SÉANCE
du mercredi 2 juillet 2025
2e séance de la session extraordinaire 2024-2025
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
Secrétaires : Mme Catherine Conconne, Mme Sonia de La Provôté.
La séance est ouverte à 15 heures.
Questions d'actualité
Mme la présidente. - Le Président du Sénat participe au sommet sur la Nouvelle-Calédonie organisé par le Président de la République, auquel prend part aussi le Premier ministre.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Adaptation de la justice pénale
M. François Patriat . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Jamais la délinquance n'a été aussi violente, précoce et récidiviste, mais la réponse pénale peine à convaincre les Français : la surpopulation carcérale augmente, le sens de la peine s'efface, la récidive marque notre échec collectif.
Je salue le dévouement de l'ensemble du personnel de la chaîne pénale, qui fait vivre une justice à bout de souffle. À la suite de vos prédécesseurs, monsieur le garde des sceaux, vous avez engagé des réformes courageuses, mais les dysfonctionnements demeurent.
Vous avez lancé un exercice inédit de consultation sur la probation, qui a suscité des interrogations. Quelle méthode comptez-vous suivre pour la révolution pénale que vous annoncez ?
Notre droit pénal doit s'adapter aux enjeux actuels : les professionnels de la justice et tous les Français l'attendent. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice . - Nous mobilisons des moyens supplémentaires, mais nous comptons trois magistrats du parquet pour 100 000 habitants, quatre fois moins qu'en Allemagne et dix fois moins que dans la moyenne de l'Union européenne. Je compte sur le Parlement pour tenir l'engagement d'augmenter les crédits de la justice... (M. Yannick Jadot s'en amuse.) La loi d'orientation et de programmation sera tenue à l'euro près.
Cela dit, il ne s'agit pas seulement d'une question de moyens, mais aussi d'organisation. Je proposerai au Premier ministre un projet de loi d'une dizaine d'articles portant sur les délits, car c'est la délinquance du quotidien - rodéos urbains, attaques contre policiers, gendarmes ou enseignants, cambriolages, violences sexistes et sexuelles - qui est perçue comme n'étant pas traitée à la hauteur des attentes des Français : la punition en est trop lente et mal appliquée.
Suppression de l'aménagement obligatoire des peines de moins d'un an et des condamnations avec dispense de peine, instauration de peines courtes et ultracourtes, comme vous l'avez voté hier dans la proposition de loi Kervran, peines de probation confiées aux services pénitentiaires d'insertion et de probation et non plus à l'autorité judiciaire : j'espère que le Parlement votera cette réforme attendue par les Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Sommet de l'Otan et BITD
M. Claude Malhuret . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Lors du dernier sommet de l'Otan, les principaux pays européens ont annoncé leur volonté de consacrer 3,5 % de leur PIB à la défense. Cette prise de conscience des périls qui planent sur l'Europe et de la nécessaire montée en puissance de sa défense est à saluer ; c'eût été mieux si elle n'était pas venue si tard et sur injonction américaine...
Des divisions profondes sont apparues entre Européens, à peine masquées par un communiqué d'une maigreur inaccoutumée, véritable haïku diplomatique. Là où la France souhaite que les Européens s'équipent et produisent en Europe, l'Allemagne se contente d'un pilier européen plus fort au sein de l'Otan et cette position l'a emporté au sein du programme européen pour l'industrie de la défense (Edip).
On ne peut qu'approuver la position de la France ; mais comment aurait-elle gain de cause si elle ne s'en donne pas les moyens ?
Le 7 juin 2022, le Président de la République déclarait : « nous entrons en économie de guerre ». Trois ans plus tard, on en cherche vainement le moindre signe. Dans l'aérospatial, les commandes du ministère des armées ont diminué de 33 % entre 2023 et 2024. En 2025, les PME ont des problèmes de trésorerie et les grands groupes doivent payer leurs fournisseurs pour des contrats qui n'ont pas été signés.
Monsieur le ministre, quelle est la stratégie de la France pour soutenir ces entreprises de défense ? Quand les commandes pour 2025 seront-elles affermies ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées . - Comme je l'ai expliqué devant votre commission des affaires étrangères et de la défense hier, le retard lié à la censure a été rattrapé. Pas moins de 268 milliards d'euros de commandes sont prévus par la loi de programmation militaire, dont vingt pour cette année. Les exportations, tout aussi inédites, sont de 20 milliards d'euros par an depuis trois ans - c'est très prometteur.
Le vrai sujet est le développement de l'économie de guerre : cherchez en les signes dans l'augmentation des cadences des usines, comme KNDS à Bourges et Roanne, Dassault Aviation pour le Rafale, MBDA pour le Mistral.
Mais cela prend moins de temps de détruire de la valeur industrielle que de la reconstruire. C'est l'effet des « dividendes de la paix », de la RGPP, de la délocalisation de certaines filières. L'industrie civile, à l'instar de l'automobile, a beaucoup à nous apprendre.
