Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole, ainsi que l'a rappelé la conférence des présidents la semaine dernière : deux minutes par orateur, à l'exception de M. le Premier ministre, qui n'abusera pas de son privilège. (Sourires)

Politique de la ville

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 27 octobre 2005, Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, perdaient la vie dans un transformateur électrique de leur cité. (Murmures d'agacement sur quelques travées du groupe Les Républicains) Nous pensons à eux et à leur famille. Ce drame fut source d'affrontements entre les habitants du quartier et la police. L'histoire se répète en 2023, avec onze jours d'émeutes et de lourds dégâts dans de nombreuses communes.

Les faits ne se résument pas à la question sécuritaire : Zyed et Bouna n'avaient rien fait de répréhensible.

L'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) nous alerte depuis des mois sur le manque de crédits. Il faut davantage soutenir les acteurs, souvent associatifs, qui agissent dans ces quartiers. D'un quartier prioritaire de la politique de la ville à l'autre, l'action menée depuis 2017 n'est pas à la hauteur des attentes. Sur quels points entendez-vous agir en priorité pour que les habitants de ces quartiers se sentent membres à part entière de la communauté nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement .  - Votre question prend un sens particulier, vingt ans après les émeutes de Clichy-sous-Bois. Le Gouvernement est aux côtés des six millions de nos concitoyens qui vivent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville : nous leur devons la même égalité des chances, la même promesse républicaine. Nous sommes aux côtés de l'Anru, qui mène un travail formidable pour que ces quartiers retrouvent un visage dont les habitants puissent être fiers.

Sans la politique de la ville, sans l'aide que ma famille a reçue dans les quartiers de la politique de la ville de L'Haÿ-les-Roses où j'ai grandi, je ne serais pas ici devant vous. C'est dire si j'y suis attaché, même s'il faut la rationaliser, la rendre plus efficace. La politique de la ville est évolutive. Nous soutiendrons tout ce qui ira dans le bon sens pour donner une espérance et des chances aux habitants de ces quartiers.

Le dernier comité interministériel des villes (CIV), qui a réuni tous les acteurs et partenaires, a proposé 43 mesures, dont je m'engage à assurer le suivi. L'une me tient particulièrement à coeur, la relation entre la police et la population (M. Yannick Jadot s'exclame) : nous doublerons le nombre de délégués à la cohésion police-population. Nous devons la sécurité et la tranquillité publique à ces habitants, c'est un préalable. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Yannick Jadot proteste.)

M. Franck Montaugé.  - La ségrégation spatiale n'est pas admissible : il ne saurait y avoir de citoyens de seconde zone. L'égalité républicaine doit demeurer un objectif majeur, avec à tout le moins un égal accès aux services publics. (MM. Stéphane Ravier et Joshua Hochart s'exclament.)

Le Gouvernement devrait valoriser positivement ces quartiers. Nous devons beaucoup à leurs habitants, qui sont souvent des travailleurs de première ligne. Ne parlons pas d'eux seulement en période de crise ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE-K)

Effort budgétaire imposé aux collectivités territoriales

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Le projet de loi de finances pour 2026 impose aux collectivités territoriales un effort sans précédent : 8 milliards d'euros, entre mesures directes et indirectes.

Leur dette ne représente que 8 % de la dette publique nationale. Pourtant, elles vont subir la moindre compensation des impôts économiques supprimés, le resserrement du FCTVA, le gel de la DGF, la baisse du fonds vert, l'augmentation de la TGAP...

Le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités (Dilico) sera doublé, à 2 milliards d'euros, doublant le nombre de collectivités concernées. L'État puise dans les comptes des collectivités pour alimenter sa trésorerie ! Pire, les contributions ne seront restituées que si l'évolution des dépenses est inférieure à l'inflation - autant dire que ce n'est pas pour demain.

Comment le Gouvernement peut-il justifier un tel transfert de charges vers les territoires, alors que la moitié de la hausse de la dette publique découle directement des exonérations et baisses d'impôts décidées par l'État depuis 2017 ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - Le Premier ministre l'a dit : ce budget est un budget de responsabilité et d'exigence. Nous avons collectivement la responsabilité de redresser notre budget pour corriger nos déficits. L'effort demandé est exigeant pour tout le monde.

M. Mickaël Vallet.  - Pour les rentiers, moyennement !

Mme Françoise Gatel, ministre.  - J'entends qu'il est exigeant pour les collectivités.

