles n'a pas été prise en compte. Nous cherchons à poser une première pierre à la revalorisation de cette profession essentielle, et dire aux sages-femmes toute notre confiance.

La santé des femmes et des sages-femmes vont de pair. La professionnalisation du métier de sage-femme, auparavant exercé par des matrones sans formation, a été lancée au XVIIIe siècle par Angélique du Coudray, qui a fait diminuer la mortalité infantile en enseignant les gestes à l'aide de poupées.

Cette proposition de loi améliore la reconnaissance de la profession par divers moyens, tels que l'intégration universitaire des écoles de sages-femmes et la reconnaissance en tant que profession médicale et non paramédicale.

Le texte ne répond pas à toutes les attentes, notamment en matière de rémunération. Le Gouvernement devra faire un geste.

Le statut de sage-femme référente, porté par le GEST en 2021, attend toujours la publication du décret d'application.

Grâce à Annie Chapelier, dont je salue la présence en tribune, et au travail de Mme Poncet Monge, ce texte apportera des progrès que notre groupe approuve. (Applaudissements)

M. Xavier Iacovelli .  - La profession de sage-femme a évolué : ses missions et compétences se sont renforcées, notamment dans les domaines de l'obstétrique et de la périnatalité. Les sages-femmes suivent leurs patientes à partir de la déclaration de grossesse et pratiquent certaines vaccinations. Elles peuvent conduire l'entretien prénatal précoce.

La loi du 21 juillet 2009 a élargi leur champ de compétences : échographies gynécologiques, actes d'ostéopathie, contraceptifs hormonaux, prescription de médicaments et d'arrêts de travail.

Pourtant, la reconnaissance n'a pas été à l'avenant. Résultat : 20 % de places vacantes dans les formations et 40 % de sages-femmes qui quittent la profession dans les deux ans suivant l'obtention du diplôme.

Pour résorber le décalage alarmant entre responsabilités et reconnaissance, le Gouvernement a agi de façon inédite : revalorisation de 380 euros nets par mois et doublement du nombre de sages-femmes promouvables, pour un montant total de 100 millions d'euros en 2022. L'entretien postnatal obligatoire traduit également la reconnaissance de l'État envers leur savoir-faire.

Cette proposition de loi comporte des dispositions intéressantes, qui vont dans le sens d'une meilleure reconnaissance du métier. Elle instaure un diplôme d'État de docteur en maïeutique et un statut de maître de stage universitaire. La place consolidée des sages-femmes dans la nomenclature statistique constitue aussi une meilleure reconnaissance du caractère médical de la profession.

Pour toutes ces raisons, le RDPI votera le texte. (Applaudissements)

Mme Émilienne Poumirol .  - Je remercie le GEST et la rapporteure d'avoir inscrit à notre ordre du jour ce texte très attendu des sages-femmes. Nous devons leur offrir la reconnaissance et la valorisation qu'elles méritent.

Avec la médicalisation des accouchements, les sages-femmes ont vu leur rôle s'étoffer, mais leur reconnaissance est restée inchangée. C'est paradoxal, alors qu'elles sont désormais un pilier indispensable du parcours de santé, exerçant de nouvelles activités : suivi gynécologique, prescription de contraceptifs, prévention, éducation à la sexualité.

Leur formation initiale s'est densifiée : son volume est supérieur de 2 146 heures à celui des formations paramédicales, qui durent six ans. Cette situation est préjudiciable au bien-être des étudiantes et entraîne des symptômes dépressifs.

Cette proposition de loi va dans le bon sens en parachevant l'intégration universitaire des sages-femmes. Sur trente-cinq écoles, vingt-quatre conservent un financement régional, et onze seulement ont un financement universitaire : c'est une disparité dommageable, car les financements régionaux stagnent.

La création d'un statut de sage-femme agréée maître de stage des universités par l'article premier bis marque un progrès pour l'encadrement des étudiantes.

L'article 2 institue un troisième cycle universitaire, répondant à une demande forte de la profession. Le groupe SER y est favorable depuis longtemps. Nous regrettons cependant qu'un renforcement de la formation continue ne soit pas prévu.

L'article 3 donne aux doctorantes la possibilité d'exercer simultanément activités professionnelles et activités d'enseignement et de recherche.

Enfin, grâce à l'article 4, la profession est reconnue pleinement dans la nomenclature Insee comme une activité de pratique médicale.

Nous voterons ce texte, sans méconnaître le chemin qui reste à parcourir. Les sages-femmes alertent depuis longtemps les pouvoirs publics sur leurs conditions de travail ; elles ont fait grève, pour protester contre leur rémunération et le manque de personnel. De nouveaux textes seront nécessaires pour répondre au sentiment de déclassement de la profession et améliorer son attractivité.

Les sages-femmes n'ont pas assez de temps pour accompagner correctement les couples. Près de 40 % de celles qui exercent en milieu hospitalier connaissent un burn-out, et 20 % des postes sont vacants...

