Pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental, présentée par Mme Nadège Havet.

Discussion générale

Mme Nadège Havet, auteure de la proposition de loi .  - Cette proposition de loi répond à une double interpellation : de Mme Rousseau, présidente de l'association La Cour des Grands 75, qui conçoit à travers sa structure des parcours inclusifs pour adolescents et adultes autistes, et de Mme Boucharé, fondatrice et présidente de l'association Graine d'autodétermination, située à Brest et spécialisée dans le domaine des troubles du spectre de l'autisme depuis vingt ans.

Elles sont présentes en tribune et je les en remercie ; elles ont développé des parcours spécifiques pour les jeunes éloignés de l'emploi ; elles ont eu recours au contrat de professionnalisation expérimental prévu par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et m'ont demandé, en fin d'année dernière, sa pérennisation, avec trois autres associations : Créative Handicap, Afuté, CFA KMK Conseil et formation.

Cet outil, temporaire, est une déclinaison du contrat de professionnalisation créé par la loi du 4 mai 2004. Plus souple, il s'adresse aux personnes les plus éloignées du monde du travail : jeunes de 16 à 25 ans, demandeurs d'emploi, allocataires du RSA de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou titulaires du contrat unique d'insertion.

Son objectif : permettre aux salariés d'acquérir des compétences spécifiques définies en concertation avec l'employeur et l'organisme de formation. Il n'est plus question de valider une certification professionnelle totale, mais de valider un ou plusieurs blocs de compétences identifiés. Neuf des onze opérateurs de compétences (Opco) l'ont mobilisé.

Ces parcours de formation plus professionnalisés devaient prendre fin en décembre 2023, mais ont été prolongés jusqu'en décembre 2024. Résultat : nous sommes dans une zone de carence, alors que près de 8 400 entreprises ont recruté via ce dispositif et que 33 356 contrats ont été conclus. Plus de 46 % des bénéficiaires sont des demandeurs d'emploi de plus de 26 ans et plus de 44 % sont des jeunes de 16 à 25 ans. Ces contrats ont contribué à réinsérer par l'emploi, dans la lignée des politiques de soutien au travail menées depuis 2017.

Les tensions de recrutement ont conduit des entreprises à recruter des salariés à qui il manque une partie des compétences nécessaires. Un contrat de professionnalisation élargi aux blocs de compétences les sécuriserait.

Le rapport d'évaluation transmis par le Gouvernement fait le même constat d'une expérimentation concluante. Il recommande de promouvoir ce dispositif auprès des branches professionnelles et des Opco. Reste la question du financement. De nombreux acteurs, notamment finistériens, sont inquiets et souhaitent que ces contrats soient sanctuarisés. Il y en a eu dans toutes les régions - 15 % dans les Hauts-de-France et en Île-de-France et 5 % en Bretagne, par exemple.

Pérennisons donc le contrat de professionnalisation expérimental. Merci au rapporteur et à la commission, et à vous, madame la ministre, pour votre engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Xavier Iacovelli, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Ce texte pérennise un dispositif soutenu par le Sénat, qui permet de recourir au contrat de professionnalisation dans des conditions assouplies.

Le contrat de professionnalisation permet le recrutement d'un salarié éloigné de l'emploi, qui bénéficie d'une formation débouchant sur une certification. Ce contrat est plébiscité par les employeurs, mais aussi par les salariés. En 2024, près de 87 000 contrats ont été conclus, avec une prise en charge par les Opco à hauteur de 1 milliard d'euros. Une aide à l'embauche est aussi versée, d'un montant de 2 000 euros par contrat à 7 000 euros pour un adulte handicapé.

La loi du 5 septembre 2018 a ouvert une expérimentation d'une durée de deux ans pour recourir à ces contrats dans des conditions assouplies. Alors qu'ils devaient en principe déboucher sur une certification globale, l'employeur pouvait s'affranchir de cette condition pour répondre à ses besoins.

Cette expérimentation a été prolongée jusqu'en décembre 2023 par la loi du 17 octobre 2020, puis jusqu'en décembre 2024, par le biais d'un courrier de Catherine Vautrin à France Compétences.