Le débat arrivera bientôt au Sénat. Le Gouvernement a tenu sa parole sur le budget 2025 : les 30 % de prélèvements liés au Dilico seront bien restitués, et nous respecterons le déficit de 5 %.

Ce projet de budget garantit la stabilité de la DGF, qui a augmenté de 790 millions d'euros ces dernières années. Il réaffirme la solidarité territoriale : la dotation de solidarité rurale augmente de 150 millions d'euros, la dotation de solidarité urbaine, de 140 millions. Le fonds de sauvegarde des départements passe de 100 à 300 millions d'euros. (Mme Cathy Apourceau-Poly s'exclame.) La dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales, à 110 millions d'euros. Nous augmentons la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités touchées par des évènements climatiques ou géologiques (DSECG) de 40 millions. Enfin, nous tenons nos promesses en portant le nombre d'entités France Services à 2 900.

Au-delà des débats sur le PLF, je vous invite à conduire un travail collectif exigeant sur la réduction des normes, pour que nous parvenions à des dépenses intelligentes. (Exclamations ironiques à gauche)

Mme Marie-Claude Varaillas.  - On ne peut prétendre faire confiance aux élus locaux tout en les mettant à genoux financièrement ! Le Gouvernement annonce une nouvelle étape de décentralisation, mais met à mal le principe de libre administration des collectivités territoriales, piliers du service public et de l'investissement local.

Dans nos communes, cela signifie des chantiers reportés, des emplois supprimés, des projets compromis. Cette nouvelle purge, sous prétexte de rétablir les équilibres financiers, menace gravement la mise en oeuvre du pacte républicain. Nous nous y opposerons avec détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)

Lutte contre la fraude

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Alors qu'une fièvre fiscale délirante s'est emparée de l'Assemblée nationale, on ne s'attaque pas à l'éléphant au milieu de la pièce qu'est la fraude. L'impôt universel voté hier rapporterait 20 milliards d'euros - avant de dévitaliser notre économie. La fraude fiscale, c'est 100 milliards d'euros de pertes annuelles. La fraude sociale, 30 milliards. Le blanchiment, 50 milliards, avec 2 % de recouvrement - pas de quoi pavoiser. La fraude carrousel à la TVA, entre 20 et 25 milliards d'euros.

Votre projet de loi de lutte contre la fraude, texte parcellaire, ramasse-miettes, n'y suffira pas. Rien sur les saisies ou confiscations, rien sur le blanchiment, la corruption, presque rien sur la fraude fiscale.

La lutte contre les fraudes et la criminalité organisée n'est ni de droite ni de gauche : c'est un combat républicain. Plutôt que de taxer toujours plus les contribuables et les entreprises, écoutez donc les propositions du groupe centriste ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Loïc Hervé.  - Excellent !

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État .  - Je salue votre engagement constant sur ces sujets. Ce matin, la commission des finances du Sénat a étudié votre proposition de loi contre le blanchiment. Je salue ses rapporteurs, MM. Sautarel et Reynaud.

Le Gouvernement présente un projet de loi très ambitieux contre la fraude. Il dote la lutte contre la fraude sociale - tant la fraude aux prestations que la fraude aux cotisations - des mêmes instruments qu'en matière de lutte contre la fraude fiscale.

Ce projet de loi a vocation à être complété, enrichi, au cours du débat parlementaire ou via d'autres travaux comme votre proposition de loi. Nous sommes à votre disposition pour y travailler. Je vous proposerai bientôt une réunion avec les services de Bercy pour déterminer les instruments les plus efficaces. Nos débats techniques sont de bons débats (Mme Nathalie Goulet acquiesce), car ils montrent que nous partageons l'objectif.

Mme Nathalie Goulet.  - La semaine dernière, j'ai accompagné le Premier ministre lors d'une visite à la direction des enquêtes fiscales. On nous a félicités pour la loi sur le narcotrafic, pour la baisse du seuil sur les prix de transfert, pour la fin du verrou de Bercy - une croisade de plus de cinq ans, menée avec Éric Bocquet.

Faites donc confiance au Sénat ! Écoutez nos propositions ! L'administration est parfois une grosse marmotte (sourires) : je vous propose de la réveiller ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)

Fragilisation du monde associatif

Mme Mathilde Ollivier .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Un immense plan social silencieux se prépare : celui du monde associatif. Quelque 90 000 salariés sont sur la sellette. Un tiers des associations ont moins de trois mois de trésorerie. Ce désastre n'a rien d'un hasard : ces budgets en chute libre sont le résultat de vos choix politiques, madame la ministre.