Dans la continuité du rapport de l'Agence nationale de santé publique sur les mille premiers jours de l'enfant, qui met en évidence de profondes inégalités territoriales, il faudrait un vrai texte sur l'accompagnement des femmes qui vont avoir un enfant. (Applaudissements)

Mme Laurence Cohen .  - Je remercie à mon tour le GEST et la rapporteure d'avoir repris ce texte adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale.

Chaque année, 23 400 sages-femmes prennent en charge près de 750 000 femmes, les préparant à la naissance et à la parentalité. Cette proposition de loi modernise leur formation, parachève leur intégration universitaire, crée un troisième cycle et réaffirme leur statut médical.

Voilà longtemps que les sages-femmes militent pour cela. Il s'agit de la seule profession médicale dont la formation n'est pas intégralement assurée par les universités. D'où une forte disparité : seules 16 % des écoles auraient mis en place des référents de terrain pour les stages. La création du maître de stage agréé est donc bienvenue.

La création d'un troisième cycle allègera le volume horaire des enseignements et mettra en cohérence la formation des sages-femmes avec leurs compétences.

On demande toujours plus aux sages-femmes, sans que reconnaissance et rémunération suivent. Comment expliquer cette situation, sinon par le fait qu'elle est exercée quasi exclusivement par des femmes ? Alors qu'elles sont titulaires d'un bac +5, elles commencent entre 1 600 et 1 800 euros nets par mois et sont exclues du bénéfice de plusieurs primes.

Mme Laurence Cohen.  - Au moment où le Gouvernement ajoute une dixième année aux études de médecine sans réflexion préalable, ce texte instaure un troisième cycle à très bon escient.

Cette proposition de loi ne répond pas à toutes les revendications de la profession, mais marque une étape importante ; je pense à mon ami et camarade le professeur Paul Cesbron, qui l'aurait certainement saluée. (Applaudissements)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - Qu'il est loin, le temps des accoucheuses ! Voilà deux siècles que le législateur donne toujours plus de responsabilités à celles qui nous offrent le premier souffle de vie.

En vingt-cinq ans, pour des raisons de sécurité et faute d'obstétriciens, 40 % des maternités ont fermé, ce qui a marginalisé les sages-femmes. À peine plus de la moitié des étudiantes penseraient à exercer uniquement à l'hôpital. Les 20 % de places vacantes en formation traduisent ce désamour.

Les mouvements sociaux de l'année passée nous le rappellent : la barque des sages-femmes s'est chargée de toujours plus de responsabilités, mais quid de leur reconnaissance ?

Au fond, on ne peut dissocier la question du statut des sages-femmes, qui ne correspond pas à leur rôle dans notre système de santé, de celle de l'égalité entre les femmes et les hommes. Je salue la réponse du Gouvernement sur les salaires. Ce texte se rapporte à la formation.

Dans son article premier, il valorise la formation initiale en posant les bases de son intégration universitaire. C'est l'occasion de faire de la pluridisciplinarité une richesse pour notre système de santé, pour ne plus enfermer les acteurs dans une spécialité. Cette mesure fait écho à l'accord récent entre les ordres des kinés, des médecins et des infirmiers.

Créer un troisième cycle était indispensable. Le passage à bac +6 est une avancée pour l'attractivité. (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)

L'article 3 rompt avec l'inégalité entre sages-femmes et médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes en permettant une activité simultanée avec l'enseignement.

L'activité de sages-femmes est enfin pleinement reconnue comme pratique médicale par la nomenclature des activités françaises, qui la cantonnait au domaine paramédical.

Le groupe UC votera ce texte, dans l'attente d'avancées plus franches sur les conditions de travail. (Applaudissements)

M. Stéphane Ravier .  - Les sages-femmes vont mal, nous en convenons tous : 1 700 euros nets par mois après cinq ou six années d'études sélectives, c'est bien peu ! Cette année, 20 % des places sont restées vacantes ; et 44 % des sages-femmes ont déjà fait un burn-out.

Une sage-femme a toujours plusieurs mères à gérer en même temps, alors qu'il n'en faudrait qu'une seule. N'en déplaise au Planning familial et aux idéologues d'extrême gauche, c'est bien une femme qui accouche d'un enfant... (Protestations indignées à gauche)

Le gouvernement macronien ignore la profession, quand il ne la méprise pas. Les sages-femmes ont été oubliées dans la distribution des masques, puis dans les négociations du Ségur de la santé. Elles ne sont pas considérées comme prioritaires pour l'accès aux stations essence... Ces vexations répétées traduisent un manque de considération.

Que fait le Gouvernement contre le manque d'effectifs ? Il a suspendu les sages-femmes non vaccinées, humiliées brutalement parce qu'elles souhaitaient disposer librement de leur corps. Il n'est pas trop tard pour faire amende honorable et revenir sur cette décision odieuse.

Les sages-femmes sont des interlocutrices de choix pour le dépistage du cancer du sein. À Marseille, elles sont pleinement intégrées au cursus universitaire, et cela fonctionne.

