SÉANCE
du jeudi 5 juin 2025
99e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Véronique Guillotin.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Prévenir le développement des vignes non cultivées (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées.
Discussion générale
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - (M. Vincent Louault applaudit.) Je vous prie d'excuser la ministre de l'agriculture, Annie Genevard, qui se trouve dans le Gers aux côtés des agriculteurs.
Parler de vin en France, ce n'est pas simplement évoquer un produit, monsieur le président du groupe d'études Vigne et vin, cher Daniel Laurent, ni même une filière, c'est évoquer une culture, un patrimoine vivant qui irrigue nos terroirs, nos paysages, notre économie, notre identité et notre art de vivre. C'est parler d'un lien profond, d'un héritage façonné au fil des siècles et d'un patrimoine que le monde nous envie.
Or ce patrimoine est aujourd'hui fragilisé. La filière viticole est en danger. L'évolution des modes de consommation, les effets du changement climatique, les tensions sur les marchés internationaux appellent des réponses claires, concrètes et déterminées.
Parmi ces défis, celui de la santé des vignes est redoutable, notamment la lutte contre la flavescence dorée. Je salue la proposition de loi du député Hubert Ott et le travail du rapporteur Sebastien Pla. Je salue aussi la précédente initiative de Daniel Laurent, au travers d'un amendement, identique à ce texte, déposé il y a quelque temps.
Il s'agit de mieux prévenir les risques liés à la présence de vignes abandonnées ou laissées en friche, qui peuvent devenir des foyers infectieux. Le droit en vigueur impose déjà l'arrachage et donne à l'État un pouvoir de sanction. Cependant, les sanctions actuelles de nature délictuelle sont inadaptées et peu appliquées. Les peines encourues, jusqu'à six mois d'emprisonnement, sont disproportionnées, et les services peinent à instruire ces dossiers dans des délais compatibles avec l'urgence sanitaire.
La proposition de loi introduit une gradation bienvenue dans la réponse de l'autorité publique, en privilégiant la réponse contraventionnelle et une logique de prévention. Nous gagnerons ainsi en efficacité, sans stigmatiser les viticulteurs, qui sont les premiers à vouloir protéger leur outil de travail. Le texte prévoit aussi de rendre le cadre juridique plus cohérent pour toutes les cultures.
Ce texte n'est pas seulement attendu par les professionnels de la vigne. Il simplifie, responsabilise et vise l'efficacité.
Face aux enjeux sanitaires, nous avons la responsabilité d'adapter les outils juridiques à la réalité et, comme on le dit souvent au Sénat, au bon sens. (Sourires)
Le Gouvernement soutient résolument ce texte et appelle au vote conforme. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP, du RDSE, et des groupes SER et Les Républicains)
M. Sebastien Pla, rapporteur de la commission des affaires économiques . - En tant que vigneron, je remercie Hubert Ott de son initiative et salue sa présence dans les tribunes. (Mme Sophie Primas renchérit.) Ce texte aussi consensuel que nécessaire a été adopté à l'Assemblée nationale et aucun amendement n'a été déposé en commission ou en séance publique au Sénat. À l'origine, il y avait une demande de la profession depuis plusieurs mois de promouvoir des sanctions plus faciles à appliquer à l'égard des propriétaires de vignes laissées en friche.
Le volume de vignes en friche varie de quelques ares en Bourgogne Franche-Comté à plusieurs centaines d'hectares en Auvergne-Rhône-Alpes, voire plusieurs milliers d'hectares en Nouvelle-Aquitaine ; 700 parcelles sont identifiées dans le Beaujolais, 1 900 en Languedoc-Roussillon.
Les origines de ces abandons sont variées : difficultés économiques, difficultés de transmission...
Ces abandons ont un coût social et humain qui dépasse largement le périmètre de ce texte. Se pose aussi la question du devenir de ces territoires et de ceux qui les cultivent.
