Mandat d'élu local (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat d'élu local, à la demande du Président du Sénat.
Discussion générale
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - Face aux nombreuses démissions de maire, aux causes multiples - lassitude, complexité, poids des responsabilités, mais aussi violences -, le Président du Sénat a annoncé il y a deux ans au Congrès des maires une initiative en faveur d'un statut de l'élu. Fidèle à cette promesse, le Sénat a voté en mars 2024, à l'unanimité, cette proposition de loi transpartisane.
Ce texte a subi les aléas des secousses politiques, mais la promesse doit être tenue, pour ceux qui s'engagent, comme pour ceux qui hésitent. Fruit d'une large concertation, il exprime notre reconnaissance à l'égard des élus locaux, pilier vivant de notre démocratie. Je salue le travail parlementaire pragmatique et transpartisan dont il fait l'objet - avec une pensée particulière pour la commission des lois et la délégation aux collectivités territoriales du Sénat.
Plus de 500 000 élus locaux oeuvrent avec générosité pour faire vivre sur nos territoires, en toute discrétion, l'intérêt général. Ce texte reconnaît leur engagement exigeant, parfois ingrat, risqué, mais essentiel. Être élu local, c'est être gestionnaire, médiateur, amortisseur de crise, entrepreneur - à portée de reproches, mais aussi de coeur.
Mais cet engagement traverse une période de fragilité. Depuis 2020, 450 maires démissionnent chaque année.
Adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en juillet dernier, ce texte vous revient en deuxième lecture. Je salue la détermination de chacun, en particulier du Président du Sénat, des associations d'élus et du Premier ministre.
Il s'agit, d'abord, de faciliter l'engagement des élus et la conciliation entre mandat et vies personnelle et professionnelle ou estudiantine. En particulier, les élus pourront toucher des indemnités maladie et leurs frais de déplacement et de garde seront pris en charge. N'oublions pas que 90 % d'entre eux sont bénévoles.
Ensuite, le texte sécurise les élus, notamment en étendant la protection fonctionnelle.
Enfin, il vise à encourager l'engagement par la formation des élus et la validation des acquis de l'expérience, qui sécurisera les fins de mandat.
J'insiste : il ne s'agit pas de créer des privilèges. Avec ce statut, nous tenons une promesse républicaine : chaque citoyen doit pouvoir s'engager au service de sa commune. C'est d'autant plus fondamental que le Premier ministre a annoncé, ici même, sa volonté d'engager un nouvel acte de décentralisation, pour clarifier les responsabilités et garantir l'efficacité de l'action publique jusqu'au dernier kilomètre.
Au-delà de nos différences, ce texte nous rassemble. Il parle de dévouement et de civisme ; il reconnaît l'engagement de ceux qui incarnent la République du quotidien et ne sont pas des notables, mais des serviteurs. Envoyons-leur un signal de confiance clair : la République se souvient de ceux qui la servent. C'est ainsi que, en mars prochain, des femmes et des hommes pourront dire encore : oui, je veux servir.
Le temps est court et l'attente, forte. Ce texte chemine déjà depuis longtemps. Notre responsabilité est de garantir sa prospérité rapide. Certes, des divergences d'appréciation subsistent entre le Gouvernement, le Sénat et l'Assemblée nationale, mais je ne doute pas qu'elles seront surmontées. Nos élus le méritent, et nous le leur devons. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe UC et du RDPI, ainsi que sur des travées du RDSE et sur quelques travées du groupe INDEP)
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure de la commission des lois . - Un an et demi après que le Sénat a adopté ce texte à l'unanimité et après plusieurs atermoiements, nous nous réjouissons de cette deuxième lecture. De fait, la situation des élus locaux est préoccupante : plus de 2 000 maires ont démissionné depuis 2020 et plus de 30 000 conseillers municipaux.
Face au profond malaise ressenti par les élus et alors que les élections municipales de 2026 approchent, ce texte prévoit des mesures ambitieuses pour enrayer la crise de l'engagement local : amélioration des régimes indemnitaires et des conditions d'exercice, sécurisation des fins de mandat... Il doit entrer en vigueur au plus vite. Il faut conclure !