Enfin, c'est une chose de fixer un taux de 3,5 %, mais il faut surtout partir de nos besoins. Les discussions sur Edip ne sont pas terminées. Quant à l'Otan, le sujet mériterait un débat à part entière. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)
Avenir de la Nouvelle-Calédonie
M. Jean-Marc Ruel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Par cette question, je ne veux ni créer la polémique ni attiser les tensions en prévision des élections provinciales de 2025 en Nouvelle-Calédonie ; je souhaite simplement un éclairage.
Depuis le boycott par les Kanaks du référendum de 2021 jusqu'aux événements violents de 2024, la Nouvelle-Calédonie traverse une crise inédite, aussi bien économique que sociale et institutionnelle.
Le processus fondé sur un dialogue sincère et serein a fait place à une danse compliquée : un pas en avant et deux pas en arrière entre l'État et nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie. Fidèle à sa tradition d'ouverture, le RDSE salue l'initiative des rencontres qui se tiendront à Bougival.
Les propositions restent pourtant divergentes. Certains responsables ont décliné l'invitation, d'autres affichent clairement leurs lignes rouges. La participation de la société civile et des acteurs économiques est encourageante, mais leur place reste incertaine.
Où en sommes-nous ? Qu'attendre de ce potentiel accord de Bougival ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement . - Le ministre des outre-mer participe précisément à l'ouverture du sommet sur la Nouvelle-Calédonie convoqué par le Président de la République.
Depuis le référendum, marqué par une forte abstention des indépendantistes, jusqu'aux violences de mai 2024, la Nouvelle-Calédonie s'est enfoncée dans une crise profonde. Dès janvier, nous avons renoué le dialogue ; le conclave de Déva n'a pas abouti, mais a permis de clarifier les positions sans rompre le fil du dialogue.
Le dialogue se poursuit aujourd'hui : le ministre d'État ouvrira des discussions politiques pour lesquelles tous les partenaires ont répondu présents.
En parallèle, un collège économique et sociétal se tiendra les 3 et 4 juillet au ministère des outre-mer afin de faire entendre la voix de la société civile, des forces économiques, des autorités coutumières et des acteurs de terrain.
Notre ambition est claire : faire émerger un projet d'accord global et un plan de reconstruction économique et sociale. Le chemin sera difficile, mais il existe. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Position du ministre de la santé sur la loi Duplomb
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La communauté médicale et scientifique est inquiète de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (exclamations à droite) : médecins, professionnels de santé, associations de patients, sociétés savantes, chercheurs, conseil scientifique du CNRS, tous nous alertent sur les dangers des pesticides pour la santé.
S'il faut le marteler, nous le ferons : les pesticides tuent. Cancers pédiatriques, leucémie, myélome, lymphome, cancer de la prostate, maladies neurodégénératives, infections pulmonaires, troubles du développement neurologique de l'enfant : le lien de causalité est avéré dans tous les cas. L'acétamipride traverse le placenta et peut se retrouver dans le liquide céphalorachidien des nouveau-nés.
La société entière, y compris les agriculteurs, n'en veut plus. Aussi je m'étonne, monsieur le ministre de la santé, de votre silence sur ce texte. Alors que le principe constitutionnel de précaution aurait dû vous imposer une réaction forte, votre silence est assourdissant. L'amiante et le chlordécone ne vous ont donc pas suffi ?
Soutenez-vous ce texte ? Autrement dit, désavouez-vous la communauté scientifique et médicale ? (Applaudissements à gauche)
M. Yannick Neuder, ministre de la santé et de l'accès aux soins . - Je n'expliquerai pas la proposition de loi Duplomb, qui comprend de nombreuses dispositions simplifiant le travail des agriculteurs. Il serait inconstitutionnel de lever totalement l'interdiction de l'acétamipride ; mais il s'agit simplement d'appliquer le régime en vigueur dans les autres pays de l'Union européenne. (Murmures désapprobateurs sur les travées du GEST ; M. Daniel Salmon s'exclame ; M. Yannick Jadot fait mine de ramer.)
Le ministre de la santé est extrêmement attentif à cette question, mais il se fonde sur des preuves (exclamations ironiques sur les travées du GEST) : cela s'appelle evidence-based medicine. (Mêmes mouvements) J'attends donc les études rendues par la communauté scientifique et les recommandations de l'Anses, ...
Mme Raymonde Poncet Monge. - Comme sur l'amiante ?
M. Yannick Neuder, ministre. - ... dont la CMP a rétabli le caractère d'agence sanitaire indépendante - si jamais il avait été menacé. (On ironise sur les travées du GEST et du groupe SER.)
Vous pouvez rire... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Mickaël Vallet. - C'est risible !
M. Yannick Neuder, ministre. - Je prendrai donc les mêmes précautions que mes vingt-six homologues européens, en temps et en heure, pour protéger la santé des Français. (Exclamations sur les travées du GEST) Mettons la France au même niveau de précaution que les autres pays européens. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol. - Rendez-vous à l'Assemblée !
M. Mickaël Vallet. - Et à la Commission européenne !
Canicule (I)
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - Alors que 1 300 écoles sont fermées pour cause de fortes chaleurs, le bâti scolaire demeure inadapté au réchauffement climatique, tant dans l'Hexagone qu'outre-mer, où les chaleurs peuvent être extrêmes toute l'année, avec un impact sur la réussite des élèves.
