Conseil européen des 29 et 30 juin 2023

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 29 et 30 juin 2023, à la demande de la commission des affaires européennes.

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe .  - La guerre en Ukraine restera au coeur de l'agenda de ce Conseil, tout comme la réponse européenne à l'Inflation Reduction Act (IRA) et la stratégie européenne de sécurité économique. La stratégie de défense sera également à l'ordre du jour, avec le renforcement de l'industrie européenne de défense et la préparation du sommet de l'Otan à Vilnius. Nous traiterons de notre relation avec la Chine, de la préparation du sommet avec les pays d'Amérique latine et des Caraïbes ainsi que de notre relation avec la Turquie. Nous échangerons aussi sur les migrations, à la suite du terrible naufrage en Méditerranée, et des récentes avancées du pacte sur la migration et l'asile.

Nous devons continuer à aider l'Ukraine dans sa contre-offensive. Dans les prochains mois se joue la possibilité d'une paix choisie, donc durable. Un nouveau seuil a été franchi avec la destruction partielle du barrage de Kakhovka, acte odieux qui aura des conséquences durables sur la vie de milliers d'Ukrainiens, sur l'environnement, les récoltes et sur la centrale nucléaire de Zaporijia. La Russie cherche à semer le doute, mais porte seule la responsabilité : c'est elle qui bombarde, qui tue, qui détruit les infrastructures civiles pour atteindre ses objectifs impérialistes.

Les chefs d'État et de gouvernement réaffirmeront notre soutien financier de long terme à l'Ukraine et évoqueront les garanties de sécurité qui lui seront apportées au sommet de Vilnius. Le Président de la République s'est dit favorable à donner des garanties tangibles à l'Ukraine, parce qu'elle protège l'Europe, et qu'elle dispose de tant d'armements qu'une garantie de sécurité crédible est de notre intérêt.

Les chefs d'État et de gouvernement reviendront sur l'impunité des crimes commis en Ukraine et sur les actifs russes gelés. Ils réaffirmeront les perspectives d'adhésion de l'Ukraine et de la Moldavie.

Le Président de la République a été très clair à Bratislava : il ne s'agit pas de savoir si nous devons élargir, ni quand, mais comment. Je salue le déplacement des sénateurs Marta de Cidrac, Gisèle Jourda et André Reichardt en Moldavie : ce soutien de la France à l'adhésion à l'Union européenne est apprécié à Chisinau.

Le Conseil européen sera aussi consacré aux questions économiques, en particulier la réduction des dépendances stratégiques et notre réponse à l'IRA. Les chefs d'État et de gouvernement débattront de la stratégie de sécurité économique européenne. Le Président de la République a esquissé à La Haye notre nouvelle doctrine, qui repose sur cinq piliers.

La compétitivité, d'abord. Il faut innover, réformer, renforcer nos systèmes éducatifs, approfondir le marché unique pour faire émerger des acteurs européens plus forts.

Ensuite la politique industrielle, un mot qui n'est plus un tabou grâce à la France : l'Europe doit exercer un leadership dans ce domaine.

Les trois piliers suivants portent sur la géométrie de notre sécurité économique, du plus défensif au plus ouvert. Il y a d'abord la protection de nos intérêts stratégiques, avec la lutte contre les distorsions de concurrence, la réduction des dépendances, la protection de la propriété intellectuelle, la mobilisation de nos instruments de défense commerciale. Puis la réciprocité, en matière de durabilité notamment, à intégrer dans chaque négociation commerciale avec des clauses miroir systématiques. Enfin, la coopération. Il s'agit de renforcer le multilatéralisme, pour que nos politiques dans ce domaine soient en cohérence avec nos intérêts.

La communication de la Commission ce matin est un pas dans la bonne direction. Le Conseil européen attend une analyse concrète de nos besoins, dans le respect des compétences nationales.

Ces enjeux de sécurité économique ont un lien direct avec l'Europe de la défense. Nous devons passer à une économie de guerre européenne si nous voulons soutenir l'Ukraine dans la durée. La France prend toute sa part : 413 milliards d'euros de dépenses militaires dans la loi de programmation. Le Conseil européen traitera des grandes lignes de la coopération entre l'Union européenne et l'Otan, dans le prolongement de la troisième déclaration conjointe du 10 janvier 2023.

Le Conseil européen sera aussi l'occasion d'un nouveau point sur les questions migratoires. Le terrible naufrage au large de la Grèce nous rappelle l'importance de la coopération en matière de sauvetage et de lutte contre les réseaux de passeurs. Le Conseil a trouvé un accord sur plusieurs volets de la réforme du pacte sur la migration et l'asile. Nous sommes proches d'une réponse européenne, là où les réponses nationales ont échoué. Cela ne doit pas faire oublier le nécessaire travail sur les questions externes. Il faut traiter, avec les pays d'origine, les causes profondes des migrations et prévenir les départs.

Enfin, le Conseil européen évoquera nos relations avec la Chine, l'Amérique latine et la Turquie. Concernant la première, une certaine convergence de vues se dégage de la discussion entre ministres des affaires étrangères du 12 mai sur le triptyque « partenaire, concurrent commercial, rival systémique ». Il faut actualiser notre stratégie au regard de la montée en puissance de cette rivalité.

Dans le cadre de notre partenariat économique et commercial, nous recherchons non pas un découplage mais une réduction des risques. Il faut pour ce faire poursuivre l'agenda européen de Versailles, mais aussi renforcer notre lutte contre les pratiques commerciales déloyales et abusives, sans rompre le dialogue avec Pékin.

Enfin, il est crucial d'appeler la Chine à oeuvrer à la recherche d'une solution durable pour la guerre en Ukraine.

Les thématiques de la démocratie et de l'État de droit sont fondamentales dans nos relations avec les pays des Caraïbes et d'Amérique latine. Le Global Gateway est un livrable important dans ce domaine. Un agenda d'investissement dans la région est en cours d'élaboration.

Enfin, la victoire de Recep Tayyip Erdogan et de son parti en Turquie ouvre une nouvelle phase. Je remercie M. Leconte pour sa participation à la mission d'observation des élections, au titre de l'assemblée parlementaire de l'OSCE, qui sera riche d'enseignements. La Turquie reste un partenaire essentiel : il faudra maintenir le dialogue, mais aussi rappeler que les engagements européens vis-à-vis d'Ankara sont subordonnés à la capacité des Turcs à respecter les leurs sur deux sujets urgents : l'adhésion de la Suède à l'Otan et le contournement des sanctions contre la Russie. Nous devons rester unis et clairs dans nos attentes à l'égard de la Turquie.

M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères .  - La semaine dernière, notre commission a examiné le projet de loi de programmation militaire (LPM). Dans un contexte de réveil géopolitique, cette LPM rappelle que la France est un acteur clé de la défense européenne. Sur le plan capacitaire, constituer une base industrielle et technologique de défense (BITD) robuste et souveraine est un objectif de longue date. Seule une prise de conscience collective nous permettra de mener à bien nos projets capacitaires - je pense au système de combat aérien du futur (Scaf), développé avec l'Allemagne et l'Espagne.