Alors que les 1,4 million d'associations continuent, avec leurs salariés et leurs bénévoles, de porter à bout de bras la solidarité et la cohésion sociale, jamais le monde associatif n'a été autant fragilisé. Le 11 octobre, des milliers de bénévoles se sont mobilisés pour vous alerter : « Cela ne tient plus ! ». Ils donnent leurs soirées, leurs week-ends pour défendre l'intérêt général et maintenir le lien social. Ils ne demandent ni compassion, ni grands discours, mais des moyens.

Allez-vous leur donner des budgets à la hauteur des enjeux ou soutiendrez-vous ceux qui, à droite et à l'extrême droite, veulent restreindre les libertés associatives ? Laisserez-vous mourir ces structures qui font vivre nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Mme Marina Ferrari, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - Merci de l'hommage que vous avez adressé à ces associations : sans elles, la France n'aurait pas le même visage. (Mme Laurence Rossignol s'exclame.)

Les difficultés que rencontrent les associations sont réelles et le Gouvernement a entendu leurs demandes.

C'est ainsi que les crédits de mon ministère sont sanctuarisés dans le projet de budget pour 2026. Je pense notamment au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), à hauteur de 70 millions d'euros, ainsi qu'au fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep). Le projet de budget prévoit aussi le maintien du régime des déductions fiscales, pour un coût de 4 milliards d'euros. Nous prévoyons aussi de relever le plafond de la niche Coluche de 1 000 à 2 000 euros pour encourager la générosité des Français.

Vous avez raison de rappeler que la liberté associative est l'un des piliers de notre démocratie ; le Gouvernement défend l'esprit de la loi de 1901.

Mme Mathilde Ollivier.  - Les associations ont besoin de stabilité fiscale. Ce sont vos politiques qui provoquent les défaillances : fin du Pass'Sport, non-compensation de la prime Ségur, recul de l'aide au développement, contrat d'engagement républicain. Vous avez le pouvoir de revenir sur ces mesures, c'est une question de volonté politique ! (Applaudissements sur les travées du GEST, sur plusieurs travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

Application de la loi Duplomb

M. Laurent Duplomb .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans un État de droit, le Parlement légifère, l'exécutif exécute, la justice juge.

M. Yannick Jadot.  - Ah !

M. Laurent Duplomb.  - Pour bien exécuter, les agents de l'État doivent faire primer leurs missions sur leurs convictions personnelles. Comment accepter que des fonctionnaires laissent transparaître leur militantisme dans l'exercice de leurs fonctions ? (Murmures désapprobateurs à gauche)

Au mépris de leur devoir de réserve, certains fonctionnaires, comme ceux de l'association Le Lierre, critiquent publiquement les politiques agricoles. (Exclamations amusées à gauche) C'est inadmissible !

Malheureusement, cela ne s'arrête pas là : le premier représentant de l'État dans la Vienne est rétif à l'application de la loi !

L'article 5 de la loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, en vigueur depuis le 13 août, impose une analyse socioéconomique pour chaque étude touchant à l'eau destinée à l'agriculture.

Or le préfet de la Vienne reste sourd aux demandes de la profession sur le bassin du Clain et s'assoit carrément sur la loi en refusant d'intégrer les conclusions de l'étude socioéconomique réalisée par les organisations agricoles et qui est sans appel -  300 emplois menacés et 40 millions d'euros de pertes économiques !

À quoi bon légiférer si l'exécutif n'applique pas la loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Stéphane Fouassin applaudit également.)

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique .  - Les agents auxquels vous avez fait des reproches font leur travail, dans le respect des lois de la République.

L'article 5 a été pleinement respecté : les études obligatoires ont été réalisées. Mais votre loi instaure aussi un équilibre entre protection de la ressource en eau et devenir de nos agriculteurs. Votre loi a donc été pleinement respectée.

J'ajoute que les volumes prélevables doivent respecter les ressources disponibles et non les besoins théoriques -  c'est une question de responsabilité collective.

M. Yannick Jadot.  - Eh oui, il n'y a pas d'eau magique !

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué.  - Nous devons évidemment accompagner les agriculteurs et faire en sorte que la transition ne soit pas brutale. C'est tout le sens de l'action d'Annie Genevard, sous l'autorité du Premier ministre.

