Protection et accompagnement des élèves et contrôle dans les établissements scolaires
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quelle politique de protection et d'accompagnement des élèves dans les établissements scolaires, avec quelles modalités de contrôle ? », à la demande du groupe SER.
Mme Colombe Brossel, pour le groupe SER . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K) Notre-Dame du Sacré-Coeur de Dax, Notre-Dame de Garaison, Saint-Pierre de Relecq-Kerhuon, Saint-Dominique de Neuilly-sur-Seine, Notre-Dame de Bétharram, le Bon Pasteur à Angers : autant de noms d'établissement qui résonnent comme des résurgences d'un passé ancien, mais dont l'actualité rappelle que les raisons pour lesquelles ils font la une des journaux demeurent.
Partout sur le territoire, des collectifs de victimes de violences, qu'elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles, ont vu le jour.
Avec ce débat, le groupe SER souhaite poser la question de la protection des enfants à travers le contrôle des établissements scolaires privés sous et hors contrat. Car, des années durant, l'État a failli.
Au-delà de l'école, les espaces au sein desquels les violences s'exercent sont nombreux. Je pense à la médecine et aux terrifiants récits auxquels a donné lieu le procès Le Scouarnec, mettant en évidence l'absence de réformes structurelles. Le collectif de victimes de l'ancien médecin a d'ailleurs saisi les ministres de la justice et de la santé il y a quelques jours afin de réclamer la mise en place d'une commission interministérielle face à la chaîne de défaillances collectives.
Dans l'éducation comme la santé, l'État peut agir ; encore faut-il qu'il s'en donne les moyens.
Hélas, il ne s'agit visiblement pas d'une priorité pour le Gouvernement. Nous avons déploré l'absence d'un ou d'une ministre chargé de la protection de l'enfance. La nomination récente d'une Haut-commissaire apparaît comme une réponse « sparadrap ».
Il y a un an et demi, notre groupe soulevait déjà la question des contrôles dans les établissements privés sous contrat. Votre prédécesseure annonçait le recrutement de soixante inspecteurs supplémentaires, mais nous avons appris, grâce à une commission d'enquête de l'Assemblée nationale, qu'il s'agit en fait de trente ETP en 2025 et trente en 2026, ce qui est bien insuffisant, d'autant que le corps des inspecteurs n'échappe pas au déficit d'attractivité de l'éducation nationale.
L'État doit agir. C'est pourquoi nous avons déposé une proposition de loi pour faire évoluer le cadre législatif et encadrer l'accueil des élèves dans les établissements privés en garantissant le respect d'exigences liées à la pédagogie, à la sécurité et la salubrité. Notre priorité est la protection de tous les enfants de notre pays.
Nous proposons ainsi de conditionner l'ouverture des établissements privés hors contrat, actuellement soumise à une simple déclaration, à une autorisation. Il s'agit d'empêcher l'ouverture d'établissements ne respectant pas certaines conditions de bien-être pour les élèves, par exemple ceux ne disposant pas d'une cour de récréation.
Ensuite, nous voulons renforcer le contrôle annuel des établissements privés. Les conditions matérielles d'accueil des élèves doivent être évaluées. Tous les personnels, publics ou privés, doivent être soumis à l'examen de leur honorabilité avant d'être mis en contact avec des enfants, ainsi que le prévoit, dans le domaine du sport, la proposition de loi de Sebastien Pla - dont nous attendons toujours un décret d'application, un an après le vote.
Les sénateurs socialistes proposent en outre l'obligation pour tout membre du personnel d'un établissement scolaire, lorsqu'il a été témoin d'un fait ou d'un comportement déplacé envers un élève, de saisir l'autorité académique. Cette saisine entraînerait sa protection en tant que lanceur d'alerte.
Lors de nos débats autour de la mixité sociale et scolaire, nous proposions déjà de rendre publics l'origine, le montant et la nature des ressources attribuées aux établissements d'enseignement privés. À l'heure où l'exigence de transparence est forte, notamment sur l'utilisation de l'argent public, nous réitérons cette demande.
Nous demandons depuis longtemps que le Sénat se dote d'une délégation aux droits des enfants. Nous avons aussi demandé une commission d'enquête sur les violences au sein des établissements. Songez que nous n'avons pas eu, au sein de notre commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, le moindre débat sur ces scandales qui font la une de la presse !
La protection des enfants est une cause plus grande que nos divergences politiques. J'espère que nous saurons nous rassembler autour de cette cause. Les sénatrices et sénateurs socialistes ne se déroberont pas. La protection de tous les enfants doit être effective, nos enfants le méritent. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et du RDPI ; M. Jean Hingray applaudit également.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Je veux vous rassurer sur le périmètre et le nombre des contrôles dans les établissements privés.
Le Conseil d'État a donné un avis favorable au décret sur l'alerte relative à des faits de violence : aucun établissement ne peut contester à l'État le droit de contrôler l'absence de violences.
Sur quatre ans, nous créerons deux cents postes d'inspecteur. Je souhaite que les contrôles s'effectuent avec des personnels de santé et des personnels sociaux de l'éducation nationale, pour une approche à 360 degrés. Nous avons besoin aussi de l'appui des services fiscaux.
