Violences intrafamiliales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - L'enfance a été placée par le Président de la République au nombre des priorités du nouveau quinquennat. Sa protection est au coeur de la feuille de route du Gouvernement.

Le foyer familial doit être érigé en sanctuaire protecteur au sein duquel ne saurait être acceptée la moindre violence. Voilà la directive ferme que j'ai adressée aux procureurs de France dans ma circulaire de politique pénale générale de septembre dernier.

Dans une circulaire du 21 avril 2022 sur la prise en charge des mineurs présents lors d'un homicide commis au sein du couple, j'incitais déjà les procureurs à mettre en place des protocoles d'accompagnement. Le 28 février 2022, j'ai rappelé les dispositions du décret du 23 novembre 2021 énonçant qu'un mineur témoin de violences au sein du couple en est victime à part entière. J'ai demandé aux magistrats de restituer à ces faits leur exacte qualification, de veiller à la préservation des droits du mineur dans la procédure pénale et de s'assurer que la juridiction de jugement est en mesure de statuer sur l'autorité parentale.

Cette semaine, une nouvelle circulaire de politique pénale sera diffusée, qui porte la lutte contre les violences sur mineur à un niveau équivalent à celle mise en oeuvre en matière de violences conjugales.

Porter cette politique implique non seulement de lutter contre toutes les formes de violences faites aux mineurs dans le cadre familial ou institutionnel - scolaire, sportif, religieux, etc. -, mais aussi contre toute forme d'exploitation, dont la prostitution au profit des réseaux organisés.

Je compte aussi généraliser les unités d'accueil pédiatrique enfance en danger (Uaped) - je salue l'engagement de François Braun et de Charlotte Caubel à cet égard. Je sais également pouvoir compter sur tous les juges des enfants, juges aux affaires familiales (JAF) et membres du parquet pour protéger l'enfant dans son intégrité physique et morale et veiller à la préservation de ses intérêts.

Enfin, je n'oublie pas l'engagement du Sénat dans ce domaine, dont témoignent les textes votés au cours de l'année écoulée. Car il est des cas où le foyer familial devient un lieu de persécution, notamment quand le parent devient le bourreau de son enfant. Il est alors incapable d'assumer le rôle dont la loi l'a investi : protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa personne. Face au parent maltraitant, il faut se résoudre à remettre en cause le lien parental.

Ces questionnements ont abouti à la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, avec des dispositifs innovants comme la suspension automatique de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement en cas de crime commis sur l'autre parent, tel que le prévoit l'article L. 378-2 du code civil. C'est ce dispositif que l'article 1er de ce texte étend.

Je pense ensuite à la possibilité pour le juge de suspendre les droits du parent qui a été condamné pour un crime ou un délit sur l'autre parent ou sur son enfant, objet de l'article 2.

Selon la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), un adulte sur dix a été victime de violences sexuelles dans son enfance. Il y a urgence à agir, afin de s'assurer que le parent maltraitant ne puisse se prévaloir de ses droits pour maintenir une emprise sur l'enfant ou réitérer ses agissements.

L'Assemblée nationale ne s'y est pas trompée, pas plus que votre commission, en adoptant ce texte. L'article 1er modifie l'article L. 378-2 du code civil pour suspendre l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi ou condamné.

La rédaction de la commission des lois est bienvenue : le choix de viser tous les crimes commis sur l'enfant évite une hiérarchisation inopportune entre ces crimes. Elle s'en tient toutefois aux infractions les plus graves afin de garantir la constitutionnalité et la conventionnalité du dispositif. Une disposition miroir est prévue à l'article 2 bis pour forcer la délégation de l'autorité parentale dans ces hypothèses, initiative que je soutiens. Je regrette toutefois que votre commission n'ait pas repris le mécanisme qui dispensait le parquet de saisir le JAF pour confirmation.

L'article 2 crée trois mécanismes de retrait facultatif de l'autorité parentale ou de son exercice. Or le juge pénal a déjà l'obligation de se prononcer, en cas de viol, d'agression sexuelle, ou de violence. Il serait plus protecteur de créer un mécanisme de retrait obligatoire, avec possibilité pour le juge d'y déroger par motivation spéciale. Il s'agit là d'appliquer les recommandations de la Ciivise.

L'article 3 fait évoluer le code pénal pour prendre en compte ces évolutions. J'observe que sa rédaction laisse transparaître un souci de simplification, les magistrats étant incités à utiliser directement les dispositions du code civil par un renvoi. Le texte regroupe en outre au sein d'un article unique du code pénal les dispositions relatives à l'autorité parentale : c'est une simplification bienvenue. Je soutiendrai un amendement visant à ajouter l'expression consacrée en cas de renvoi à une autre disposition.

La commission a également souhaité introduire la possibilité de renvoyer l'affaire à une date ultérieure pour juger de l'autorité parentale : je suis réservé sur cette disposition, car la charge des audiences pourrait en être augmentée, de même que le délai d'audiencement, ce qui nuirait à l'efficacité de la justice.

La réflexion doit donc se poursuivre. J'ai à coeur d'aboutir avec vous à l'élaboration d'un dispositif ambitieux et respectueux de nos principes constitutionnels. Envoyons un signal fort à tous les enfants victimes. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois .  - Je me réjouis que le Gouvernement n'ait pas engagé la procédure accélérée sur la proposition de loi d'Isabelle Santiago, car cette question est complexe.

Le texte intervient sur deux mécanismes : la suspension provisoire, de plein droit, de l'exercice de l'autorité parentale et le retrait de l'autorité parentale par les juridictions pénales. Ce dernier prive un parent de toutes ses attributions, y compris du consentement à l'adoption de son enfant : c'est la titularité même qui lui est retirée. Mais dans le cas de la suspension de l'exercice, il conserve le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant via les droits de visite et d'hébergement sauf motifs graves appréciés par le JAF, ainsi qu'un droit de surveillance qui oblige l'autre parent à le tenir informé de tous les choix importants relatifs à la vie de l'enfant.

L'article 1er étend la suspension provisoire de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement au cas de poursuite ou de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commise sur l'enfant. La commission y est favorable, se conformant ainsi au souhait de la Ciivise.

Plutôt qu'une durée maximale de six mois, il avait été prévu que la suspension dure jusqu'à la décision de non-lieu, la décision de la juridiction de jugement ou jusqu'à la décision du JAF. La commission a souhaité s'en tenir à sa position de 2020 : accepter une suspension de plein droit, mais uniquement pour six mois. Il nous semble en effet disproportionné de permettre une suspension automatique tout le temps de la procédure pénale, laquelle peut être très longue.

Les députés ont créé un régime distinct pour les cas de violence conjugale ayant entraîné une ITT de plus de huit jours. Ce dispositif ne nous a pas semblé cohérent, car il suppose la présence de l'enfant au moment des violences. Or il peut souffrir de ces violences, même s'il n'était pas présent. De plus, cette disposition manquait d'intérêt pratique puisque le juge doit déjà se prononcer sur l'autorité parentale, et le fait de plus en plus dans ces cas-là.

L'article 2 rend un peu plus automatique le retrait de l'autorité parentale en cas de condamnation définitive pour crime ou agression sexuelle commis sur l'enfant ou pour crime commis sur l'autre parent. La commission des lois a revu la rédaction de l'article, en vue de le rendre plus intelligible. Elle a posé le principe de l'obligation pour la juridiction de se prononcer dans ces affaires. Nous aurons un débat sur cette rédaction qui a le mérite de dire clairement que le juge conserve la possibilité de ne pas prononcer le retrait de l'autorité parentale, sous réserve d'une motivation spéciale. Attention aux expressions qui relèvent plus de l'affichage.

L'article 2 bis de la proposition de loi ajoute un nouveau cas de délégation forcée de l'autorité parentale à un tiers : la commission y a apporté un simple ajustement rédactionnel.

L'article 2 ter, ajouté par la commission, prévoit un répit pour l'enfant en cas de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement. Il prévoit qu'aucune demande au JAF ne puisse être présentée par le parent moins de six mois après le jugement. Une disposition similaire existe en cas de retrait de l'autorité parentale.

L'article 3 procède à diverses modifications d'ordre pénal : nous mettons un terme aux divergences entre le code pénal et le code civil et harmonisons les dispositions. Facilitons le travail des pénalistes pour qu'ils s'emparent de ces mesures.

Je vous invite à voter ce texte : nous avons certes besoin d'une bonne loi, mais aussi de moyens dans les juridictions. Nous devons tous être des protecteurs de l'enfance et des guetteurs de ces violences, qui empêchent, tout simplement, un enfant de vivre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDPI)

Mme Esther Benbassa .  - C'est l'histoire de Malakai, un petit garçon de 7 ans battu à mort dans la nuit du 12 au 13 octobre 2022 par le compagnon de sa mère, qui avait déjà été condamné huit fois. Les services sociaux s'étaient pourtant saisis en avril 2022 du cas de la mère et de son fils.

En France, un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents ; 400 000 enfants vivent dans un foyer violent et 160 000 subissent chaque année des violences sexuelles.

Les travailleurs sociaux croulent sous les dossiers, faute de moyens suffisants. Les JAF sont débordés et en sous-effectif.

Dans ce désordre judiciaire, existe-t-il une place pour l'intérêt supérieur de l'enfant ? La responsabilité de l'État est immense.

Avec le texte que nous examinons aujourd'hui, tout parent poursuivi, mis en examen ou condamné pourra se voir privé de l'exercice de l'autorité parentale et de son droit de visite et d'hébergement. Cette proposition de loi est une avancée, mais elle n'est pas suffisante. On ne peut pas se contenter de numéros verts ou de petites mesures. Il nous faut garantir un accompagnement effectif pour tous ces enfants et permettre leur reconstruction. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme le rapporteur et Mme Martine Filleul applaudissent également.)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le RDSE se réjouit de l'examen de cette proposition de loi, qui soulève des enjeux primordiaux pour notre édifice institutionnel et législatif.