Nous devons nous organiser pour répondre au défi de notre soutien collectif à l'Ukraine. Nous avons démontré notre capacité à soutenir l'Ukraine dans la durée depuis le 24 février 2022. Notre unité fait notre force ; ne cédons pas à une vision artificielle dont nos adversaires seraient les premiers bénéficiaires. Pourriez-vous nous donner des détails sur l'Act in support of ammunition production (Asap) annoncé par le commissaire Thierry Breton le 3 mai dernier, financé à hauteur de 500 millions d'euros ? Il faut aider l'Ukraine, mais nous ne sommes pas disposés à ce que la Commission européenne centralise les informations des entreprises de la BITD. Thierry Breton a insisté sur la nécessité d'une adoption rapide de ce plan, que le Parlement européen a voté le 1er juin. Le Gouvernement doit porter nos positions : en matière de défense, l'efficacité opérationnelle est synonyme de subsidiarité.

En août 2019, le Président de la République avait fait état de son opposition au traité avec le Mercosur, en raison du risque de concurrence déloyale. Fin 2021, il a réaffirmé son opposition à l'application, même partielle, de cet accord qui serait incompatible avec notre agenda climatique et de biodiversité, et l'Assemblée nationale a voté la semaine dernière une résolution en ce sens. Le voyage d'Ursula von der Leyen en Amérique du Sud et la présidence espagnole à venir du Conseil de l'Union européenne ont pourtant renforcé les perspectives de ratification de ce traité. Quelles sont vos priorités pour mettre en oeuvre une politique commerciale européenne qui bénéficie à nos producteurs et qui soit en cohérence avec nos enjeux climatiques ?

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - La révision du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 nous paraît incontournable : la hausse des taux d'intérêt remet en cause les hypothèses de remboursement des intérêts du plan de relance NextGenerationEU, et la guerre en Ukraine a fait émerger de nouvelles dépenses - sécurité alimentaire et énergétique, réfugiés, défense.

Parmi les nouvelles ressources envisagées, la Commission pourrait présenter un nouveau cadre pour la fiscalité des entreprises. Au vu du retard pris sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, nous restons prudents... Pouvez-vous nous présenter la position du Gouvernement sur la révision du CFP ?

En matière de gouvernance économique, les règles actuelles du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ont montré leurs limites : elles ont freiné les politiques de croissance et l'investissement public. Les propositions de la Commission achèvent un débat ouvert par la suspension du PSC lors de la crise sanitaire : elle propose de maintenir le cadre commun de surveillance - endettement à 60 % du PIB et déficit à 3 % du PIB - en rendant plus automatiques les sanctions et en invitant les États à s'engager sur une trajectoire pluriannuelle, tout en différenciant les objectifs en fonction de la situation des finances publiques de chaque État.

L'individualisation des trajectoires nationales est bienvenue, tout comme la prise en compte des investissements. Ces dépenses d'avenir sont indispensables. Un effort d'investissement de deux points de PIB par an dans la transition écologique sera nécessaire en 2030, comme le montre le rapport de Jean Pisani-Ferry et SelmaMahfouz.

Pouvez-vous nous éclairer sur le calendrier de mise en oeuvre de cette gouvernance budgétaire rénovée ? Comment le Gouvernement souhaite-t-il se saisir de ce cadre favorable à l'investissement pour accélérer nos efforts en matière de transition écologique ?

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - Nous débattons si tôt que l'ordre du jour du prochain Conseil européen n'est pas encore défini : cela pose quelques questions de méthode, même si la secrétaire générale du Conseil nous a livré quelques éléments.

La priorité du Conseil européen sera la contre-offensive ukrainienne, dont dépend la sécurité du continent. Or les divergences franco-allemandes en matière de défense se creusent, notamment sur le bouclier antiaérien. La Commission, le mois dernier, a présenté un texte pour accélérer notre production de munitions. Autant relocaliser la production sur le sol européen est bienvenu, autant les pouvoirs que la Commission s'octroie dans un domaine régalien inquiètent, alors que l'information la plus sensible échappe aux parlementaires.

À la veille du Comité des représentants permanents (Coreper), madame la ministre, nous vous appelons à la vigilance.

Nous avons donc, avec Christian Cambon, formalisé cette demande dans un courrier à la Première ministre, auquel j'ai associé les rapporteurs de notre commission Gisèle Jourda et Dominique de Legge.

Dans la perspective de l'adhésion, la Commission européenne évaluera les progrès de l'Ukraine et de la Moldavie en matière de justice, de lutte contre la corruption et de blanchiment d'argent. Ainsi, l'interdiction du parti de l'oligarque pro-russe Ilan Shor est un progrès indéniable. La Géorgie attend, elle, le statut de candidat d'ici à la fin de l'année. Cependant, notre premier critère doit être la capacité d'absorption de l'Union européenne : comment être une union de paix s'il reste des conflits gelés, comme en Transnistrie ou au Kosovo, et comment assurer la viabilité de la PAC et de la politique de cohésion au vu de l'impact budgétaire de l'entrée de ces nouveaux membres ? Le Conseil européen abordera-t-il le sujet ?

Le Conseil ne peut pas davantage ignorer la révision des perspectives financières de l'Union. Nous sommes inquiets pour nos agriculteurs : l'impact des contraintes environnementales n'est pas évalué alors que la concurrence déloyale du Mercosur se profile. Le budget de la PAC fera-t-il les frais des priorités évoquées par la Commission ce matin - soutien à l'Ukraine, riposte aux subventions de compétitivité de la Russie et de la Chine, appui financier aux pays de départ ?

Enfin, la pression migratoire redouble en Méditerranée centrale, des bateaux surchargés font naufrage sous nos yeux. Quelles avancées peut-on attendre sur le pacte sur la migration et l'asile pour mettre fin à l'impuissance ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, du RDSE et du RDPI)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE) Le compte à rebours est lancé : dans moins d'un an, les élections européennes auront lieu. Entre promesses et crises, le mandat 2019-2024 aura été un tournant.

Mais, à l'heure des bilans, il faut continuer d'avancer. Quelle Union européenne voulons-nous réinventer pour demain ? Le 9 mai, le chancelier Olaf Scholz a réclamé une Union ouverte et renforcée. Sur certains sujets nous sommes alignés - notamment sur l'extension de la majorité qualifiée, encore faut-il savoir dans quels domaines. D'autres points, en revanche, nourrissent frustrations et incompréhensions.

Une remarque formelle : nous avons reçu l'ordre du jour du Conseil européen il y a quelques heures à peine. Le rôle des élus nationaux et particulièrement des parlementaires dans le système européen est important, au-delà du principe de subsidiarité. Notre parole amplifie celle des citoyens, nos questions sont les leurs : ne l'oublions pas.