La mobilisation de tous les agents de l'État permettra des contrôles à la fois nombreux et de qualité.
M. Ahmed Laouedj . - Que nous disent les lycéens contraints de s'agenouiller à Mantes-la-Jolie en 2018 ? Les révélations accablantes sur les violences à Notre-Dame de Bétharram ? Les dérives sexistes et homophobes signalées à Stanislas ? Que notre système de contrôle ne fonctionne pas.
Le RDSE se félicite de l'organisation de ce débat, car protéger les élèves, c'est défendre l'essence même de l'école républicaine.
La Convention des droits de l'enfant impose la primauté de son intérêt supérieur et l'article L.111-1 du code de l'éducation garantit à chaque élève un environnement scolaire sûr.
Hélas, la réalité est tout autre. Le scandale de Bétharram n'est pas un fait isolé. Nous avons affaire à un système de silences et de lâchetés accumulés. Des faits sont tus, parfois couverts, pendant des décennies.
C'est une tragédie humaine, mais aussi un échec politique. Quand l'État signe un contrat avec un établissement, il en garantit le cadre. Il est ensuite comptable de ce qu'il a laissé faire.
Le privé sous contrat accueille 17 % des élèves et perçoit plus de 8 milliards d'euros de fonds publics par an. Pourtant, ce soutien massif ne s'accompagne d'aucun dispositif de contrôle cohérent et contraignant. L'opacité du suivi financier, la rareté des inspections inopinées et l'absence de critères unifiés sont des constats largement partagés.
Comment justifier dans un système aussi massivement financé l'absence de doctrine et de critères clairs pour garantir la sécurité des élèves ?
De récents travaux de l'Assemblée nationale soulignent aussi un traitement différencié selon la confession ou l'ancrage historique des établissements. Le lycée Averroès, établissement privé musulman sous contrat à Lille, a été inspecté quatorze fois ; Bétharram, établissement catholique sous contrat accusé de maltraitances sur plusieurs décennies, pas une seule fois depuis 1996. Est-ce cela, la neutralité républicaine ? L'égalité devant la loi ?
Cette asymétrie insupportable crée un sentiment d'injustice qui fragilise la légitimité de nos institutions. Dans la République, le droit ne s'applique pas à la carte. Ce qu'on exige d'Averroès, il faut l'exiger de Stanislas. Ce qu'on vérifie à Grigny, il faut le vérifier à Neuilly. Et ce qu'on ne tolère pas quelque part, il ne faut l'accepter nulle part.
Nous avons besoin d'inspecteurs formés en nombre suffisant, de contrôles inopinés et de sanctions effectives en cas de manquements. Je propose donc que chaque établissement sous contrat fasse l'objet d'un bilan annuel de conformité, qui conditionnerait le versement des financements publics. La République n'a pas à subventionner des lieux qui bafouent ses principes.
L'école n'est pas un sanctuaire d'impunité, mais un lieu d'émancipation, de confiance et de droits.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Force est de constater qu'il existait des failles depuis des décennies. J'ai décidé de les combler.
Désormais, les contrôles seront étendus à la sécurité des élèves. Des questionnaires seront adressés aux élèves en internat ou de retour d'un voyage scolaire. Des entretiens avec des psychologues seront réalisés le cas échéant.
Il y avait moins de dix contrôles par an dans les établissements privés ; désormais, mille sont programmés. Ces contrôles doivent être inopinés, mais aussi suivis.
Non, il n'y a pas deux poids, deux mesures. En 2023-2024, neuf établissements ont été fermés, dont deux musulmans ; en 2024-2025, pour l'heure, quatre, dont deux catholiques. Je puis vous assurer que les établissements sont traités de manière équitable.
M. Jean Hingray . - Je remercie nos collègues socialistes pour ce débat important.
J'irai droit au but, madame la ministre : quelles actions concrètes en termes de prévention ? Je vous remercie de ne pas remettre la poussière sous le tapis, s'agissant de certains dossiers qui concernent mon département. Question courte, réponse courte ! (Sourires)
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - L'école de la République doit être préservée de toute forme de violence. Tout incident qui nuit à la sérénité des apprentissages, à la sécurité des élèves et des personnels appelle une réponse ferme et immédiate.
Il importe aussi d'agir en prévention, en mobilisant la communauté éducative. Cela recouvre des champs multiples, notamment la prévention de l'addiction aux écrans, qui mène au cyberharcèlement et à la banalisation de la violence sur les réseaux sociaux.
Dès la rentrée prochaine, nous généralisons la pause numérique dans les collèges. Les espaces numériques de travail et les logiciels de vie scolaire tels que Pronote ne seront plus mis à jour le soir et le week-end. Nous explorons, avec Clara Chappaz, l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans. Le nouveau programme d'EMC insiste sur la transmission des valeurs de la République et consacre dix-huit heures annuelles à des projets d'éducation à la citoyenneté. Les concours comme « Non au harcèlement » ou le prix Ilan Halimi donnent du sens aux apprentissages.
La prévention passe aussi par un renforcement des compétences psychosociales - d'où les cours d'empathie et les dix heures consacrées à la prévention du harcèlement.