En 2023, Emmanuel Macron promettait de rénover 40 000 écoles. Les élus pensaient pouvoir s'appuyer sur le fonds vert, mais en 2025 le Gouvernement l'a réduit de moitié, de 2,5 milliards à 1,15 milliard d'euros, portant un coup fatal à la rénovation des écoles. Entre 2023 et 2024, le fonds vert avait financé plus de 2 000 rénovations ; en 2025, 65 seulement.
Les inégalités se creusent entre les collectivités qui ont les moyens de rénover leurs écoles et les autres. Les territoires où les élèves sont exposés aux fortes chaleurs sont souvent ceux où le taux de pauvreté est le plus élevé, comme La Réunion. En Seine-Saint-Denis, 100 % des écoles maternelles seront exposées à des chaleurs supérieures à 35°C d'ici 2030. Est-ce ainsi qu'on prépare l'avenir de notre jeunesse ?
Alors que les plus riches sont ceux qui polluent le plus, les ménages les plus modestes sont en première ligne face aux conséquences du dérèglement climatique. Quand les inégalités sociales et territoriales se cumulent, l'État doit plus que jamais être présent. Pour l'heure, les personnels des écoles doivent se débrouiller seuls et certains maires ont dû fermer les établissements. Les syndicats enseignants déplorent l'absence de réflexion sur les effets de la canicule sur l'enseignement.
Madame la ministre, allez-vous mettre en place des mesures concrètes et lancer un grand plan de rénovation thermique des écoles ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, sur quelques travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Alors que les épisodes de canicule sont appelés à se multiplier, nous devons être attentifs aux conditions d'accueil des élèves et des personnels. J'ai rappelé aux recteurs les consignes à appliquer pour l'accueil des élèves, pour l'organisation des examens, mais aussi l'attention à porter aux plus fragiles. Des mesures adaptées à chaque territoire ont été prises, en lien avec les collectivités et les préfets, en associant les organisations syndicales.
Hier, au plus fort de l'épisode, environ 2 200 écoles ont été fermées, sur 45 000. À chaque fois, nous avons organisé l'accueil des enfants que leurs parents ne pouvaient garder.
Oui, nous devons adapter le bâti scolaire au dérèglement climatique. Communes, départements et régions sont mobilisés. Dès 2032, nous y avons dédié une enveloppe sur le fonds vert, et la Banque des territoires consacre 2 milliards d'euros pour financer les contrats de performance énergétique des collectivités, que nous avons facilités.
L'État et la Banque des territoires ont engagé 1 milliard d'euros pour avancer vers l'objectif, annoncé par le Président de la République, de rénover 40 000 établissements dans les dix ans. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Remises sur les médicaments génériques (I)
M. Olivier Henno . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe à ma question notre collègue François Bonneau, pharmacien d'officine. Le mouvement de grève des pharmaciens de garde est très suivi. Ils estiment à juste titre que la mesure annoncée le 20 juin pourrait porter un coup fatal à l'équilibre économique déjà précaire de leur secteur : l'État a décidé de plafonner les remises des laboratoires sur les médicaments génériques à 20 % ou 25 %, contre 40 % jusqu'alors.
Ce mécanisme, qui pouvait sembler technique et budgétaire, est en réalité vital pour les pharmacies. Sa modification signifie des licenciements, des fermetures et, inévitablement, une dégradation de l'accès aux soins pour nos concitoyens, surtout dans la ruralité.
Comment garantir aux pharmaciens d'officine leur pérennité économique, maintenir les gardes indispensables et préserver un maillage territorial déjà mis à mal ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles . - Le maillage pharmaceutique de tout le territoire est effectivement important. Les pharmaciens ont le choix des médicaments génériques qu'ils souhaitent distribuer dans leurs officines. Depuis 2014, la remise peut atteindre 40 % du prix de ces produits. Mais l'arrêté qui l'a instaurée a pris fin au 1er juillet.
Le Gouvernement a engagé une concertation avec les professionnels sur le maintien des génériques, l'augmentation de la part des biosimilaires et la réalisation d'une économie globale de 100 millions d'euros, conformément au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le Gouvernement a accepté de reprendre un arrêté, à titre provisoire, pour éviter tout vide juridique. La remise existe donc encore.
Le Gouvernement souhaite renforcer le rôle des pharmaciens en matière de tests, de vaccination ou de prévention de la tension artérielle. Ces activités créent aussi des revenus pour les pharmacies.
M. Olivier Henno. - Votre réponse est limpide, comme d'habitude...
Ce sujet touche au coeur du mal français : des mesures d'économies décidées et annoncées brutalement par la technostructure, qui frappent les plus petits, les plus fragiles, les plus isolés, souvent dans la ruralité - en l'espèce, les officines de la ruralité et des quartiers. Je vous mets en garde à la veille d'annonces d'économies : nous sommes au coeur, peut-être, de la colère française. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du RDSE et du groupe INDEP)
Canicule (II)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST et quelques travées du groupe SER) Cette année en France, du fait de la canicule - que l'action politique aurait pu maîtriser - (rires et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains), combien y aura-t-il de morts ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Santé Publique France nous le dira en appréciant la surmortalité sur la période. Depuis la canicule de 2003 - j'étais alors en poste à l'AP-HP -, qui a coûté 15 000 décès précoces à notre pays, nous avons énormément progressé ; nous nous sommes organisés pour faire face à ce type d'événements.