M. Marc-Philippe Daubresse.  - C'est bien une réponse de haut fonctionnaire !

M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué.  - Les conférences de l'eau sont aussi là pour aider nos agriculteurs à assurer cette transition écologique.

Votre proposition de loi sera appliquée : le Gouvernement s'y engage. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Bernard Jomier.  - Pas mal !

M. Laurent Duplomb.  - L'étude socioéconomique n'a pas été prise en compte. Alors que 300 emplois sont menacés et que les pertes s'élèvent à 40 millions d'euros, comment expliquer que les prélèvements soient réduits de moitié ?

M. le Président.  - Il faut conclure !

M. Laurent Duplomb.  - Qui peut penser qu'avec l'évolution du climat, l'agriculture peut se passer d'eau ? Personne ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Yannick Jadot.  - C'est ça le problème.

Budget 2026

M. François Patriat .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Entre la rigueur budgétaire aveugle et la démagogie complaisante, il est un chemin, celui de la responsabilité éclairée.

Le RDPI a une conviction inébranlable : maintenir le déficit en dessous de 5 % est une nécessité. Il faut des décennies pour construire, un budget pour détruire. La parole de la France ne se brade pas -  il y va de la sécurité financière de tous les Français.

Mais la rigueur sans discernement est une impasse. Nous devons veiller à l'équité territoriale et nous n'abandonnerons pas les territoires les plus vulnérables, au premier chef les outre-mer.

Le RDPI défendra toujours la valeur travail et ceux qui produisent la richesse de la nation, ces classes moyennes qui sont l'épine dorsale de notre République. Or nous voyons la dangereuse tentation de l'Assemblée nationale : taxer toujours plus.

M. Jean-François Husson.  - Vous avez raison !

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. François Patriat.  - Confondre patrimoine professionnel et patrimoine personnel, c'est affaiblir notre tissu économique. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous prendre l'engagement qu'aucune taxation mélangeant patrimoines personnel et professionnel ne sera décidée par votre Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre .  - Monsieur le Président, permettez au Gouvernement de s'associer à votre hommage aux parlementaires qui nous ont quittés, avec une pensée particulière pour l'ancien sénateur de l'Eure, Joël Bourdin.

Premier point : les dispositifs en faveur des outre-mer sont souvent du rattrapage - je pense à la Lodeom, notamment. J'ai demandé à Mmes Amélie de Montchalin et Naïma Moutchou de réunir très vite les parlementaires ultramarins, car les efforts budgétaires demandés sur les niches fiscales et sociales ne sont pas adaptés localement. Le risque de stop and go pourrait avoir un effet délétère sur la vie économique locale.

Mme Catherine Conconne.  - Bravo !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Il faut donc des mesures d'adaptation rapide, tenant compte des situations locales. J'espère que, malgré une Assemblée nationale sans majorité, nous réussirons à adapter ces niches fiscales et sociales, vieilles de dix à quinze ans, aux réalités économiques de chacun de ces territoires.

Nous devons régler l'urgence, mais aussi en profiter pour adapter les dispositifs, tout particulièrement en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, qui connaissent des situations spécifiques. Les élites parisiennes ne regardent pas suffisamment la question ultramarine. Nous ne pouvons pas nous lancer dans une réflexion sur notre organisation territoriale sans prendre en considération nos outre-mer.

Deuxième point, quelques principes pour organiser les débats budgétaires à l'Assemblée nationale et au Sénat. Je me rendrai à l'Assemblée dans les prochains jours pour m'investir dans les débats.

Je considère tout d'abord qu'il ne faut pas refuser par principe la question de la justice fiscale et de la progressivité de l'impôt pour les 0,01 % des contribuables les plus riches -  il y a en effet un léger tassement de la courbe. Ne balayons pas ce débat d'un revers de main ; nous devons à nos concitoyens des réponses, notamment techniques.

Deuxième point, comme l'a dit Mme la sénatrice Goulet, il est particulier de voter des réformes fiscales avant de s'être assuré que les précédentes sont appliquées. C'est pourquoi j'ai voulu que la lutte contre les fraudes fiscale et sociale soit inscrite à l'ordre du jour du Parlement. On parle de 20 milliards d'euros non prélevés, pour une fraude plus fiscale que sociale.

Les services de l'État se trouvent parfois dans une préhistoire numérique - sans parler de marmotte... (MM. Jean-François Husson et Loïc Hervé s'exclament.) Les travaux du Sénat ont montré que nous devons décloisonner, croiser les fichiers, adapter la loi.