La filière viticole est confrontée à l'une des plus importantes crises multifactorielles de son histoire. La première cause en est la baisse de la consommation. En soixante ans, celle-ci a baissé de 70 % ; elle devrait encore se réduire de 20 % dans les dix prochaines années. Le changement climatique et le contexte économique et géopolitique s'ajoutent à cela, avec les décisions américaines sur les droits de douane et la concurrence des vins chinois et américains, qui contribuent à l'inflation.
Le vin est un pilier de notre patrimoine culturel. C'est une composante de notre art de vivre à la française.
À la demande de la présidente de la commission des affaires économiques, une mission d'information a été diligentée sur l'avenir de la filière viticole, dont je suis le rapporteur avec Daniel Laurent et Henri Cabanel.
La vigne est aussi un puissant vecteur d'image. Elle sculpte les paysages. Les friches nuisent donc à l'oenotourisme.
Surtout, ces parcelles deviennent des réservoirs de maladies : mildiou, oïdium, black-rot... La flavescence dorée, maladie incurable classée comme organisme de quarantaine au niveau européen, a envahi la France depuis les années 1950. Certains vignobles, notamment dans le Sud, sont touchés depuis longtemps. D'autres, plus récemment, comme en Bourgogne. La flavescence dorée est véhiculée par la cicadelle, insecte importé en France avec les plants venus des États-Unis pour résister au phylloxéra.
Les friches sont des foyers de contamination et même de recontamination quelques jours après traitement, ce qui pose des problèmes majeurs pour contenir l'avancée de la maladie.
En effet, la transmission de vigne à vigne est rapide : d'une année sur l'autre, le coefficient multiplicateur est de 18. Trois à quatre années suffisent à détruire totalement une parcelle.
La flavescence dorée fait l'objet de prescriptions de lutte obligatoire au titre de son statut d'organisme de quarantaine : les mesures de protection et d'arrachage sont autant de mesures lourdes, chronophages et coûteuses pour les viticulteurs, qui vont à rebours de la dynamique de sobriété engagée depuis plus années. Près de 75 % du territoire viticole français se trouve dans ce périmètre obligatoire. Dans le Languedoc-Roussillon, qui m'est cher, pas moins de 1 000 hectares ont été arrachés dans les vingt dernières années.
Cette situation n'est pas tenable, même si les friches cachent des situations humaines très difficiles, comme cela a été souligné par plusieurs collègues en commission.
Je salue la qualité du travail des organismes de défense et de gestion (OGD), des groupements de défense contre les organismes nuisibles (GDON) et des fédérations départementales de défense contre les organismes nuisibles (Fedon), qui luttent contre les maladies au quotidien.
La procédure actuelle de sanction est lourde. Le propriétaire contrevenant encourt jusqu'à six mois de prison et 150 000 euros d'amende : une peine totalement disproportionnée, peu appliquée et donc peu dissuasive.
L'article unique qui nous est proposé prévoit un dispositif à deux étages : une infraction, contraventionnelle, prévoyant une amende de 1 500 euros et de 3 000 euros en cas de récidive, et un pouvoir d'injonction contre les propriétaires récalcitrants ; la procédure délictuelle demeurant in fine, en cas de non-respect des injonctions.
Fait rare : cette proposition concrète simplifie les procédures. (Sourires) Cette simplification tant attendue par le monde agricole !
J'ai proposé à la commission des affaires économiques d'adopter ce texte sans modification, pour une mise en oeuvre rapide sur le terrain.
Ce texte donnera aux acteurs un outil utile dans cette longue lutte contre la flavescence dorée, même s'il ne réglera pas le problème au fond.
Il faudra ensuite s'interroger sur le devenir de ce foncier libéré. Avec l'examen en procédure accélérée de ce texte et la perspective d'un vote conforme, nous montrerons qu'il est possible de changer les choses de façon rapide, pour l'avenir des viticulteurs et de l'agriculture française ! (Applaudissements)
M. Daniel Laurent . - Je soutiens pleinement ce texte. Derrière sa technicité apparente, il répond à un problème très concret, très présent dans les territoires viticoles, et souvent signalé par les élus locaux, syndicats viticoles et professionnels : le problème des vignes abandonnées et des risques sanitaires qu'elles font courir.
