SÉANCE

du lundi 2 juin 2025

96e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente

Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Catherine Di Folco.

La séance est ouverte à 15 heures.

Résolution sur la prévention de la pollution des mers (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l'article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - En commission, le Sénat avait adopté à l'unanimité ce projet de loi, mais l'Assemblée nationale l'a rejeté. La CMP l'a finalement adopté largement, par douze voix pour, une voix contre et une abstention.

La Convention de 1972 dite de Londres, l'un des premiers textes internationaux dotés d'une vision environnementale, permettait l'enfouissement sous les océans, après autorisation. Le protocole de 1996 a inversé la logique : une interdiction générale, sauf dérogation ponctuelle. C'est une bonne chose, pour les océans, pour la biodiversité, pour l'équilibre climatique, sachant que 70 % de la surface de la planète est recouverte par les océans. Notre pays dispose du premier domaine maritime au monde, avec 11 millions de kilomètres carrés ; il a donc une responsabilité particulière.

La possibilité d'enfouir du CO2 dans les océans sera précieuse pour certains secteurs industriels - la sidérurgie, la cimenterie ou la chimie, notamment, qui ne peuvent se passer d'énergies carbonées.

La France a un vrai savoir-faire en matière de captage et de transport du carbone, mais nous n'avons pour l'heure aucune solution pour l'enfouir sur notre sol. Ce texte y remédie, en ouvrant des possibilités de stockage dans des pays voisins, notamment en mer du Nord. Le groupe français TotalEnergies dispose du savoir-faire nécessaire et travaille à des solutions de stockage, notamment en Norvège.

La commission a adopté à l'unanimité ce texte qui va dans le bon sens ; je vous invite à la suivre.

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie .  - Stocker et exporter le carbone est une absolue nécessité pour l'avenir de nos industries et de nos emplois. Quand on produit du ciment à Montalieu-Vercieu, dans l'Isère, ou de la chaux à Rety, dans le Pas-de-Calais, on libère du dioxyde de carbone. Idem pour la production de produits azotés et d'engrais à Gonfreville ou au Grand-Quevilly, en Seine-Maritime. Des milliers de sites industriels sont concernés, qui produisent du CO2 fatal, lié aux procédés de production eux-mêmes. Ces émissions ne peuvent être réduites que par captage et stockage.

La France vise la neutralité carbone d'ici à 2050. La décarbonation de l'industrie est un défi pour notre compétitivité, nos concurrents internationaux n'étant pas soumis aux mêmes obligations en matière de quotas d'émission. Cette concurrence est aggravée par des pratiques agressives, voire déloyales, qui menacent l'avenir de ces filières stratégiques pour notre souveraineté. C'est donc un enjeu de survie pour nos sites industriels ; des milliers de salariés comptent sur nous.

La décarbonation passe par des mesures structurelles - électrification, recyclage - mais quand les émissions ne peuvent être réduites à la source, la capture et le stockage du carbone sont une solution de dernier recours. Si l'on veut continuer à produire ciment, chaux et engrais en France en 2035, il faut accélérer le développement des technologies de capture, stockage et valorisation du carbone.

Des projets sont en cours, comme dans l'usine Lhoist de Rety. Mais faute d'infrastructure, aucun stockage français, sur terre ou en mer, ne sera opérationnel avant 2030. Il en existe en revanche en Norvège et au Danemark, en mer du Nord. L'export de CO2 est donc essentiel.

J'ai engagé des contacts avec des industriels et avec mes homologues norvégiens et danois. Nos partenaires sont prêts ; nous avons à présent besoin d'autoriser l'exportation du carbone pour passer à l'action. C'est l'enjeu de ce texte.

Heidelberg et Lafarge à Saint-Nazaire, Lat Nitrogen et Yara au Havre, Aluminium Dunkerque, Eqiom et Lhoist à Dunkerque : ces entreprises ont déjà signé des contrats pour du stockage de CO2 en Europe du Nord, obtenu des soutiens publics européens ou nationaux, et attendent cette ratification pour lancer leurs projets de décarbonation.