Notre groupe plaide depuis longtemps pour le renforcement des sanctions contre les auteurs de violences intrafamiliales. C'est un problème dont notre société a du mal à reconnaître le caractère massif et systémique. Or 400 000 enfants vivent dans un foyer où s'exercent des violences conjugales et 160 000 subissent des violences sexuelles. Les conséquences en sont graves, mais réversibles, si l'on protège les enfants et qu'ils suivent un traitement psychothérapeutique adapté. Tout retard équivaut donc à une perte de chances.

Derrière l'élargissement du mécanisme de retrait de l'autorité parentale, se cache la question de la temporalité pour protéger l'enfant en coupant un lien nocif. Ne perdons pas de vue l'intérêt supérieur de l'enfant et cherchons à traiter le plus en amont possible, tout en oeuvrant à la sensibilisation de la société sur ces sujets.

Certes, l'arsenal législatif progresse, mais il ne faut pas oublier de faire appliquer les mesures déjà en vigueur.

Le RDSE se réjouit des avancées de ce texte. Toutefois, nous déplorons que la commission ait exclu la suspension automatique de l'autorité parentale le temps de la procédure pénale. Cela empêche de remédier à l'ineffectivité du dispositif actuel. Il reviendra au procureur de saisir le JAF, ce qui n'est pas toujours systématique.

Si le JAF ou le juge pénal ne s'est pas prononcé sous six mois, le parent poursuivi voit ses droits rétablis. Prévenir ou guérir, où doit-on placer le curseur ? Cela dit, cette proposition de loi va dans le bon sens : le retrait de l'autorité parentale en cas de condamnation pour crime contre l'autre parent ou en cas d'inceste est un formidable symbole. Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC ; Mme le rapporteur et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)

Mme Brigitte Lherbier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le retrait de l'autorité parentale est difficile à envisager dans notre culture. Pourtant, cette option est nécessaire pour agir. Le législateur doit trancher : sanctionner le parent, auteur d'infractions graves contre l'enfant, protéger l'enfant en l'éloignant juridiquement. De 1979 à 1982, j'ai travaillé durant mes études sur le cas des enfants placés. J'avais remarqué que des enfants placés étaient ensuite oubliés, transférés loin des mauvais parents, qui n'avaient ensuite plus aucun droit sur eux : telle était la toute-puissance de l'administration.

La loi du 24 juillet 1889 avait établi une disjonction de protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés par l'éloignement des parents et par la déchéance de leur droit de puissance paternelle.

Cette loi misait sur le caractère exemplaire de la peine, mais n'abordait pas le devenir des enfants : le placement était irréversible. La loi du 4 juin 1970, remplaçant la puissance paternelle par l'autorité parentale, marque une étape essentielle dans l'égalité des parents : le magistrat doit essayer de recueillir l'adhésion de la famille à ses mesures. Toutefois, la loi prévoit de diminuer les possibilités légales des père et mère si l'intérêt de l'enfant le justifie.

Les magistrats peuvent limiter, voire retirer, l'autorité parentale. Mais, dès cette époque, on prévoit le côté provisoire de la mesure. Il en va de même pour la loi du 6 janvier 1986 qui renforce les droits de la famille en exigeant que les mesures soient limitées à deux ans.

La loi du 10 juillet 1989 confie aux conseils départementaux la protection des enfants en danger.

En 1997, j'ai soutenu l'une de mes thèses sur la collaboration des institutions protégeant l'enfant. Des progrès ont certes été constatés, mais il reste encore beaucoup à faire. Je voterai ce texte qui replace l'enfant au coeur de la procédure judiciaire. Le retrait de l'autorité parentale peut être nécessaire, mais il faut en même temps prévoir l'avenir de l'enfant : il faut lui assurer une stabilité affective et juridique. Je compte sur votre expérience, monsieur le garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Alain Marc .  - Un sur cinq : telle est la proportion d'adultes ayant subi des violences sexuelles quand ils étaient mineurs, selon une analyse du Conseil de l'Europe. En octobre 2021, le rapport Sauvé estimait que 15 % des femmes et 6 % des hommes majeurs avaient subi des violences sexuelles durant leur enfance, soit un peu plus de 10 % de la population.

Ce sont en tout cas des phénomènes massifs dont le grand public a pris conscience. Il est difficile de savoir si les violences sexuelles ont gagné du terrain, ou si nous en prenons davantage conscience.

Mais ce n'est qu'une partie du problème : les enfants subissent d'autres formes de violences au sein du foyer. Selon le Haut Conseil à l'égalité en 2019, 400 000 enfants seraient témoins de la violence le plus souvent du père sur la mère.

Cela traumatise aussi l'enfant. La famille n'est plus alors le cocon protecteur : c'est une prison dont il ne peut plus s'échapper.

Je me réjouis du travail de la Ciivise, qui a permis d'écouter les victimes : c'est un préalable indispensable.

Avançons sur ces sujets délicats : l'agresseur est souvent un proche de la victime. Le punir est nécessaire, mais cela est souvent aussi douloureux pour la victime.

Le phénomène dépasse tous les clivages sociaux et territoriaux. La rapporteure a effectué un travail sérieux sur un sujet complexe ; le texte de la commission est plus respectueux de l'intérêt de l'enfant, qui doit rester notre seule boussole : je pense à la réécriture de l'article 1er, entre autres.

Veillons à concilier la lutte contre ces violences avec la présomption d'innocence et le rôle du juge : le législateur ne doit pas s'y substituer. Faisons-leur confiance pour l'intérêt de l'enfant. (Mme le rapporteur applaudit.)

Mme Mélanie Vogel .  - Quand on ne peut pas se protéger soi-même, on doit pouvoir appeler à l'aide. Et quand on appelle à l'aide, on doit être cru ; et quand on est cru, on doit pouvoir être aidé.

Tout cela devrait aller de soi. Pourtant, l'aide aux enfants victimes n'est pas efficace, alors qu'il y a urgence : deux enfants par classe, un à deux adultes sur dix - soit entre 35 et 70 d'entre nous - ont subi ces violences.

Le mouvement MeTooInceste et la Ciivise montrent que les victimes qui parlent sont rarement crues, et rarement aidées convenablement.

Je remercie Isabelle Santiago de son initiative, ainsi que la rapporteure Marie Mercier. Le GEST soutient cette proposition de loi, importante pour améliorer la protection des victimes. Elle doit protéger l'enfant des violences intrafamiliales, et donc parfois de ses propres parents.

Je regrette que la commission des lois ait voulu supprimer certaines dispositions votées à l'Assemblée nationale, comme l'extension de la suspension de l'autorité parentale à certains cas, pourtant nécessaire. MeTooInceste montre pourtant que dans de trop nombreux cas, les victimes ne sont pas crues. C'est pourquoi les députés ont élargi la suspension, et que nous avons déposé un amendement de rétablissement.

Autre point important : la lutte contre la théorie du syndrome de l'aliénation parentale. Un exemple : un dimanche, la fille d'un couple divorcé revient traumatisée de chez l'autre parent et raconte qu'elle subit des violences. Le parent - mettons qu'il s'agit de la mère - alerte la justice et refuse de laisser partir sa fille. C'est un cas rare : l'enfant parle, elle est écoutée et aidée. Or souvent la justice ne croit pas le parent qui agit comme il se doit, suspectant une instrumentalisation. Cette fausse théorie de l'aliénation parentale est malheureusement répandue en France, ce qui lui a valu une mise en garde du Conseil de l'Europe. Il faut mettre fin à cette absurdité.

Monsieur le ministre, vous souhaitez mettre la lutte contre les violences faites aux mineurs au même niveau que la lutte contre les violences faites aux femmes. Avec un nombre croissant de féminicides, permettez-moi de m'inquiéter. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe CRCE, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents. En outre-mer, c'est encore pire, comme le montrait une étude du Cese de 2017, en raison de l'insularité et la faible superficie de ces territoires, rendant plus difficiles la libération de la parole et l'éloignement du conjoint violent.

Un bilan du ministère de l'intérieur révélait une hausse de ces violences à Mayotte en 2022.

Il faut mieux reconnaître la souffrance des enfants victimes et les protéger. Les traumatismes peuvent provoquer des maladies et être un facteur de reproduction de violences.

La loi de 2019 a créé un mécanisme de suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement pour le parent condamné pour un crime commis sur l'autre parent. La loi de 2020 l'a étendu aux délits. Notre arsenal s'est renforcé, mais reste perfectible.

Cette proposition de loi, inspirée par les travaux de la Ciivise, prévoit des mécanismes automatiques de suspension ou de retrait de l'autorité parentale en cas de violences.

Un travail transpartisan entre les chambres et le Gouvernement a permis de faire de la lutte contre les violences intrafamiliales une priorité. Adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, cette proposition de loi élargit les cas de suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement : jusqu'à la décision du juge en cas de poursuite, mise en examen ou condamnation pour un crime commis sur l'autre parent ou de crimes ou agression sexuelle incestueuse commise sur l'enfant ; jusqu'à la décision du JAF, qui devrait être saisie par l'un des parents dans les six mois à compter de la décision pénale en cas de condamnation même définitive pour des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours lorsque l'enfant a assisté aux faits.

La proposition de loi prévoit également le retrait systématique de l'autorité parentale ou de l'exercice de l'autorité parentale en cas de condamnation pour crime ou agressions sexuelles incestueuses sur l'enfant ou pour crimes sur l'autre parent sauf si le juge a décidé autrement, à charge pour lui de motiver spécialement ce choix. Elle ajoute un nouveau cas de délégation forcée de l'exercice de l'autorité parentale à un tiers en cas de poursuite, de mise en examen ou de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis par un parent seul titulaire de l'exercice de l'autorité parentale.

À l'initiative de sa rapporteure dont je salue le travail, la commission des lois a réservé le déclenchement de la suspension de l'exercice de l'autorité parentale aux crimes et agressions sexuelles sur l'enfant. Nous y souscrivons, mais nous pensons indispensable de prévoir explicitement le retrait de l'autorité parentale aussi pour violences sur l'autre parent et déposerons trois amendements pour concrétiser les recommandations de la Ciivise.