Des parcelles entières sont laissées à l'abandon. Les raisons en sont multiples : départ à la retraite sans repreneur, difficultés économiques, morcellement foncier, éloignement des héritiers, perte d'intérêt pour la vigne comme patrimoine vivant...
Mais ces vignes en friche deviennent une menace sanitaire active, un véritable foyer de contamination pour les parcelles voisines cultivées, elles, avec soin.
La flavescence dorée est une maladie de quarantaine, transmise par la cicadelle, qui peut dévaster des vignobles entiers si elle n'est pas traitée rapidement. Il faut intervenir avec des traitements lourds, coûteux, souvent phytosanitaires, dont l'efficacité est compromise par la proximité des parcelles abandonnées.
Les viticulteurs sont seuls en première ligne, et responsables : ils surveillent, traitent, investissent, respectent les arrêtés préfectoraux. Mais ils doivent composer avec l'inaction d'autres propriétaires, négligents, absents ou mal informés.
C'est tout l'intérêt de ce texte, qui instaure un outil simple, proportionné et efficace.
Le code rural prévoit une peine de six mois de prison et 150 000 euros d'amende. Ces peines ne sont presque jamais appliquées. Le texte crée donc une contravention de cinquième classe, assortie d'une injonction de mise en conformité. En cas de récidive, la sanction pénale redevient possible. Ce système gradué est plus lisible et plus dissuasif.
Je salue le travail du rapporteur Sebastien Pla et le consensus trouvé en commission des affaires économiques, qui a adopté le texte sans modification, signe qu'il est équilibré.
Président du groupe d'études Vigne et vin au Sénat, j'avais proposé des amendements dans le même esprit. Ce problème ne date pas d'hier. Maires, syndicats, chambres d'agriculture : tous décrivent la même impuissance administrative. Ce texte est donc une avancée concrète.
Mais il ne règle pas tout. L'abandon des vignes est le symptôme d'un mal plus profond. La viticulture française traverse une phase d'instabilité inédite. Elle subit une baisse de la consommation intérieure, en particulier chez les jeunes, doit répondre à des exigences environnementales croissantes sans suffisamment d'accompagnement, et elle est confrontée à une forte concurrence à l'export et une complexification des normes. En outre, le modèle de la petite exploitation familiale est fragilisé.
La mission d'information qui vient d'entamer ses travaux a pour ambition d'établir un diagnostic approfondi et de proposer des recommandations concrètes. La viticulture est en pleine mutation. Nous devons lui apporter des réponses. Avec Henri Cabanel et Sebastien Pla, nous devrons proposer des solutions, peut-être décoiffantes. (Sourires)
Sanctionner l'abandon ne suffit pas, il faut encourager la transmission et la remise en culture. Il faut outiller les collectivités pour qu'elles facilitent le portage foncier, les baux ruraux environnementaux, et promeuvent l'installation des jeunes viticulteurs. Les Safer, les chambres d'agriculture, les interprofessions ont des solutions : bourses foncières, remembrement, portage temporaire, aides à l'installation, incitations fiscales à la cession. Ces outils doivent être renforcés, rendus plus visibles et simplifiés.
La flavescence dorée exige une politique nationale de lutte coordonnée. Nous devons rechercher les alternatives aux traitements phytosanitaires, notamment la surveillance biologique et la sélection de cépages plus résistants, et former les agriculteurs. Mobilisons les moyens de l'État et des interprofessions. Nous devons mieux organiser la réponse sanitaire. Donnons aux viticulteurs les moyens de s'adapter, dans une logique maîtrisée et non subie.
Ce texte, modeste en apparence, comporte un message de responsabilité. Le patrimoine viticole est un bien collectif qui mérite protection. La santé des vignes ne peut reposer sur l'abnégation de quelques-uns, que d'autres compromettent par négligence.