Pays-Bas, Belgique, Royaume-Uni autorisent déjà l'exportation des flux de carbone. La course est lancée, en Europe et dans le monde. Nos industriels doivent pouvoir investir dès maintenant dans les technologies de capture et de stockage. Sans quoi, nos sites industriels risquent de fermer et nos entreprises de partir pour Anvers ou Rotterdam.

Quelque 439 millions d'euros de financements européens sont conditionnés au démarrage à court terme des projets, et donc à l'autorisation par le Parlement de l'exportation du carbone. Cette décision est notre responsabilité.

Je tiens à vous rassurer sur la sécurité de ces infrastructures. Les technologies de transport et de stockage sous-marins ont fait leurs preuves pour le pétrole et le gaz, et nous exporterons vers des pays qui ont des standards environnementaux de haut niveau.

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, nous devons commencer à stocker du carbone dès 2030. À court terme, il est essentiel d'autoriser l'exportation des flux de carbone dès aujourd'hui. Ainsi, nous poursuivrons notre combat en faveur de la décarbonation de nos industries, c'est-à-dire de l'emploi et de l'avenir de nos territoires.

Je vous appelle donc à voter en faveur de ce projet de loi.

Vote sur l'ensemble

Mme Marie-Claude Varaillas .  - L'enfouissement du CO2 en mer du Nord est souvent présenté comme une technologie phare pour réduire les émissions. Si ce peut être un levier, pour la cimenterie par exemple, sa pertinence pour l'ensemble des secteurs industriels demeure limitée. Il ne peut s'agir que d'une solution ponctuelle pour les industries lourdes - sidérurgie, chimie ou encore métallurgie.

La clé de la transformation de l'industrie française réside dans la réindustrialisation, portée par l'électrification, l'usage du biogaz, l'hydrogène décarboné, et surtout l'innovation. Notre objectif de 91 % de décarbonation d'ici à 2050 en dépend.

Mais miser sur le stockage sous-marin pour compenser les émissions revient à repousser le problème à plus tard. On risque d'entraver la transformation structurelle en favorisant des investissements dans des technologies faciles, mais peu durables, voire risquées à long terme.

Le discours pro-captage et stockage fait prévaloir les activités humaines sur la nécessité de les adapter aux limites planétaires. Transformer les réservoirs géologiques en décharges sous-marines traduit une fuite en avant technologique. L'injection de CO2 est aussi un moyen pour extraire plus de pétrole : 70 à 90 % des projets actuels de séquestration servent à prolonger l'exploitation des hydrocarbures, non à réduire les émissions.

La rentabilité et l'efficacité réelle de ces projets restent incertaines. À 200 euros la tonne, le coût du stockage pousse les industriels à préférer la compensation à bas coût à une transformation structurelle. Les risques de fuite et les échecs techniques se multiplient, à Lacq en France ou à Aliso Canyon en Californie.

Le stockage du CO2 maintient l'illusion d'un progrès technologique qui neutralise les effets de modèles obsolètes, sans en remettre en cause les fondements. Il ne s'agit plus de réduire la consommation d'énergies fossiles, mais seulement d'en masquer les conséquences.

Si le technosolutionnisme peut accompagner certains secteurs à court terme, notamment la cimenterie, il ne saurait remplacer une stratégie ambitieuse de décarbonation intégrale. La transition énergétique industrielle passe par la réindustrialisation, la relocalisation, l'électrification et l'innovation. Miser sur l'enfouissement, c'est prolonger l'ère des fossiles. Notre groupe s'abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Mathilde Ollivier .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Un bel écran de fumée, ainsi peut-on résumer ce projet de loi. En engageant la procédure accélérée, vous pensiez que cette réforme du protocole de Londres passerait inaperçue, vous comptiez ensevelir nos émissions loin des regards... Je remercie nos collègues de l'Assemblée nationale pour leur vigilance ; le retour à la procédure normale nous a permis de sortir de ce brouillard.