Quel est le bilan de cette expérimentation ? Le rapport d'évaluation est sans ambiguïté : ce dispositif complète utilement les outils à la disposition des employeurs. Je regrette toutefois qu'il n'ait pas été communiqué en amont - ou très tardivement - ni présenté officiellement au Sénat au bénéfice de tous.

Pour autant, plus de 35 000 contrats ont été conclus entre 2018 et 2023, soit 4 % des contrats de professionnalisation. Nulle prédation des contrats de professionnalisation classiques, donc.

Les organisations patronales se réjouissent de cette souplesse, particulièrement utilisée dans l'agroalimentaire, les mobilités ou l'industrie.

La commission des affaires sociales a souligné que les employeurs avaient joué le jeu. Le contrat de professionnalisation expérimental n'était pas un contrat au rabais : les CDI ont représenté 58 % des contrats signés.

Il a été apprécié par les secteurs en tension qui ont pu former des salariés volontaires à la spécificité de leur activité, mais aussi par les entreprises ne trouvant pas de profil adapté au poste ou pour lesquelles aucune formation unifiée n'existe du fait de la spécificité du poste.

Ce texte pérennise un dispositif autour d'un ou plusieurs blocs de compétences ; cela me semble souhaitable, car cela favorise l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi et l'individualisation des parcours. Certains Opco n'ont pas souhaité avoir recours au contrat de professionnalisation expérimental, craignant l'instabilité. Une pérennisation étendrait le public des bénéficiaires.

Le dispositif de la proposition de loi ne reprend pas exactement le périmètre de l'expérimentation, qui était plus permissive, puisqu'elle définissait une formation en accord avec tous les acteurs. Certaines branches professionnelles, à l'instar de la métallurgie, s'en sont émues. La restriction prévue par la loi est toutefois nécessaire. D'une part, moins de 20 % des contrats n'entrent pas dans le périmètre de la loi, d'autre part, rien n'empêche les branches concernées de faire émerger de nouveaux certificats professionnels de branche. Enfin, évitons les rares cas où le contrat a été utilisé à d'autres fins.

Ce texte est un exemple concret d'une politique testée et évaluée : je vous invite donc à l'adopter sans modification. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap .  - Le contrat de professionnalisation expérimental créé par la loi du 5 septembre 2018 s'adressait prioritairement aux personnes les plus éloignées du marché du travail, notamment les personnes en situation de handicap. Plus souple que le contrat de professionnalisation de droit commun, il avait pour but de personnaliser le parcours de formation et d'apporter une réponse rapide au bénéficiaire et à l'employeur. En effet, il a été conçu pour que le bénéficiaire acquière un ou plusieurs blocs de compétences spécifiques d'une certification et non l'entièreté.

Après avoir été prolongée, l'expérimentation a pris fin le 31 décembre 2024. Cette proposition de loi la rétablit et la pérennise, conformément au souhait du Gouvernement. En effet, cet outil a rencontré son public : plus de 35 000 contrats ont été conclus au cours des cinq années d'expérimentation au sein de 8 000 entreprises ; neuf Opco sur onze l'ont déployé. C'est une réussite.

Ce contrat vise des publics prioritaires, dont les 16-25 ans, à qui il propose un emploi stable et dont il favorise l'insertion professionnelle.

Les résultats sont positifs, selon les données de l'Opco Atlas qui a recensé, chez les bénéficiaires de ce contrat, 79 % de salariés en CDI ou en CDD de plus de six mois.

Ce contrat répond aux besoins de recrutement, en raccourcissant les parcours de formation. Sa souplesse offre aux bénéficiaires une insertion par l'emploi et offre aux entreprises les compétences qu'elles cherchent.

Le Gouvernement est favorable à ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Philippe Mouiller applaudit également.)

M. Olivier Henno .  - La proposition de loi est simple dans sa rédaction, mais sa portée est essentielle. Le contrat de professionnalisation expérimental n'est pas un dispositif de plus, mais un outil concret d'insertion, un levier efficace de retour à l'emploi, une réponse pragmatique aux besoins des entreprises et des demandeurs d'emploi. Il s'adresse aux personnes les plus éloignées du marché de travail. Il est flexible, adaptable, centré sur les compétences réelles.