Pas moins de 236 amendements ont été adoptés à l'Assemblée nationale. Des mesures du Sénat ont suscité une large adhésion, d'autres ont été enrichies, d'autres encore ont été revues à la baisse, voire supprimées. La commission des lois a cherché à préserver l'esprit et les objectifs initiaux du texte : nous avons donc rétabli les dispositifs du Sénat quand ils étaient plus ambitieux tout en maintenant les apports bienvenus de l'Assemblée nationale.
Sur l'amélioration du régime indemnitaire, nous nous félicitons de l'accord de principe trouvé avec les députés sur la majoration de la durée d'assurance retraite. Nous regrettons en revanche que la revalorisation des indemnités de fonction des maires et adjoints ait été revue à la baisse. Nous avons toutefois adopté à l'identique ce dispositif dans un esprit de compromis et compte tenu de la situation budgétaire.
Nous avons, en revanche, rétabli d'autres mesures, comme la fixation par défaut des indemnités au maximum légal pour les exécutifs locaux ; elle évitera de longs débats en début de mandat, conduisant trop souvent les élus à renoncer aux indemnités auxquelles ils ont droit. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP)
M. Éric Kerrouche, rapporteur de la commission des lois . - S'agissant de l'amélioration des conditions d'exercice du mandat, un large consensus s'est dégagé entre nous.
Je pense en particulier au remboursement des frais de transport des élus, qui donnera lieu à une compensation de l'État dans les communes de moins de 3 500 habitants. Je pense également à l'alignement des droits et garanties des conseillers d'arrondissement sur ceux des conseillers municipaux.
D'autres améliorations concernent les élus qui poursuivent une activité professionnelle. Ainsi, l'article 9 complète le régime des autorisations d'absence dont bénéficie un élu salarié pour se consacrer à son mandat. Quant à l'article 11 bis, il permet la prise en compte des mandats électifs pour les affectations dans la fonction publique d'État.
La plupart des mesures ont fait consensus entre les deux assemblées. Lorsque ce n'était pas le cas, nous sommes revenus aux dispositifs du Sénat dans la mesure du possible, lorsqu'ils étaient plus protecteurs. C'est le cas à l'article 8, où nous avons porté de quinze à vingt jours la durée maximale du congé électif.
Il est indispensable de faciliter la conciliation du mandat et de la vie personnelle et professionnelle. C'est l'esprit de l'article 16, qui prévoit la prise en charge des frais de garde. Nous avons rétabli la compensation par l'État pour toutes les communes jusqu'à 10 000 habitants.
Enfin, l'article 17 mettra fin à des situations choquantes en matière de congé maladie, certains élus locaux ayant été contraints de rembourser leurs indemnités journalières. Ils seront désormais mieux protégés. (Applaudissements sur quelques travées)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois . - (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.) Je traiterai pour ma part des mesures visant à sécuriser l'engagement des élus.
Les articles 18 à 18 bis se rapportent à la prévention des conflits d'intérêts. En la matière, nous avons besoin de dispositifs en phase avec la réalité de l'action des élus tout en sanctionnant les atteintes avérées à la probité.
Les deux assemblées s'accordent pour inscrire dans la loi qu'un intérêt public ne peut entrer dans le champ de la prise illégale d'intérêts. C'est une véritable révolution.
La rédaction de l'Assemblée nationale n'était pas pleinement aboutie et posait des problèmes techniques. Vous êtes nombreux à vouloir rétablir ces dispositions. Nous entendons vos préoccupations, partagées par certaines associations d'élus. Mais le texte des députés est porteur d'effets pervers et nous devons apporter de la sécurité juridique aux élus. Nous défendrons des amendements aux articles 18 et 18 bis A pour tenir compte des préoccupations en préservant la robustesse des dispositifs.
Par ailleurs, nous avons rétabli les avancées réalisées en première lecture par le Sénat en ce qui concerne l'octroi automatique de la protection fonctionnelle à tous les élus.
Sur l'accompagnement des élus locaux en matière de déontologie, le pré-remplissage de la déclaration de patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a également été rétabli.