Le RDPI votera ce texte équilibré, qui protège l'enfant et les relations familiales. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Éric Gold applaudit également.)

Mme Laurence Harribey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.) C'est presque une litanie : 400 000 enfants vivent dans un foyer violent et dans 25 % des cas, ils en sont directement victimes. Cela leur laisse des séquelles psychologiques et physiques. Cette proposition de loi d'Isabelle Santiago, présente en tribune, a été votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale après de nombreuses modifications. C'est un pas de plus dans la protection des enfants.

Nous avons souscrit à la loi du 22 avril 2021 qui a opéré un changement attendu dans la prévention des victimes et a instauré de nouvelles infractions sexuelles autonomes pour les mineurs de moins de 18 ans. C'est le groupe SER qui avait proposé de relever l'âge du non-consentement à 18 ans, et non 15 pour les cas de crimes d'inceste.

Nous avions proposé le retrait de l'autorité parentale lors de l'examen de la loi Taquet en 2022, mais il avait été rejeté. De nombreux mois ont ainsi été perdus.

La protection des enfants victimes doit être comprise dans un cadre plus large, notamment d'emprise de l'autre parent. Il faut protéger souvent la mère. Il y a déjà eu 34 féminicides en 2023.

L'article 1er visant la suspension de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Nous regrettons que la commission des lois du Sénat l'ait en partie vidé de son contenu. La rapporteure revient ainsi sur la suppression du délai maximum de six mois alors qu'une procédure peut durer plusieurs années : il faut protéger l'enfant durant l'intégralité de la période.

La loi doit préciser que la suspension de l'exercice de l'autorité parentale doit être effective dans un délai de six jours, conformément aux dispositions du code civil relatives à la délivrance de l'ordonnance de protection. S'il était rétabli, nous pourrions voter ce texte. C'est le sens de nos amendements, identiques à ceux de plusieurs autres groupes. Il faut garantir le droit de l'enfant à être entendu et à être assisté d'un avocat.

Au-delà, le manque de moyens limite la portée de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Esther Benbassa, Laurence Cohen et Mélanie Vogel applaudissent également.)

Mme Laurence Cohen .  - Je salue la présence d'Isabelle Santiago et remercie la rapporteure. Hannah Arendt écrivait : « Le développement de l'enfant, c'est la continuité du monde. »

Les enfants ne doivent pas être tributaires d'un passé douloureux. Les statistiques sont glaçantes : 60 % des enfants témoins de violences développent un stress post-traumatique.

Des pédopsychiatres comme Muriel Salmona et Luis Alvarez considèrent que ces enfants développent des syndromes comparables à ceux des victimes de guerre.

Heureusement, les féminicides ne sont plus vus comme des drames passionnels, mais la conséquence du système patriarcal qui gangrène nos sociétés.

La délégation aux droits des femmes a montré le rôle de la pornographie dans la diffusion d'une culture du viol et de l'inceste qui nourrit les violences.

Malheureusement, les enfants sont trop souvent des objets de chantage des conjoints violents. Malgré les avancées de 2018 et 2020, ils ne sont pas suffisamment pris en considération.

Nous devons protéger les enfants et faire en sorte que plus aucun ne meure de maltraitance, mais les moyens de la protection de l'enfance sont insuffisants.

Nous saluons cette proposition de loi qui va dans le sens des recommandations de la Ciivise.

Un conjoint violent ne peut être un bon père. La vulnérabilité des enfants oblige à une protection sans concession. Je regrette que la proposition de loi ne comprenne pas tous les cas de violence comme nous y invite la convention internationale des droits des enfants. Souvent, les enfants victimes de violences reproduisent la violence à l'âge adulte.

Je viens vous interpeller, monsieur le ministre, à propos de l'un de nos amendements déclarés irrecevables : il faut faire évoluer l'article L. 227-5 de notre code pénal qui traite du délit de non-présentation d'enfant.

Il n'est plus possible qu'un parent, le plus souvent une mère, craignant un danger tangible pour l'enfant tombe sous le coup de ce délit. Appliquons le principe de précaution dans l'intérêt de l'enfant, et finissons-en avec le soi-disant syndrome d'aliénation parentale, trop souvent invoqué dans ces affaires.

Nous voterons ce texte en espérant pouvoir l'améliorer par nos amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; Mme le rapporteur applaudit également.)

Mme Annick Billon .  - Enfin ! Enfin, l'immuable lien entre parent et enfant peut être considéré comme délétère quand le parent est violent. Que de vies abîmées pour avoir nié l'évidence : souvent, un mari violent est aussi un père violent. Non, un enfant ne peut se construire dans un tel climat.

C'est une violence psychologique, l'enfant est pris dans un étau. Ce conflit s'apparente à une scène de guerre ou un attentat, selon le juge Édouard Durand. C'est même pire, car l'enfant ne peut trouver refuge dans les bras de l'un de ses parents et n'a d'autre choix que de se taire, et d'assister au délitement des piliers de son existence. Cela aura des conséquences graves sur son développement.

Protéger l'enfant, c'est l'éloigner de cette violence, quitte à suspendre l'autorité parentale qui vise à protéger l'enfant dans sa sécurité et sa santé. Un père violent n'est pas un bon père ; souvent, il se sert des enfants contre la victime, par des pressions perverses qui empêchent l'enfant de se construire ; et le bourreau dicte encore sa loi.

Et que dire de la violence directe de l'inceste ? Je salue l'engagement de longue date de Marie Mercier. La commission des lois a choisi de permettre la suspension de l'exercice de l'autorité parentale en urgence avant tout jugement. Cela entend concilier présomption d'innocence et protection de l'enfant. Mais il faut suspendre toute l'autorité parentale, et non son seul exercice, afin que le parent poursuivi ne conserve plus le droit de surveillance de l'enfant, par exemple. Soyons plus ambitieux. Pourquoi ne pas élargir l'article 1er aux atteintes sexuelles incestueuses ?

Je me félicite de la suspension du droit de visite et d'hébergement dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Cela acculturera les juges et les incitera à porter un nouveau regard sur ces dossiers complexes.

Présidente de la délégation aux droits des femmes et auteure de la proposition de loi pour protéger les mineurs de crimes sexuels, je me félicite des avancées proposées aujourd'hui.

Ce texte marque le début d'un changement profond dans notre manière d'appréhender les violences intrafamiliales.

J'ai une pensée pour une maman de trois enfants victimes d'inceste que j'ai récemment rencontrée et qui a besoin de la justice pour les éloigner de leur père. J'emprunterai ses mots : « les enfants sont l'avenir, protégeons-les ». Pour l'instant, on n'y arrive pas...

Le groupe UC votera ce texte. Je salue le travail de Dominique Vérien, sénatrice en mission sur les violences intrafamiliales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme le rapporteur et Mme Marie-Pierre Monier applaudissent également.)

Mme Micheline Jacques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi attendue par de nombreuses associations repose sur un principe : un parent violent ne saurait être un bon parent. Elle présente une bonne articulation avec l'autorité parentale et la présomption d'innocence.

L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs. J'approuve la réécriture de l'intitulé du texte, supprimant le terme de covictime : un enfant est victime directe des violences intrafamiliales, et non, comme pourrait le suggérer le terme, une victime collatérale.

Sur proposition de la rapporteure, la commission des lois a simplifié et complété les dispositifs initiaux.

Je salue la réécriture qui assure la lisibilité du lien entre condamnation pour violence contre l'autre parent ou l'enfant et l'autorité parentale.

Le texte prévoyait d'étendre la suspension de l'autorité parentale aux violences entraînant une ITT supérieure à huit jours pour l'autre parent et aux viols ou agressions sexuelles sur l'enfant. La commission des lois l'a limité aux cas les plus graves, le droit satisfaisant les autres cas.

L'article 2 garantit le respect de l'individualisation des décisions des magistrats. La possibilité de maintenir l'autorité parentale sur décision motivée permettra la prise en compte des cas, mêmes marginaux, de crimes commis en réponse à des violences - vous avez comme moi en tête le cas de Valérie Bacot.

Avec force, les associations oeuvrant contre les violences faites aux femmes réclament une suspension automatique de l'autorité parentale jusqu'au procès citant des exemples dramatiques d'enfants de victimes de féminicide maintenus sous l'autorité du père. Ces cas sont rarissimes, mais même un seul cas, c'est encore trop.

J'ai été étonnée des disparités entre territoires en matière de coordination : comment articuler l'ensemble des acteurs impliqués dans la décision relative à l'autorité parentale ? Le protocole appliqué pour les féminicides serait un cadre adapté.

J'ai engagé un travail pour élaborer un statut pour ces enfants orphelins, qui dépasse le cadre de ce texte.

Je vous adresserai prochainement, monsieur le ministre, les conclusions du colloque que j'ai organisé en février dernier avec l'Union nationale des familles de féminicides.

L'article 2 bis facilitera le quotidien des enfants accueillis et des familles qui les accueillent. Les féminicides sont des drames non anticipés : les enfants sont confiés dans une urgence qui rend tout obstacle administratif ou juridique insurmontable.

Il en va de même pour la mesure de stabilisation de l'article 2 ter.

Ce texte concourt à la protection des enfants, et l'on ne peut que se féliciter des enrichissements apportés au fil de son examen. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je salue Isabelle Santiago, autrice de cette proposition de loi, et remercie la Chancellerie qui a travaillé sur ce texte avec elle.

J'émettrai cependant trois regrets. D'abord, la commission des lois a limité la portée du texte. Ensuite, la méthode du patchwork qui nous conduit à avancer, depuis quelques années, proposition de loi par proposition de loi, en laissant des trous dans la raquette. Enfin, nous votons aujourd'hui certaines propositions du groupe SER qui n'ont pas eu l'heur de plaire à la commission des lois il y a quelques années... Que de temps perdu ! Une grande loi sur le sujet aurait été préférable.