Sur l'énergie, rassurez-nous, madame la ministre : quelles sont nos réserves en gaz pour l'hiver prochain ? La France pourra-t-elle atteindre au 1er novembre les objectifs en matière de stockage ? Quels sont les premiers retours du premier appel d'offres pour des achats groupés de gaz ? Quand aura lieu le prochain ? Le système évoluera-t-il d'ici à la fin de l'année ?

Depuis mars et le dernier Conseil européen, notre position sur l'Ukraine n'a pas changé : les responsables des crimes de guerre devront être jugés et les crimes documentés. Où en est le prochain paquet de sanctions contre la Russie ?

Les conclusions du dernier Conseil européen mentionnaient la question des migrations. Mercredi, de nombreuses victimes sont venues s'ajouter à une liste déjà longue de morts en Méditerranée. Cette mer ne peut devenir un cimetière à ciel ouvert.

Le conseil des ministres de l'intérieur a avancé sur le pacte sur la migration et l'asile. Comment la France envisage-t-elle la mise en pratique du volet de solidarité ? Comment le Conseil européen l'abordera-t-il ?

M. André Reichardt.  - Très bien !

Mme Colette Mélot.  - Enfin, le développement fulgurant de l'intelligence artificielle est un risque en matière de cyberharcèlement, notamment pour les créateurs de contenus. Je salue le travail du commissaire Breton sur le pacte sur l'intelligence artificielle, mais 2025 est loin : le Conseil, l'Union européenne et le Parlement européen doivent trouver une solution rapidement.

Le règlement européen sur les services numériques, dit DSA, entre en vigueur en février 2024. Sommes-nous prêts à le mettre en place ? Il faut être intraitable. Le cyberharcèlement tue : nous devons être réactifs. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe UC)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.) Les nouvelles frappes russes d'hier soir m'amènent à réaffirmer le soutien du GEST à l'Ukraine et à sa population. Nous saluons la volonté du Gouvernement de le prolonger et de porter une défense européenne autonome.

Pour le reste, qu'en est-il de notre cohésion européenne ? Notre projet européen, nos objectifs et valeurs communes sont ballottés, malmenés, reniés. Ce Conseil européen doit leur redonner vigueur.

Avec la surenchère sécuritaire, les entraves au Pacte vert, le lobbying pro-finance, les concessions à l'extrême droite, nous attendons du Conseil européen de la clarté et de la détermination pour donner envie d'Europe.

Au large de Kalamata, Frontex a pris dès l'après-midi la mesure du drame qui se nouait, mais c'est à 23 heures que l'embarcation a sombré, avec 750 personnes à son bord. Elles s'ajoutent aux 1 300 victimes recensées depuis le début de l'année. La culpabilité première revient aux trafiquants humains, bien sûr. Mais elle ne décharge pas les politiques européennes de leur lourde responsabilité : ces morts sont à mettre au bilan de Frontex. En intensifiant la restriction de ses politiques migratoires et en externalisant ses frontières, l'Europe a fait de la Méditerranée la voie migratoire la plus meurtrière au monde. Si le Conseil européen veut lutter contre la mortalité effroyable, l'urgence est de coopérer dans les sauvetages ; or l'accord du 15 juin entre les États sur le Pacte n'ouvre aucune perspective de création d'une force européenne de secours en mer.

En matière d'énergie, Paris a tout bloqué sur les renouvelables jusqu'à la satisfaction de ses demandes sur le nucléaire, que la Commission européenne a dû finir par acter : nous dénoncions le blocage allemand sur les voitures thermiques, mais nous nous sommes livrés au même chantage. Hier, la France a soutenu les subventions sur les centrales à charbon jusqu'en 2028 : cela coûtera cher, tout comme le démantèlement de Fret SNCF, sur lequel vous semblez avoir capitulé avant la bataille. Comment cette mise à la découpe pourrait-elle ne pas ramener les camions sur les routes ?

Climat ou libre concurrence ? La question se pose aussi à propos de l'accord avec le Mercosur, usine à déforester et à détruire l'agriculture paysanne tout en colonisant les terres autochtones. L'Assemblée nationale a rejeté cet accord la semaine dernière. Le respect des accords de Paris devrait être la ligne de conduite de l'Union européenne, sans pour autant couper les ponts avec l'Amérique du Sud, mais en aidant à préserver l'Amazonie. Les eurodéputés ont ainsi voté un texte prometteur en termes de devoir de responsabilité, incluant le secteur financier. Au Gouvernement de les suivre dans le trilogue qui s'annonce.

La loi européenne sur la restauration de la nature a été rejetée par une coalition incluant certains eurodéputés Renew... Nous n'avons pourtant pas le luxe de nous permettre une pause. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. André Gattolin .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Voilà douze ans que je prends la parole à chaque débat européen. (On ironise à droite.) C'est tout sauf un pensum ou une sinécure. Si je le fais, pour la dernière fois, avec plus de plaisir que jamais, c'est que j'ai pris la décision de vous quitter bientôt. (On feint la déception.)

Je suis né européen sans le savoir et c'est grâce au savoir que je le suis devenu. J'ai parcouru l'Europe avant d'être sénateur, je continuerai à le faire après. Ce continent qui tient son beau nom d'une princesse d'Asie enlevée par Zeus, est si riche et complexe qu'il mérite que l'on consacre à son avenir ce qu'il nous reste d'avenir personnel - même si la fragilité humaine et celle d'un continent n'ont pas la même temporalité. Chacun mesure sa chance au regard de ce qu'il a vécu et de ce à quoi il a échappé. La longue paix que nous connaissons, nous la devons bien évidemment à l'Europe, malgré les crises qu'elle traverse.

Après plusieurs générations, la paix et la liberté deviennent des non-événements. C'est une cécité, alors que tant d'autres craignent, chaque jour, en se réveillant, que leur journée leur soit fatale. Tandis que la guerre revient sur notre continent, nous ne le disons plus à nos enfants, faute d'en avoir conscience.

L'événement européen le plus marquant reste la chute du Mur de Berlin, la fin du rideau de fer et de l'URSS, promesse d'une aube nouvelle pour les peuples du continent. Parce que le régime soviétique, cyclope éborgné, s'est écroulé de lui-même, nous avons cru à la fin des velléités impériales russes.

Quand j'ai choisi de devenir sénateur plutôt qu'eurodéputé, c'était avec la conviction que c'est auprès de chacun qu'il faut rendre l'Europe audible. Être un Européen convaincu ne suffit pas, il faut être un Européen convaincant.

En douze mois, l'Europe a connu bien des crises, au point de se demander si elles n'ont pas remplacé le fameux moteur franco-allemand... Ébranlée, malgré sa capacité à encaisser plus qu'à donner les coups, elle a bien plus évolué que pendant dix ans. C'est que les États membres n'acceptent de se départir d'une part de souveraineté que quand ils admettent leur incapacité : le grand soir constituant des européistes n'a plus l'heur de convaincre.