M. Michel Masset. - Bravo !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Enfin, il importe de sécuriser la sortie du mandat. Dans cette perspective, le texte prévoit l'éligibilité de tous les élus à la validation des acquis de l'expérience.
Nous sommes ainsi revenus à l'esprit initial du texte tout en préservant les apports judicieux des députés. Ce texte ambitieux, cohérent et complet répond aux attentes des élus et à l'objectif du Sénat de leur donner un statut. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Louis Vogel applaudit également.)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dans la crise politique et démocratique que nous traversons, il pourrait paraître inopportun de prendre du temps au Parlement pour parler du statut de l'élu. Il est donc important de rappeler les objectifs de ce texte et nos ambitions en la matière.
Si je suis législateur, élu par des élus, c'est parce que je me suis d'abord engagé au sein de ma commune ; j'y ai vu le dévouement des conseillers municipaux et mesuré l'importance d'être à l'écoute.
Les dernières années ont été particulièrement difficiles pour les collectivités territoriales : budgets en baisse, marges de manoeuvre réduites, perte d'autonomie. Mais c'est de longue date que les écologistes réclament un statut de l'élu. Notre groupe soutient donc toutes les mesures destinées à mieux protéger et accompagner les élus. Il convient aussi d'encourager la parité et la diversité des profils.
Ce texte répond de manière pratique, quoiqu'incomplète, aux préoccupations des élus. Du fait de l'article 40 et de la frilosité du Gouvernement, il souffre de certains manques en matière de formation des élus, notamment à la probité, aux pouvoirs de police et au changement climatique, ainsi qu'en matière de conciliation entre mandat et vie personnelle et professionnelle. À cet égard, il faut que les élus puissent plus facilement s'absenter pour exercer leur mandat. De nombreuses personnes - artisans, commerçants et paysans, notamment - ne s'engagent pas du fait de cette lacune. Ce texte ne va pas assez loin en la matière.
Il faudrait aussi prendre en compte toutes les parentalités, notamment par l'intégration du congé adoption, ainsi que les élus en situation de handicap.
Enfin, je déplore le manque d'avancées pour les élus d'arrondissement et de secteur.
Nous voterons ce texte, mais le Gouvernement doit garantir qu'il ne sera pas une coquille vide et que les financements nécessaires seront prévus. (Mmes Ghislaine Senée et Anne-Sophie Patru applaudissent.)
M. Joshua Hochart . - Dans cinq mois auront lieu les élections municipales. Moment essentiel, car les élus locaux sont notre dernier poumon démocratique. Il faut les écouter, les accompagner et leur donner les moyens d'agir.
Les élus sont confrontés à la dégradation des conditions d'exercice et à la hausse des violences, mais aussi à la solitude, aux complexités administratives et à un sentiment d'abandon. Les démissions se multiplient. Or quand les élus renoncent, la République meurt à petit feu.
Nous saluons la revalorisation des indemnités, qui restent bien trop faibles, toutefois, dans les communes rurales. De même, améliorer le régime de retraite et la protection sociale et juridique des élus va dans le sens d'une juste reconnaissance.
Mais ce texte ne peut masquer l'inaction du Gouvernement. Ces mesures sont le résultat de l'initiative du Parlement, quand l'exécutif s'en tient à des promesses et demande toujours plus aux communes. Nous attendons volonté politique et moyens budgétaires, pour que ce texte ne reste pas lettre morte.
Sur la conciliation entre mandat et vie professionnelle, l'intention est bonne, mais se heurte à la réalité. Trop souvent, le salarié élu reste considéré comme un problème. L'État doit mieux aider les entreprises à valoriser cet engagement.
Le Gouvernement parle de décentralisation, mais ne cesse d'en réduire la portée. À quelques mois des élections municipales, nous voterons ce texte, mais il ne peut s'agir que d'un début.
M. Michel Masset . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe INDEP) Stress, poids de la fonction, incertitudes : tel est le quotidien des élus locaux. Voilà longtemps que le Sénat sonne l'alarme face à la crise de l'engagement. Nous y sommes : à quelques mois des municipales, de nombreuses équipes peinent à réunir le nombre de candidats nécessaire, notamment dans le Lot-et-Garonne où plus de la moitié des communes comptent moins de 500 habitants.