Je voterai sans réserve cette proposition de loi, qui répond à une urgence du terrain, protège ceux qui travaillent et s'inscrit dans une vision plus large pour une viticulture durable, vivante, enracinée et solidaire, dans un contexte géopolitique qui la malmène. (Applaudissements)
M. Bernard Buis . - Véritable trésor de notre patrie et de ses paysages, les vignes sont à notre pays ce que l'étoile est au maillot : une fierté nationale. (Sourires)
La prévention dans les vignes non cultivées est primordiale. Il n'y a pas de temps à perdre. Les vignes abandonnées se multiplient, or elles représentent une menace directe pour les vignes voisines, en favorisant la propagation de la flavescence dorée. Détectée en France dans les années 1950, elle se propage par la cicadelle : feuilles décolorées, grappes desséchées, les ravages sont multiples et la mort de la souche est inéluctable si rien n'est fait, ce qui entraîne la perte des récoltes.
Ces friches sont des foyers de contamination qui menacent les vignes voisines, car elles deviennent des réservoirs d'agents pathogènes. Il en résulte un recours accru aux insecticides, ce qui va à l'encontre de la démarche de diminution des produits phytosanitaires.
Cette maladie incurable, véritable phylloxéra du XXIe siècle, fait l'objet de mesures à l'échelle de l'Union européenne, comme au niveau national. Mais le nombre de parcelles de vignes abandonnées augmente.
Le texte apporte une réponse pragmatique, proportionnée et opérationnelle à cette réalité.
La contravention qu'il prévoit s'appliquera à chaque parcelle concernée, selon une logique de proportionnalité et de gradation. Contrairement à la peine actuelle, la mesure prévue est réellement dissuasive, bien plus claire, et surtout applicable immédiatement.
Les mesures actuelles du code rural et de la pêche maritime sont, en effet, inapplicables. Ce qui est prévu là est bien plus efficace. Le texte renforce les moyens de contrôle et apporte une réponse ciblée et graduelle, pour traiter au cas par cas les atteintes à la loi. Il vise ainsi ceux qui ne respectent ni les règles ni leurs voisins de parcelle.
Ce texte est le fruit d'un large consensus politique, que je salue. Je remercie le rapporteur pour son travail de qualité.
Cette proposition de loi est aussi l'occasion d'aborder l'avenir du secteur viticole, confronté depuis plusieurs années à une crise due à la baisse de la consommation, aux maladies, à la concurrence et aux tensions commerciales internationales.
Dans la Drôme, les dégâts progressent, et les conséquences sont visibles, notamment dans mon canton du Diois où la Clairette de Die souffre de la baisse de la consommation et de la concurrence d'autres mousseux comme le Prosecco. Certains innovent et développent de la Clairette rosée, d'autres optent pour l'arrachage, mais cette solution est coûteuse. Les viticulteurs rencontrent d'importantes difficultés ; il faut les accompagner.
Ce texte est un appel à la responsabilité collective et un levier pour préserver qualité, réputation et santé de nos vignobles.
Notre groupe votera pour ce texte qui fournit aux pouvoirs publics des outils simples et efficaces. Un vote conforme permettrait l'application rapide de cette loi. Madame la ministre, nous comptons sur vous pour le publier rapidement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi qu'aux bancs des commissions et des ministres)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) C'est la double peine : à la crise économique dont souffre le propriétaire des terres, s'ajoute le délit de non-arrachage des vignes non cultivées. Voilà le contexte des friches viticoles.
Madame la ministre, pourquoi les paysans ne cultivent-ils plus leur terre ? Parce qu'elle ne les nourrit plus ou parce qu'ils ne trouvent pas de repreneur.
Derrière cette proposition de loi se cache une filière en crise, par manque de vision et d'anticipation. Comment se fait-il que l'Italie exporte deux fois plus de vin que la France ? Notre pays souffre d'un manque de cap : on demande des primes pour planter et en même temps des primes à l'arrachage ; on demande des subventions à l'irrigation et en même temps des droits à la distillation. Quelle est la logique ?
Il faut avoir le courage d'arrêter de travailler en silo, chacun pour soi, par appellation, labellisation, région ou fédération, alors que nos voisins européens font du marketing à tir groupé, unis derrière le drapeau de leur pays. (Mme Sophie Primas acquiesce.)