Mais cela ne suffit pas. Nous devons continuer à baisser nos émissions de gaz à effet de serre. C'est le cas. Dans son arrêt sur l'Affaire du Siècle, le Conseil d'État a constaté que nous les avions réduites de 20 %, rattrapant le retard pris sur la période 2012-2017. Nous devons aussi mettre en oeuvre le plan national d'adaptation au changement climatique, préparé par mon prédécesseur Christophe Béchu. Avec Astrid Panosyan-Bouvet et Catherine Vautrin, nous avons déjà publié un décret, entré en vigueur le 1er juillet, sur les travailleurs en temps de canicule.
Nous travaillons en interministériel et vous pouvez compter sur l'engagement du Gouvernement.
J'ai bien noté que vous aviez gardé du temps pour une longue réplique, mais j'espère vous serez autant engagée quand il faudra négocier nos budgets.
Mme Mélanie Vogel. - Depuis 2022, 20 000 personnes sont mortes en France, uniquement des pics de chaleur. (M. Bruno Sido en doute.)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. - Quels documents l'affirment ?
Mme Mélanie Vogel. - Que les choses soient claires : elles sont mortes non pas de la chaleur, ni de l'inaction climatique, mais de l'action climaticide de celles et ceux qui sont au Gouvernement depuis huit ans. (Applaudissements sur les travées du GEST et quelques travées du groupe SER ; protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains)
Elles sont mortes de la pause environnementale voulue par le Président de la République, du sous-financement massif dans la transition écologique, paroxystique cette année avec la baisse d'un tiers des crédits consacrés à la transition. (Mêmes mouvements)
Ces personnes ne meurent pas au hasard. L'action climaticide ne tue pas les riches...
M. Jean-François Husson. - C'est lamentable !
Mme Mélanie Vogel. - ... ni ceux qui travaillent dans des bureaux climatisés ; il tue les aides-soignantes et les ouvriers, et celles et ceux qui vivent dans des bouilloires. (Mêmes mouvements)
Se satisfaire d'un plan d'adaptation critiqué par le Haut Conseil pour le climat parce qu'il est flou, non financé, non contraignant, est indécent. La vérité, c'est que, dans le seul objectif de vous maintenir au pouvoir, vous menez contre toute rationalité une politique climaticide dictée par l'extrême droite. (Mêmes mouvements)
Qui peut prédire le désastre auquel cela nous mènera ? Tout le monde. Qui peut agir ? Vous. Quand il vous faudra rendre des comptes, qui vous pardonnera ? Personne. (Applaudissements sur les travées du GEST et quelques travées du groupe SER)
Remises sur les médicaments génériques (II)
Mme Marie-Pierre Richer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il est dangereux de réduire à 20-25 % le plafond des remises sur les médicaments génériques. Cela entraînerait la disparition de nombreuses pharmacies, affecterait la santé des patients, accroîtrait les inégalités d'accès aux soins, réduirait l'attractivité de la filière officine déjà en souffrance.
Le maillage officinal est déjà détérioré. Plus de 2 000 officines ont disparu en dix ans, dont 24 dans mon département, le Cher. Les officines sont pourtant le dernier rempart face aux déserts médicaux, grâce notamment à la téléconsultation et à la vaccination.
Dans un contexte de dérapage des dépenses, la recherche d'économies n'est pas contestable. Cependant, faut-il les faire aux dépens des officines et au bénéfice des industriels ?
On a transféré des missions aux pharmaciens, et ils ont répondu présents.
J'alertais déjà il y a plusieurs années sur la désertification pharmaceutique. Que répondez-vous aux pharmaciens et à nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Des déserts pharmaceutiques sont-ils en train de se former comme des déserts médicaux ? Oui : on a perdu 7 % d'officines en dix ans.
J'ai reçu les organisations syndicales et me suis entretenu avec la présidente du conseil de l'ordre. J'ai signé lundi le décret reportant la baisse du plafond des remises afin d'instaurer des discussions sur la diversification des revenus des pharmaciens. Nous avons en effet un problème : certaines officines ne sont plus rentables, donc plus revendables. Pas moins de 294 d'entre elles ont fermé en 2024.
Je salue le travail du Sénat avec la proposition de loi Mouiller...
M. Michel Savin. - Excellent !
M. Yannick Neuder, ministre. - ... enrichie par un amendement du Gouvernement. Ce texte prévoit une rémunération pour cette mission de service public des pharmaciens, pour qu'ils continuent à délivrer les médicaments mais aussi à procéder à des dépistages et des vaccinations. Il faudra trouver d'autres actions pour sauvegarder ce maillage territorial indispensable.
La proposition de loi Mouiller est l'un des vecteurs législatifs du Gouvernement, avec le pacte de lutte contre les déserts médicaux et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Pierre Richer. - Le meilleur signe serait d'abandonner la mesure. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.)