M. Pierre Ouzoulias . - L'article L.442-1 du code de l'éducation, issu de la loi Debré, dispose que « l'établissement privé sous contrat, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience ». L'article L.442-5 précise que ces établissements dispensent « un enseignement conforme aux programmes de l'enseignement public ». La loi garantit ainsi aux élèves une totale liberté de conscience. C'est l'enjeu de ce débat que de vérifier son effectivité.
Selon la jurisprudence constante du Conseil d'État, le « caractère propre » ne saurait justifier une dérogation aux programmes ni permettre à un établissement de s'affranchir des principes fondamentaux du service public de l'enseignement.
Or des rapports d'inspection ont révélé que certaines célébrations religieuses, organisées sur le temps scolaire, n'étaient pas facultatives. Votre ministère a rappelé que l'instruction religieuse devait rester facultative et qu'un enseignement de culture religieuse centré sur une seule religion devait être considéré comme confessionnel.
Cette interprétation est toutefois contestée par certains. Le directeur diocésain de l'enseignement catholique de Paris estime ainsi que « quand on parle de spiritualité, cela n'a pas de sens de dire qu'une messe est obligatoire ». Philippe Delorme, ancien secrétaire général de l'enseignement catholique, déclare que « le caractère propre de chaque établissement, qui correspond à un projet enraciné dans l'Évangile, doit se traduire dans tous les domaines ».
Pouvez-vous préciser la doctrine du ministère concernant la portée et les limites du « caractère propre » des établissements sous contrat ?
J'ai déposé cette semaine une proposition de loi visant à étendre aux établissements privés sous contrat la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles. Au vu des débats sur le voile, je pense que nos collègues pourraient la cosigner. (Sourires à gauche)
L'article 2 de la loi de 1905 interdit à l'État de financer des activités ou des enseignements religieux. Confirmez-vous que les subventions publiques ne peuvent porter que sur l'entretien des locaux, à proportion de leur utilisation pour les enseignements dispensés dans le cadre du contrat avec l'État ?
Les subventions versées par les collectivités territoriales ne peuvent excéder le dixième des dépenses annuelles de l'établissement. Cette fraction est-elle calculée sur la totalité de son budget ou uniquement sur les dépenses pouvant légalement être subventionnées ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - La loi Debré traduit le principe constitutionnel de liberté d'enseignement en reconnaissant la possibilité pour un établissement d'avoir un « caractère propre ». Ce sont les valeurs de base auxquelles l'établissement entend se référer dans son action éducative. Cela conduit à la reconnaissance, pour le chef d'établissement, d'une liberté d'organisation de la vie scolaire, tandis que la partie sous contrat doit respecter strictement les programmes officiels.
Si, lors d'un contrôle, il s'avère que l'instruction religieuse est obligatoire, l'établissement fait l'objet d'une mise en demeure.
Les enseignants sont soumis aux mêmes règles que ceux du public.
Historiquement, l'État ne s'immisçait pas dans la vie scolaire. J'ai voulu que l'on puisse contrôler l'absence de maltraitance, c'est désormais le cas.
Nous veillons, dans le cadre de notre plan de contrôle, à ce que la liberté de conscience ne soit pas entravée. L'enseignement religieux doit être facultatif, la participation à des événements religieux ne peut être imposée et les programmes doivent être appliqués intégralement.
M. Pierre Ouzoulias. - Merci, c'est très clair. Le port de signes religieux ou la participation à des événements religieux ne peuvent être imposés. Je vous écrirai pour obtenir des précisions sur les règles de subventionnement. C'est la première fois que j'obtiens du ministre une réponse claire s'agissant du caractère propre, et je vous en remercie.
Mme Monique de Marco . - Je remercie le groupe SER de ce débat. Depuis des mois, les témoignages se multiplient pour dénoncer des faits de violences dans des établissements privés sous contrat. Ces faits ne sont pas de l'histoire ancienne, et dépassent les Pyrénées-Atlantiques - je pense à Stanislas, objet d'une enquête diligentée par votre prédécesseur.
Dans certains établissements, des élèves sont exposés à des propos homophobes, sexistes et anti-avortement. Leur liberté de conscience n'est pas respectée. Les accusations de violences psychiques, physiques et sexuelles se multiplient. Or les contrôles sont insuffisants, en raison de l'imprécision de la loi. J'ai interrogé l'ancienne rectrice de l'académie de Bordeaux sur les maltraitances à Bétharram ; elle m'a répondu avoir appliqué le cadre légal - qui ne prévoit pas le contrôle des personnels non enseignants, ces derniers relevant du Syndicat général de l'enseignement catholique, visiblement défaillant.
Les inspecteurs ont dénoncé le caviardage de leur rapport sur Stanislas, expurgé des éléments pointant un climat homophobe, sexiste et autoritaire. Cela interroge sur la fiabilité des informations transmises.
Madame la ministre, vous avez décidé de renforcer les moyens humains du contrôle. Quel en est le périmètre ? De quel type de contrôles s'agit-il ? Quid de la publicité des rapports d'inspection ? Tout a-t-il été fait pour protéger les enfants des établissements privés sous contrat ? (Mme Colombe Brossel applaudit.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Jusqu'à présent, les contrôles portaient sur les financements et la comptabilité analytique, sur la conformité administrative et sur la pédagogie. Désormais, ils portent aussi sur la vie scolaire. Le Conseil d'État a validé cette interprétation. Voilà pour le périmètre. Les instructions ont été données aux rectorats.