Ce contrat cible un ou plusieurs blocs de compétences, répondant à des besoins concrets identifiés sur le terrain.

Plus de 35 000 contrats ont été signés en cinq ans : c'est autant de chances données à des personnes qui n'avaient pas trouvé leur place dans le système classique, pour 45 % des demandeurs d'emploi de plus de 26 ans et pour 44 % des jeunes de 16 à 25 ans. C'est un outil de justice sociale et d'égalité des chances, mais pas seulement. De nombreux secteurs peinent à recruter, faute de candidats possédant toutes les compétences attendues. Ce contrat sécurise le recrutement de personnes motivées tout en leur donnant la possibilité de compléter leurs compétences de façon ciblée, progressive et opérationnelle. C'est un outil apprécié tant par les employeurs que par les salariés.

Dans le Nord, de nombreux responsables d'organismes de formation, de missions locales ou d'agences de Pôle emploi m'ont dit leur attachement à ce contrat et leurs inquiétudes sur son avenir. Le flou est source de blocage, voire de renoncements. Comment construire des parcours de formation sérieux si le dispositif n'a pas vocation à être renouvelé ? Ce texte répond donc à une insécurité juridique et à une incertitude opérationnelle. Il ne s'agit ni de généraliser ce contrat à tout-va ni de détricoter d'autres dispositifs, mais de sanctuariser un outil éprouvé, apprécié et équilibré en lui donnant une base légale.

Certains objectent qu'un contrat supplémentaire n'est pas utile ; mais il comble une lacune, s'adressant à un public bien identifié, ni tout à fait débutant, ni tout à fait opérationnel. Ce contrat offre des parcours modulaires, progressifs, compatibles avec des parcours de vie complexes. Il s'appuie sur une logique de compétences, qui est celle du monde du travail, et non sur des titres ou des diplômes.

Ne soyons pas frileux. Faisons preuve de cohérence, de stabilité et de confiance. Envoyons un signal positif à ceux qui se forment et à ceux qui font le pari de l'inclusion et de la transmission. Cette proposition de loi ne coûte rien à l'État mais pérennise une expérimentation réussie, faisant oeuvre d'utilité sociale et d'efficacité économique.

Nous ne pouvons pas laisser tomber un outil qui fonctionne alors que le plein emploi est un objectif national et que les transitions professionnelles s'accélèrent. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Philippe Mouiller.  - Bravo !

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Selon une étude de la Dares de 2022, les effets de la formation sur la réinsertion professionnelle sont plus élevés pour les personnes éloignées de l'emploi, notamment les demandeurs d'emploi depuis plus d'un an.

Le contrat de professionnalisation vise une certification professionnelle. Le contrat créé par la loi de 2018 prévoit une formation qui ne porte que sur un ou plusieurs blocs de compétences d'une certification, et non son intégralité. Le RDPI propose de le pérenniser.

L'évaluation de l'expérimentation n'a pas été rendue publique - même si le rapporteur y a eu accès. Si le bilan est globalement positif, avec 35 000 contrats conclus entre 2018 et 2023, dont 58 % de CDI, pourquoi cette absence de transparence ? Cette dissimulation empêche le contrôle budgétaire du Parlement, alors que les entreprises concernées cumulent aides à l'apprentissage et exonérations de cotisations dites Fillon. Je rappelle que les réductions générales de cotisations patronales ont atteint 27,4 milliards d'euros en 2025, ce qui aggrave le déficit de la sécurité sociale.

Sous prétexte d'insertion professionnelle des plus éloignés de l'emploi, les entreprises cherchent l'employabilité la plus précise au détriment des certifications. Dans le Centre-Val de Loire, les employeurs et les Opco proposent des contrats de professionnalisation sur la valorisation des déchets pour compléter les certifications des métiers de cuisinier et de commis de cuisine. Comment voulez-vous qu'un jeune valorise ce bloc de compétences dans un autre métier ?

Enfin, on ne sait pas si les personnes les plus éloignées de l'emploi ont bénéficié d'un maintien dans l'emploi durable.

Le groupe CRCE-K s'abstiendra.