Il ne se passe pas une semaine sans que je ne sois saisie de dossiers de séparations. Presque toujours, la mère est partie ; le père a été blessé dans son orgueil, et le conflit se cristallise sur les enfants. Au bout de quelque temps, les enfants rapportent des comportements incestueux de la part du père. Mon sentiment est que le père se venge de la mère en commettant des agressions sexuelles sur les enfants. La mère porte plainte, et c'est là que commence son chemin de croix. J'ai eu connaissance d'un cas où le juge a recommandé à la femme de renvoyer les enfants chez le père pour mieux établir la matérialité des faits... Puis les experts s'en mêlent, ils présentent la mère comme une manipulatrice affabulatrice, et le père se retourne contre la mère avec le délit de non-représentation de l'enfant. Ces cas sont légion. Parce qu'elles vivent un enfer judiciaire, certaines femmes partent à l'étranger avec leurs enfants : elles n'ont plus d'autre solution.

C'est de la maltraitance institutionnelle, et nous sommes beaucoup trop frileux pour répondre à ces souffrances. Ce qui nous est proposé ce soir, c'est un petit pas...

Monsieur le ministre, merci pour le décret du 23 novembre 2021. Mais pourquoi n'y a-t-il aucune sanction ni amende civile pour le père qui ne présente pas son enfant, alors que la mère subit toutes les formes de harcèlement ? Je pense aux « enfants à la fenêtre », ceux qui attendent le père tous le week-end - mais celui-ci ne vient pas pour empêcher la mère de sortir. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains, car l'oratrice a épuisé son temps de parole.)

Depuis la circulaire de 2017, les magistrats ne parlent plus de « syndrome d'aliénation parentale » mais de « mère manipulatrice ». C'est un problème de culture des magistrats : cela doit changer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 9 février 2023, cette proposition de loi était adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement n'a pas souhaité engager la procédure accélérée sur ce sujet si sensible.

Ce texte est dans la droite ligne de la loi du 28 décembre 2019 qui distingue le retrait de l'autorité parentale de celui de son exercice. Il a pour vocation de rendre plus systématique le prononcé de retrait de l'autorité parentale par les juridictions pénales.

Depuis 2016, le nombre d'actes de violence intrafamiliale ne cesse d'augmenter. En 2019, 44 % des plaintes pour violences physiques ou sexuelles concernaient des violences au sein de la famille. Ces chiffres effrayants nous obligent : le législateur doit agir pour enrayer ce phénomène.

Je salue le travail minutieux de réécriture du texte par la rapporteure. Je la rejoins dans son choix de limiter notre intervention à des points précis, en l'espèce la suspension provisoire de plein droit de l'autorité parentale et le retrait de celle-ci par un juge. C'est conforme aux principes généraux du droit : présomption d'innocence, appréciation in concreto de la situation de l'enfant par un juge et droit à une vie familiale et privée normale. Ses interventions ont aussi mis en cohérence le droit civil et le droit pénal.

À l'article 1er, l'extension de la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement se cantonne aux infractions les plus graves. La commission a considéré que la suspension automatique de l'autorité parentale pour tout le temps de la procédure, qui peut durer des années, était disproportionnée.

L'article 2 fait du retrait total de l'autorité parentale le principe en cas de crime ou agression sexuelle incestueuse sur l'enfant ou de crime sur l'autre parent.

L'article 4 rendra effectives et cohérentes les mesures de cette proposition de loi.

Ainsi modifié, le texte améliorera les dispositifs existants pour une meilleure protection des enfants victimes de parents violents. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Annick Billon et Colette Mélot applaudissent également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je regrette comme vous, madame Rossignol, le côté patchwork de l'action du législateur. Mais convenez avec moi que nous n'avons pas le don de médiumnité et qu'il faut s'adapter aux évolutions parfois effrayantes de notre époque... C'est la société qui fait le droit, non l'inverse.

Vous attirez mon attention sur les enfants témoins, qui sont en réalité des enfants victimes et nous les reconnaissons comme tels.

Reste la question des poursuites pour non-représentation d'enfant. Cela correspond souvent à ce que vous décrivez - mais pas toujours. Il est terrifiant pour une mère de devoir livrer son enfant à son bourreau. L'irrecevabilité n'a pas de signification sur le fond, vous le savez comme moi. (Mme la rapporteure le confirme.) Je vous promets que nous agirons sur cette question, une fois rendu le rapport Vérien-Chandler. Je vous le redis, madame Rossignol, madame Cohen, nous aboutirons sur cette question fondamentale, qui met en évidence une injustice fondamentale. Je connais l'engagement de Mmes Chandler et Vérien, et je sais que leur rapport sera de grande qualité.

Discussion des articles

ARTICLE 1er

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois .  - Lorsqu'un enfant est en danger, la question de l'autorité parentale ne vient que dans un second temps : l'urgence est de le mettre à l'abri. Le parquet peut ordonner, en urgence et sans contradictoire, le placement provisoire, éventuellement chez l'autre parent, à charge pour ce dernier de saisir le juge des enfants dans un délai de huit jours. Il peut aussi requérir une ordonnance de protection auprès du JAF. Enfin, la personne poursuivie peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire ou d'une assignation à résidence sous contrôle électronique.

Ces dispositifs se cumulent : la mise à l'abri de l'enfant ne repose pas sur les seuls articles L. 378 et L. 378-2 du code civil.

Mme Annick Billon .  - Le dispositif initial créait un régime spécifique en cas de condamnation, même non définitive, pour des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits. Cette dernière condition n'est pas souhaitable. Selon Édouard Durand, président de la Ciivise, la condition de la présence de l'enfant divise par quatre ou cinq le nombre de dossiers à traiter. Or notre objectif n'est pas de diminuer le nombre de dossiers, mais de protéger les enfants. Je remercie donc la rapporteure d'avoir intégré mon amendement au texte de la commission.

Il est toutefois fondamental de tenir compte des violences conjugales comme motif de suspension de l'autorité parentale ou de son exercice, selon la formule « un parent violent ne peut pas être un bon parent ». Or l'article 1er tel que rédigé ne permet pas la prise en compte globale de la problématique des femmes victimes de violences conjugales et des enfants victimes de violences intrafamiliales.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

L'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, ou pour une agression sexuelle incestueuse ou atteinte sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.

L'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent prévues soit à la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal, soit aux sections 1, 3 et 3 bis du chapitre II du même titre II, sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale.

A défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis.

À défaut, le retrait partiel provisoire de l'autorité parentale peut être prononcé. Dans ce cas, la suspension provisoire de l'autorité parentale comprend le retrait du droit de surveiller l'éducation de l'enfant.

Peut se voir retirer totalement l'autorité parentale ou, à défaut, l'exercice de l'autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal le parent qui est condamné, soit comme auteur, coauteur ou complice, hors le cas prévu au précédent alinéa, d'un délit commis sur la personne de son enfant, soit comme coauteur ou complice d'un crime ou délit commis par son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d'un délit sur la personne de l'autre parent.

Mme Laurence Cohen.  - Le groupe CRCE propose de retirer l'autorité parentale, et non seulement son exercice, au parent poursuivi, mis en examen ou condamné pour un crime commis sur l'autre parent ou pour une agression sexuelle incestueuse ou un crime sur la personne de son enfant, jusqu'à la décision du JAF. Nous rétablissons ainsi la version adoptée par l'Assemblée nationale, bien plus protectrice.

Nous proposons aussi d'étendre ces dispositions à toutes les violences volontaires commises dans le cadre familial. Nous ne comprenons pas la décision de la commission des lois. Le doute doit profiter à la protection de l'enfant. La simple suspension de l'exercice de l'autorité parentale ne suffit pas à protéger efficacement les enfants victimes de violences conjugales ou intrafamiliales.

Nous réécrivons donc l'article 1er dans un sens plus protecteur.

M. le président.  - Amendement n°44 rectifié bis, présenté par Mme Vérien, MM. Détraigne et Henno, Mme de La Provôté, M. Cadic, Mme Dindar, M. Delahaye, Mmes Ract-Madoux et Sollogoub, M. Le Nay, Mmes Jacquemet et Vermeillet, M. Levi, Mme Loisier, M. Janssens, Mmes Perrot et Saint-Pé, M. Duffourg, Mmes Herzog et Guidez, M. Longeot et Mme Doineau.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2.  -  L'autorite? parentale et les droits de visite et d'he?bergement du parent poursuivi par le ministe?re public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamne?, me?me non de?finitivement, pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, ou pour une agression sexuelle incestueuse ou atteinte sexuelle incestueuses ou un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'a? la de?cision du juge aux affaires familiales, le cas e?che?ant saisi par le parent poursuivi, jusqu'a? la de?cision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'a? la de?cision du jugement ou de l'arre?t pe?nal.

« L'autorite? parentale et les droits de visite et d'he?bergement du parent qui est condamne?, me?me non de?finitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent pre?vues soit a? la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II du code pe?nal, soit aux sections 1, 3 et 3 bis du chapitre II du me?me titre II, sont suspendus de plein droit jusqu'a? la de?cision du juge aux affaires familiales, qui doit e?tre saisi par l'un des parents dans un de?lai de six mois a? compter de la de?cision pe?nale. À de?faut de saisine dans ce de?lai, les droits du parent condamne? sont re?tablis.

« À de?faut, le retrait partiel provisoire de l'autorite? parentale peut e?tre prononce?. Dans ce cas, la suspension provisoire de l'autorite? parentale comprend le retrait du droit de surveiller l'e?ducation de l'enfant. »

Mme Jocelyne Guidez.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°45 rectifié ter, présenté par Mme Billon.

Mme Annick Billon.  - Il s'agit de parvenir à une suspension de plein droit de la titularité de l'autorité parentale et non seulement de son exercice. Car un parent titulaire de l'autorité parentale conserve des relations personnelles avec l'enfant, avec notamment un droit de surveillance.

Il est nécessaire de prendre en compte toutes les violences sexuelles incestueuses à l'encontre d'un enfant : la notion d'atteinte sexuelle est plus large et offre une meilleure protection.

Il convient aussi de prendre en compte toutes les violences conjugales, sans les limiter à un nombre de jours d'ITT déterminé ou à la présence de l'enfant.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2.  -  L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit dans un délai maximal de six jours, jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.