Le prix des traitements de la flavescence dorée est trop élevé. Cher collègue Daniel Salmon, le produit utilisé en bio, le Pyrévert, oblige à trois traitements, pour 240 euros à l'hectare.
M. Vincent Louault. - Bravo !
M. Henri Cabanel. - Pour une exploitation moyenne en bio de 25 hectares, le coût annuel est de 6 000 euros. Qui paiera, dans un contexte de crise, quand le bio se vend au prix du conventionnel ? C'est le traitement le plus cher et le moins efficace.
Pensez-vous que les professionnels qui croulent sous les charges et les dettes traiteront tous ? C'est un secret de polichinelle et un vrai problème, car cela accroît le risque de propagation.
La vérité est toujours dans la nuance. Jeter l'opprobre sur des vignerons déjà fragilisés est caricatural et peu honnête.
Les friches font tache dans un certain paysage viticole.
Restons raisonnables. Aussi, je voterai ce texte, comme tout le RDSE, car il assouplit la réglementation existante, dont l'outrance la rend inapplicable, avec des peines de six mois de prison et 150 000 euros d'amende.
Cette proposition de loi complète l'arsenal juridique et adapte l'arsenal des sanctions à la réalité des difficultés économiques des viticulteurs. La menace d'une contravention de cinquième classe, plus crédible, doit responsabiliser les viticulteurs négligents sans les pénaliser. Néanmoins, un viticulteur affaibli pourrait-il régler les 1 500 euros ?
L'enjeu est plus large : terres irriguées et non exploitées, abandonnées, alors que le foncier agricole est crucial pour notre souveraineté agricole et le renouvellement des générations un problème majeur. Le sujet est loin d'être clos. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des groupes UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions)
M. Claude Kern . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Cette proposition de loi d'Hubert Ott, que je salue en tribune, ne prétend pas répondre à la crise viticole dont les enjeux sont pluriels, mais répond à l'un de ses aspects : la nécessaire lutte contre les maladies qui menacent les vignes, plus particulièrement les friches. Celles-ci sont un foyer de contamination pour tout le vignoble français. La flavescence dorée appelle des réponses rapides, or les outils juridiques actuels ne le permettent pas. Les sanctions actuelles sont largement inutilisées et empêchent une action efficace et préventive.
Des mesures de lutte doivent être prises le plus rapidement possible. Nous ne pouvons nous permettre ni négligence ni inaction, au risque d'entrer dans une spirale infernale allant de l'absence d'entretien à la baisse de productivité en passant par le recours aux insecticides.
Je salue cette proposition de loi, pragmatique. Elle établit une gradation des sanctions respectueuse du droit et surtout crédible.
Si le vignoble alsacien a encore la chance d'être épargné par les maladies, le changement climatique rebat les cartes. De manière préventive, nous devons être prêts à agir le plus vite possible.
Cette mesure nécessite un déblocage rapide des aides à l'arrachage, dans un contexte tendu. À la détresse du viticulteur qui doit arracher ses parcelles, ne doit pas s'ajouter une trésorerie exsangue.
Le groupe UC se réjouit du consensus politique qui a prévalu autour de ce texte, qu'il votera, et appelle à sa mise en oeuvre imminente. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions ; M. Stéphane Sautarel applaudit également.)
M. Gérard Lahellec . - Si l'introduction de la vigne en Bretagne est lointaine, depuis le Néolithique (Mme Sophie Primas, s'en amuse), je n'oserais pas affirmer devant nos collègues de régions viticoles qu'elle est une grande région viticole. Elle n'en est pas moins une grande région agricole. Or l'agriculture au sens large est un bien collectif.
Nous affichons désormais un solde net d'importations alimentaires déficitaire si nous n'y incluons pas les vins et spiritueux. C'est dire combien la filière viticole joue un rôle majeur dans l'économie française, notamment pour notre balance commerciale.
Les épidémies et crises agissent comme un révélateur de la résilience d'une société humaine.
La situation de la filière viticole est à haut risque, tant elle est confrontée à des difficultés structurelles et conjoncturelles : accidents climatiques à répétition, chocs exogènes dus au covid 19, hausse des coûts de production due à la guerre en Ukraine, contentieux économiques notamment avec les États-Unis. La filière doit aussi s'adapter à la baisse tendancielle de consommation de vin.