Il est urgent de repenser les conditions d'exercice des mandats. Comment la société valorise-t-elle celles et ceux qui se mettent au service des autres ? Ce débat concerne aussi d'autres engagements - je pense aux secteurs administratif, social, culturel et sportif.
Les maires sont parfois les derniers représentants du lien social. Ce texte leur exprime notre profonde reconnaissance pour leur engagement au service du vivre-ensemble. Lorsque l'État est en crise, le maire est un pôle de stabilité pour nos concitoyens.
Facilitation des autorisations d'absence, revalorisation des indemnités, systématisation de la validation des acquis de l'expérience : autant de bonnes mesures, même si ce texte ne règle pas la question des moyens dont les maires doivent disposer pour traduire en actes les projets de territoire choisis par les citoyens.
Reste que l'adoption de ce texte enverra un signal fort : le RDSE le votera, à l'unanimité ! (On s'en amuse sur diverses travées.)
Le mandat de maire est le plus beau, mais aussi le plus contraignant. Ce texte est une marque de déférence et même - osons le mot ! - d'amour pour les élus qui s'engagent au quotidien. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
M. Jean-Michel Arnaud . - Cette proposition de loi est très attendue à la veille du renouvellement des conseils municipaux et alors que les élus sont confrontés aux exigences croissantes de nos concitoyens et, parfois, à leur défiance, voire à des violences. L'exercice du mandat se complexifie et sa conciliation avec la vie personnelle et professionnelle devient plus difficile.
En octobre 2023, la Haute Assemblée a adopté le présent texte pour répondre à ces enjeux multiples. Je salue le travail des rapporteurs et l'investissement de Françoise Gatel, comme sénatrice, puis ministre.
Je me félicite que la commission des lois ait adopté le dispositif de revalorisation des indemnités des maires et des adjoints, ciblé sur les plus petites communes.
Saluons aussi le remboursement des frais de transport et de séjour, compensé par l'État aux communes de moins de 3 500 habitants.
La sortie de mandat est déterminante : les mesures prises pour la sécuriser vont dans le bon sens, de même que les adaptations prévues en matière de retraite.
L'article 18 a donné lieu à des inquiétudes, que les amendements des rapporteurs sont de nature à apaiser.
L'engagement des élus locaux est l'âme de nos territoires. L'Union Centriste soutient ce texte avec force, pour le reconnaître et l'encourager. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Louis Vogel . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. François Patriat applaudit également.) Quelque 2 189 départs volontaires depuis 2020, soit plus d'une démission par jour, et plus de la moitié des démissionnaires issus du dernier renouvellement municipal. Quelles en sont les causes ? Les principales ne sont pas les violences en hausse, mais le poids et la technicité de la fonction, ainsi que le manque de moyens humains et matériels.
Le statut de l'élu local est une réponse de bon sens et concrète. C'est pourquoi nous avons été nombreux à cosigner ce texte.
La professionnalisation de la fonction d'élu progresse, mais les droits et garanties qui lui sont attachés ne suivent pas l'accroissement des responsabilités. Ce texte ne réglera pas tous les problèmes, mais contient des avancées attendues : création de droits nouveaux, validation des acquis de l'expérience... Je salue le travail des rapporteurs, équilibré et qui permet la discussion.
Sur la rémunération, la fixation par défaut au niveau maximal reste en discussion pour les adjoints et les conseillers municipaux ; une ligne claire sera dégagée à l'article 2 grâce aux amendements déposés.
Je me réjouis des précisions apportées sur la définition de la prise illégale d'intérêts. L'infraction requerra une appréciation concrète par le juge pénal de l'intérêt en cause, lequel devra être suffisant pour paraître avoir pesé sur l'impartialité du décideur. La Cour de cassation maintient une jurisprudence très défavorable à laquelle il faut mettre un terme. J'ai donc déposé un amendement destiné à mieux protéger les élus.
Je me réjouis que l'octroi de la protection fonctionnelle devienne automatique pour tous les élus victimes de violence.
Nous n'ignorons pas les enjeux budgétaires. Oui, certaines mesures ont un coût. Il faudra poursuivre le travail lors de l'examen du projet de loi de finances. Le nouvel acte de décentralisation annoncé par le Premier ministre sera aussi l'occasion de reprendre ces débats.