« L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, sont suspendus de plein droit dans un délai maximal de six jours jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »

Mme Laurence Harribey.  - Le groupe SER est attaché à la rédaction de l'Assemblée nationale, plus fidèle à l'esprit du texte. Nous avons perçu la même intention chez le garde des sceaux. La suspension de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement sans limitation de durée nous semble impérieuse en cas de poursuites ou de condamnation pour des faits criminels ou des agressions sexuelles commises sur son enfant, afin d'assurer une protection durable.

Les violences conjugales sont trop graves pour ne pas envisager la suspension de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement. Revenons au texte de l'Assemblée nationale.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2.  -  L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.

« L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »

Mme Laurence Harribey.  - Amendement de repli, pour inclure les violences conjugales à partir de huit jours d'ITT et le crime ou l'agression sexuelle sur la personne de l'enfant, mais sans délai maximal. C'est l'un des apports majeurs de la proposition de loi.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2. - L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal.

« L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent qui est condamné, même non définitivement, pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, lorsque l'enfant a assisté aux faits, sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, qui doit être saisi par l'un des parents dans un délai de six mois à compter de la décision pénale. À défaut de saisine dans ce délai, les droits du parent condamné sont rétablis. »

Mme Mélanie Vogel.  - La commission est revenue sur plusieurs mesures protectrices votées par l'Assemblée nationale. Cet amendement en rétablit deux : la suppression de la limitation à six mois apportée à la suspension de l'exercice de l'autorité parentale, et la suspension de l'exercice de l'autorité parentale et du droit de visite du parent condamné pour des violences volontaires ayant conduit à une ITT de plus de huit jours si l'enfant a assisté aux faits. On sait bien, cela a été dit, que l'enfant n'est pas seulement témoin, mais victime.

M. le président.  - Amendement identique n°27, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Laurence Harribey.  - Nous sommes prêts à réintroduire la condition selon laquelle l'enfant doit avoir assisté aux faits, même si cela n'est pas nécessaire pour être considéré comme victime des violences.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 378-2 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 378-2.  -  L'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi par le ministère public, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant sont suspendus de plein droit jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du jugement ou de l'arrêt pénal. »

Mme Laurence Harribey.  - La suspension de l'exercice de l'autorité parentale est actuellement limitée à six mois. J'entends les arguments sur la présomption d'innocence, mais cette limite doit être supprimée afin d'éviter toute instrumentalisation. Il faut aller jusqu'à l'extinction des poursuites, pour protéger l'enfant.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - L'amendement n°22 tend à la suspension de la titularité de l'autorité parentale, ce qui change totalement la nature de la suspension. L'objectif est de couper tout lien avec l'enfant pendant toute la durée de la procédure pénale. En effet, le titulaire de l'autorité parentale doit notamment être informé des décisions importantes concernant l'enfant.

L'amendement vise également à intégrer les atteintes sexuelles incestueuses, comme l'exhibition.

Enfin l'amendement réintègre un dispositif de suspension provisoire de plein droit en cas de condamnation pour violences volontaires sur l'autre parent sans plus faire référence à une durée d'ITT ou à la présence des enfants. Mais une partie des infractions visées par l'amendement sont des crimes, ce que couvre la rédaction de la commission.

Aggraver la mesure de suspension, de façon automatique et sans intervention du juge, porterait une atteinte disproportionnée au respect du droit à une vie familiale normale. La commission a restreint ces dispositions aux cas les plus graves et a conservé le délai actuel maximal de six mois.

De plus, l'amendement mélange les notions de suspension et de retrait, alors que la suspension est de plein droit, et non décidée par un magistrat.

Enfin, le JAF n'est pas compétent en matière d'autorité parentale : cela revient au tribunal. Avis défavorable à l'amendement n°22.

Les amendements nos44 rectifié bis et 45 rectifié ter visent à supprimer tout lien entre le parent violent et l'enfant. J'émets les mêmes réserves -  absence de proportionnalité et difficultés techniques.

Le dispositif de la commission intègre les crimes et j'ai proposé en commission d'obliger les juridictions à se prononcer dès qu'il y a délit sur la personne de l'enfant. Notre boussole est l'intérêt de l'enfant. Avis défavorable aux amendements nos44 rectifié bis et 45 rectifié ter.

L'amendement n°25 vise à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale. Mais la commission a restreint le dispositif aux seules infractions les plus graves. Nous voulons que le juge soit systématiquement saisi au bout de six mois, c'est la contrepartie de l'automaticité. En outre, la suspension est de plein droit : elle court dès qu'il y a mise en examen ou poursuite par le parquet, sans décision de justice. La présence de l'enfant n'a pas de sens, mais nous ne voulons pas créer de régime particulier. Il appartient donc à la juridiction pénale de se prononcer sur la suspension de l'autorité parentale, ainsi que nous l'avons prévu à l'article 3. Avis défavorable à l'amendement n°25, de même qu'à l'amendement n°26, qui est une variante du précédent.

Avis défavorable aux amendements identiques nos3 et 27, car contraires à la position de la commission qui a entendu restreindre le dispositif aux seules infractions les plus graves et qui souhaite qu'un juge soit systématiquement saisi au bout de six mois.

Avis défavorable à l'amendement n°28 : tout le monde ne dispose pas des ressources nécessaires pour saisir un juge.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Ces amendements visent à créer deux mécanismes de suspension de plein droit de la titularité de l'autorité parentale ou de son exercice et des droits de visite et d'hébergement.

En cas de poursuite ou de condamnation du parent pour un crime commis sur l'autre parent ou une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur l'enfant, la suspension s'appliquerait jusqu'à la décision du JAF.

En cas de condamnation du parent pour des violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours pour l'autre parent, lorsque l'enfant a assisté aux faits, la suspension s'appliquerait jusqu'à la décision du JAF, saisi dans les six mois après la décision pénale.

Je vous rejoins sur la nécessité que la suspension de plein droit s'applique aux crimes et aux agressions sexuelles incestueuses dont un enfant peut être victime. En revanche, il me semble excessif de suspendre automatiquement la titularité de l'autorité parentale alors qu'aucun juge n'a examiné la situation.

Je suis donc opposé aux amendements nos22, 44 rectifié bis, 45 rectifié ter et 25.

La rédaction issue de l'Assemblée nationale me semblait équilibrée. Toutefois, pour des raisons constitutionnelles, il faut être prudent et limiter le mécanisme de suspension aux infractions les plus graves commises en présence de l'enfant. Sagesse bienveillante sur les amendements identiques nos3 et 27.

L'amendement n°26 rompt les équilibres : avis défavorable.

Il faut en outre revenir à la rédaction issue de l'Assemblée nationale sur la saisine du JAF par les parties : avis favorable à l'amendement 28.

Mme Laurence Cohen.  - Je comprends la réponse de la rapporteure sur l'amendement n°22, qui comporte des maladresses. Mais je la trouve particulièrement sévère avec les autres amendements reprenant le texte adopté par l'Assemblée nationale, plus protecteur. J'apprécie en cela l'avis du garde des sceaux.

Nous cherchons tous la meilleure façon de protéger l'enfant.

Mme Annick Billon.  - Notre objectif commun est la protection de l'enfance. Ces amendements attirent l'attention sur la dangerosité, car il n'y a pas de gradation : dès le soupçon, il y a danger. Un enfant décède tous les cinq jours sous les coups d'un parent. Nous devons tout mettre en oeuvre pour protéger les enfants, selon un principe de précaution. Je maintiens mon amendement et vous invite à le voter.

L'amendement n°22 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos44 rectifié bis et 45 rectifié ter, les amendements nos25 et 26, les amendements identiques nos3 et 27, et l'amendement n°28.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

incestueuse commis sur la personne de son enfant

Mme Laurence Rossignol.  - Mon premier choix eût été le vote conforme de l'article 1er...

Selon le texte, l'autorité parentale est suspendue ou retirée au parent s'il a commis un crime ou une agression sexuelle sur la personne de son enfant. J'en déduis que son autorité parentale pourrait être maintenue sur les autres membres de la fratrie. Comment un père ayant commis un inceste peut-il conserver l'autorité parentale sur ses autres enfants ?

Deuxième cas : un père de famille commettant des agressions sexuelles - je pense au film Les Chatouilles, dans lequel un ami de la famille viole une petite fille. Comment imaginer qu'un homme condamné pour violences sexuelles sur mineurs conserve l'autorité parentale sur ses propres enfants ?

Tous mes amendements visent à ce qu'un homme poursuivi ou condamné pour agressions sexuelles sur un enfant ne puisse plus disposer de son autorité parentale sur ses propres enfants.

Je propose cinq rédactions : pleine d'espoir, j'espère que l'une d'elles aura l'heur de trouver grâce auprès du ministre et de la rapporteure...

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

incestueuse commis sur la personne de son enfant

par les mots :

prévu aux articles 222-22, 222-22-1, 222-22-2, 222-22-3, 222-23-1, 222-23-2 et 227-23 du code pénal sur un mineur de seize ans

Mme Laurence Rossignol.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

incestueuse commis sur la personne de son enfant

par les mots :

commise sur un mineur

Mme Laurence Rossignol.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

incestueuse commis sur la personne de son enfant

par les mots :

commise sur un mineur de moins de 16 ans

Mme Laurence Rossignol.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

commis sur la personne de son enfant

Mme Laurence Rossignol.  - Défendu.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - On va probablement me trouver sévère, mais...

Mme Laurence Rossignol.  - Je ne suis pas une enfant !

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - ... ces amendements visent tous à élargir les cas de suspension de l'exercice de l'autorité parentale. (Mme la rapporteure se met à lire son argumentaire très rapidement.) Cela va bien plus loin que les recommandations de la Ciivise.

Mme Laurence Rossignol.  - Rappel au Règlement !

Mme Émilienne Poumirol.  - On ne comprend rien !