Mme Ghislaine Senée .  - Nous examinons une proposition de loi gouvernementale, un projet de loi déguisé qui passe outre l'étude d'impact du Conseil d'État. Comment légiférer sans éléments d'évaluation ? Un rapport a été rédigé, mais non rendu public. C'est bien dommage. Nous, écologistes, avons un a priori positif sur ce contrat qui offre des formations sur mesure et facilite les embauches. Nous en recevons des échos positifs sur nos territoires. Pourquoi le rapport gouvernemental qui justifie la pérennisation de ce dispositif ne nous a-t-il pas été transmis ? Sont-ce de bonnes conditions pour juger de l'opportunité d'une telle pérennisation ?

Quitte à voter au petit bonheur la chance, nous aurions préféré examiner la proposition de loi du député Stéphane Viry sur la pérennisation des territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), qui a fait l'objet d'une étude de la Cour des comptes, même si je déplore l'absence d'analyse coûts-bénéfices.

J'ai peur que nous participions cet après-midi à une course à la sanctuarisation de dispositifs qui ont fait leurs preuves, que nous essayons de glisser dans la loi avant le couperet budgétaire. C'est dommageable.

Alors que l'on en appelle à la simplification, la dynamique est au contraire à la complexification.

L'accès à l'emploi pérenne de ceux qui en sont le plus éloignés devient de plus en plus difficile. Depuis 2024, les coupes et gels budgétaires sur la mission « Travail et emploi » ont été massifs : 3 milliards d'euros inscrits en loi de finances initiale n'ont pas été exécutés l'an dernier et 1,7 milliard d'euros d'économies ont été réalisées sur la mission dans la loi de finances pour 2025.

Il faut veiller à ne laisser personne au bord du chemin.

Sans évaluation, sans chiffre, nous ne pouvons pas émettre d'avis éclairé. Nous nous abstiendrons.

Mme Corinne Féret .  - Le contrat de professionnalisation expérimental s'adresse aux personnes les plus éloignées de l'emploi. Il repose sur un parcours individualisé, coconstruit entre l'entreprise, l'Opco et le salarié, adapté aux spécificités du poste à pourvoir. Il permet à une entreprise de recruter un alternant en le formant à ses besoins. Il s'adresse aux mêmes publics que le contrat de professionnalisation classique, notamment aux jeunes de 16 à 25 ans révolus et aux bénéficiaires du RSA. Le contrat de professionnalisation peut être conclu sous la forme d'un CDD de 24 mois ou d'un CDI incluant une action de professionnalisation de 6 à 12 mois. Le contrat doit alterner entre formation et mise en situation professionnelle, sous la responsabilité d'un tuteur. Plus de 35 000 contrats de professionnalisation ont été conclus entre 2018 et 2023, soit 3,8 % des contrats de professionnalisation ordinaires de cette période. L'expérimentation a été prolongée deux fois, jusqu'au 31 décembre 2024.

L'article 28 de la loi de 2018 prévoyait la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, mais rien n'a été rendu public : seul le rapporteur en a pris connaissance. La transmission préalable de rapports d'évaluation n'est pas une option, mais participe du bon fonctionnement de la démocratie.

Le groupe SER s'était opposé à la loi et cette expérimentation n'a pas fait ses preuves. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

M. Daniel Chasseing .  - Fruit d'un accord national interprofessionnel (ANI) de 2003, le contrat de professionnalisation a été instauré en 2004, pour favoriser l'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi. Il permet à son bénéficiaire d'alterner entre des périodes de formation et de travail en entreprise, combinant un parcours avec une certification. Son bénéficiaire perçoit entre 55 % et 100 % du Smic.

En 2018, la flexibilité du contrat professionnel a été accrue, avec la mise en place d'une expérimentation permettant de ne valider qu'un bloc de compétences.

Le paradoxe du marché du travail français est d'allier chômage et pénurie de travailleurs.

Le contrat de professionnalisation expérimental permet aux employeurs de former des salariés sur des compétences précises, répondant ainsi au souci principal de qualification.

Ainsi, les personnes éloignées de l'emploi peuvent accéder à un poste.

Ce contrat, qui concerne également les 16-25 ans, connaît un vrai succès dans le secteur des mobilités et de l'agroalimentaire.