Prenons au sérieux les démissions d'élus, qui sont un appel à l'aide. La chambre des territoires doit y répondre. Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur certaines travées du groupe UC)
Mme Nadine Bellurot . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les élus locaux sont les sentinelles de la République et les garants du lien social sur les territoires : nous ne pouvons ni ne devons les abandonner.
Je me réjouis que nous examinions à nouveau ce texte, demande récurrente des élus. La crise des vocations est grave : il est urgent de l'enrayer en instaurant un statut de l'élu protecteur.
Les causes du découragement sont multiples : dégradation des conditions d'exercice, violences, régime indemnitaire insuffisant, exigences citoyennes croissantes, manque d'autonomie et de liberté d'entreprendre. De fait, on demande aux collectivités de faire toujours plus avec toujours moins ! Le budget pour 2026 en est une parfaite illustration, avec un effort de 4 milliards d'euros - en fait, 7 - demandé aux collectivités : c'est inacceptable.
Le rapport de la mission flash que j'ai rédigé en 2023 avec, notamment, Mme Pantel est en partie repris dans ce texte ; nous proposions notamment d'améliorer le régime des autorisations d'absence et la compensation des frais de garde, ainsi que la création d'un label « Employeur partenaire de la démocratie locale ».
Il faut aller plus loin, notamment pour pallier l'insécurité juridique autour des conflits d'intérêts ; j'ai déposé deux amendements à cette fin.
Ce texte répond aux demandes des élus, même s'il est perfectible et devra être complété par des initiatives législatives de simplification, notamment en matière de pouvoir de dérogation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Très attendu, ce texte est un symbole sénatorial par excellence. Les élections municipales auront lieu dans cinq mois, le Congrès des maires dans quatre semaines. Cette fois, lorsque nous recevrons les maires de notre département au Sénat, nous aurons de bonnes nouvelles à leur annoncer, pour eux et pour le pays.
Depuis 2020, les démissions ont atteint le nombre record de 2 189 - quarante par mois ! À l'évidence, l'engagement local est en crise.
Le temps est venu de sécuriser le quotidien des élus.
Quant à la revalorisation des indemnités, elle n'est pas un tabou, mais une préoccupation légitime. Aucun maire ne s'engage pour l'argent ; beaucoup même y perdent. Je pense notamment aux commerçants, artisans et professions libérales, dont l'engagement sera facilité. Je salue la revalorisation du barème des indemnités et la majoration des retraites.
De même, la facilitation des visioconférences va dans le bon sens, comme l'élargissement du congé électif pour les candidats et le cumul possible des indemnités journalières et de l'indemnité de fonction.
Il est important de sécuriser les fins de mandat : la validation des acquis de l'expérience et la création d'une certification sont à saluer.
L'octroi automatique de la protection fonctionnelle permettra de protéger l'intégrité mentale et physique des élus.
Le groupe RDPI sera force de propositions dans le débat. Soyons à la hauteur de l'engagement quotidien des élus en votant ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du RDSE)
M. François Patriat. - Bravo !
M. Christophe Chaillou . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Voilà seize mois que notre assemblée a adopté cette proposition de loi à l'unanimité. Nous la retrouvons remaniée, tantôt enrichie et tantôt édulcorée.
Destiné à mieux accompagner l'engagement local, ce texte résulte d'un constat collectif : plus de 2 000 maires ont démissionné depuis 2020, souvent en raison d'un sentiment d'incapacité à agir. La banalisation des violences et les restrictions budgétaires ont également contribué au phénomène.
À moins de six mois des élections municipales, il est urgent d'apporter une réponse à cette situation critique. Ce texte ne réglera pas tous les problèmes, mais il est une étape nécessaire. Je salue le travail de Mme la ministre et de nos rapporteurs.
Le groupe SER exprime son incompréhension sur l'article 5, dont nous proposerons la suppression. Il suggère en effet que les élus locaux devraient faire la preuve de leur loyauté à la République. Aucun autre élu ne prête un tel serment. Ne créons pas une hiérarchie des mandats. La confiance ne se décrète pas, mais naît de l'action quotidienne.