Les rapports de contrôle ne sont pas publics. Le chef d'établissement reçoit un courrier qui précise les recommandations ou mises en demeure qui font suite au contrôle - seul document à avoir valeur juridique. Pour moi, c'est le rapport qui vaut. J'ai donc demandé à l'inspection générale de faire de simples lettres de transmission et des synthèses qui figureront dans le rapport.
Les recommandations ou mises en demeure doivent être clairement identifiées dans les rapports et faire l'objet d'un suivi. S'agissant de Stanislas, un contrôle de la mise en oeuvre des recommandations est effectué aujourd'hui-même.
Mme Monique de Marco. - Je vous remercie de ces réponses claires. Il faudra réfléchir à faire évoluer le cadre législatif.
M. Yan Chantrel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'actualité a montré l'urgente nécessité de ce débat. L'affaire Notre-Dame de Bétharram est un électrochoc. Plus de deux cents anciens élèves ont porté plainte pour des faits de violences physiques, psychologiques et sexuelles, commis sur des décennies. Cette actualité touche les Français dans leur chair, elle questionne la responsabilité des autorités et impose une réponse politique forte. Ces abus et violences ne sont pas isolés mais systémiques.
Colombe Brossel a rappelé la faillite de l'État à contrôler les établissements privés sous contrat et hors contrat. Il est inacceptable que Notre-Dame de Bétharram n'ait fait l'objet d'aucune inspection depuis 1996. Le rapport des députés Vannier et Weissberg sur le financement public de l'enseignement privé sous contrat dénonce la quasi-absence de contrôles ; un rapport de la Cour des comptes de juin 2023 souligne que le contrôle pédagogique est minimaliste, le contrôle administratif ponctuel, le contrôle financier absent.
Financé à 75 % par l'argent public, l'enseignement privé sous contrat ne rend pratiquement aucun compte à l'État. Nous saluons vos annonces en la matière, madame la ministre, mais soixante inspecteurs supplémentaires, est-ce suffisant ? Contrôler 40 % des établissements d'ici à 2026, est-ce réaliste ?
À quoi ces contrôles aboutiront-ils ? En décembre 2023, l'État avait mis fin au contrat d'association avec le lycée lillois Averroès et cessé de le subventionner à la rentrée 2024. Cette décision, aujourd'hui retoquée, était notamment motivée par des enseignements qualifiés de « contraires aux valeurs de la République ». Les abus révélés à Notre-Dame de Bétharram ne sont-ils pas contraires aux valeurs de la République ? Pourquoi son contrat n'est-il pas remis en cause ?
Si des manquements graves sont découverts, le financement de ces établissements sera-t-il remis en cause ? Nous demandons plus de transparence, comme au Royaume-Uni, où un organe de contrôle indépendant a été mis en place.
Autre sujet d'inquiétude : si la violence des adultes a pu se perpétrer si longtemps, à Notre-Dame de Bétharram, Saint-Dominique de Neuilly, Sainte-Croix des Neiges ou à l'Immaculée-Conception à Pau, c'est aussi parce qu'elle a eu lieu dans un milieu social et culturel qui la favorisait - ou du moins ne l'empêchait pas. Un milieu où les châtiments corporels, les humiliations, les rapports de domination étaient conçus comme partie intégrante de l'éducation.
Il est éloquent d'entendre le Premier ministre décrire, devant la commission d'enquête, le 14 mai dernier, une claque comme un « geste éducatif ». Non, la violence n'est jamais éducative ! Les châtiments corporels constituent une violation des droits de l'enfant. Depuis la loi du 10 juillet 2019, le code civil déclare que « l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques ».
Or dans des milieux sociaux et culturels trop homogènes, recroquevillé sur eux-mêmes, il est plus facile de faire régner l'omerta ou la peur du qu'en-dira-t-on. Le scandale Bétharram a mis en lumière cet entre-soi, qui permet de faire contre-société, comme dans la communauté catholique intégriste Riaumont à Liévin, de ne pas se confronter à l'altérité, à la différence qui viendrait questionner des pratiques « traditionnelles ».
Lutter contre l'omerta qui entoure ces abus, c'est aussi lutter contre le séparatisme scolaire et favoriser la mixité sociale partout. En 2023, nous avions tenu un débat de contrôle sur la ségrégation scolaire. Votre prédécesseur Pap Ndiaye avait conclu avec l'enseignement catholique un protocole d'accord décrivant une trajectoire et un plan d'actions en vue de renforcer la mixité sociale et scolaire dans ces établissements. Où en est-on ? Pouvez-vous nous donner des chiffres sur l'évolution des indices de positionnement social (IPS) et du taux de boursiers ?
Nous sommes déterminés à lutter contre les abus et les violences. Il faut utiliser tous les leviers à la disposition de la puissance publique pour protéger les enfants. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Le plan « Brisons le silence, agissons ensemble », annoncé mi-mars, prévoit que dans tous les établissements, privés comme publics, tout incident ou fait de violence doit être remonté au niveau académique, voire national, via l'application Faits établissement. Un second décret sera pris bientôt.