M. Pascal Savoldelli.  - Mais c'est une nouvelle déclaration de politique générale !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - J'essaie simplement d'être précis et complet.

Troisième point : l'optimisation fiscale. Ces 0,01 % ont la capacité de s'adapter à la loi fiscale. Il y a donc deux types de contribuables : ceux qui peuvent -  ou savent  - optimiser et les autres. Cette question doit être traitée. Elle pose notamment la question des dépenses somptuaires et celle de notre dispositif de protection de la transmission d'entreprise. (Marques d'impatience à gauche) Pardon d'être long, monsieur le président.

M. le président.  - Maîtrisez tout de même le temps, monsieur le Premier ministre ! (Sourires)

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Je me rattraperai après, en me taisant.

M. Jean-François Husson.  - Ça ne se passe jamais comme ça !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - On est en train de déconnecter progressivement le débat fiscal de la question de la croissance, de l'attractivité et de l'emploi. Mais nous ne vivons pas sur une île ! D'autant que certaines dispositions fiscales n'auraient de sens qu'à l'échelon européen, voire mondial.

Comme aurait dit le président Pompidou : « Ne vendez pas la vache ! » Toucher à la croissance, c'est tuer la vache et renoncer à avoir du lait. Voilà un principe qui doit guider nos débats ici et à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Taxe Zucman

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Depuis quelques jours, le concours Lépine des taxes les plus déjantés (protestations à gauche) bat son plein à l'Assemblée, mené par les pistoleros de la justice fiscale.

M. Jean-François Husson.  - Très bien !

M. Claude Malhuret.  - Permettez-moi de vous raconter l'histoire de la vache de Zuc.

Le paysan Zuc n'est pas trop fort en économie, il n'a qu'une vache, qui n'a que la peau sur les os et qui ressemble plus à une vache sacrée famélique d'Inde qu'à une belle charolaise du Bourbonnais. (Rires à droite)

Un matin, Zuc se lève, et c'est le drame : la vache est morte. Zuc tombe à genoux : « Mon Dieu, pourquoi as-tu tué ma vache ? » Il entend alors une voix formidable venue d'en haut : « Zuc, tu me casses les oreilles. Que se passe-t-il ? »

Zuc : « Mon Dieu, tu as fait mourir ma vache. »

La voix : « Je ne l'ai pas tuée : tu l'as à peine nourrie depuis six mois. Mais que puis-je faire pour t'aider ? Veux-tu que je la ressuscite ? » (Murmures désapprobateurs à gauche)

M. Pascal Savoldelli.  - C'est une thérapie !

M. Claude Malhuret.  - Zuc : « Non, Mon Dieu, je veux simplement la justice : tue la vache de mon voisin. » (Applaudissements et rires sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

Appauvrir les uns pour enrichir les autres, c'est la recette séculaire de l'enfer pavé de bonnes intentions du camp du bien. Ça n'a jamais enrichi personne, ça ruine tout le monde.

M. Yannick Jadot.  - Et la Révolution française ? Et 1789 ?

M. Claude Malhuret.  - La France crève d'un excès de dépenses, de dette et de taxes, mais depuis huit jours, des centaines d'amendements créent de nouveaux impôts. Monsieur le Premier ministre, résistez ! Moins d'impôts, moins de dépenses publiques, plus d'emploi, plus de liberté ! (Exclamations ironiques à gauche ; applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. le président.  - Veuillez conclure. (Les sénateurs du groupe SER protestent et tapent sur leurs pupitres pour signifier que le temps de parole est épuisé.)

M. Claude Malhuret.  - (La voix de l'orateur est presque couverte par le brouhaha.) Que comptez-vous faire face à cette assemblée saisie de folie fiscale ?

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre .  - « Ne vendez pas la vache », disait le président Pompidou. Cela pose la question du patrimoine professionnel. Notre vie économique a besoin de capitaux, de préférence français.

Quand j'étais ministre des armées, dès qu'une PME de la défense était en difficulté, certains plaidaient pour un plan de sauvegarde, d'autres pour une nationalisation.

Décourager les capitaux français de rester en France, et les capitaux européens de rester en Europe, nous rend vulnérables et ouvre notre appareil productif à des capitaux étrangers -  chinois, américains, etc.

On ne peut pas déconnecter le débat sur la fiscalité de la question de l'économie, de l'attractivité et de la croissance. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du RDPI) Le débat technique permettra d'aller plus loin que le seul débat politique.