Ce contrat représente près de 4 % des contrats de professionnalisation. Il serait pertinent de le promouvoir : il doit être encore mieux connu des entreprises et de ceux qui sortent de l'école sans formation.

Il faut adapter en permanence les dispositifs existants pour qu'ils répondent aux besoins du terrain.

La validation de blocs de compétences ne rivalisera jamais avec une certification complète, mais l'objectif est de permettre l'insertion professionnelle des personnes les moins qualifiées. Le groupe Les Indépendants votera pour la pérennisation de ce contrat expérimental. (Applaudissements sur les travées du RDPI.)

M. Philippe Mouiller.  - Bravo !

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le contrat de professionnalisation expérimental, instauré dans la loi de 2018, a pris fin le 31 décembre 2024, à mon grand regret, pour des raisons budgétaires. Contrairement au contrat de professionnalisation classique, il vise l'obtention, non d'une certification, mais de blocs de compétences spécifiques.

Le parcours de formation est davantage personnalisé ; les bénéficiaires acquièrent des compétences nécessaires à l'entreprise. Le contrat de professionnalisation expérimental est utile pour les secteurs en tension, pour les entreprises qui ne trouvent pas les profils adéquats ou qui ne disposent pas de formation unifiée.

Le succès est tel que des Opco veulent le sanctuariser, tandis que d'autres n'ont pas franchi le pas, en raison du caractère instable d'une expérimentation ; ils pourraient y recourir s'il était pérennisé.

Je regrette que le texte n'aille pas plus loin ; j'aurais aimé qu'il reprenne le dispositif de la loi de 2018, plus large, qui permettait d'identifier les compétences réellement adaptées aux entreprises, pour favoriser l'insertion des demandeurs d'emploi dans des métiers émergents pour lesquels la certification professionnelle est en construction, ou pour des actions de préqualification qui ne peuvent être mises en oeuvre par un contrat de professionnalisation. Un ingénieur en développement durable embauché dans une entreprise de démantèlement d'hélicoptère doit être formé pour connaître mieux les aéronefs. Un technicien de maintenance embauché en qualité de campaniste a besoin d'acquérir des formations spécifiques liées à la maintenance des cloches.

Il est indispensable d'accompagner l'entreprise à objectiver les compétences et à construire une formation structurée : c'est aussi favorable aux employeurs qu'aux salariés.

Malgré ces réserves, cette proposition va dans le bon sens, en offrant davantage de flexibilité à un marché du travail qui en a tant besoin. Le groupe Les Républicains la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et du RDPI.)

Mme Solanges Nadille .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Philippe Mouiller applaudit également.) En 2023, un peu moins de 116 000 contrats de professionnalisation ont été signés en France, et 35 000 l'ont été sous la forme d'un contrat de professionnalisation expérimental.

Derrière ces chiffres se dessinent des parcours de formation sur mesure, des emplois retrouvés, des vocations nées : la formation devient un lieu d'émancipation.

Il s'agit de pérenniser un dispositif souple et inclusif, utile et plébiscité. Le résultat est sans équivoque : le dispositif a permis de former plus de 35 000 personnes, dont 46 % étaient des jeunes et 44 % des demandeurs d'emploi de longue durée, promouvant ainsi l'égalité des chances.

Entre 55 à 79 % des bénéficiaires sont en CDI ou en contrat long à l'issue de leur formation. Dans certains secteurs, un contrat sur deux devient un CDI. Ce dispositif, souple et réactif, est aussi une réponse à la pénurie de main-d'oeuvre dans l'industrie, l'agroalimentaire ou les services à la personne, par exemple.

En tant que sénatrice des outre-mer, je regrette que seulement 0,8 % des 35 000 contrats de professionnalisation conclus l'aient été en Guadeloupe, et 1,1 % en Guyane, alors que le chômage y est bien supérieur à la moyenne nationale.

Nous avons besoin d'outils efficaces immédiatement mobilisables pour aider les entreprises locales. Si ce contrat est mieux promu, il peut devenir le levier attendu. À nous de lever les freins. Les difficultés, présentées dans le rapport d'évaluation rendu tardivement, sont bien connues.