Plutôt que de réduire les émissions à la source, certains producteurs préfèrent les enfouir à l'étranger, à vingt mille lieues sous les mers. Les projets se multiplient sous les eaux norvégiennes et danoises, et bientôt sous l'Adriatique avec le projet franco-italien Callisto.

Si ce stockage du carbone peut être un dernier recours, et de court terme, pour certaines activités industrielles, gare aux promesses technosolutionnistes : le risque est de préférer une solution technologique coûteuse et incertaine à une vraie décarbonation.

Le projet Callisto prévoit la construction d'un carboduc de plusieurs centaines de kilomètres de la région lyonnaise au port de Fos-sur-Mer. Le CO2 serait liquéfié à grand renfort d'énergie, puis chargé sur des navires gaziers pour faire le tour de l'Italie et être enfin enfoui au large de Ravenne. Or la région est à fort risque sismique. En cas de fuite, on exposerait les nappes phréatiques à une forte pollution, et les riverains à des séquelles graves, comme dans le Mississippi en 2020.

Sans parler du coût : 3,3 milliards d'euros ont été attribués par l'Union européenne en 2023 à des projets de capture et stockage de carbone et le seul carboduc de la vallée du Rhône coûterait jusqu'à 1,5 milliard d'euros. À l'heure où les budgets écologiques sont rognés de toutes parts, on encourage les industriels à continuer de polluer !

Notre priorité doit être d'accélérer la décarbonation de l'industrie, en accompagnant les entreprises volontaires et en agissant sur les récalcitrantes. Arcelor Mittal touche des aides publiques massives pour enfouir son CO2 en Norvège, mais licencie... Il faut nationaliser cette entreprise stratégique pour planifier sa transition écologique !

Selon l'Ademe, le stockage ne doit intervenir qu'en dernier recours, et se faire à 200 kilomètres maximum de la source de CO2. Écoutons les scientifiques, investissons dans des techniques réduisant les émissions et si nous enfouissons, faisons-le chez nous plutôt qu'à l'étranger ! Opposons-nous à Total, Lafarge ou Arcelor Mittal, qui réclament toujours plus d'aides publiques, mais rechignent à décarboner.

Nous refusons de cautionner cette fuite en avant. Amender le protocole de Londres, à une semaine de la conférence onusienne sur l'océan à Nice, est malvenu. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Jérôme Darras .  - Cette ratification autorisera l'échange transfrontalier du CO2 capté en vue d'un stockage sécurisé dans des fonds marins d'États partenaires, notamment en mer du Nord.

La capture et le stockage de CO2 sont essentiels pour atteindre nos objectifs climatiques. Pour l'instant, les producteurs de chaux ou de ciment ne peuvent réduire leurs émissions incompressibles autrement. Par ailleurs, notre pays ne disposera pas de capacités de stockage avant 2030 au plus tôt. Grâce à ce texte, les sites industriels français concernés pourront exporter le CO2 vers des pays proches disposant de sites de stockage.

Deux projets de décarbonation sont en cours dans mon département : la cimenterie Eqiom à Lumbres et l'usine de chaux Lhoist à Rety, pour une réduction des émissions de CO2 d'environ 1,5 million de tonnes par an. Le projet d'Artagnan qui débutera en 2028 met en place des infrastructures pour exporter le CO2 depuis Dunkerque. Leur concrétisation est conditionnée à la ratification de l'amendement.

Le cadre est sécurisé : conclusion d'un accord entre les pays, délivrance de permis, respect des exigences environnementales imposées par le protocole de Londres.

La capture et le stockage ne sont pas privilégiés, ni même favorisés. Le projet de loi ne choisit pas entre le stockage offshore et les autres solutions de décarbonation que sont l'électrification, le recours à la biomasse ou le recyclage ; il ne nous exonère pas de poursuivre nos efforts en matière de sobriété et de transition écologique.