Le réel n'est pas l'ennemi de la politique, mais la matière des édifices. Les sujets des Conseils européens illustrent cette évolution depuis dix ans. Ainsi, on ne parlait que de la crise financière et de l'euro. Les réponses d'alors tenaient toutes au renforcement du marché unique, Graal des chevaliers de la Table ronde du Conseil, prêts à sacrifier la Grèce sur l'autel d'une orthodoxie qui n'avait rien de religieux, mais tout de financier. Les politiques de voisinage, fort timides, sont restées sans bilan.

Mais cette période a révélé de belles surprises. J'étais en Croatie en novembre 2011 lors de mon premier déplacement avec la commission des affaires européennes. Vingt ans avant, à Zagreb, sous les bombes, j'y militais déjà pour un avenir européen. À la fin de notre séjour, nous sommes reçus par le président de la République, Ivo Josipovi?. Surprise : nous avions sympathisé, vingt ans auparavant. Quelques mois plus tard, la Croatie rejoignait l'Union. Nous ignorions qu'elle serait le dernier pays à le faire jusqu'ici, et qu'un autre pays, fait impensable, la quitterait.

En ce début d'année, la Croatie a rejoint la zone euro et l'espace Schengen. Oui, il y a une vie européenne après la guerre. Mais, avec celle qui fait rage en Ukraine, une question majeure demeure : peut-il subsister une Europe si l'Ukraine venait à perdre ? Vraisemblablement, non. Notre responsabilité serait immense si nous renoncions à notre soutien à Kyiv.

Pour conclure, je salue chaleureusement les trois présidents de la commission des affaires européennes qui se sont succédé depuis 2011 : MM. Sutour, Bizet et Rapin. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, des groupes INDEP, UC, Les Républicains et SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)

M. Patrice Joly .  - L'inflation a vivement augmenté depuis début 2021 : plus 15 % pour les produits alimentaires, ce qui pénalise les plus modestes, réduit le pouvoir d'achat des citoyens et la compétitivité des entreprises européennes.

La hausse du taux d'intérêt de 0,25 point, annoncée par la BCE, doit être questionnée : elle prive les plus fragiles de l'accès au crédit. L'inflation étant tirée par les surprofits et la cupidité, la question d'un contrôle temporaire des prix contre cette spirale dénoncée par la BCE est posée.

Cette hausse des taux dégrade les investissements de la transition écologique. Si nous saluons l'assouplissement des règles budgétaires par la Commission européenne, l'angle mort reste celui des recettes.

Qui va payer pour augmenter les dépenses vitales en vue d'atténuer les émissions de CO2, réduire notre dépendance aux énergies fossiles et nous adapter aux changements en cours ? France Stratégie a estimé à 66 milliards d'euros par an - plus de 2 points de PIB - le coût de la transition jusqu'en 2030. Ce n'est pas une taxe supplémentaire sur les cryptomonnaies ou le plastique qui suffira à la financer.

Nous avons besoin d'un plan, d'une fiscalité européenne. Un projet d'impôt sur les grandes fortunes a été déposé à la commission par l'eurodéputée Aurore Lalucq et le président du parti socialiste wallon Paul Magnette. Partout dans le monde, les très très riches sont moins taxés : ils bénéficient d'une fiscalité avantageuse sur le capital ou ont plus de capacités à défiscaliser. Les profits de leurs sociétés échappent à l'impôt sur le revenu.

Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, avait proposé de mettre en place un impôt à 70 % sur les revenus les plus élevés et de 2 à 3 % sur la fortune. Le groupe SER relaie ces propositions et appelle à un impôt sur les surprofits. Je formule le voeu que nous parvenions à un accord politique à l'automne.

Les 17 et 18 juillet prochains se tiendra un sommet entre l'Union européenne et l'Amérique latine, ce qui suscite de grandes inquiétudes sur le traité avec le Mercosur. L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et l'Agence française de développement (AFD) concluent que nous ne pourrons nourrir les dix milliards d'humains en 2050 qu'à la condition d'un partage des terres, de la garantie du revenu des paysans et de la mise en place d'un commerce équitable. Or ce traité est archaïque. On ne peut promouvoir une agriculture durable et faire venir sa viande de l'autre bout du monde, avec un modèle d'élevage responsable de 80 % de la destruction de la forêt amazonienne. Il faut promouvoir une souveraineté solidaire, les intérêts de la France rejoignant ceux de l'humanité. Cet accord est un désastre pour les agriculteurs des deux côtés de l'Atlantique. Nous importerions 90 000 tonnes équivalent-carcasse nourries aux antibiotiques de croissance, que nous avons bannis depuis 2006.

Il faut écarter cette menace pour ceux qui nous nourrissent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Pierre Laurent .  - Les questions à l'ordre du jour de ce Conseil sont nombreuses. Il y a des contradictions entre les grandes déclarations et nombre de décisions récentes. Nous ne décolérons pas contre l'accord entre la Commission européenne et la France sur le démantèlement de la filière fret de la SNCF, aberration sociale et écologique.

De même, la réforme du marché de l'électricité, entrée dans le trilogue, est bien en deçà des ambitions. Elle persiste dans une logique de marché qui sera néfaste aux PME et aux collectivités locales, ainsi qu'à l'investissement. Dans dix jours, nous sauterons sans filet avec la suppression des tarifs réglementés du gaz, sans contrepartie.

Alors que la crise sociale est générale, aucun point de l'ordre du jour ne porte sur les questions sociales. Je salue l'accord du 12 juin sur les travailleurs des plateformes, mais sa mise en oeuvre s'annonce très longue. C'est par ailleurs le moment choisi par Macron pour faire d'Elon Musk la grande vedette des plateaux de télévision et celui que les patrons s'arrachent. C'est aberrant, alors que nous affirmons notre souveraineté économique.

Nous sommes par ailleurs dans une logique, non de compétition, mais de guerre économique, dans laquelle s'inscrivent nos relations avec la Chine, qui ne semble plus être traitée qu'en rivale systémique, ce qui n'était pas le cas il y a quatre ans. Nous refusons de nous attaquer aux causes réelles de nos handicaps industriels, qui viennent surtout de nos propres décisions. Nous voulons rattraper notre retard avec le Green Deal, très bien, mais si la Chine produit autant de panneaux photovoltaïques, d'éoliennes et d'électrolyseurs, demandons-nous ce qui a failli chez nous.

Que pensez-vous du passage du rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz : « Dans la course qu'elle a engagée pour construire avant les autres un nouveau modèle de croissance verte, c'est-à-dire pour définir les standards de demain et établir une position forte dans les industries du futur, l'Europe prend le risque d'additionner les handicaps. Elle cumule en effet retards industriels, coût de l'énergie élevé, exposition aux fuites de carbone et volonté de ne pas s'écarter de la discipline budgétaire. » Tirerons-nous les leçons de ce constat pour être moins belliqueux et plus offensifs ?

Sur la guerre et le futur sommet de Vilnius, vous avez été très peu loquace, madame la ministre.