Tous les établissements doivent avoir une procédure claire pour faire remonter les signalements, en sus de la transmission d'informations préoccupantes et de l'article 40.
Des questionnaires seront remplis tous les trimestres dans les internats et après chaque sortie scolaire incluant une nuitée. Nous passerons de moins de dix à mille contrôles dans les établissements privés sous contrat.
Sur la mixité, les tendances constatées nous ont conduits à moduler les moyens alloués aux établissements en fonction de l'IPS. Des commissions devaient être mises en place dans chaque rectorat pour examiner la situation avec les établissements ; c'est le cas.
Mme Laure Darcos . - L'actualité est dominée par les violences physiques et sexuelles commises à Notre-Dame de Bétharram. Ensemble nous devons lutter contre ces crimes épouvantables en exigeant des établissements plus de transparence.
Mais je veux insister sur d'autres formes de violences. Le 24 mars dernier, un adolescent de 17 ans est mort devant le lycée professionnel Louis-Armand à Yerres, en Essonne, poignardé lors d'une rixe. Quelques mois plus tôt, un élève avait été frappé à coups de marteau dans la cour du lycée Rosa-Parks de Montgeron. Jeudi dernier, des élèves du lycée Geoffroy Saint-Hilaire d'Étampes ont lancé une porte du quatrième étage sur un groupe de professeurs, blessant gravement une enseignante.
Je veux dire tout mon soutien à la communauté éducative.
Malheureusement, ces violences ne sont pas des cas isolés. Il n'y a pas que les rixes : les réseaux sociaux sont devenus un espace de haine. Evaëlle, Thibault, Lindsay, Lucas - victimes de harcèlement - ces enfants se sont donné la mort pour échapper à leurs bourreaux.
Selon le rapport de Colette Mélot de 2021, entre 800 000 et 1 million d'enfants sont victimes de harcèlement chaque année.
Nous devons tout faire pour que l'école demeure un sanctuaire. Son rôle repose sur cinq leviers : prévention, détection, signalement, sanction, et accompagnement des victimes avec l'appui des forces de l'ordre et de la justice. Toute la communauté éducative est engagée dans cette lutte, mais les moyens sont-ils suffisants ?
La loi du 2 mars 2022 a créé le délit de harcèlement scolaire. En avril 2024, la Commission européenne a adopté une recommandation sur la protection de l'enfance, qui préconise que chaque État mette en place un plan de soutien à la santé mentale des jeunes. Il y a quelques jours, madame la ministre, vous avez présenté un plan qui préconise d'en faire une priorité nationale. Comment sera-t-il mis en oeuvre ?
La médecine scolaire est à bout de souffle, incapable d'assurer ses missions faute d'effectifs. On compte un médecin scolaire pour 13 000 élèves, la moitié des postes n'est pas pourvue et la démographie médicale n'incite pas à l'optimisme. La revalorisation des rémunérations est indispensable.
Fin janvier 2025, la Défenseure des droits a émis des recommandations au ministère de l'éducation nationale. Elle propose de revaloriser le métier d'assistant social en milieu scolaire et préconise un conventionnement avec les départements pour mettre en place des formations sur la protection de l'enfance, afin de mieux armer les équipes éducatives. Quelles suites avez-vous données à ces recommandations ?
Les collectivités territoriales agissent : la région Île-de-France consacre des moyens importants à des opérations de sécurisation des lycées et au déploiement de la vidéoprotection.
Le Gouvernement a annoncé en mars des fouilles de sacs à l'entrée des établissements et des sanctions fortes pour les élèves en possession d'armes blanches. Souhaitons que ces mesures parviennent à endiguer la violence des jeunes et à ramener la sérénité nécessaire aux études. Mais, in fine, c'est bien aux parents qu'il incombe d'éduquer leurs enfants, avec la conscience que la transmission de valeurs humaines est le seul rempart contre la barbarie.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Le phénomène des rixes est très visible en Essonne, mais on le retrouve malheureusement partout. Les bagarres sont médiatisées sur les réseaux sociaux. Avec Bruno Retailleau, nous avons adressé le 26 mars une instruction conjointe aux préfets et aux recteurs demandant des contrôles inopinés des sacs devant les établissements. En Essonne, trente opérations de fouilles de sacs ont été menées depuis la fin mars.
Dans une société de plus en plus violente, il faut un partenariat étroit entre les chefs d'établissement, les forces de sécurité et les municipalités ; il faut appréhender les enjeux de sécurité dans les établissements mais aussi lors des trajets.
La santé mentale est un enjeu majeur, qu'a rappelé le drame de Nantes. La moitié des postes de médecins scolaires sont vacants : ils doivent être revalorisés. Je souhaite un protocole, dans chaque établissement, sur le repérage et la prise en charge des élèves ayant des difficultés psychiques. Avec le ministre de la santé, nous sommes convenus que les élèves repérés par l'éducation nationale bénéficieront d'un coupe-file pour être pris en charge dans les centres médico-psychologiques.
M. Stéphane Piednoir . - Il n'y a rien de plus précieux que nos enfants, pour lesquels nous voulons le meilleur. Compte tenu du temps qu'ils passent à l'école, celle-ci est au premier rang de cette exigence.