Le captage et le stockage du carbone sont nécessaires pour lutter contre la pollution atmosphérique et honorer nos engagements environnementaux. Ils sont indispensables pour certains secteurs qui n'ont pas d'alternative. Ils complètent la palette des outils existants tant que d'autres solutions viables ne sont pas opérationnelles, et assurent par là même la pérennité des activités concernées.

Dès lors, il faut un cadre juridique adapté : c'est l'objet de ce texte. Le groupe SER votera pour.

M. Cédric Chevalier .  - La convention de Londres de 1972 a été l'un des premiers jalons en matière de protection du milieu marin. En 1996, le protocole a inversé la logique : d'une interdiction partielle, on est passé à une interdiction de principe, sauf exceptions strictement encadrées. Il a défini un cadre rigoureux pour le stockage sous-marin et posé les principes d'une gouvernance environnementale fondée sur la précaution, la transparence et la coopération entre États.

Le défi climatique impose d'aller plus loin. La France s'est engagée à réduire de 35 % ses émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 et vise la neutralité carbone en 2050.

La réduction des émissions à la source reste la priorité, mais elle doit être complétée par les solutions captage, de valorisation et de stockage du CO2. Ces technologies ne sont pas des échappatoires, mais s'insèrent dans une stratégie globale.

Signé en 2009 et appliqué à titre provisoire depuis 2019, l'amendement à l'article 6 du protocole de Londres permet l'exportation de CO2 à des fins de stockage sous-marin vers un autre pays, sous réserve d'un accord. En 2024, la France a conclu un tel accord avec le Danemark.

Cette solution n'est pas une alternative, mais une option complémentaire à explorer dans le cadre de la transition écologique.

Dans sa stratégie nationale publiée en juillet 2024, la France n'a pas identifié de capacités souveraines de stockage exploitables. Des études sont en cours, mais la très grande majorité du CO2 capté sur notre territoire devra être exportée. D'où l'accord avec le Danemark.

Comment expliquer que la France, deuxième domaine maritime mondial, n'ait pas lancé de projet de stockage offshore, contrairement à la Norvège, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas ?

Ce texte doit être un levier pour accélérer le développement d'une filière nationale, structurée et ambitieuse. Il faut développer des projets sur notre propre territoire, notamment en mer. Il y va de notre crédibilité et de notre avenir collectif.

Mme Catherine Dumas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis l'adoption de la loi européenne sur le climat, notre feuille de route est claire : la neutralité climatique d'ici vingt-cinq ans. Objectif aussi simple à énoncer que complexe à mettre en oeuvre...

Sur les 65 millions de tonnes de CO2 émises l'an dernier, ce sont plus de 10 millions de tonnes que la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ambitionne de supprimer d'ici cinq ans et 50 millions de tonnes en 2050.

Pour toutes nos industries, la marche est gigantesque. Pour le ciment, l'acier, l'aluminium ou la chimie, la décarbonation à grande échelle des processus de fabrication est techniquement impossible. Dans le même temps, le montant des pénalités s'envole. Sans alternative, ces productions essentielles se trouveront prises au piège d'émissions élevées, incompressibles et de plus en plus coûteuses.

Nous ne pouvons négliger aucune solution. La capture et le stockage du carbone peuvent ainsi permettre à certaines industries de continuer à produire tout en respectant leurs obligations climatiques : on pourrait capter 4 à 9 millions de tonnes de carbone chaque année à partir de 2030, 15 à 20 millions en 2050.

Les technologies de capture sont matures et rentables, leur bénéfice économique et environnemental évident. Encore faut-il pouvoir séquestrer le carbone capté. Le retard de notre pays dans ce domaine est regrettable. Nous ne pouvons qu'exhorter l'État et les acteurs de la filière à résorber ce retard et à déployer une stratégie offensive.

En attendant des sites de stockage sur notre territoire, l'exportation de notre CO2 vers des sites opérationnels en mer du Nord est la seule solution viable.