Cette proposition de loi contient des avancées, mais plus que des mesurettes, il faut de la reconnaissance. Une société qui ne sait plus accueillir la vie est une société qui meurt !

Mme Guylène Pantel .  - Soulignons l'importance de ce texte adopté par l'Assemblée nationale il y a un peu plus d'un an.

Au printemps 2020, la notion de travailleur essentiel a fait irruption dans le débat public, avec un large consensus sur la nécessité de leur revalorisation. (M. Laurent Burgoa approuve.)

Le déficit de reconnaissance se double, pour les sages-femmes, de stéréotypes sur leur profession, qui n'est pas réductible à l'accouchement.

L'intégration universitaire est bienvenue, tout comme la création du troisième cycle. La possibilité de combiner activité professionnelle avec enseignement et recherche est une belle ambition, mais elle ne doit pas se traduire par des pertes de revenus.

La profession subit une pénurie de main-d'oeuvre généralisée. Ne négligeons pas les difficultés de recrutement, liées notamment au syndrome d'épuisement professionnel. Les sages-femmes voient leurs attributions s'étendre, alors que leurs horaires ne sont pas extensibles.

En écho au débat précédent sur l'IVG, n'oublions pas leur rôle essentiel dans la diffusion d'informations fiables et de qualité.

Le RDSE votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements)

M. Bruno Belin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Notre soutien au texte est total.

Il est nécessaire de faire évoluer cette profession. Le volume des compétences exigées des sages-femmes, qui a augmenté depuis la réforme de 2011, rend nécessaire une année supplémentaire de formation.

La réalité est là : nous manquons de sages-femmes. Le numerus apertus n'apportera pas de solutions. La gynécologie libérale fait défaut sur une dizaine de départements, et il n'y a presque aucune sage-femme en libéral dans certains endroits. Au même moment, on voit fleurir des coachs en natalité, des doulas... Je dis : méfiance. Il faut renforcer la professionnalisation du métier et attirer davantage de candidates.

Il est urgent de revaloriser le statut et de résorber les disparités, par exemple entre les sages-femmes qui exercent au sein d'un département ou d'une PMI et celles qui travaillent à l'hôpital.

Madame la ministre, voilà quinze ans qu'on parle des déserts médiaux. Quand apporterons-nous des réponses concrètes ? Je crois au partage de tâches avec les infirmiers en pratique avancée et les pharmaciens ; l'organisation en tuyaux d'orgue n'est plus tenable.

Nous soutiendrons la profession de sages-femmes en adoptant ce texte. (Applaudissements)

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée.  - Je remercie l'autrice du texte et la rapporteure.

Il y avait urgence à reconnaître le métier des sages-femmes : c'est en bonne voie. Comptez sur moi pour veiller à ce que le texte puisse être examiné rapidement par l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement se mobilise sur cette question : voilà une semaine, les sept ordres professionnels ont signé un texte pour permettre à tous les professionnels de travailler ensemble. Comme les pharmaciens, les pédicures-podologues, les dentistes, les masseurs-kinésithérapeutes et les infirmiers, les sages-femmes seront aux côtés des médecins pour offrir la meilleure prise en charge aux patients.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

Les articles premier bis, 2, 3 et 4 sont successivement adoptés.

Intervention sur l'ensemble

M. Laurent Burgoa .  - Je tiens à rendre hommage à mon tour à Annie Chapelier, députée du Gard de 2017 à 2022. Ce soir, elle peut être fière de son travail. Être parlementaire, cela sert à quelque chose ! (Sourires et applaudissements)

La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission de la commission des affaires sociales.  - Je remercie Raymonde Poncet-Monge pour son travail. Elle a apporté une modification importante sur le délai, en liaison avec l'Ordre et les associations d'étudiantes.

Je salue la présidente de l'Ordre et la présidente de l'Association nationale des étudiants sages-femmes, présentes en tribune. Elles souhaitaient parfois aller plus loin, mais mieux vaut tenir que courir. Puisse ce texte être adopté conforme par l'Assemblée nationale ! (Applaudissements)

Prochaine séance, demain, jeudi 20 octobre 2022 à 10 h 30.

La séance est levée à 20 h 05.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 20 octobre 2022

Séance publique

De 10 h 30 à 13 h, de 14 h 30 à 16 h et de 16 h à 20 h

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président, M. Vincent Delahaye, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot - Mme Marie Mercier

1. Proposition de loi créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, présentée par Mme Valérie Létard et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°22, 2022-2023)

2. Proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste, présentée par Mme Denise Saint-Pé (procédure accélérée) (texte de la commission, n°24, 2022-2023)

3. Proposition de loi en faveur du développement de l'agrivoltaïsme, présentée par MM. Jean-Pierre Decool, Pierre-Jean Verzelen, Pierre Médevielle, Daniel Chasseing, Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°14, 2022-2023)

4. Proposition de loi visant à mieux valoriser certaines des externalités positives de la forêt, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°37, 2022-2023)