Voter ce texte est un signal de confiance pour les entreprises. Nous affirmons aussi pour les demandeurs d'emploi une ambition claire : l'insertion durable par les compétences.

Le RDPI votera sans réserve cette proposition de loi, car le dispositif, pragmatique, a fait ses preuves : il redonne des perspectives à ceux que le marché du travail laisse trop souvent sur le bord du chemin. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Michel Masset .  - La République a pour devoir de tendre la main à ceux que la vie a laissés au bord du chemin, disait Léon Bourgeois.

Le contrat de professionnalisation expérimental explorait une voie plus souple pour accompagner les plus fragiles, en proposant un parcours sur mesure aux salariés et des garanties pour les entreprises.

Le pari de la souplesse a tenu ses promesses. Pour les entreprises, c'est la certitude d'avoir des salariés avec les compétences requises. Ce sont les industries agroalimentaires et celles du secteur des mobilités qui ont eu le plus recours à ce contrat.

Cette dynamique se retrouve dans nos territoires. Selon la Dares, 223 contrats ont démarré dans le Lot-et-Garonne en 2024. Cette expérimentation a favorisé une insertion durable, avec 58 % des contrats signés sous la forme de CDI, contre 17 % pour les contrats de professionnalisation classiques.

Ce contrat de professionnalisation expérimental va à l'essentiel, en proposant des formations ciblées pour acquérir des compétences utiles aux entreprises. C'est un levier précieux, surtout dans les secteurs en tension.

Une remarque : la loi de 2018 avait prévu la remise d'un rapport d'évaluation trois mois avant la fin de l'expérimentation. Le rapporteur a pu le consulter, mais il n'a pas été transmis au Parlement ; cela interpelle. Nous sommes contraints de légiférer sans évaluation consolidée.

Toutefois, cela ne retire rien à l'intérêt de cette expérimentation qui fait confiance aux acteurs de terrain. Le RDSE lui apportera son soutien plein et entier. (Mme Nadège Havet applaudit.)

Mme Frédérique Puissat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) Ce texte trouve sa source dans la loi du 5 septembre 2018, dont j'étais rapporteur avec Michel Forissier et la regrettée Catherine Fournier. La loi de 2018 manquait en partie sa cible : toucher les salariés les plus éloignés de l'emploi.

Nous avons mis en place un contrat plus flexible, prenant le risque de dévaloriser les contrats de professionnalisation classiques ; mais ce ne fut pas le cas. Selon le bilan qu'a bien voulu traduire le rapporteur, la part des contrats expérimentaux ne représente que 4,37 % du total des contrats de professionnalisation.

Les organisations patronales ont salué le dispositif et les employés ont joué le jeu de l'insertion durable. Ce contrat complexifie un peu plus l'offre de formation ; mais, pour un coût d'environ 5 millions d'euros, il semble remplir son rôle.

La proposition de loi modifie le dispositif. En précisant que ce contrat concernerait un ou plusieurs blocs de compétences, il le rend moins souple, mais il permet au salarié de mieux le valoriser. Il s'agit d'accélérer le retour à l'emploi dans un contexte tendu, comme l'a indiqué Pascale Gruny. Nous voterons donc ce texte conforme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Xavier Iacovelli et Daniel Chasseing applaudissent également.)

Mme Viviane Malet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi technique touche à la réalité de l'insertion professionnelle des plus éloignés de l'emploi. Trop de personnes restent au bord du chemin : chômeurs de longue durée, jeunes sans emploi, par exemple.

Depuis vingt ans, le contrat de professionnalisation, qui combine emploi et formation, est un outil essentiel pour atteindre cet objectif. Ce type de contrat est apprécié.

En 2023, ils ont coûté 1 milliard d'euros, pour un coût moyen d'environ 8 700 euros par contrat. Nous avons instauré des aides à l'embauche de 2 000 euros, et, dans la majorité des cas, les employeurs n'ont rien à financer.

L'expérimentation, lancée en 2018, va plus loin avec le contrat de professionnalisation expérimental. Il s'agissait de former un salarié seulement sur un ou plusieurs blocs de compétences. Ce contrat a permis de construire des parcours de formation adaptés.