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - L'amendement n°9 permettrait une suspension de plein droit pour tout crime ou agression sexuelle, quel que soit l'âge de la victime ou son lien de parenté. L'amendement n°8 ferait jouer la suspension automatique à chaque fois qu'un parent serait poursuivi pour un crime, un viol ou une agression sexuelle ou la diffusion et l'enregistrement d'images à caractère pornographique d'un mineur de 16 ans. L'amendement n°10 permet une suspension de plein droit pour tout crime, sans préciser qui est la victime. L'amendement n°11 est le même, mais limité aux mineurs de 16 ans. L'amendement n°12 permet enfin une suspension en cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse, quel que soit le lien de parenté de la victime avec l'auteur.

L'idée sous-jacente est qu'un auteur de violences sexuelles ne peut être un bon parent. Cette extension n'a pas été envisagée par l'auteure de la proposition de loi et je ne l'ai pas étudiée. L'article 378 du code civil ne prend en compte que les crimes et délits commis sur l'enfant ou l'autre parent.

Ces amendements pourraient porter atteinte au principe de proportionnalité. Méfions-nous des solutions automatiques. Il faut examiner la situation de l'enfant in concreto. N'appliquons pas de manière maximaliste le principe de précaution.

Enfin, la référence aux mineurs de 16 ans crée un décalage avec le code pénal qui retient l'âge de 15 ans. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'amendement n°9 entraînerait de facto le déclenchement de la suspension de l'autorité parentale en dehors de son cercle familial : un parent qui se lancerait dans le faux-monnayage se verrait privé de l'exercice de l'autorité parentale.

Mme Laurence Rossignol.  - Je mentionne l'agression sexuelle !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - « Ou » une agression sexuelle, et non « et ». Avis défavorable.

Avec l'amendement n°8, vous excluez du dispositif les mineurs de 16 à 18 ans, qui ne seraient plus protégés : avis défavorable.

Sur les amendements nos10 et 11, avis défavorable, car des mineurs ayant commis une agression sexuelle sur un mineur ne seraient pas à l'abri de subir, bien des années plus tard, une suspension de leur autorité parentale sur leurs enfants nés bien après les faits.

L'amendement n°12 ne protégerait plus les mineurs de 16 à 18 ans, même en cas de crime.

Tous ces amendements mettent en péril la cohérence du dispositif et entraînent d'importants effets de bords : l'intérêt des enfants pourrait ne plus être protégé. Avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol.  - La rapporteure a exposé ses arguments trop rapidement. Comment apprécie-t-on in concreto la situation d'un enfant dont le frère ou la soeur a été victime d'inceste de la part du père ? La situation des autres enfants est préoccupante ! (Mme Émilienne Poumirol renchérit.)

Monsieur le garde des sceaux, j'ai bien compris que mes rédactions avaient toutes des défauts. Mais vous êtes sans doute sensible à mes propos : proposez-nous alors une autre rédaction !

En outre, vous soutenez qu'une suspension de l'autorité parentale pourrait concerner, quinze ans après, un mineur de 16 à 18 ans. En ce cas, sous-amendons ! Vous ne pouvez vous contenter de m'opposer des considérations juridiques. Cela me rappelle l'affaire Marina dans laquelle le père continuait d'exercer son autorité parentale depuis sa prison sur les autres frères et soeurs ! 

Mme Annick Billon.  - Je ne comprends pas l'argument de la proportionnalité  -  nous sommes ici pour protéger les enfants et les victimes. En revanche j'entends les arguments relatifs aux effets de bords.

Mais les propositions de Laurence Rossignol méritent notre attention : essayons de trouver ensemble une rédaction. Monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteure, nous devons prévoir les outils nécessaires pour empêcher les agressions et les récidives.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'ai fait part de ma circonspection, mais elle n'empêche pas de travailler ensemble sur ce que vous proposez, madame Rossignol !

J'ai dit devant votre délégation que les enfants témoins devaient aussi être considérés comme victimes ; j'ai tenu parole.

Sur la non-présentation d'enfant, il faut un équilibre avec les textes conventionnels ou constitutionnels. Je comprends le sens de vos amendements.

Ce n'est pas une question de proportionnalité, madame Billon.

Certains criminels - par exemple un notaire qui commettrait des faux en écriture publique - ne sont pas forcément de mauvais pères !

Travaillons ensemble.

Mme Laurence Rossignol.  - Durant la navette !

Mme Frédérique Puissat.  - Sans nous ? On dérange ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Nous trouverons quelque chose, en remplaçant un « ou » par un « et » ou autrement.

Mme Michelle Meunier.  - L'attitude du garde des sceaux est encourageante.

Madame la rapporteure, quelles sont les raisons de votre refus ? Autant j'entends les objections légistiques du ministre, autant je ne comprends pas ce qui fonde votre refus de point de vue de l'intérêt supérieur de l'enfant. Je voudrais vous comprendre.

Mme Frédérique Puissat.  - Nous, nous avons bien compris !

Mme Laurence Rossignol.  - Je vais retirer ces amendements. Je fais confiance au garde des sceaux pour que nous trouvions au cours de la navette une rédaction interdisant à un père d'exercer l'autorité parentale sur les frères et soeurs d'un enfant sur lequel il a commis un inceste.

Comment des hommes coupables d'agression sexuelle sur mineur peuvent-ils toujours avoir l'autorité parentale ? Nous avons tous lu l'enquête du Monde sur les viols par streaming, avec les pères qui d'abord regardent, puis offrent leur propre enfant...

Les amendements nos9 rectifié bis, 8 rectifié bis, 10 rectifié bis, 11 rectifié bis et 12 rectifié bis sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

ou pour des violences volontaires sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours

Mme Annie Le Houerou.  - Cet amendement de repli prévoit la suspension de l'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi ou condamné pour violence ayant provoqué une ITT de plus de huit jours. Il est indispensable de lier violences conjugales et suspension de l'autorité parentale.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - L'autorité parentale ne peut être disjointe de la protection de l'enfant.

La suspension provisoire de plein droit pourrait avoir lieu immédiatement dès la mise en examen, que l'enfant ait assisté aux faits ou non. Françoise Dolto disait que dans une famille, les premiers à savoir que quelque chose ne va pas sont le bébé et le chien ! L'enfant sait ce qui se passe même s'il n'a pas été témoin des violences.

J'ai signé beaucoup d'ITT ; celles de plus de huit jours sont rares. Mais elles ne peuvent être la condition sine qua non. La violence entraîne des conséquences psychologiques graves qui ne sont pas prises en compte dans l'ITT. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

Mme Michelle Meunier.  - Nous voterons cet amendement. Madame la rapporteure, hier, à la fédération Solidarité Femmes de Loire Atlantique, j'ai appris que les ITT de huit jours n'étaient plus exceptionnelles, car les médecins prennent de plus en plus en compte la violence psychologique.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l'article 378 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigé :

« Se voit retirer totalement l'autorité parentale ou, à défaut, l'exercice de l'autorité parentale, par une décision expresse du jugement pénal, le parent qui est condamné soit comme auteur, coauteur ou complice d'une agression sexuelle incestueuse ou d'un crime commis sur la personne d'un enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d'un crime sur la personne de l'autre parent, sauf décision contraire spécialement motivée par la juridiction.

« Peut se voir retirer totalement l'autorité parentale ou l'exercice de l'autorité parentale, par une décision expresse du jugement pénal, le parent qui est condamné soit comme auteur, coauteur ou complice, hors le cas prévu au premier alinéa, d'un délit commis sur la personne d'un enfant, soit comme coauteur ou complice d'un crime ou d'un délit commis par son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d'un délit sur la personne de l'autre parent. »

Mme Laurence Rossignol.  - Je proposais de revenir à la rédaction initiale de l'Assemblée nationale et d'étendre la portée à un autre enfant que celui sur lequel l'agression est commise. Par cohérence, je le retire.

L'amendement n°13 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l'article 378 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Se voit retirer totalement l'autorité parentale ou, à défaut, l'exercice de l'autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal, le parent qui est condamné, soit comme auteur, coauteur ou complice d'une agression sexuelle incestueuse ou d'une atteinte sexuelle incestueuse ou d'un crime commis sur la personne de son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d'un crime sur la personne de l'autre parent, sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction.

« Peut se voir retirer totalement l'autorité parentale ou, à défaut, l'exercice de l'autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal le parent qui est condamné, soit comme auteur, coauteur ou complice, hors le cas prévu au précédent alinéa, d'un délit commis sur la personne de son enfant, soit comme coauteur ou complice d'un crime ou délit commis par son enfant, soit comme auteur, coauteur ou complice d'un délit sur la personne de l'autre parent. »

Mme Laurence Cohen.  - Il est important d'ajouter le délit d'atteinte sexuelle incestueuse à la liste des cas dans lesquels le parent se voit retirer totalement l'autorité parentale.

Nous devons garantir aux enfants un environnement familial sain et sans violence. Pour les victimes, la cicatrice est souvent indélébile. Protégeons les enfants de toute récidive.

Pour nous, une seule violence sexuelle incestueuse, crime ou délit, doit entraîner le retrait total et automatique de l'autorité parentale.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Le texte de la commission prévoit qu'en cas de délit d'atteinte sexuelle incestueuse, la juridiction pénale est obligée de se prononcer sur le retrait de l'autorité parentale, sans que le principe soit celui d'un retrait total. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Retrait au profit de l'amendement n°46, dont la rédaction me semble préférable.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Théophile, Patriat, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

I.  -  Alinéa 3, première phrase

Remplacer les mots :

se prononce sur

par le mot :

ordonne

II.  -  Alinéas 4 et 5

Remplacer ces deux alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un délit commis sur la personne de son enfant, autre qu'une agression sexuelle incestueuse, ou comme coauteur ou complice d'un crime ou délit commis par son enfant, ou comme auteur, coauteur ou complice d'un délit commis sur la personne de l'autre parent, la juridiction pénale peut ordonner le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice. » ;

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement concrétise une recommandation de la Ciivise, qui préconisait de prévoir dans la loi le retrait systématique de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour violence sexuelle incestueuse contre l'enfant, pour une meilleure protection des victimes. La rédaction de la commission ne garantit pas la systématicité du retrait de l'autorité parentale.