L'école a longtemps été l'apanage de l'Église. L'enseignement, devenu peu à peu public, ne devient laïc qu'à la fin du XIXe siècle - ce n'est pas si vieux. (M. Pierre Ouzoulias approuve.) Depuis, les rapports entre l'État et les établissements privés sont encadrés : loi Debré de 1959, loi Gatel de 2018.
Tous les établissements privés sont soumis à des contrôles administratifs et pédagogiques, notamment sous le prisme de la protection de l'enfance - mais la Cour des comptes et les rapports parlementaires ont montré que ces contrôles étaient peu ou pas exercés. L'État doit examiner avec lucidité son rôle. La collaboration avec les chefs d'établissement doit être totale.
Le regard que nous portons sur l'univers scolaire n'est pas celui d'il y a trente ou quarante ans. Quel élève de ma génération, qu'il ait été scolarisé dans le privé ou le public, n'a jamais assisté ou subi un coup de règle, une craie lancée, voire une gifle ? Soyons honnêtes.
Ce temps est révolu, c'est heureux. Ne mettons pas pour autant sous le tapis des violences scolaires qui ont parfois des conséquences dramatiques - détresse psychologique, décrochage, voire suicide.
Aucune excuse ne tient s'agissant de violences ou d'atteintes sexuelles : cela relève du vice et est pénalement condamnable. Les procédures pénales doivent être appliquées.
Pour le reste, gare à ne pas instrumentaliser le débat pour réveiller une nouvelle guerre scolaire, alors que les effectifs du privé augmentent année après année. Ne tombons pas dans les excès de collègues députés qui mènent une croisade contre l'enseignement privé catholique, qui refusent les écoles religieuses, sauf si cette religion est l'islam.
Le rapport sur l'entrisme des Frères musulmans démontre qu'un danger menace notre République. Les contrôles administratifs ne reposent que sur de rares signalements, comme pour le lycée Averroès. Les inspecteurs y ont trouvé des livres faisant la promotion d'un djihad violent, de la peine de mort pour les homosexuels, légitimant les violences conjugales ou ignorant le génocide des juifs. La liberté de conscience n'est plus respectée dans ce cadre.
Le contrôle doit être effectif. Aucun établissement n'est au-dessus des lois, mais le caractère propre des établissements privés doit être préservé. Or l'éducation nationale a pour culture de regarder davantage l'enseignement public... L'école doit être un lieu d'apprentissage et la violence n'y a pas sa place.
Je voulais vous interroger sur les contrôles diligentés : sont-ils ciblés sur les établissements sur lesquels vous avez des doutes sérieux ou des données précises ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Chaque académie a élaboré un plan de contrôle, qui, consolidé à l'échelle nationale, concerne mille établissements. Il inclura des établissements hors contrat. L'objectif est de contrôler 40 % des établissements, dont 50 % sur place, dans les deux ans. Si l'on est informé d'éléments qui interrogent, on peut reprioriser les contrôles. Si le rectorat est alerté sur des dysfonctionnements graves, des violences, on passe à une enquête administrative, sans préjudice des procédures engagées par ailleurs, signalement au procureur ou transmission d'informations préoccupantes.
M. Stéphane Fouassin . - Je m'exprime au nom de Samantha Cazebonne, qui s'excuse de ne pouvoir être présente. C'est pourquoi j'utiliserai le féminin. (Sourires)
Ce débat s'inscrit dans un contexte salutaire de libération de la parole. En tant que législatrice, enseignante, cheffe d'établissement et parent, je ne peux qu'encourager cette parole, qu'il faut accompagner.
Notre réseau d'enseignement français à l'étranger compte 600 établissements homologués dans 138 pays. Les violences physiques y sont rares, mais cela ne signifie pas que les élèves sont à l'abri de toute violence ou vulnérabilité, sous d'autres formes.
Le harcèlement scolaire est désormais mieux accompagné grâce au programme pHARe et à la méthode Pikas. Toutefois, il faudrait transposer dans notre réseau certains dispositifs encore absents, comme des numéros d'appel d'urgence accessibles depuis l'étranger, comme il en existe pour les violences intrafamiliales par exemple.
La protection des enfants passe aussi par une meilleure prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers. Actuellement, les familles doivent déposer une demande d'accompagnement auprès d'une MDPH en France ; l'instruction est longue et complexe. Ne pourrait-on créer une MDPH centralisée, dédiée aux Français de l'étranger, pour éviter l'exclusion de ces enfants ?
Autre pilier de la protection : les valeurs de la République. Nous devons affirmer que nos établissements français à l'étranger resteront toujours des lieux où l'on apprend à penser librement, à forger sa conscience et à exercer son esprit critique. Les familles viennent chercher un espace de neutralité, de liberté, voire un refuge. Les critères d'homologation ne pourraient-ils rappeler spécifiquement le respect des valeurs républicaines ?
Je remercie le groupe SER pour ce débat. Merci aussi pour votre attention à notre réseau d'enseignement français à l'étranger, qui fait rayonner notre modèle éducatif.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Merci de ce coup de projecteur sur nos établissements français à l'étranger. Il reste du chemin à parcourir pour que tous nos dispositifs s'appliquent aussi à l'étranger. Les statuts de ces établissements varient beaucoup, et partant, les leviers sur lesquels on peut agir.