La France donnera-t-elle au Conseil européen et à Vilnius son feu vert à l'entrée de l'Ukraine dans l'Otan ? Le Parlement a le droit d'être informé si la France est en train de changer de position sur cette question. Dans ce cas, la frontière orientale de l'Union européenne serait transformée en ligne de front de l'Otan de l'Arctique à la Méditerranée. Ce n'est pas de cette façon que nous obtiendrons le retrait des troupes russes des territoires qu'elles occupent illégalement.

L'alternative à la guerre devrait être la coalition de tous pour des solutions pacifiques. La surmilitarisation de l'Europe ne nous met pas sur ce chemin. J'espère que la France ne donnera pas ce feu vert, qui ne ferait qu'aggraver les problèmes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Jean-Michel Arnaud .  - Lors du sommet du 30 juin, la Suède cédera la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne à l'Espagne. Sécurité, compétitivité, transition écologique et valeurs de l'Union étaient les priorités de la présidence suédoise.

La sécurité et la stabilité de l'Europe sont mises à mal. Le soutien à l'Ukraine, qui force le respect, doit se poursuivre.

L'année 2023 marque aussi les trente ans du marché unique, dont les bénéfices, quoique certains, n'ont pas été uniformes pour les États membres. Certains secteurs ont gagné en compétitivité quand d'autres en ont pâti.

Il faut que les Européens fassent preuve de cohérence. L'aéronautique est un domaine fécond en matière de coopération. Pourtant, les Allemands ont annoncé l'achat de 35 F-16 américains au détriment du Rafale et alors qu'ils sont engagés dans le Scaf.

Le soutien à la PAC augmente, mais le Pacte vert européen prévoit une baisse de la production. La Commission européenne continue à négocier des traités avec l'Amérique du Sud et la Nouvelle-Zélande, dont les modèles agricoles sont en opposition avec le nôtre - cela devient difficile à suivre.

La réforme du marché de l'électricité soulève des désaccords majeurs. Les producteurs doivent reverser les profits accumulés. La France soutient les prix garantis, mais l'Allemagne et le Luxembourg s'y opposent. Quelle est votre position, sachant que bien des PME françaises ou les structures exploitant les remontées mécaniques attendent des avancées ?

En revanche, un consensus a pu émerger sur la régulation numérique. Les règlements DMA et DSA vont dans le bon sens. Il s'agit de réguler les Gafam et d'offrir un meilleur choix aux consommateurs européens, ou encore de lutter contre les contenus illégaux en ligne. Ni la censure ni l'anarchie n'ont leur place dans l'espace numérique. C'est l'objet de la proposition de loi sénatoriale.

La France doit également défendre les valeurs fondamentales qui nous unissent, confrontées à une importante montée des extrémismes. La communauté politique européenne (CPE) initiée lors du discours de la Sorbonne par le Président de la République incarne l'union dans la diversité ; après la rencontre en Moldavie, quelle est la feuille de route ?

Comment avançons-nous dans la coopération transfrontalière entre la France et l'Italie, après le traité du Quirinal ? À l'hôpital de Briançon, les patients italiens doivent toujours avancer leurs frais de santé. J'ai visité récemment la police aux frontières, qui est en grande difficulté, car elle doit gérer des situations qui devraient l'être aux frontières extérieures de l'Union.

Enfin, je salue l'entrée au Panthéon du couple Manouchian, qui incarne l'héritage de nos aïeux dans la préservation de la paix et de la liberté.

M. Jean Louis Masson .  - À l'origine, l'Union européenne était une entente entre des nations souveraines. Elle est devenue une fédération qui impose une dictature idéologique, y compris dans des affaires strictement internes. Il est scandaleux qu'on empêche la Hongrie de présider le Conseil alors que c'est son tour, uniquement pour lui forcer la main. (M. Thomas Dossus s'exclame.) Idem pour le système judiciaire de la Pologne, qui ne concerne qu'elle seule.

La guerre en Ukraine, dont nous sommes presque cobelligérants, nous coûte horriblement cher. L'explosion des prix de l'énergie et le soutien à l'Ukraine pénalisent les familles françaises et ruinent notre pays. Je n'ai aucune hostilité vis-à-vis de l'Ukraine ou de la Russie. Mais les vrais responsables sont les États-Unis, l'Otan et l'Union européenne... (MM. Thomas Dossus et Jean-Michel Arnaud protestent.)

M. Jean-Yves Leconte.  - Ce sont les agresseurs ?

M. Jean Louis Masson.  - ... qui ont voulu étendre leur présence vers l'Est au détriment de la zone d'influence de la Russie. Il aurait fallu dissoudre l'Otan lorsque l'URSS a explosé. Présenter la Russie comme une menace pour la France est un gigantesque mensonge. Si nous l'avions laissée tranquille, nous n'aurions eu ni cette guerre ni ces difficultés économiques.

M. François Bonhomme.  - Il fallait y penser...

M. Jean Louis Masson.  - Le coût pour la France de la guerre en Ukraine est égal à huit fois les économies qui ont prétendument motivé la réforme des retraites. Je suis en désaccord avec la politique du Gouvernement et de l'Union européenne. Je souhaite qu'on rétablisse la souveraineté des États et qu'on les respecte, y compris la Russie. Les États-Unis ont refusé les fusées à Cuba, pourquoi accepterait-elle d'être encerclée ? La Russie a tout à fait raison de ne pas se laisser faire.

M. Jean-Yves Leconte.  - On n'est pas à la Douma, ici !

Mme Véronique Guillotin .  - Une nouvelle fois, l'Ukraine sera au premier rang des préoccupations du prochain Conseil européen. On ne sait si la contre-offensive triomphera : les erreurs de ses chefs ont peut-être conduit à sous-estimer la résistance de l'armée russe. Nous ne pouvons que continuer à soutenir les actions déployées par l'Union européenne, qui doit poursuivre sa mobilisation.

Beaucoup a été fait pour le soutien des forces armées, mais le passage à l'offensive mettra les matériels à rude épreuve, alors que les stocks se réduisent. Comme l'a dit le ministre allemand de la défense, nous ne pourrons pas remplacer chaque char perdu.

Ce sont aussi les intérêts des pays européens qui sont en jeu au travers de la guerre en Ukraine. Le RDSE est favorable à la politique de soutien envers l'Ukraine. Quelles en sont les prochaines étapes ? Il serait difficile pour l'Europe de faire face à un nouveau conflit.

Si nous avons longtemps soutenu l'approfondissement avant l'élargissement, le contexte géopolitique nous commande de changer de paradigme. La communauté politique européenne voulue par le Président de la République ne suffira pas. Présidente du groupe d'amitié avec la Moldavie, je suis sensible au sort de ce pays. Le principe des États tampons n'est plus pertinent. Quelles sont les perspectives d'élargissement que la France défend ?

En matière économique, les conséquences du conflit en Ukraine se font encore sentir. Réduire la dépendance et adapter la base économique industrielle et technologique tout en approfondissant le marché commun : nous partageons ces objectifs.