S'agissant des indemnités, il faut assumer pleinement que la démocratie a un coût. L'Assemblée nationale a privilégié une approche dégressive. Nous entendons les contraintes budgétaires, mais l'action quotidienne et l'érosion du pouvoir d'achat ne sont pas dégressives. Nous regrettons donc ce recul.
L'obligation de délibérer en début de mandat provoque des débats culpabilisants et pousse trop d'élus à renoncer à leurs droits. Or l'indemnité n'est pas un privilège, mais la condition de l'accès libre au mandat. Il faut donc rétablir la fixation automatique au maximum légal pour tous les membres des exécutifs, ce qui ne prive nullement les assemblées locales de leur liberté.
Dans le cadre du projet de loi de finances, nous serons vigilants sur les moyens accordés aux communes pour exercer leurs missions.
La déclaration unique d'activités est bienvenue, de même que les avancées en matière de retraite, qui reconnaissent concrètement l'engagement consenti, souvent à temps plein.
Nous entendons les messages envoyés par les associations nationales à propos des articles 18 et 18 bis : il faut mieux articuler droit pénal et droit administratif. Nous voulons rétablir la lisibilité, la proportionnalité et la sécurité du dispositif.
Ce texte ne constitue sans doute pas un statut de l'élu local, mais il permet d'avancer concrètement. Il faudra aller plus loin, non pour sacraliser une fonction, mais pour conforter celles et ceux qui incarnent la République au quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Cécile Cukierman . - Chaque mois, quarante maires démissionnent, quatre fois plus qu'il y a dix ans : c'est un signal d'alarme, révélateur d'une colère, d'une lassitude et d'une impuissance face à un État qui demande de faire toujours plus avec toujours moins.
Confrontés à une bureaucratie complexe, à des budgets rabotés, à l'insécurité juridique permanente, les élus locaux tiennent bon. Communes, départements, régions : ce sont les collectivités qui gèrent crises et tensions sociales, assurent la présence quotidienne de la République. Quand on leur fait confiance, elles savent agir.
Ce texte n'instaure pas des privilèges, mais reconnaît un engagement le plus souvent bénévole. En particulier, il faut permettre aux femmes et aux jeunes d'exercer un mandat sans renoncer à leurs droits sociaux.
Nous regrettons le rétablissement de la prise illégale d'intérêts entre deux intérêts publics, qui risque d'entraîner le retour de la suspicion ; des amendements ont été déposés pour y remédier.
Idem du serment obligatoire pour les élus. Certes, sur 35 000 personnes, il peut y avoir des brebis galeuses. Mais qui peut penser que les maires ne respectent pas les valeurs républicaines ? Ils les incarnent ! Ni les parlementaires, ni les ministres, ni le Président de la République ne prêtent un tel serment, qui sera ressenti comme accusatoire et engendrera de nouveaux contentieux.
Les élus locaux ne demandent pas des privilèges, mais du respect, de la protection, et les moyens d'agir. La République ne vit pas dans les hémicycles, mais dans nos communes, nos quartiers, nos villages, à travers ceux qui s'engagent au service de l'intérêt général. En défendant nos élus locaux, nous défendons l'ensemble des habitants du pays.
L'engagement local mérite sécurité, protection et reconnaissance.
Nous voterons ce texte, que nous saluons. Ce n'est pas une fin en soi, mais un chemin pour aboutir à un véritable statut de l'élu local. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Bernard Delcros . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Louis Vogel et Éric Gold applaudissent également.) Qui peut contester que les élus locaux jouent un rôle central dans la cohésion sociale ? Qu'ils sont un pôle de stabilité ? Qu'ils détiennent les clés des transitions que nous devons réussir ? Qu'ils font vivre notre République, au plus proche des habitants ?
Pourtant, ils font face à des normes toujours plus contraignantes, aux incivilités et aux violences, aux risques juridiques.
Cette proposition de loi est très attendue des maires, car elle apporte des avancées concrètes.