Depuis septembre 2023, le bien-être des élèves et du personnel figure explicitement parmi les critères d'homologation. En cas de dysfonctionnement, un contrôle peut être opéré en lien avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE). En cas de manquement grave, l'établissement peut se voir retirer son homologation.
Seule une partie des personnels a le statut de titulaire de l'éducation nationale. Pour ceux-là, la direction des ressources humaines du ministère est chargée d'engager les procédures disciplinaires en cas de manquement avéré signalé par le poste diplomatique ou l'employeur.
Nous renforcerons le travail mené avec le MEAE et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger pour améliorer le traitement des signalements.
Mme Laurence Garnier . - Plusieurs de mes collègues ont évoqué les violences des adultes envers les enfants. Pour ma part, je parlerai des violences des élèves envers d'autres élèves. Cet enjeu concerne à la fois la santé mentale, la lutte contre le harcèlement scolaire et l'impact délétère des écrans et des réseaux sociaux.
Je ne peux pas ne pas évoquer l'événement dramatique de Nantes : une jeune fille de 15 ans poignardée à 57 reprises par un élève de son lycée, en plein cours de mathématiques. Vous êtes venue ce jour-là pour soutenir la communauté éducative de ce lycée, madame la ministre, et je vous en remercie. La fragilité psychologique du meurtrier est apparue très rapidement, il a été hospitalisé en psychiatrie.
Selon une étude de Santé publique France de 2022, 13 % des 6-11 ans présentent un trouble probable de santé mentale et 24 % des lycéens déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois. Face à cette situation, la fragilité de la filière psychiatrique pose question. En Loire-Atlantique, nous avons l'un des plus faibles ratios de pédopsychiatres libéraux par habitant ; les délais pour obtenir une consultation sont de douze à dix-huit mois. Dans un collège nantais, trois élèves atteints d'un trouble anxieux ne sont pas venus à l'école depuis novembre dernier. La pédopsychiatrie est une priorité absolue.
Protéger et accompagner les élèves, c'est aussi lutter contre le harcèlement, amplifié par l'omniprésence des écrans et des réseaux sociaux. L'hyperviolence se nourrit de ces outils numériques, devenus catalyseurs de la fabrique des barbares. Rappelons qu'un adolescent de 13 à 19 ans passe en moyenne cinq heures par jour sur les écrans. Michel Desmurget, docteur en neurosciences à l'Inserm, établit un lien direct entre l'usage excessif des écrans et l'augmentation de la violence, par manque d'empathie. Le déploiement d'algorithmes égocentrés empêche les jeunes de comprendre les émotions et la violence des contenus désensibilise à la souffrance d'autrui.
Je reste néanmoins convaincue que l'éducation nationale possède des leviers puissants pour restaurer l'empathie. La lecture est une clé de voûte bien trop sous-estimée de nos compétences relationnelles. Or la richesse des émotions et la diversité des personnages rencontrés dans les romans sont des outils puissants pour recréer l'empathie nécessaire au lien social.
La richesse du vocabulaire est aussi essentielle pour exprimer et donc dominer ses émotions. Nombre d'études montrent la corrélation entre le faible nombre de mots maîtrisés et le niveau de violence. Selon le linguiste Alain Bentolila, certains jeunes ne possèdent que quelques centaines de mots, quand il leur en faudrait plusieurs milliers pour examiner et accepter pacifiquement leurs divergences. Il y a plus de vocabulaire dans un livre pour enfant de 3 ans que sur les réseaux sociaux ! Voilà qui doit nous faire réfléchir.
Nous devons réinterroger la place des écrans et faire appliquer l'interdiction des smartphones dans les établissements scolaires, voire à l'extérieur.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Il y a une véritable addiction aux écrans - jusqu'à cinq heures par jour ! Cyberharcèlement et banalisation de la violence vont de pair. C'est pourquoi j'ai souhaité la pause numérique au collège dès la rentrée prochaine. Nous devons nous-même éviter de les inciter : Pronote ne sera pas mis à jour de 20 heures à 7 heures ni le week-end.
Les compétences psychosociales feront partie du socle commun des compétences à acquérir. Différentes actions les renforcent, comme les cours d'empathie, généralisés depuis la dernière rentrée. Il faut aussi mieux détecter et prendre en charge les élèves en détresse psychologique, qui peuvent être dangereux pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres - comme cela a été le cas à Nantes.
M. le président. - Je vous laisse monter à la tribune pour votre propos conclusif.
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je vous remercie d'avoir organisé ce débat sur des sujets qui sont au coeur de mes priorités. Ces derniers mois, d'anciens élèves ont témoigné de violences morales, sexuelles et physiques inqualifiables. Je leur dis mon soutien et ma solidarité. Nous leur devons la vérité et la justice. Les auteurs des actes doivent répondre de leurs actes. L'État n'a pas été au rendez-vous : il doit l'être désormais.
Le plan « Brisons le silence, agissons ensemble » repose sur trois piliers : recensement et remontée systématique des faits, recueil de la parole des élèves, intensification des contrôles dans les établissements privés sous contrat.