Dans un tel contexte, la propagation de la flavescence dorée serait une catastrophe. Des friches deviennent très vite des foyers de contamination.
Cette proposition de loi lutte contre la prolifération des vignes non cultivées en créant un régime de contravention simple et en attribuant un pouvoir d'injonction aux agents habilités. Nous encourageons chacun à voter ce texte conforme, pour qu'il trouve le plus vite possible une pleine efficacité.
Reconsidérer notre législation ne doit pas nous interdire de nous interroger sur la propagation de ces friches. Elles sont aussi le signe de difficultés économiques.
Quand une situation à haut risque se présente, il faut faire du commun et dépasser le cadre strict de la coercition. Nous voterons ce texte conforme. (Applaudissements au banc des commissions ; Mme Sophie Primas applaudit également.)
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La filière viticole française traverse une crise structurelle profonde et multifactorielle : évolution de la consommation, spéculation foncière, contexte international, changement climatique. La pression sanitaire croissante, incarnée par la flavescence dorée, le mildiou, le black-rot et d'autres, est renforcée par la prolifération de friches, qui contaminent les parcelles saines à proximité. Certains voient leurs rendements amputés ou leurs efforts environnementaux annihilés par l'usage de produits phytosanitaires.
Derrière ces friches, des situations douloureuses : des exploitants en grande difficulté ou des propriétaires qui ne trouvent pas d'exploitants.
L'obligation d'arrachage des pieds contaminés n'est pas toujours respectée et la peine, disproportionnée et peu appliquée, est de fait inopérante. Cette proposition de loi propose une contravention proportionnée. C'est légitime : nous la voterons sans réserve.
Dans un contexte de changement climatique et d'accroissement des maladies de la vigne, il faudra des réponses structurelles. Les viticulteurs ont besoin de prix rémunérateurs garantis par l'État pour faire face au changement climatique et à l'évolution des goûts des consommateurs.
Nous devons aller plus loin dans la remise en cause de notre modèle productiviste tourné vers l'exportation.
L'hyperspécialisation des exploitations fragilise cette filière d'excellence. Le maître mot de la transition doit être la diversité, à tous les niveaux. La polyculture, source de résilience, doit être soutenue avec volontarisme là où c'est possible. Il faut en effet, cher Henri Cabanel, se poser les bonnes questions. Nous espérons que la mission d'information formulera des propositions structurantes.
Cette proposition de loi est une avancée pour la profession et nos territoires viticoles. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Lucien Stanzione . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K) La filière vitivinicole française traverse une crise structurelle majeure, aux origines multifactorielles : économiques, sociétales, environnementales, sanitaires et climatiques. Nous devons nous préparer à un choc historique. Fallait-il une loi pour prévenir le développement des vignes non cultivées ? Oui !
Ce texte d'Hubert Ott est aussi consensuel que nécessaire. Il a été voté par tous les groupes de l'Assemblée nationale, sauf un qui s'est abstenu. Il a été adopté à l'unanimité par la commission des affaires économiques du Sénat et il fait l'unanimité dans la profession viticole.
Ce texte rend dissuasives, et donc efficaces, les sanctions encourues en cas de non-respect de la législation. Le monde agricole attendait cette simplification. L'adoption conforme de ce texte permettra son entrée en vigueur immédiate.
Je salue Hubert Ott, Dominique Estrosi Sassone, ainsi que Sebastien Pla qui a multiplié les auditions avec la profession viticole, nourries par son expérience de vigneron de terrain.
Face à cette crise viticole, nous attendons des pouvoirs publics des réponses urgentes, mais aussi la mise en place d'une réelle stratégie à long terme. Chaque pas en avant compte.
Dans un esprit de compromis, nous voterons cette proposition de loi qui est une avancée majeure. Il faut agir vite.