Deux mesures toutefois sont à corriger. Première remarque : augmenter les indemnités des maires et adjoints dans les petites communes sans augmenter en parallèle la dotation particulière « élu local » (DPEL) serait une tromperie ; les communes n'auront pas les moyens. Il faudra que les crédits inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) suivent.
Deuxième remarque : le texte de l'Assemblée nationale interdit à un maire d'une petite commune, qui serait également secrétaire de mairie ou agent communal dans une commune membre du même EPCI, de siéger au conseil communautaire, au motif d'un supposé conflit d'intérêts. C'est parfaitement injustifié, et contraire à l'objectif d'encourager l'engagement citoyen dans les petites communes ! Je défendrai un amendement pour supprimer cette incompatibilité. Idem pour le risque de conflit public-public.
Merci, madame la ministre, de votre engagement ancien en faveur du statut de l'élu ; le groupe UC votera cette belle avancée pour la démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe INDEP et du RDSE)
M. Loïc Hervé. - Bravo !
M. Hervé Reynaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Plus un jour sans qu'un maire ne démissionne... Ces maires jettent l'éponge, car ils ne peuvent plus exercer leur mandat dans de bonnes conditions : menaces, insultes, agressions, inflation juridique et normative, désengagement de l'État, manque d'accompagnement, tensions au sein des conseils municipaux, travail sous pression, les raisons sont multiples.
Comment notre République reconnaît-elle ceux qui s'engagent et la font vivre ? Cette proposition de loi est une réponse forte et attendue.
Il faut d'abord valoriser l'engagement public, en améliorant les conditions d'exercice du mandat, la conciliation avec la vie professionnelle et personnelle. L'amélioration du régime indemnitaire n'est pas une fin en soi, mais elle est nécessaire. La valorisation de l'engagement au moment de la retraite est également positive.
Il convient aussi de mieux protéger les élus. Le texte lève certaines ambiguïtés de la législation sur la prise illégale d'intérêts qui exposent des élus de bonne foi à des risques juridiques. L'octroi automatique de la protection fonctionnelle est à saluer.
Donnons au mandat d'élu local les moyens de rester le plus beau des mandats !
Avec ce texte, nous faisons un choix politique fort : celui de valoriser l'engagement républicain, de protéger ceux qui incarnent la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Jeanne Bellamy . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte est attendu de longue date. Le premier rapport du Sénat sur le statut de l'élu local remonte à janvier 1982 ! Les élus locaux sont en première ligne, sur le terrain : gilets jaunes, crise sanitaire, inflation, flambée des prix de l'énergie, incertitudes politiques et budgétaires. Rien ne leur aura été épargné.
Si la vocation est toujours là, nos élus sont trop souvent empêchés, fatigués de la lourdeur administrative et de l'absence d'accompagnement, dans une société fragmentée et toujours plus exigeante. Ils demandent plus de simplification et une adaptation des conditions d'exercice à la société d'aujourd'hui. Ils attendent un texte concret, leur permettant de mieux concilier mandat et vie professionnelle et personnelle, d'exercer au mieux leurs missions, d'envisager plus sereinement l'après-mandat.
Nos élus sont engagés, mais leur dévouement ne doit plus rimer avec sacrifice personnel. Donnons-leur les réponses tant attendues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Françoise Gatel, ministre. - Je salue vos interventions : au-delà de nos différences, vous avez tous exprimé un sens de la responsabilité, une volonté de faire prospérer un texte dont le chemin n'a pas toujours été tranquille. Nous voulons que la nation reconnaisse ses serviteurs. Je rappelle que 80 % des 500 000 élus locaux ne perçoivent aucune indemnité ; ils sont courageux, généreux, bienveillants. Dans notre société fracturée, où prospère l'individualisme, ils sont un rempart. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du RDSE)
Demande de réserve et de priorité
Mme Françoise Gatel, ministre. - En application de l'article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, je demande la réserve des articles 3 et des amendements portant article additionnel s'y rapportant, ainsi que l'examen en priorité des articles 26 et 27, ce soir à 21 h 30. Il s'agit des articles concernant les retraites. Le ministre des affaires sociales sera au banc.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. - Avis favorable.
La réserve et la priorité sont ordonnées.
La séance, suspendue à 15 h 45, reprend à 16 h 20.