Suppression du bouclier de sécurité de la région d'Île-de-France
Mme Marie-Carole Ciuntu . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis 2016, la région d'Île-de-France a subventionné 732 communes grâce à son bouclier de sécurité, destiné à soutenir les dépenses d'équipement des polices municipales ou de vidéoprotection, à hauteur de 145 millions d'euros. Elle aide aussi l'État à construire des commissariats.
Or l'opposition a attaqué ce dispositif devant le tribunal administratif et le rapporteur public a prôné son annulation au motif que la sécurité ne relèverait pas de la compétence régionale. Si le tribunal suit ces conclusions, une partie non négligeable des dispositifs de sécurité sera remise en cause.
Est-ce vraiment le résultat politique que nous souhaitons ? L'État est-il si riche qu'il puisse se passer de l'aide des régions ? Les polices municipales ont-elles des budgets si abondants ? Rarement le besoin de sécurité n'a été aussi grand. Les émeutes d'il y a deux ans ont engendré 800 millions d'euros de dégâts. Qui va aider les communes à se rééquiper, sinon la région ?
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Si le juge annulait le bouclier de sécurité de la région d'Île-de-France, le Gouvernement prendrait-il ses responsabilités pour permettre aux régions qui le souhaitent de participer à ce type de dépenses ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Cette situation est absolument kafkaïenne. La sécurité de notre pays n'appelle-t-elle pas l'effort de chacun ? Bien sûr ! De l'État, d'abord, mais aussi des collectivités, dont les régions.
Il y a une incertitude juridique. Le cadre juridique est posé par l'article L.4221-1 du code général des collectivités territoriales.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Absolument !
M. Bruno Retailleau, ministre. - Cet article dispose que, dans le champ de ses compétences, par exemple les transports ou les lycées, la région a parfaitement le droit de financer des équipements de sécurité.
Selon le troisième alinéa de cet article, la région peut engager des actions complémentaires de celles de l'État et des autres collectivités territoriales. Je pense que c'est une voie qui peut être empruntée.
Le rapporteur public du tribunal administratif de Montreuil a eu un avis inverse. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.)
Non, l'État n'est pas suffisamment riche pour répondre aux besoins de toutes les communes. Il faut que chacun fasse des efforts.
M. Didier Marie. - Taxez les riches !
M. Bruno Retailleau, ministre. - François-Noël Buffet et moi recevions il y a quelques heures les associations de maires, pour forger définitivement le texte sur les polices municipales, à qui nous confierons des responsabilités. Un article permettra aux régions de se saisir de cette compétence.
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Bruno Retailleau, ministre. - C'est capital si nous voulons assurer le meilleur service public de la sécurité à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Vous avez entendu l'inquiétude de centaines de maires réunis autour de Valérie Pécresse (exclamations à gauche), qui ne savent pas comment défendre nos concitoyens si le dispositif est suspendu. Nous sommes très rassurés par votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Coupes dans le budget de l'écologie
Mme Nicole Bonnefoy . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La forte canicule que nous vivons rappelle cruellement le coût de l'inaction. Votre climato-attentisme met en danger les plus vulnérables, dans les hôpitaux ou les écoles.
Si nous saluons le déclenchement, même tardif, du plan canicule, que dire de vos renoncements écologiques successifs ? Lors du projet de loi de finances, rabot du fonds vert de près d'un milliard d'euros, malgré la création du fonds territorial climat ; rebelote austéritaire le 26 juin dernier, avec un nouveau rabot de 5 milliards d'euros - sans ventilation précise - mais nous savons d'expérience que l'écologie est souvent la première victime.
Le fonds vert sert aux collectivités pour financer la protection contre les îlots de chaleur, la renaturation des cours d'école ou la rénovation énergétique du bâti public. Les élus locaux ne comprennent pas votre yo-yo budgétaire. Le désinvestissement écologique met in fine la population en danger !
Allez-vous rendre aux collectivités des marges de manoeuvre financières pour renouer avec la transition concrète, au bénéfice des plus fragiles ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Les premières mesures de vigilance ont été déclenchées le 20 juin - nous n'avons pas attendu la cellule interministérielle de crise, ni les caméras de télévision.
Madame Vogel, le plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) a reçu un avis positif quasi unanime d'une commission pilotée par le sénateur Dantec, membre de votre groupe : je vous invite à partager l'information...
M. Jean-François Husson. - Cela s'appelle un uppercut !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - S'agissant des crédits consacrés à l'adaptation au changement climatique, j'ai obtenu de la Banque des territoires qu'elle augmente son budget de 2 milliards d'euros pour compenser les efforts budgétaires sur la rénovation des bâtiments publics et sur le programme EduRénov, qui est plébiscité. Nous avons rénové cinq mille écoles en deux ans, et augmentons le nombre de projets soutenus. J'invite les élus à se renseigner sur le site dédié. Notre ambition est de rénover 40 000 écoles en dix ans.
Il y a cinq ans, il n'y avait pas de fonds vert. C'est notre majorité qui l'a créé ! (M. Mickaël Vallet ironise.) Pas la gauche, ni la droite. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) C'est du plus.