Le débat demeure autour du pacte de stabilité : plafonnement des dépenses ou relèvement du budget de l'Union européenne ? La question de la dette est de plus en plus prégnante, alors que la décarbonation de l'économie nécessite des investissements colossaux. Ne pourrait-on imaginer une dette environnementale qui échapperait aux critères de Maastricht ?

L'accord sur les travailleurs des plateformes est une avancée. D'autres domaines mériteraient une harmonisation, en matière fiscale par exemple : le vote à l'unanimité sur ce sujet prive l'Europe d'élan. Il aura fallu un accord international pour arriver à une taxation minimale des entreprises.

L'Europe doit tout autant renforcer sa résilience économique pour peser à l'extérieur qu'encourager à l'intérieur de ses frontières l'esprit de solidarité qui est au fondement du projet européen.

M. Cyril Pellevat .  - L'Union européenne, longtemps encline à se reposer sur le marché, change de doctrine : il y a lieu de s'en réjouir. Elle se cantonne toutefois à la gestion post-crise. Certes, la communication de ce jour de la Commission témoigne d'une volonté de gestion en amont, mais nous en sommes loin - il faut dire que le manque de ressources propres n'aide pas.

Les divergences entre les Vingt-Sept nuisent à l'efficacité collective, notamment en matière de sécurité et de souveraineté économiques. Certes, il y a eu de belles avancées, comme REpowerEU, le Pacte vert ou l'instrument anti-subventions, mais c'est insuffisant face à la force de frappe du plan Made in China de 2015 ou de l'IRA américain. Bruno Le Maire a lui-même reconnu l'insuffisance des mesures prises en faveur de l'industrie européenne.

Face à la perte de notre avance technologique en matière d'écologie, l'Europe se réveille bien tard et les Vingt-Sept se déchirent sur les subventions publiques : les pays scandinaves refusent d'ouvrir les vannes, d'autres insistent pour des dérogations temporaires, les pays de l'Est craignent de ne pouvoir suivre.

La présidente de la Commission européenne a proposé un fonds de souveraineté européenne, rebaptisé plateforme de souveraineté technologique. Il serait financé par les crédits non utilisés de NextGenerationEU, mais ces crédits ont déjà été engagés au bénéfice d'autres projets. Par ailleurs, ce qui manque en Europe, ce sont de vastes réserves de capitaux privés.

Une voie alternative se dessine : la préférence européenne, avec le Buy European Act évoqué par le Président de la République. L'ajustement carbone aux frontières est un premier pas, comme le règlement relatif aux subventions étrangères. Il serait logique d'aller plus loin, même si je n'ignore pas que les équilibres sont difficiles à trouver pour ne pas créer de conflits commerciaux avec les pays tiers. Quelle sera la position française pour sécuriser et rendre plus souveraine l'économie européenne ?

L'objectif est de réagir rapidement et efficacement : le plan chinois a sept ans, le plan américain un an. L'Union européenne semble non pas construire une stratégie mais ouvrir une réflexion. Nous comptons sur le Gouvernement pour plaider en faveur d'une accélération.

M. Jean-Yves Leconte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous sommes nombreux à avoir exprimé notre compassion après la récente tragédie en Méditerranée. On s'indigne, mais on continue à faire comme avant... J'ai été frappé par le nombre de victimes qui avaient de la famille en Europe. Le pacte sur l'asile et la migration aurait-il empêché cette tragédie ? L'honnêteté oblige à dire que non : aucune voie légale ne leur aurait permis de rejoindre leur famille en Europe. Il n'y a aucune affirmation réelle d'une volonté de maintenir un régime d'asile plein et entier. Un autre drame récent montre combien certains demandeurs d'asile ont besoin qu'on traite leurs traumatismes ou que, pour éviter d'autres drames, on les enferme, comme le prévoit le pacte.

Rien n'est prévu pour permettre aux pays méditerranéens de respecter le droit de la mer. Une solidarité sans faille doit aller à l'Espagne, l'Italie, la Grèce, Chypre et Malte, en échange du respect plein et entier de ce droit.

Cela passe bien sûr par une réforme d'ampleur du protocole de Dublin : les personnes sauvées doivent non pas dépendre du pays d'arrivée, mais bénéficier dès le début d'une solidarité européenne complète.

D'autres sujets montrent l'importance du respect mutuel des instructions de demande d'asile : une demande acceptée dans un pays devrait l'être partout, et un refus opposé par un pays devrait empêcher le dépôt d'une autre demande. Une coopération renforcée est possible : il faut impérativement avancer.

Madame la ministre, nous pourrons mettre en place des voies légales, avec l'évolution des visas et la mise en place de l'Etias (système européen d'autorisation et d'information concernant les voyages). Ainsi, le Canada délivre une autorisation de voyage à toute personne ayant auparavant bénéficié d'un visa, y compris pour de longs séjours. Il faut de nouvelles voies légales pour venir en Europe - non pour s'installer.

Mais il est aussi indispensable de lutter contre les passeurs criminels et la criminalité organisée. À cet égard, le droit européen sur l'accès aux données de connexion doit évoluer. La jurisprudence de la CJUE n'est pas satisfaisante, et la législation européenne devra évoluer.

S'agissant des déportations d'enfants ukrainiens en Russie, où en est la conférence évoquée il y a peu ? Pourquoi le garde des sceaux a-t-il refusé nos amendements tendant à mettre fin à l'impunité de ceux qui résident sur notre territoire mais ne peuvent y être poursuivis ? (MM. Patrice Joly et Jacques Fernique applaudissent.)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - L'ordre du jour du Conseil européen ne mentionne pas expressément le numérique, ce qui m'étonne. Industrie, compétitivité, résilience économique sont pourtant liés : le numérique est l'épine dorsale de notre société et bouleverse nos modèles économiques.

Sous la présidence de Jean-François Rapin, nous avons travaillé à anticiper les règlements sur les marchés numériques DMA et DSA et le règlement sur la gouvernance des données, le DGA, pour asseoir enfin une régulation européenne qui a longtemps fait défaut. Le temps de la transposition est désormais venu, avec le projet de loi régulant l'espace numérique. Nous nous réjouissons que nos propositions de résolution aient pesé sur ces textes, mais ils ne résoudront pas tous les abus des grandes plateformes extra-européennes.

Le texte sur l'intelligence artificielle approche : nous sommes fiers que l'Union européenne soit à la pointe pour légiférer sur ces technologies, qui sont aussi un gisement de croissance.

S'agissant du Data Act, en cours de négociation, je rappelle à quel point la donnée est au coeur de l'économie, voire de la sécurité nationale. Ce texte doit nous faire changer d'approche, notamment sur notre dépendance aux technologies, donc aux législations extra-européennes, notamment la loi américaine Fisa (Foreign Intelligence Surveillance Act).

La reconquête de la souveraineté est chère à Thierry Breton, mais quelle est notre politique industrielle en la matière ? La commission des affaires européennes a fait adopter une proposition de résolution sur le programme d'action numérique à horizon 2030, pointant le manque de moyens et de vision stratégique. Il semble que les États membres soient renvoyés à leurs propres responsabilités.