Son bilan est encourageant. Les organisations patronales ont apprécié sa souplesse, et les secteurs de l'agriculture ou de l'agroalimentaire y ont particulièrement eu recours.

D'autres secteurs, comme celui de la santé, ne l'ont pas encore fait. En effet, la dissolution de l'Assemblée nationale et la censure ont rendu la prolongation de l'expérimentation incertaine.

Nous devons lever l'incertitude ; cette proposition de loi, adoptée sans modification par la commission, pérennise ce contrat expérimental et l'inscrit durablement dans le code du travail.

Appartenant à la droite sénatoriale, nous croyons à l'insertion par la compétence, à une formation professionnelle adaptée et à la responsabilité des acteurs économiques. Il ne reste plus qu'à inscrire ce contrat dans notre droit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.)

Discussion de l'article unique

Avant l'article unique

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié de Mme Senée et alii.

Mme Ghislaine Senée.  - Raymonde Poncet Monge a déposé cet amendement en commission le 24 juin dernier. C'est grâce à lui que nous avons appris l'existence de ce rapport. Nous pensions retirer cet amendement, mais nous n'avons toujours pas eu connaissance du rapport en question. Contient-il des informations gênantes ? Peut-on légiférer correctement sans disposer de cette évaluation ? (Mmes Frédérique Puissat et Cathy Apourceau-Poly renchérissent.) Cela pose un réel problème démocratique.

Nous ne pouvons accepter que le Gouvernement ou certains groupes politiques disposent d'informations, et pas nous !

M. Xavier Iacovelli, rapporteur.  - Mme Poncet Monge ne vous a peut-être pas donné l'ensemble des informations. Elle a eu connaissance de ce rapport hier, dès que le Gouvernement l'a transmis.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Moi, je ne l'ai pas eu !

M. Xavier Iacovelli, rapporteur.  - Ce rapport existe bien : il a été transmis non pas à mon groupe mais à la commission, et donc au rapporteur du texte que je suis. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Le rapporteur a raison : la sénatrice l'a eu hier. Je déplore sincèrement cette transmission tardive.

Le rapport est désormais à votre disposition. L'amendement n'est donc plus nécessaire.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Pour ma part, je n'ai pas eu le rapport, et j'en suis désolée. Cela explique en partie notre abstention, car nous souhaitions disposer d'éléments chiffrés.

Mme Corinne Féret.  - À mon tour, je regrette la non-transmission de ce rapport. Les membres de la commission des affaires sociales auraient dû en être destinataires. C'est la raison de notre abstention.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.  - Je souhaite soutenir les propos de mes collègues. Il est dommage qu'ils s'abstiennent, alors que nous sommes globalement tous d'accord. Le rapporteur a eu l'intelligence de transmettre le rapport à Raymonde Poncet Monge, l'auteur de l'amendement. Le rapport est arrivé hier, nous n'aurions pu le transmettre aux membres de la commission que ce matin.

Que le message soit clair : une telle pratique aurait pu conduire à un vote négatif, alors que l'intérêt général est de pérenniser la mesure. Que le ministère du travail l'entende : trop souvent, les informations nous arrivent à la dernière minute, et le contenu des rapports ne correspond pas toujours à la commande.

Bref, je me fais le porte-parole du mécontentement du Sénat.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

À la demande du RDPI, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°344 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 243
Pour l'adoption 243
Contre    0

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Mme la présidente.  - ... à l'unanimité !

M. Philippe Mouiller, président de la commission.  - Je remercie les rapporteurs pour les deux textes que nous avons examinés, Olivier Henno et Xavier Iacovelli. Pour le second texte, nous disposions de très peu de temps.

Le débat a toujours lieu au Sénat : c'est l'occasion d'affirmer nos convictions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.)

Prochaine séance, mardi 8 juillet 2025, à 9 h 30.

La séance est levée à 17 heures.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 8 juillet 2025

Séance publique

À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit

Présidence : M. Alain Marc, vice-président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, M. Xavier Iacovelli, vice-président

Secrétaires : Mme Sonia de la Provôté, Mme Catherine Conconne

1Questions orales

2. Deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l'Assemblée nationale, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie (texte de la commission, n°802, 2024-2025)