Le budget en faveur de la rénovation du bâti est en forte progression, car cela répond à une attente des habitants
Mme Nicole Bonnefoy. - Nous avons besoin de cohérence et de constance. En rabotant de toutes parts votre budget chagrin, vous remettez en cause l'action publique locale, alors que les élus sont conscients du mur d'investissement climatique devant lequel nous sommes. Vos décisions sont, de fait, contraires au Pnacc ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Non-publication de décrets d'application
Mme Sylvie Valente Le Hir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Président de la République a convoqué le Parlement en session extraordinaire à compter d'hier. Nous assurons avec sérieux notre mandat et souhaiterions des garanties calendaires s'agissant de la publication des décrets d'application des textes que nous votons.
Les textes en souffrance faute de décrets demeurent bien trop nombreux. Citons la loi du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères, la loi du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires ou encore la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.
Je regrette tout particulièrement de ne pouvoir répondre à mes concitoyens au sujet des lois relatives à la prise en charge du cancer du sein et de la maladie de Charcot.
Nous ne votons pas les lois pour en faire l'annonce, mais pour servir nos concitoyens.
M. Christian Cambon. - Très bien !
Mme Sylvie Valente Le Hir. - Tarder à mettre en oeuvre des mesures aussi concrètes et sensibles fragilise notre République, au moment où elle a tant besoin de résultats face aux périls qui la menacent. Notre action ne peut être uniquement symbolique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement . - En effet, un texte de loi vaut quand il produit des effets concrets. Je salue la présidente Sylvie Vermeillet et les travaux de la commission de suivi de l'application des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Du fait de la période d'instabilité et du très grand nombre de textes adoptés, il y a eu un effet ciseau dans la publication des décrets : à notre arrivée aux responsabilités, le taux d'application était de 60 %, ce qui est inacceptable. J'ai réuni à deux reprises le comité interministériel d'application des lois ; le taux d'application dépasse désormais les 70 %, ce qui reste insuffisant. Nous continuerons à faire le point avec vous tous les deux à trois mois, pour revenir à une situation normale.
Le décret d'application de la loi sur les ingérences étrangères est en cours d'examen au Conseil d'État. La question des dons aux think tanks exige de se rapprocher de la HATVP : nous serons prêts en septembre.
La loi sur la protection des élus se heurte à un problème de compatibilité européenne sur la question de l'assurabilité, mais nous recherchons une solution. Le décret sur les dépenses de sécurité des candidats sera opérationnel avant la campagne des municipales.
S'agissant de la loi sur la maladie de Charcot, le décret d'application sera publié au mois de septembre. (Mme Véronique Guillotin applaudit.)
Protection des jeunes contre les dangers des écrans
Mme Catherine Morin-Desailly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) On mesure enfin les dangers d'une exposition précoce et excessive aux écrans, ainsi que les méfaits des réseaux sociaux. Mmes Chappaz, Borne et Vautrin ont ainsi cosigné une tribune avec une vingtaine de ministres européens appelant à faire de la protection des mineurs en ligne une priorité.
Il y a sept ans, sur ma proposition, le Sénat adoptait à l'unanimité un texte visant à protéger les plus jeunes - hélas non soutenu par Agnès Buzyn. C'est pourtant un enjeu de santé publique. Notre commission des affaires européennes examinera demain ma proposition de résolution en faveur d'une majorité numérique.
Au-delà de la régulation relevant de l'Union européenne, il est temps de prendre des mesures sanitaires, sociales et éducatives. Des annonces ont été faites par les différents ministères, mais y a-t-il un plan d'action global et coordonné, qui s'appuierait sur les travaux du Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Oui, nous devons protéger les enfants des dérives des écrans.
Le travail ne date pas d'hier. Il y a un an, la commission Écrans, rassemblant des scientifiques, a dressé un constat alarmant sur l'impact du numérique sur la santé mentale, le développement, les troubles de l'attention, la sociabilité de nos enfants.
Nous avons décidé d'agir. Catherine Vautrin, Elisabeth Borne et moi-même sommes attachées à traduire ce constat en une action politique déterminée. Il ne s'agit pas d'interdire pour interdire, mais pour protéger nos enfants, leur redonner le temps d'être simplement des enfants.
Quand Catherine Vautrin parle d'interdire les écrans aux moins de 3 ans, quand Elisabeth Borne préconise la pause numérique au collège, quand je me bats pour l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans à l'échelle européenne, notre détermination est entière et notre coordination, excellente. Dans nos périmètres respectifs, nous voulons avancer. Nous ne menons pas ce combat seules : il s'appuie sur des travaux de grande qualité, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale ou encore au Parlement européen.
Quand les enfants passent quatre heures par jour sur les écrans, il faut agir. Nous avons une ambition politique commune et ne lâcherons rien.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Ce constat alarmant, nous l'avons dressé ici de très longue date. Il est urgent d'agir contre la surexposition aux écrans, les contenus inadaptés et violents, le cyberharcèlement, la désinformation, la « guerre cognitive » visant à affaiblir notre jeunesse.