La politique industrielle numérique relève du régalien ; elle doit faire monter en puissance une industrie européenne souveraine et nous conférer une autonomie technologique maximale.

Le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique transpose le Data Act par anticipation, pour empêcher le verrouillage du marché de la donnée par les grandes plateformes. Toutefois, avec André Gattolin et Florence Blatrix Contat, j'estime qu'il faut accompagner les entreprises européennes vers le cloud souverain.

N'ayons pas peur des mots : il faut une préférence communautaire. La sécurité nationale peut justifier de s'exempter des règles de l'OMC. États-Unis, Chine, Inde ont tous légiféré sur la localisation étrangère des données. Il faut booster la commande publique en ce sens.

Enfin, madame la ministre, le schéma européen de certification de cybersécurité est en cours de négociation : où en est-on ?

M. André Reichardt .  - Le Conseil européen abordera le sujet, fondamental, de l'asile et des migrations. J'espère que nous pourrons enfin constater quelques avancées concrètes.

Le Conseil a entériné des principes essentiels il y a quelques jours. Huit ans après la crise de 2015, sept ans après le premier train de mesures Juncker et trois ans après les propositions d'Ursula von der Leyen, il semble que les institutions européennes soient - enfin - en ordre de marche pour la dernière ligne droite du trilogue.

Cependant, si l'expérience nous a appris une chose, c'est à mâtiner notre optimisme de prudence en la matière. L'horloge tourne : le Parlement européen interrompra ses travaux en avril, et il reste peu de temps pour clore des négociations explosives et enkystées.

Jusqu'ici, c'est la question de la solidarité qui a fait dérailler toutes les discussions. Les États membres seraient parvenus à un accord, malgré l'abstention de quatre pays et l'opposition formelle de la Pologne et de la Hongrie. Charge aux pays qui refusent l'accueil de verser une compensation financière de 20 000 euros par personne refusée ou de contribuer directement au renforcement des capacités d'accueil des autres États.

Ce mécanisme est loin d'être parfait, mais il a le mérite d'être une alternative à la relocalisation obligatoire, qui se heurte au ressenti profond de certains pays européens et est à l'origine de tant de psychodrames ces dernières années. Ce compromis pragmatique permettra peut-être d'avancer.

Ce qui m'inquiète, c'est que la position du Parlement européen est particulièrement éloignée dans sa philosophie. Pour les députés européens, l'engagement de chaque pays devrait porter à 80 % au moins sur des relocalisations. Le hiatus est profond, ce qui laisse présager des discussions difficiles. Le Conseil veut conforter la fiction de non-entrée, le Parlement l'écarter. Sans compter que le caractère hétéroclite de la coalition allemande se rappelle à notre bon souvenir : les Verts ont annoncé qu'ils s'opposeraient au compromis.

Si les institutions européennes semblent avancer enfin, je demeure très sceptique face à l'ampleur de la tâche à accomplir. Sur ce sujet, l'Europe a perdu la confiance des concitoyens. Elle ne peut s'offrir le luxe d'une nouvelle législature pour rien. Il faut au plus vite qu'elle maîtrise réellement ses frontières ! Quant à la France, elle devra, en même temps, avoir une politique claire de gestion des frontières - si tant est que ce soit possible à un an des Européennes. Sinon, ce sera l'heure des populismes, en Europe et en France.

M. Alain Cadec .  - Le Conseil européen des 29 et 30 juin traitera de sujets ayant trait à la préservation des intérêts de l'Union européenne et aux moyens de faire vivre ses valeurs.

Un dilemme central est de mettre fin aux hostilités en Ukraine et de favoriser la paix sans faire de concession sur le droit de l'Ukraine à retrouver son intégrité territoriale. J'espère que l'admirable cohésion européenne ne se fissurera pas : le 11e paquet de sanctions fait figure de test. La Russie contourne les sanctions avec la complicité de certains pays ou entreprises, y compris Européennes. La Hongrie et la Grèce manifestent leur opposition à certains éléments, et l'Allemagne est une fois de plus frileuse devant tout ce qui pourrait contrarier la Chine. Quelles sont les chances d'aplanir ces difficultés ?

Le Conseil européen se penchera aussi sur les réparations des dommages de guerre, notamment par la mobilisation des avoirs russes gelés en Europe. Il s'agit pour les Européens de ne pas être exclus du grand chantier de la reconstruction. Les opportunités économiques offertes seront à la mesure des efforts que nous aurons consentis.

Concernant la perspective européenne de l'Ukraine, soyons prudents : les conditions d'accès à l'Union ne sont pas négociables, et la marche à suivre doit être respectée. D'autres pays figurent sur la liste d'attente, et notre opinion publique n'est sans doute pas favorable à un nouvel élargissement.

La guerre en Ukraine a relancé le débat sur la coopération en matière de sécurité et de défense, en lien avec notre boussole stratégique. Il ne faudrait surtout pas que les efforts budgétaires de certains profitent à des fournisseurs de pays tiers.

Faute de s'entendre sur les quotas de migrants, nos pays doivent s'entendre pour renvoyer les clandestins et les déboutés du droit d'asile. Nous devons faire pression sur les pays tiers par tous les moyens possibles, des visas aux aides financières. Les récentes déclarations du président tunisien sont inacceptables : nous attendons une réaction ferme de la France et de ses partenaires.

Lors du Conseil européen, il sera question également de coordination des politiques économiques. Il est attristant de constater que la France est une nouvelle fois pointée du doigt pour ses déséquilibres macroéconomiques : dette insoutenable, problèmes sérieux de compétitivité, faible croissance de la productivité du travail, insuffisance des réformes structurelles et doutes sur notre capacité à en entreprendre de nouvelles. Ces doutes sont à prendre au sérieux : il y va de notre crédibilité et de notre capacité à relever les défis. (M. Jean-François Rapin manifeste son approbation.)

Mme Marta de Cidrac .  - (M. Jean-Marc Boyer applaudit.) Les 29 et 30 juin, il sera question de la politique économique de l'Union européenne, notamment de résilience et de souveraineté. La France a des valeurs dont l'Union doit pouvoir s'inspirer - je pense à sa vision gaullienne d'une économie au service de la souveraineté.

Longtemps, nous avons fait preuve d'une certaine naïveté dans notre vision des rapports de force économiques. Au tournant des années Maastricht, nous croyions les marchés mondiaux porteurs de toutes les vertus, surinterprétant la théorie des avantages comparatifs. L'économie européenne s'est transformée en économie de services. Le marché ne pouvait nous nuire : pourquoi donc garder chez nous des usines laides ?

Cette vision nous a considérablement affaiblis, alors que se réveillaient des géants économiques. La crise et la guerre en Ukraine ont remis au goût du jour la souveraineté économique.

Pourtant, la naïveté perdure, notamment avec la voiture électrique, véritable appel d'air pour des industries étrangères qui maîtrisent déjà la chaîne de production de bout en bout et continuent de se fournir en métaux rares auprès de la Russie. Nos entreprises devront s'approvisionner ailleurs, à prix d'or, et c'est le consommateur européen qui paiera.