L'amendement au protocole de Londres la rend possible sans délai. Le groupe Les Républicains en soutient la ratification.

La mise en oeuvre de ces technologies devra faire l'objet d'un suivi environnemental exigeant, mais la nature inerte du CO2, l'expérience technique héritée du secteur énergétique, la robustesse des cadres légaux existants et la rigueur des pays partenaires invitent à la sérénité.

Le stockage du carbone n'est évidemment pas une solution miracle qui nous dispenserait des efforts à fournir. Il ne remplacera pas la sobriété, l'efficacité énergétique ou la préservation des puits de carbone naturels. Mais il constitue un complément utile pour concilier ambition climatique et impératifs socio-économiques. S'en remettre uniquement à cette technologie serait une erreur, s'en détourner par principe serait une faute : le défi climatique exige d'utiliser tous les outils disponibles.

La présente ratification n'est pas un blanc-seing, mais une avancée pragmatique, pour donner à la science et à l'innovation leur juste place dans notre stratégie climatique. C'est un choix de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Georges Patient .  - Cet amendement au protocole de Londres permet à un pays d'exporter du dioxyde de carbone capté sur son territoire pour qu'il soit conservé de manière sûre dans le sous-sol marin d'un autre pays. Cet élément d'apparence technique est crucial pour notre stratégie bas-carbone.

Selon le Giec, il nous faudra recourir au captage et au stockage en complément des autres actions - sobriété, énergies renouvelables, électrification. Ce n'est pas une solution de remplacement, mais un outil parmi d'autres pour traiter les émissions incompressibles dans des secteurs stratégiques comme le ciment, la sidérurgie ou la chimie.

La France n'a pas encore de site opérationnel de stockage, contrairement à la Norvège ou au Danemark. Ce texte nous permettra de coopérer avec eux, dans un cadre strictement délimité.

Il ne s'agit pas de se décharger de nos responsabilités, mais de travailler avec nos partenaires.

Sénateur de Guyane, département couvert à 96 % par la forêt, je rappelle qu'il existe une autre méthode, plus naturelle et peu énergivore, pour stocker le CO2 : l'exploitation forestière pour la production de bois d'oeuvre. Avant de brûler, la charpente de Notre-Dame stockait du carbone depuis 800 ans. (M. Philippe Folliot le confirme.)

En incitant le secteur du bâtiment à substituer le bois au ciment ou à l'acier, nous réduirions drastiquement l'empreinte carbone de ce secteur. Un mètre cube de bois séquestre une tonne de CO2 !

Pourtant, à force de précautions et de manque d'ambition, la production de bois stagne. Nous produisons moins qu'en 2018. Avec 80 000 m3 par an, la Guyane produit moins de bois que toutes les régions de l'Hexagone, alors qu'elle abrite huit millions d'hectares de forêts, la moitié de ce que compte l'Hexagone.

Où en sont les plans bois ? Le contrat de filière ? Quels bilans ? En tant que Guyanais, je ne comprends pas qu'une filière aussi stratégique végète de la sorte. J'ai d'ailleurs alerté le Gouvernement sur les risques associés au règlement européen 2023/1115 contre la déforestation importée.

Le groupe RDPI votera ce texte, qui nous donne un levier, mais qui ne doit pas réduire nos ambitions de développement de la filière bois.

M. André Guiol .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce texte a été rejeté à l'Assemblée nationale, tandis que le Sénat s'est prononcé en faveur sa ratification. La CMP a permis de surmonter les désaccords initiaux, en clarifiant notamment les objectifs poursuivis.

Il s'agit d'un mécanisme de transition, destiné à rendre possible, à court terme, le recours à des capacités de stockage à l'étranger, faute de solutions domestiques opérationnelles.

Cette ratification n'est pas un blanc-seing donné à une technologie, elle ne règle pas le retard français en matière de stockage géologique. Elle ne saurait être prétexte à un contournement des efforts structurels de réduction des émissions, mais évite le blocage de certains projets industriels déjà engagés.