Depuis quelques années, la surface de vignes abandonnées s'accroît, atteignant 2 000 hectares en Gironde et en Provence-Alpes-Côte d'Azur. La crise viticole s'installe durablement. Les surfaces laissées en friches dans le sud de la France vont exploser dans douze à vingt-quatre mois. Or ces vignes abandonnées sont un réservoir pour les maladies classiques comme le mildiou ou l'oïdium, mais aussi pour la flavescence dorée, maladie incurable.
La profession demande depuis plusieurs mois une sanction plus adaptée et proportionnée de l'abandon de vignes, avec une amende de cinquième classe et le maintien d'une sanction pénale en cas de refus répété de se conformer aux injonctions. Les peines disproportionnées actuelles - six mois de prison et 150 000 euros d'amende - ne sont pas appliquées et donc pas dissuasives.
Il faut un vote conforme pour soutenir les viticulteurs dans leur lutte contre les maladies de la vigne.
Certes, cette proposition de loi n'est qu'une réponse partielle au problème plus large de la déprise agricole et de la lutte contre les ravageurs.
Le recensement des parcelles abandonnées demeure un problème, tout comme l'accompagnement des viticulteurs touchés et le financement des arrachages. Quel avenir pour le foncier agricole devenu non cultivé après l'arrachage ? Plus de 15 000 à 25 000 hectares seront arrachés en Gironde, comme l'a confirmé Hervé Gillé.
Inversons la tendance par une réponse forte de l'État. La diversification des productions est souhaitable, mais dans quelle production se diversifier quand toutes les filières sont en crise ? Comment s'engager dans cette voie quand les exploitations agricoles sont au plus mal ?
Il faut une politique prospective, avec une stratégie globale. Et nos agriculteurs doivent être entendus. Nous appelons à un plan global de sauvegarde des cultures méditerranéennes : en remplacement des vignes, des fraises, des cerises et de la lavande, développons la culture de l'amande, de la pistache, de la grenade, de l'argan, de l'origan...
La mission d'information sur la viticulture de Sebastien Pla, Henri Cabanel et Daniel Laurent apportera sûrement des réponses constructives. Nous devrons aussi nous assurer de la pérennisation des aides dans le prochain projet de loi de finances (PLF).
Votons pour cette proposition de loi afin de porter haut les couleurs de nos territoires agricoles, défenseurs de notre autonomie alimentaire en extrême difficulté.
Nos agriculteurs ont besoin de nous. Soyons à la hauteur ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et RDSE ; Mme Dominique Estrosi Sassone applaudit également.)
M. Vincent Louault . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Henri Cabanel et Mme Annick Billon applaudissent également.) Je n'étais pas vraiment convaincu par cette proposition de loi car notre ADN, au groupe INDEP, n'est pas de créer des amendes et des contraintes. Mais j'ai été convaincu par les professionnels.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. - C'est une simplification !
M. Vincent Louault. - Oui, la simplification, ça se fait à la pince à épiler ! Je remercie Hubert Ott, car je pensais que la partie gauche de l'hémicycle était à l'origine de la création de cette amende, et il m'a rassuré. (Sourires)
La baisse de la consommation est amplifiée par le discours d'associations qui nous disent que le vin est dangereux dès le premier verre, sans rien dire sur la biture express des jeunes... Sans parler de la surproduction, de la concurrence étrangère, de l'augmentation des normes, des accidents climatiques, des ravageurs, etc.
On parle encore de la cicadelle, fameuse petite bête que l'on trouve sur les blés, les betteraves, et donc les vignes. Rien n'est efficace contre elle. Sans provocation, je pourrais parler de l'acétamipride, un produit qui marche super bien, mais je ne veux pas me mettre Duplomb dans l'aile. (Rires)
Les parcelles de toutes les régions sont touchées. À Bourgueil, Restigné et Saint-Nicolas-de-Bourgueil, les parcelles touchées sont passées de quelques-unes en 2022 à 31 en 2023.
Les sanctions, qui étaient disproportionnées et inopérantes, vont devenir efficaces. On pourra ainsi avancer.
Il faut parler de l'arrachage. Le cahier des charges de FranceAgriMer impose un retour à l'espace naturel - jachère ou replantation forestière. Vous imaginez le coût pour les viticulteurs !