Ces contenus dépendent des plateformes, qui privilégieront toujours le profit à la sécurité. Soyons intransigeants dans l'application des règlements européens ! À l'heure de l'IA, construisons des offres alternatives éthiques.
J'ai proposé au Premier ministre de faire de la montée en compétences numériques une grande cause nationale : cela permettrait à chacun d'être formé et aguerri aux questions de cybersécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Mickaël Vallet et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)
Soutien européen à la viticulture sud-africaine (I)
Mme Pauline Martin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le raisin français est en colère. Vingt-trois ans après, voilà que la Commission européenne applique une clause de l'accord commercial entre Bruxelles et Pretoria : 15 millions d'euros au bénéfice de la croissance inclusive de la filière vins en Afrique du Sud, en faveur des opérateurs féminins et de couleur, assortis de quotas d'importation sans taxe douanière.
Si l'objet peut paraître louable, était-il nécessaire d'actionner ce levier endormi au moment même où nos viticulteurs traversent une crise majeure liée à la chute de la consommation et au réchauffement climatique ?
Les esprits s'échauffent, la viticulture suffoque, la coupe est pleine. Comment interpréter le message de l'Union européenne, si prompte à aider ses concurrents, si lente à protéger son tissu économique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Cédric Chevalier et Pierre-Alain Roiron applaudissent également.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Le raisin français a des raisons d'être en colère ! La décision d'octroyer ces subventions arrive en pleine crise du secteur : pression du changement climatique, baisse structurelle de la demande, tensions tarifaires autour des droits de douane...
La ministre de l'agriculture et les ministres du Quai d'Orsay sont pleinement mobilisés pour défendre les agriculteurs français - dans le cadre discussions sur l'avenir de la PAC, à travers notre opposition résolue à l'accord du Mercosur, ou encore quand nous demandons à l'Europe un programme de soutien et des mesures d'urgence.
Face à la crise structurelle du secteur viticole, nous attendons de la Commission européenne un plan structurel. Le ministre de l'Europe a écrit en ce sens au commissaire Christophe Hansen - que je vous suggère d'inviter dans le vignoble français, afin qu'il se rende compte des difficultés de nos viticulteurs.
Mme Pauline Martin. - Nous l'attendons ! Il entendra les raisons de la colère de nos viticulteurs. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Suppression du bonus de complément du mode de garde pour les familles monoparentales
Mme Colombe Brossel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En 2023, le Président de la République avait pris l'engagement de réformer le complément du mode de garde (CMG) pour l'étendre aux enfants jusqu'à 12 ans. Après, certes, un long délai, vous avez respecté cet engagement en annonçant l'entrée en vigueur au 1er septembre de cette réforme tant attendue par les familles et les associations.
Je salue les nombreux parlementaires mobilisés en faveur de ce nouveau droit, dont Laurence Rossignol, Béatrice Gosselin et le député Philippe Brun. L'extension du CMG bénéficiera notamment aux mères qui élèvent seules leurs enfants - 82 % des familles monoparentales.
Or, selon plusieurs associations, la majorité des mères seules ayant un enfant de moins de 6 ans verront leur situation se dégrader, du fait de la suppression de la majoration accordée aux familles monoparentales ayant un enfant de moins de 6 ans. Bref, vous prenez dans les poches des unes pour mettre dans les poches des autres... La solidarité nationale, ce n'est donc plus l'ensemble de la nation qui aide les plus fragiles : ce sont les plus fragiles qui s'aident entre eux ! (On renchérit sur les travées du groupe SER.)
Hélas, les conséquences de ce choix politique sont déjà connues : éloignement de l'emploi et aggravation de la précarité des mères seules.
Il y a urgence à revenir sur vos premières annonces : étendez le CMG aux enfants jusqu'à 12 ans sans pénaliser les mères solos ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur de nombreuses travées du GEST et sur certaines travées du groupe CRCE-K)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles . - Le Président de la République avait effectivement promis cette réforme, d'autant plus nécessaire qu'il manque 40 % de places de garde.
D'abord, nous avons veillé à prendre en compte à la fois la composition de la famille, ses revenus et ses besoins d'heures, en vue de réduire le reste à charge.
Ensuite, nous avons accordé une attention particulière aux parents solos, pour les enfants jusqu'à 12 ans. Un parent solo a besoin que son enfant soit accompagné plus longtemps : je ne vois pas comment un enfant de 7 ans peut rester seul quand il rentre de l'école.
Enfin, nous avons prévu une prise en charge pour chacun des parents en garde alternée.
Ces trois mesures importantes traduisent bien un effort de solidarité nationale. Mon objectif est que cette réforme soit gagnante pour l'accompagnement des tout-petits, notre objectif commun. Je reste à votre disposition pour en parler.
Mme Laurence Rossignol. - Et la suppression du bonus ?
Mme Colombe Brossel. - Vous ne m'avez pas répondu sur la suppression du bonus de 30 % pour les familles monoparentales. Selon l'Union nationale des associations familiales, 55 % des familles perdront en pouvoir d'achat avec votre réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST)
Nomination du PDG de La Poste
M. Patrick Chaize . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le mandat du PDG du groupe La Poste est arrivé à son terme le 25 juin. Permettez-moi de saluer Philippe Wahl pour le travail accompli.