Le RDSE soutient une transition écologique ambitieuse, mais lucide, qui tienne compte des réalités industrielles et territoriales. Certaines filières comme le ciment ou la chaux manquent d'une solution décarbonée ; il serait irresponsable de les condamner sans alternative. Le captage et le stockage du carbone peuvent constituer une voie d'accompagnement transitoire, à condition d'être encadrés.

Les industriels qui investissent massivement dans la décarbonisation ont en outre besoin de viabilité et de stabilité.

La dérogation au principe de non-exportation des déchets pour immersion est encadrée : elle ne vaut que pour les flux de CO2 destinés à la séquestration géologique, dans le cadre d'accords bilatéraux. Elle doit rester exceptionnelle, proportionnée et temporaire.

Mais restons vigilants. Le stockage ne saurait devenir une solution de facilité. La mer, bien commun fragile, ne doit pas être le réceptacle passif de nos impasses technologiques. La France doit se doter au plus vite d'une stratégie de stockage souveraine.

La tenue prochaine de la Conférence des Nations unies sur l'océan à Nice nous oblige à la cohérence.

Ratifier cet accord, c'est rendre possible une coopération encadrée avec la Norvège ou le Danemark.

Le RDSE votera les conclusions de la CMP, tout en portant une écologie de responsabilité qui conjugue ambition climatique, exigence environnementale et justice industrielle. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP)

M. Philippe Folliot .  - Il faut être cohérent : on ne peut pas se battre pour la réindustrialisation de notre pays et laisser disparaître des activités économiques implantées dans nos territoires. Donnons-leur la possibilité de s'en sortir !

Chers collègues écologistes, préférez-vous faire venir du ciment de l'autre bout de la planète que maintenir cette activité sur notre territoire ?

Oui, nous avons besoin d'une capacité de stockage souveraine. Cédric Chevalier l'a dit, il est regrettable de devoir nous tourner vers le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou la Norvège. Mais ces pays sont en avance sur nous, ils ont reconverti des gisements de gaz épuisés pour stocker du CO2.

Nous aurions des opportunités en France : en Aquitaine, autour de Lacq, ou dans le bassin parisien. Notre collègue Ollivier a dit - et cela vaut son pesant d'or : « il faut stocker chez nous plutôt qu'ailleurs ». Vu les réactions des écologistes devant d'autres projets, cela a de quoi surprendre ! Le jour où il y aura des projets de stockage en Aquitaine ou dans le bassin parisien, nous repasserons en boucle vos propos...

Vous vous réjouissez du rejet par l'Assemblée nationale au motif que le Sénat aurait voulu faire passer ce texte en catimini. Les bras m'en tombent ! En commission, les représentants de votre groupe n'ont rien dit, et n'ont pas voté contre le texte. L'article 47 decies de notre règlement permet à tout président de groupe de saisir la Conférence des présidents pour obtenir le retour à la procédure normale. Vous n'avez rien fait ! Rien dit ! Soyons sérieux...

Je ne reviens pas sur les incidents que vous avez cités, sur le coût de l'infrastructure projetée dans la vallée du Rhône. Je ne sais d'où vous sortez ces chiffres. En tant que rapporteur, je n'ai pas réussi à obtenir d'éléments - vous nous les transmettrez !

Je crois surtout que vous voulez jouer sur les peurs...

Mme Mathilde Ollivier.  - « Jouer sur les peurs » ? Nous ?

M. Philippe Folliot.  - Nous, nous prenons nos responsabilités, au vu des conséquences économiques, sociales et environnementales.

M. Pascal Savoldelli.  - Quand vous parlez de « jouer sur les peurs », regardez plutôt de l'autre côté de l'hémicycle !

M. Philippe Folliot.  - Le groupe UC votera ce texte avec conviction. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Mme la présidente.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Le projet de loi est adopté.

La séance est suspendue quelques instants.