Pour redonner sa pleine portée au dispositif, nous proposons que le retrait soit ordonné par le juge, sauf décision contraire motivée.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - La juridiction pénale pourra toujours prononcer une autre mesure que le retrait de l'autorité parentale - c'est une condition de la constitutionnalité et de la conventionnalité du dispositif.

La commission a souhaité distinguer l'obligation de se prononcer et l'obligation de motiver une décision autre que le retrait total. Votre amendement est moins-disant que notre rédaction, qui impose aux juridictions de se prononcer. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cet amendement me semble très équilibré : il renforce la protection des enfants en créant un mécanisme de retrait automatique, mais le limite aux infractions les plus graves et permet au juge d'écarter le retrait, respectant ainsi nos obligations conventionnelles et constitutionnelles. Avis favorable.

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou, à défaut, de l'exercice de cette autorité et des droits de visite et d'hébergement

Mme Laurence Rossignol.  - L'article 2 tel que réécrit par la commission donne au juge la possibilité de prononcer autre chose que le retrait total de l'autorité parentale. L'ajout est surprenant : la commission des lois aurait-elle du mal avec le retrait de l'autorité parentale ? Comme si le lien biologique entre le père et les enfants devait être maintenu en toutes circonstances. Nous parlons ici d'agression sexuelle incestueuse, et vous proposez que le juge puisse opter pour une simple suspension du droit de visite et d'hébergement...

Disons sans hésitation qu'un parent ayant commis une agression sexuelle incestueuse sur son enfant se voit retirer l'autorité parentale. C'est une recommandation de la Ciivise.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - En supprimant la mention de l'alternative, cet amendement semble clarifie le message : le principe est bien un retrait total de l'autorité parentale et toute mesure alternative devra être spécialement motivée. Avis favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Nous devons laisser une alternative pour répondre à toutes les situations soumises au juge. Le retrait automatique de l'autorité parentale me gêne. Pourquoi craindre l'intervention du juge ? Avis défavorable.

L'amendement n°30 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié quater, présenté par MM. Bonneau, Le Nay, Pellevat et Laugier, Mme Herzog, MM. Henno, Kern, Belin et Somon, Mme Jacquemet, MM. Détraigne, D. Laurent, Canévet et Burgoa, Mme Drexler, MM. Houpert et Hingray, Mme Férat, M. Wattebled, Mme Thomas et M. Chasseing.

Alinéa 3, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

portant sur l'enfant victime et le cas échéant, ses frères et soeurs

M. François Bonneau.  - Cet amendement étend le retrait de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement à l'ensemble de la fratrie, dans le droit fil de mon amendement au projet de loi Protection de l'enfance.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Votre amendement est satisfait par l'article 379 du code civil. Retrait ?

L'amendement n°7 rectifié quater est retiré.

L'article 2, modifié, est adopté.

L'article 2 bis est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2 BIS

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 380 du code civil, les mots : « ou du droit de garde » sont supprimés.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Cet amendement supprime la référence au droit de garde, qui n'existe plus depuis 1987, dans l'article 380 du code civil.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°52 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 2 TER

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Théophile, Patriat, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

aux articles 378 et 378-1

par les mots :

à l'article 378

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement supprime la référence à l'article 378-1 du code civil, relatif au retrait de la titularité de l'autorité parentale, pour ne conserver que la référence à l'article 378, relatif à son exercice.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - L'article 379-1 du code civil permet à la juridiction saisie au titre de l'article 378, en cas de condamnation pénale, ou de l'article 378-1, en cas d'action intentée au civil, de prononcer un retrait de l'exercice de l'autorité parentale, et non de l'autorité parentale. Il convient de conserver les deux références. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il s'agit d'encadrer les conditions de la demande de restitution d'exercice de l'autorité parentale. Il convient de supprimer la référence à l'article 378-1, qui porte sur le cadre civil, alors que l'exercice de l'autorité parentale a été retiré dans un cadre pénal. Avis favorable.

L'amendement n°47 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié quater, présenté par MM. Bonneau, Le Nay et Pellevat, Mme Herzog, MM. Laugier, Henno, Kern, Belin et Somon, Mme Jacquemet, M. P. Martin, Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Détraigne, D. Laurent et Burgoa, Mme Drexler, MM. Hingray, Houpert et Wattebled, Mme Férat, MM. Cadec, Panunzi et Canévet, Mme Thomas et M. Chasseing.

Alinéa 6

Remplacer le mot :

six

par le mot :

douze

M. François Bonneau.  - Cet amendement allonge de six mois à un an le délai pendant lequel un parent condamné ne peut demander à retrouver l'exercice de l'autorité parentale dont il a été privé. C'est dans l'intérêt de l'enfant, d'autant qu'un suivi psychologique du parent violent peut difficilement être mis en oeuvre en l'espace de six mois.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Ce délai ménage un répit pour l'enfant. Retrait, pour respecter la gradation entre le retrait de l'autorité parentale et le retrait de son exercice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable : il est dans l'intérêt de l'enfant que le JAF statue rapidement.

L'amendement n°6 rectifié quater est retiré.

L'article 2 ter est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2 TER

L'amendement n°1 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article 373-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa ne s'applique pas au parent victime de violences conjugales. »

Mme Laurence Rossignol.  - Il s'agit de sécuriser le droit pour le parent victime de violences conjugales de dissimuler à l'autre parent tout changement de résidence, qu'il s'agisse de son nouveau domicile ou de l'école des enfants.

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article 373-2 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa ne s'applique pas au parent bénéficiaire d'une ordonnance de protection prévue par l'article 515-9 du présent code si l'ordonnance de protection a été requise à l'encontre de l'autre parent. »

Mme Laurence Rossignol.  - Cet amendement de repli, également inspiré par la Fédération nationale Solidarité Femmes, s'inscrit dans le cadre de l'ordonnance de protection. Je le dépose régulièrement.

M. le président.  - Sous-amendement n°54 à l'amendement n°33 rectifié de Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

ordonnance de protection prévue par l'article 515-9

par les mots :

autorisation de dissimuler son domicile ou sa résidence prévue au 6 bis de l'article 515-11

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°32 rectifié au profit de l'amendement n°33 rectifié, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement.

M. le président.  - Amendement n°50 rectifié ter, présenté par Mmes Rossignol, Meunier, Blatrix Contat et Le Houerou, MM. Michau, Pla et Todeschini, Mme Jasmin, M. P. Joly, Mmes Lubin, Poumirol, Conway-Mouret, Briquet, Féret et Monier et MM. J. Bigot, Tissot, Temal et M. Vallet.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 373-2-1 du code civil est complété par les mots : « , parmi lesquels figure notamment la commission de violences, quelle qu'en soit la nature, sur l'autre parent ou sur le ou les enfants ».

Mme Laurence Rossignol.  - Nous précisons que la commission de violences sur l'autre parent ou sur l'enfant est un motif grave susceptible d'emporter le refus de l'exercice du droit de visite et d'hébergement.

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 373-2-9 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« Lorsqu'un parent a exercé ou exerce des violences sur l'autre parent, la résidence habituelle de l'enfant est fixée au domicile de ce dernier. »

Mme Laurence Cohen.  - Considérant qu'un mari ou un conjoint violent ne peut être un bon père, nous proposons que la résidence alternée soit impossible en cas de violences conjugales.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Le code civil dispose déjà que, dans toutes ses décisions, le JAF prend en considération les pressions ou violences, physiques ou psychologiques, exercées par l'un des parents sur l'autre. Au demeurant, c'est le rôle même du JAF de prendre en compte l'intérêt de l'enfant, dont sa sécurité et sa santé. Avis défavorable à l'amendement n°50 rectifié ter.

L'amendement n°24 rectifié est trop rigide : l'intérêt de l'enfant peut être d'avoir une résidence habituelle chez un tiers. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis favorable à l'amendement n°33 rectifié, sous-amendé par l'amendement n°54 de la rapporteure. Avis défavorable aux autres amendements.

L'amendement n°32 rectifié n'est pas adopté.

Le sous-amendement n°54 est adopté.

L'amendement n°33 rectifié, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°50 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°24 rectifié.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I. - Après l'alinéa 1

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 221-5-5 est ainsi rédigé :

« Art. 221-5-5  -  I.  -  En cas de condamnation pour un délit prévu à la présente section, commis par le père ou la mère sur la personne de son enfant ou de l'autre parent, la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité, en application des articles 378, 379 et 379-1 du code civil.

« II.  -  En cas de condamnation pour un crime commis par un parent sur la personne de son enfant ou sur la personne de l'autre parent, la juridiction de jugement ordonne le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ainsi que des droits de visite et d'hébergement en application des mêmes articles 378 et 379-1, sauf décision spécialement motivée.

« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité sur les frères et soeurs mineurs de la victime. 

« Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question.

« La décision prévue au premier alinéa du présent II est assortie de plein droit de l'exécution provisoire. » ;

II. - Alinéa 10

Supprimer la référence :

221-5-5,

Mme Laurence Cohen.  - Il s'agit de permettre au juge d'ordonner le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ainsi que des droits de visite et d'hébergement en cas d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité de l'enfant ou de l'autre parent. Le lien parent-enfant ne doit pas être maintenu à tout prix. Un enfant ne peut se reconstruire s'il est contraint de revoir son bourreau ou celui de l'autre parent.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - La commission a choisi de supprimer les dispositions spécifiques et de créer un nouvel article 228-1 s'appliquant à tous les crimes et délits commis sur l'enfant ou l'autre parent, pour une meilleure cohérence entre code civil et code pénal. L'amendement est satisfait par cette rédaction.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Sagesse.

Mme Laurence Cohen.  - J'entends les assurances de la rapporteure.

L'amendement n°20 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I. - Après l'alinéa 1

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

...° L'article 222-48-2 est ainsi rédigé :

« Art. 222-48-2  -  I.  -  En cas de condamnation pour un délit prévu aux sections 1, 3 ou 3 bis du présent chapitre II, commis par le père ou la mère sur la personne de son enfant ou de l'autre parent, la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité, en application des articles 378, 379 et 379-1 du code civil.