Un mois plus tôt, la ministre des comptes publics avait affirmé au Sénat, lors d'un débat sur l'avenir de La Poste, qu'il allait être remplacé. Pourtant, aucune information ne nous est parvenue, laissant penser que la décision serait reportée à l'automne.
Ce retard n'est pas un cas isolé : la présidence de la SNCF, notamment, reste également vacante.
Quelles sont les raisons du report de ces nominations, en particulier pour La Poste : à un tournant de son histoire, celle-ci doit faire des réformes significatives, sachant notamment que l'État lui verse plus de 1 milliard d'euros par an ? Comment comptez-vous assurer la continuité et l'efficacité des services postaux pendant cette période d'incertitude ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Je vous réponds à la place du ministre de l'économie, à qui la HATVP a demandé de se déporter. Je vous félicite pour votre travail de longue haleine sur La Poste. À mon tour, je salue Philippe Wahl pour son action depuis 2013.
Pilier du service public, La Poste assure des missions majeures qui participent à l'aménagement du territoire ; sa gouvernance est une priorité absolue.
Dans l'attente de la décision présidentielle, pour laquelle je n'ai pas de calendrier précis à vous donner, une direction intérimaire à deux têtes a été installée : Philippe Wahl reste président du conseil d'administration et Philippe Bajou assure la direction générale à titre provisoire.
Une liste de candidats a été transmise à l'Élysée par le comité des nominations ; les discussions se poursuivent, en lien avec la Caisse des dépôts. Le futur PDG doit réunir des qualités éminentes dans les domaines bancaire et financier, social et managérial ; il doit, en outre, posséder une sensibilité territoriale marquée. Il devra présenter un projet visionnaire pour relever les défis du groupe.
Le Parlement sera évidemment consulté sur la nomination envisagée, en vertu de l'article 13 de la Constitution. L'État restera engagé pour garantir la continuité du service public postal, notamment pendant la période budgétaire.
M. Patrick Chaize. - Merci pour votre réponse, qui me laisse toutefois perplexe. Difficile pour La Poste de relever les défis auxquels elle fait face sans PDG... Nous attendons du Gouvernement un vrai projet pour cette entreprise ; il serait bien inspiré de suivre les propositions d'un rapport sénatorial que vous connaissez bien. Mais y a-t-il toujours un pilote dans l'avion ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Redon-Sarrazy et Mme Viviane Artigalas applaudissent également.)
Soutien européen à la viticulture sud-africaine (II)
Mme Anne-Sophie Romagny . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nos viticulteurs s'interrogent et attendent des précisions, alors que l'Union européenne s'apprête à attribuer 15 millions d'euros au développement de l'inclusivité de la filière viticole sud-africaine, dans le cadre de l'application tardive d'une décision du Conseil européen de janvier 2002 actant un accord destiné à promouvoir les échanges de vins.
Parmi les contreparties prévues, figure la protection des désignations européennes du porto et du sherry au bout d'une phase progressive ne dépassant pas douze années.
Ces appellations sont-elles réellement protégées, en particulier les AOC françaises ? Quelles sont les autres contreparties dont pourraient bénéficier nos viticulteurs ? L'Europe envisage-t-elle des dispositifs de soutien à sa viticulture ? (Applaudissements sur des travées du groupe UC)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - J'ai, comme vous, découvert cette attribution ; elle résulte d'un texte de 2002, sur la base d'un accord commercial signé en 1999, il y a donc vingt-six ans...
Je n'ai pas lu le détail de cet accord : je ne puis donc pas vous répondre sur le sherry et le porto. Mais j'ose espérer que, l'accord ayant été conclu pour protéger ces appellations, elles le sont bel et bien. Je me renseignerai et vous répondrai.
Aucun d'entre nous n'est comptable d'un accord conclu voilà un quart de siècle. Mais, puisque vous me demandez si j'y suis favorable, je vous répondrai : à l'évidence, non.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre. - Je me bats depuis des mois pour la filière viticole française, l'une de celles qui souffrent le plus. Face aux aléas climatiques et aux évolutions de marché et de consommation, nous ne sommes pas restés inactifs : 120 millions d'euros pour l'arrachage, soutien à la trésorerie, prise en charge exceptionnelle de cotisations MSA, aide de 9 millions d'euros aux jeunes viticulteurs, aide de 1 million d'euros aux pépiniéristes viticoles.
Je suis vigilante sur les accords commerciaux, surtout quand ils ont été imaginés il y a un quart de siècle. Je pense notamment au Mercosur, qui est un mauvais accord pour nos filières agricoles : l'affaire n'est pas conclue, et nous nous battons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur des travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Anne-Sophie Romagny. - Merci pour votre engagement en faveur des professions agricoles et viticoles. En un quart de siècle, du jus de raisin a coulé dans les pressoirs... (Sourires) Les viticulteurs, confrontés à une crise conjoncturelle et structurelle, comptent sur vous et attendent des actes forts. Notre patrimoine viticole est une pépite : soutenons son développement ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)
La séance, suspendue à 16 h 10, reprend à 16 h 30.