Il faut aussi parler des biens sans maître. Quand le propriétaire n'est pas identifié, les autres agriculteurs sont désemparés. La loi a été améliorée, il faut désormais quelques mois aux maires pour intervenir, contre quelques années auparavant. Il est essentiel que les élus puissent aider leurs viticulteurs.
Seule une action collective sera efficace contre la flavescence dorée. Nous devons préserver nos paysages, nos savoir-faire et notre patrimoine viticole. Retroussons nos manches.
Cette proposition de loi ne répond pas à la crise de la viticulture, mais limite les conséquences négatives des vignes abandonnées. Nous voterons pour ce texte qui simplifie nos procédures et rend nos politiques plus efficaces. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, du RDSE et du RDPI)
Discussion de l'article unique
Article unique
M. Henri Cabanel . - Madame la ministre, je sais que vous serez un relais vers la ministre de l'agriculture.
Les premières auditions de la mission d'information nous inquiètent. On nous a dit qu'il fallait continuer l'arrachage - 100 000 hectares supplémentaires - , car les volumes sur le marché sont trop importants. La profession demande donc à descendre à 650 000 hectares de vignes, alors que nos voisins européens plantent... Nous risquons de perdre en potentiel. En outre, les viticulteurs arrachent les vignes qui produisent peu. C'est donc une fausse bonne idée et des réflexions sont en cours au niveau européen.
Notre viticulture est hétérogène. Mais pour nous en sortir, nous devons tous jouer la même carte, et mettre en avant le rayonnement de la viticulture française à travers ses meilleurs vins et maintenir l'image de la France à l'international.
Nous ferons notre possible pour mener à bien notre mission. J'espère que le Gouvernement sera à nos côtés.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Je vous remercie de vos interventions et du vote conforme probable de ce texte. Monsieur Louault, il est effectivement possible d'aller vite sur des sujets précis qui font consensus, grâce à des initiatives parlementaires, même dans une situation politique mouvementée.
Je transmettrai vos observations à Annie Genevard. Oui, il faut un travail de fond sur l'avenir de la viticulture. On ne peut à la fois payer pour arracher et pour replanter, sans vision d'ensemble. Je compte sur l'ensemble des territoires pour que ce travail soit mené avec l'interprofession. Nous devons savoir ce que nous voulons sur notre territoire, face à une déconsommation et à un contexte international qui n'est plus aussi favorable qu'avant. J'appelle, au nom d'Annie Genevard, à ce travail collectif.
Nous regarderons les travaux du Sénat avec beaucoup d'attention.
Nous ne pouvons nous contenter de détruire des outils de production, comme on le fait pour les bateaux de pêche. Ce n'est pas une façon de regarder positivement l'avenir de notre production alimentaire.
Je ne doute pas qu'Annie Genevard veillera à ce que le texte soit promulgué rapidement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques . - Je remercie le rapporteur Pla, dont je savais qu'il se montrerait à la hauteur des enjeux. Merci aussi à Henri Cabanel de son langage de vérité et de son pragmatisme, et à Daniel Laurent, président du groupe d'études. La mission d'information se déplacera sur le terrain. Son rapport comportera des propositions qui iront de l'avant et ne se contentera pas d'établir un simple diagnostic.
Je suis heureuse de retrouver au banc des ministres notre ancienne présidente de la commission des affaires économiques, qui a ouvert largement le chemin sur tous ces sujets lorsqu'elle était parmi nous. (Mme Sophie Primas apprécie.)
La ministre de l'agriculture est particulièrement impliquée. Elle s'est montrée réactive, car elle savait ce texte, dont je salue l'auteur, fortement attendu par la filière.
Je vous remercie tous de votre engagement. Le Sénat continuera à faire avancer les choses, avec le Gouvernement. La ministre, porte-parole du Gouvernement, et la ministre de l'agriculture seront à nos côtés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)
La proposition de loi est définitivement adoptée.
Mme la présidente. - À l'unanimité !
(Applaudissements)
La séance est suspendue quelques instants.