« II.  -  Lorsque l'infraction mentionnée au I du présent article est un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis par un parent sur la personne de son enfant ou un crime commis par un parent sur la personne de l'autre parent, la juridiction de jugement ordonne le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ainsi que des droits de visite et d'hébergement en application des mêmes articles 378, 379 et 379-1, sauf décision spécialement motivée.

« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité sur les frères et soeurs mineurs de la victime.

« Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question.

« La décision prévue au présent article est assortie de plein droit de l'exécution provisoire. » ;

II. - Alinéa 10

Supprimer la référence :

, 222-48-2

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Il faut que le retrait de l'autorité parentale soit systématique en cas de condamnation pour viol, agression ou atteinte sexuelle incestueuse. Comment concevoir qu'une marge d'appréciation demeure dans de telles situations ? Le retrait de l'autorité parentale doit être automatique, il y va de la reconstruction de l'enfant.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Satisfait, comme le précédent.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Sagesse.

L'amendement n°21 est retiré.

L'amendement n°18 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Théophile, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch et Mme Schillinger.

Alinéa 6

Après les mots :

dans les conditions

insérer les mots :

et selon les distinctions

L'amendement rédactionnel n°48, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

peut aussi décider du

par les mots :

se prononce sur le

Mme Laurence Harribey.  - Il convient de retenir une formulation plus incitative, afin que la juridiction se prononce bel et bien sur le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice à l'égard des autres enfants mineurs du parent condamné.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Laissons aux juridictions pénales la faculté de se prononcer, sans en faire une obligation. Elles peuvent en effet manquer d'éléments. Si les frères et soeurs sont eux-mêmes victimes, ne serait-ce que parce qu'ils ont assisté aux violences, l'obligation de statuer existe déjà.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement n°31 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Avant de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité, la juridiction de jugement doit entendre l'enfant capable de discernement afin de recueillir sa parole et les sentiments qu'il exprime, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement ou, lorsque l'intérêt de l'enfant le commande, désigner une personne à cet effet.

Mme Michelle Meunier.  - La transgression de l'interdit fondamental de l'inceste justifierait un retrait définitif et automatique de l'autorité parentale.

Même si la protection de l'enfant exige parfois des décisions allant à l'encontre de ce qu'il revendique, sa parole doit toujours être entendue pour que la décision soit légitime.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Cette possibilité existe déjà quand le mineur est capable de discernement ; elle est de droit quand il le demande. Avis défavorable. N'obligeons pas l'enfant à s'exprimer en public, devant le parent auteur de violences.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

Mme Michelle Meunier.  - Je ne fais que reprendre une recommandation de la Défenseure des droits formulée en 2020. L'enfant a le droit d'être entendu et représenté.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission.

Alinéa 8

Après le mot :

peut

insérer les mots :

, après avoir prononcé la peine,

L'amendement de précision n°53, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article 388-1 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les procédures concernant le retrait total ou partiel de l'autorité parentale, ou la suspension de l'exercice de cette autorité et les droits de visite et d'hébergement, dans les conditions prévues aux articles 378 et 378-2 du présent code, le mineur capable de discernement est assisté par un avocat. »

Mme Laurence Harribey.  - L'enfant est une personne à part entière : il doit être entendu et représenté par un avocat qui lui est dédié, garant de ses droits procéduraux.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Cet amendement transforme le droit d'être assisté par un avocat en obligation. Or le coût de cette assistance n'est pas mentionné, article 40 oblige, ce qui rend la disposition non opérante en pratique. L'amendement est au demeurant satisfait dès lors que l'enfant est lui-même victime et se porte partie civile Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - La suspension sans audience est à mon sens sans objet. Le retrait de l'autorité parentale est prononcé par le juge pénal : ce sont les règles de la procédure pénale qui s'appliquent, et non celles de la procédure civile. Avis défavorable.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le nombre de décisions de retrait total ou partiel de l'exercice de l'autorité parentale, en application de la présente loi.

Mme Laurence Rossignol.  - C'est ma lettre au père Noël... (M. le garde des sceaux sourit.) Nous avons besoin de statistiques de la Chancellerie pour mieux comprendre le traitement judiciaire de ces affaires, l'impact de la consommation de films pornographiques sur les violences sexuelles, pour mieux cerner le fonctionnement de ces individus, et la façon dont ils sont sanctionnés et accompagnés. D'où cette demande de rapport : combien de retraits de l'autorité parentale, combien de décisions motivées de non-retrait, etc.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Traditionnellement, la commission est opposée aux demandes de rapports ; elle préfère que le Parlement exerce son pouvoir de contrôle, en application de l'article 24 de la Constitution.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'ai lancé le chantier des statistiques au ministère, qui n'a pas la culture de l'indicateur. En revanche, je ne suis pas très favorable à un rapport, d'autant que le Sénat a toujours la possibilité de contrôler l'action du Gouvernement. Ma porte est ouverte, et je vous communiquerai tous les chiffres dont je dispose d'ici quelques mois, quand les nouveaux outils auront été mis en place. Avis défavorable.

L'amendement n°36 n'est pas adopté.

L'article 3 bis est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 3 BIS

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié sexies, présenté par MM. Bonneau, Pellevat, Le Nay et Belin, Mme Herzog, MM. Laugier, Kern et Somon, Mme Jacquemet, M. P. Martin, Mmes Saint-Pé et Billon, MM. Détraigne, D. Laurent, Canévet et Burgoa, Mme Drexler, MM. Houpert, Cadec, Panunzi et Hingray, Mme Thomas et M. Chasseing.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 17° de l'article 138 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l'infraction constitue une atteinte sexuelle incestueuse contre son enfant, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention prononce la suspension du droit de visite et d'hébergement des enfants mineurs dont la personne mise en examen est titulaire ; la de?cision de ne pas ordonner le retrait total de l'autorite? parentale est spe?cialement motive?e. »

M. François Bonneau.  - Cet amendement systématise la suspension des droits de visite et d'hébergement du parent mis en examen pour une infraction incestueuse. Sans négliger la présomption d'innocence, nous faisons primer le principe de précaution.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par l'article 3 bis. Retrait ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°5 rectifié sexies est retiré.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 388-1 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les procédures concernant le retrait total ou partiel de l'autorité parentale, ou la suspension de l'exercice de cette autorité et les droits de visite et d'hébergement, dans les conditions prévues aux articles 378 et 378-2 du présent code, le mineur capable de discernement doit, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. »

Mme Laurence Harribey.  - Il s'agit de garantir le respect de l'enfant par l'écoute de sa parole. Chaque enfant doit être entendu dans sa singularité et pouvoir faire valoir son expression auprès du juge, pour rester au centre de la décision prise dans son intérêt.

Mme Marie Mercier, rapporteur.  - Avis défavorable pour les raisons déjà exposées précédemment.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°40 n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Michelle Meunier .  - Nous aurions aimé retrouver l'esprit de la proposition de loi d'Isabelle Santiago. Nous sommes révoltés contre toute manifestation de violence à l'égard des femmes. La persistance d'un système qui minimise ces violences et hésite à sanctionner leurs auteurs est une entrave à la liberté des femmes et à l'égalité femmes-hommes.

Nous voulons corriger les failles de notre justice familiale, qui laisse entendre qu'un mauvais mari peut être un bon père, qui néglige les conséquences des conflits et perpétue les violences. Que vaut la loi aux yeux d'un enfant qu'elle n'a pas protégé de la violence d'un parent ?

La psychologue Karen Sadlier explique que l'enfant sculpte sa personnalité par mimétisme sur le modèle de l'auteur des violences et précise qu'il ne saurait y avoir de lien parental en l'absence de protection.

Je regrette que l'on s'éloigne de l'esprit initial du texte. Toutefois, au vu des légères avancées, nous le voterons.

Mme Annick Billon .  - Je salue la qualité du travail de la rapporteure et de la commission des lois et remercie le garde des sceaux pour ses réponses claires et constructives.

Nous manquons de chiffres, mais ceux que nous avons sont effarants. Selon le rapport de l'Unicef, un enfant est tué tous les cinq jours en moyenne par l'un de ses parents ; ces derniers représentent 86 % des auteurs de maltraitance. Selon la Ciivise, 160 000 enfants subissent des violences sexuelles chaque année en France ; une personne sur dix est victime d'inceste dans son enfance, soit cinq millions de personnes.

Pour toutes ces raisons, le groupe UC votera ce texte, qui n'est pas une fin en soi, mais le début d'un changement. Le parent violent n'est jamais un bon parent.

La navette apportera des avancées ; M. le garde des sceaux a proposé d'y travailler. La mission Chandler-Vérien fera sans nul doute des propositions utiles.

Mme Laurence Cohen .  - Notre débat était intéressant. Je regrette toutefois que la commission des lois ait été un peu sévère avec la version de l'Assemblée nationale, et que des recommandations de la Ciivise n'aient pas été suivies. Nous poursuivons pourtant tous le même but. L'avis du magistrat Édouard Durand aurait dû être mieux pris en compte.

Je salue la bienveillance du garde des sceaux et son désir de travailler avec nous. Certains amendements sans doute maladroits pourront ainsi être retravaillés.

Il nous faut aussi examiner le délit de non-représentation d'enfant par la mère lorsque celle-ci est sûre que son enfant est victime de violences sexuelles : avançons ensemble sur ce sujet, de même que sur le syndrome d'aliénation parentale, trop souvent utilisé contre les mères.

Notre groupe votera ce texte.

Mme Lana Tetuanui .  - Je voterai ce texte.

Monsieur le garde des sceaux, ce fléau pollue nos territoires d'outre-mer. Il faut accorder plus de moyens à la justice dans nos territoires. À l'éloignement s'ajoute la barrière de la langue : il est difficile à un petit Polynésien de 6 ans de s'exprimer devant un juge. Envoyez-nous des renforts pour la justice !

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

M. le président.  - À l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)

La séance est suspendue quelques instants.