Les conséquences sociales de telles mesures distendent le lien démocratique entre l'Europe et ses citoyens. Je pense aussi aux ZFE, périmètre d'exclusion pour ceux qui n'ont pas les moyens de renouveler leur véhicule. On crée ainsi une frontière sociale, rendant inaccessibles à certains de multiples infrastructures pourtant financées par leurs impôts.

En matière énergétique, la politique européenne mérite d'être débattue. Le temps est trop court pour revenir sur le projet Hercule ou encore le label vert obtenu de haute lutte pour le nucléaire. En 2032, 42 % de l'énergie européenne devra être fournie par des énergies renouvelables : encore une fois, nous nous plaçons dans une situation de dépendance vis-à-vis de puissances étrangères, puisque nous importons 70 à 80 % des équipements nécessaires et que nos filières de recyclage sont encore balbutiantes.

L'Union européenne continue parfois de prendre des décisions qui font le jeu d'intérêts étrangers et éloignent d'elle les citoyens. Elle doit plutôt travailler à construire une souveraineté économique forte. Je veux croire que nous serons entendus

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe .  - Monsieur Allizard, la France soutient le projet de règlement sur les munitions, mais nous veillerons évidemment à défendre nos intérêts de sécurité nationale et à maintenir la répartition des compétences prévue par les traités.

L'élargissement sera évoqué en décembre. Il ne peut se concevoir qu'avec des réformes de la gouvernance. Madame Mélot, le vote sur la majorité qualifiée en matière fiscale ou de sécurité fait partie des réformes engagées.

Le onzième paquet de sanctions contre la Russie, à l'ordre du jour du prochain conseil des ministres des affaires étrangères, prévoit un mécanisme anti-contournement et l'ajout d'une centaine de responsables russes sur la liste des sanctions individuelles.

L'Otan a annoncé à Bucarest en 2008 que l'Ukraine avait vocation à rejoindre l'Otan, monsieur Laurent. Vilnius sera l'occasion de lui donner des garanties de sécurité tangibles et crédibles.

Monsieur Raynal, vous m'interrogez sur la révision du cadre financier pluriannuel et la réforme de la gouvernance économique européenne, communiquée par la Commission aujourd'hui même. Une discussion entre chefs d'État dès la semaine prochaine serait donc prématurée. Nous y travaillons, ainsi que sur les ressources propres. Monsieur Pellevat, nous poussons pour le fonds de souveraineté, pour la réciprocité des marchés publics et pour le contrôle des prises de participation d'investissements dans les secteurs stratégiques.

Sur la souveraineté économique, monsieur Raynal, nous soutenons le triptyque proposé par la Commission européenne de différenciation appropriation et promotion des investissements - notamment dans la transition énergétique et numérique, monsieur Laurent. Toutefois, nous regrettons la mention des règles numériques automatiques, qui se sont révélées procycliques.

Vous avez été nombreux à évoquer le sujet des migrations. Nous pouvons nous féliciter de l'accord obtenu en juin dernier sur les deux textes au coeur du pacte sur la migration et l'asile. Ils prévoient un mécanisme de solidarité obligatoire, mais laissent à la discrétion des États la nature de cette solidarité, entre relocalisation et contribution financière. Ce compromis a permis de dépasser les blocages.

Nous devons bien sûr progresser en matière de sauvetage en mer et sur la dimension extérieure, sur laquelle porteront les discussions. Il y a une volonté commune de travailler avec les pays tiers pour prévenir les migrations et les drames associés. La France entretient un dialogue nourri avec Tunis et le Président Macron s'entretiendra prochainement avec le président Saïed. Nous nous mobilisons aux côtés de nos partenaires européens pour soutenir la Tunisie, et notamment le paquet annoncé le 12 juin par Ursula von der Leyen, Giorgia Meloni et Mark Rutte.

Le drame épouvantable de la semaine dernière ne doit plus se reproduire. Le nouveau président de Frontex a pris ses fonctions, des recrutements sont prévus. Un groupe de contact sur le sauvetage en mer est constitué.

Sur le Mercosur, la position de la France n'a pas changé. Elle a été rappelée par Olivier Becht à l'Assemblée nationale : nous ne pouvons accepter l'accord en l'état, il doit être complété par des engagements contraignants en matière de développement durable. Nous portons cette position auprès de la Commission et la relayons à la future présidence espagnole et à nos partenaires sud-américains, sans ambiguïté.

La prochaine réunion de la Communauté politique européenne, qui se tiendra en Espagne en octobre, abordera les sujets de coopération et d'interconnexion.

Sur les sujets transfrontaliers, la rencontre entre le Président Macron et Mme Meloni aujourd'hui devrait permettre d'avancer sur la mise en oeuvre du traité du Quirinal.

Sur le plan énergétique, les stocks de gaz sont élevés, la plateforme d'achat est opérationnelle. Nous souhaitons que les travaux sur la réforme du marché de l'électricité soient achevés avant la fin de l'année, pour protéger les consommateurs, lutter contre la volatilité des prix et encourager les investissements dans les énergies décarbonées.

Concernant le numérique, mesdames Mélot et Morin-Desailly, un texte vise à encadrer l'intelligence artificielle à l'échelle européenne. Nous voulons aborder les impacts sociaux et sociétaux de l'intelligence artificielle à travers un cadre de régulation européen, avec le même succès, je l'espère, que pour le RGPD.

Je remercie en particulier le sénateur Gattolin pour son engagement, ainsi que tous les participants à ce débat, et me réjouis de revenir bientôt devant votre commission à l'issue du Conseil.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - Merci, madame la ministre, pour vos réponses synthétiques. La soirée était riche en questions, débordant parfois les sujets à l'ordre du jour du Conseil, ce qui témoigne de l'engagement de notre commission.

Les questions d'asile et de migration sont essentielles : avec Alain Cadec et André Reichardt, nous les abordons avec un esprit combatif. Elles doivent être résolues au plus vite, car ce sujet sera au coeur des prochaines élections européennes.

Sur le Mercosur, nous avons perçu ces dernières semaines des tergiversations, voire des complicités avec la position de la Commission. Clarifier le discours du Gouvernement serait de bon aloi car la séquence à l'Assemblée nationale n'a pas été satisfaisante.

Merci à tous et en particulier à ceux, comme André Gattolin et Pierre Laurent, dont c'était peut-être la dernière intervention. (Applaudissements)

Prochaine séance demain, mercredi 21 juin 2023, à 15 heures.

La séance est levée à 23 h 55.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 21 juin 2023

Séance publique

À 15 h, 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Pierre Laurent, vice-président, Mme Pascal Gruny, vice-président

Secrétaires : M. Loïc Hervé - Mme Jacqueline Eustache-Brinio

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche (texte de la commission, n°735, 2022-2023)

3. Suite du projet de loi relatif à l'industrie verte (procédure accélérée) (texte de la commission, n°737, 2022-2023)