L'école doit être un lieu protégé où chacun se sent en sécurité. Il faut protéger les élèves de toutes formes de violences.
Le plan interministériel de septembre 2023 contre le harcèlement scolaire poursuit trois objectifs : 100 % prévention, 100 % détection et 100 % solution. Les actions déployées seront la formation de tous les personnels d'ici à 2027, une séance d'information et des ressources numériques à destination des parents, la sensibilisation des collégiens, des cours d'empathie dès l'école primaire, la mise en place de questionnaires et le déploiement du 3018.
Nous devons aussi lutter contre la surexposition aux écrans - j'ai déjà évoqué ce que nous avons prévu s'agissant des logiciels de vie scolaire.
Nous devons enfin lutter contre le port et l'usage d'armes blanches, car des drames ont coûté la vie à des élèves ces derniers mois. Avec le ministre de l'intérieur, nous avons prévu que tout élève en possession d'une arme blanche comparaîtra devant le conseil de discipline et nous avons adressé une instruction conjointe pour des contrôles de sacs devant les établissements. En un mois, plus de 1 000 contrôles ont été réalisés et une centaine d'armes blanches ont été trouvées. Nous apporterons à chaque fois une réponse ferme, allant jusqu'à un signalement au procureur de la République.
Je rappelle que 170 postes de CPE et 600 postes d'assistants d'éducation ont été créés afin d'améliorer le climat scolaire.
Les enjeux de santé mentale doivent être pris à bras-le-corps. C'est le sens des mesures annoncées avec Yannick Neuder, le 14 mai, lors des assises de la santé scolaire. D'ici à la fin de l'année, chaque établissement devra s'être doté d'un protocole de repérage et de prise en charge de la souffrance psychique des élèves. Des personnels repères en santé mentale seront formés pour orienter les élèves en souffrance vers une prise en charge adaptée.
L'institution doit aussi soutenir les professeurs menacés ou agressés. Je vous redis mon soutien à l'octroi d'une protection fonctionnelle systématique en cas de violence verbale ou physique. (M. Pierre Ouzoulias s'en félicite.) Je suis également favorable à la possibilité d'un dépôt de plainte par l'administration en lieu et place du personnel victime.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bonne mesure !
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - La violence n'aura jamais sa place à l'école. Soyez assurés de ma détermination à tout mettre en oeuvre pour qu'elle n'y trouve pas sa place. (Applaudissements)
M. David Ros, pour le groupe SER . - Merci d'avoir participé à ce débat, cher au groupe SER et qui fait écho à vos annonces du 14 mai dernier : hasard de calendrier ou anticipation audacieuse de notre ordre du jour ?
Vous appelez à la refondation du système éducatif, mais vos annonces devront être soutenues budgétairement.
Vous prônez la formation de personnels repères en santé mentale. Cela va dans le sens des préconisations d'Hervé Reynaud.
Hier, j'ai participé avec Yan Chantrel et Colombe Brossel à la CMP conclusive de la proposition de loi sur la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur : ces formes de violences sont à repérer dès le plus jeune âge.
Au-delà de vos annonces, il faut dessiner un cadre éducatif qui combat toute forme de violence.
En premier lieu, nous devons lutter contre les violences physiques. En tant que maire d'une ville apaisée en vallée de Chevreuse, j'ai observé la recrudescence des violences verbales, y compris dans la cour de l'école maternelle. Nous changerions de paradigme en remplaçant la lutte contre la violence par la recherche du bien-être, via le sport, la médiation, la respiration...
Ensuite, nous devons lutter contre le cyberharcèlement. Nier les possibilités éducatives des nouvelles technologies serait absurde. Mais il faut renforcer l'accompagnement des personnels éducatifs, sensibiliser les parents et adapter la législation sur les réseaux sociaux pour les plus jeunes.
La troisième forme de violence est liée à l'enseignement lui-même. La pression de finir les programmes et les classes surchargées créent une tension ressentie par les élèves. Ceux qui connaissent des difficultés d'apprentissage voire l'échec scolaire subissent la violence psychique des évaluations. Il faut arrêter de rabaisser l'élève et retrouver le plaisir d'apprendre.
L'école, le collège et le lycée doivent être perçus comme une seconde maison, bienveillante et enrichissante. C'est pourquoi il faut des moyens et des espaces d'échanges, de débat et de formation à la citoyenneté.
Le groupe SER prend acte de vos annonces et vous en sait gré. Comptez sur nous pour vous soutenir lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2026 afin que les moyens humains soient au rendez-vous, pour lutter contre toute violence. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Laure Darcos applaudissent également.)
La séance est levée à 19 h 45.
Prochaine séance, lundi 2 juin 2025, à 15 heures.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du lundi 2 juin 2025
Séance publique
À 15 heures et le soir
Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Xavier Iacovelli, vice-président
Secrétaires : Mme Catherine Di Folco, M. Guy Benarroche
1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l'article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières (texte de la commission, n°622, 2024-2025)
2. Projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse (procédure accélérée) (texte de la commission, n°645, 2024-2025)
3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile (texte de la commission, n°459, 2024-2025)