Monsieur Malhuret, vous avez été ministre chargé des droits de l'homme : nous devons respecter notre Constitution, qui ne s'applique pas à la carte. (M. Yannick Jadot approuve.) L'État de droit doit être respecté en toutes circonstances.

L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen établit le principe d'égalité devant l'impôt, mais pose aussi la question de la capacité contributive. N'allons pas vers des dispositifs fiscaux confiscatoires, qui seraient inconstitutionnels : voilà un principe susceptible de guider les débats au Parlement, en tout cas au Sénat. (Mme Silvana Silvani ironise.)

Enfin, on ne peut décorréler les dépenses des recettes. Nous devons avancer sur des mesures pluriannuelles d'économies structurelles, notamment la réforme de l'État. Il faut que le Gouvernement discute avec les formations politiques sur le PLFSS, notamment sur le gel des minima sociaux et des petites retraites. Une première réunion sur la réforme de l'État, les agences, la décentralisation et l'adaptation des politiques publiques, s'est tenue avec les ministres. Il est grand temps de sortir de la myopie de notre annualité budgétaire. Voyons plus loin que le bout de notre nez !

M. Jean-François Husson.  - C'est un autre sujet...

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Aux derniers parlementaires qui douteraient de notre engagement, je dis que la volonté de compromis doit être partagée. Si nous sommes prêts à avancer sur un certain nombre de vos demandes, un consensus sur la réforme de l'État s'impose, sans démagogie, sans fonctionnaires-bashing, sans opposer les collectivités territoriales et l'État.

Repartons de zéro et faisons preuve de créativité : c'est le seul chemin pour sortir le pays des difficultés actuelles. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.

Difficultés de la médecine du travail

M. Éric Gold .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La médecine du travail est le premier maillon de la prévention au travail. Elle protège la santé physique et mentale des salariés, réduit les risques d'accidents et de maladie professionnelle et évite des pathologies plus lourdes et plus coûteuses pour la collectivité.

Mais, aujourd'hui, ce pilier vacille. Dans le privé, près d'un tiers des salariés n'ont pas de suivi régulier Dans le public, des milliers d'agents n'ont jamais rencontré de médecin du travail. Dans certains territoires ultramarins, ce service n'existe même pas...

Dans le Puy-de-Dôme, on compte parfois jusqu'à quatre semaines d'attente pour un rendez-vous. Après un arrêt de travail, si des aménagements de poste sont nécessaires, une visite de reprise est requise dans les huit jours. Or certaines visites ne peuvent se faire dans les délais, contraignant les salariés à prolonger leur arrêt ou à prendre des congés, alors qu'ils sont aptes à travailler. C'est ubuesque, surtout dans le contexte budgétaire actuel.

Malgré la suppression du numerus clausus, la médecine du travail n'attire plus, réduisant la prévention et entraînant une fatigue accrue pour les médecins qui restent.

Comment rendre de l'attractivité à la médecine du travail ? Envisagez-vous de simplifier les procédures, par exemple avec un suivi infirmier encadré à la place des visites de reprise ? La médecine du travail n'est pas un coût, mais un investissement : elle mérite mieux qu'une ordonnance de pénurie. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Mickaël Vallet et Marc Laménie et Mme Sonia de La Provôté applaudissent également.)

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Avec Jean-Pierre Farandou, nous nous sommes engagés à améliorer la situation. Je remercie tous les professionnels engagés pour la santé au travail, qui sont en nombre insuffisant.

Parlementaire, j'ai défendu des mesures ; je continuerai comme ministre. Une réponse de court terme comme le partage des compétences peut améliorer la situation.

Nous formons 20 à 30 % de médecins supplémentaires, mais il faut du temps pour qu'ils soient opérationnels. Cette année, nous triplerons le nombre de praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) dans la santé au travail.

Au printemps dernier, une mission de l'Igas a été lancée. Elle rendra ses travaux prochainement.

C'est un enjeu de prévention majeur, car la médecine du travail réduit les coûts en santé. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Calendrier d'examen de la proposition de loi Trace

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.) J'associe Guislain Cambier, Amel Gacquerre, Jean-Marc Boyer, Daniel Guéret et Jean-Claude Anglars à cette question.

Monsieur le Premier ministre, le 15 octobre dernier, vous nous avez présenté un Gouvernement de mission et d'objectifs. Vous avez parlé de confiance, d'efficacité, de réforme de l'action publique, de décentralisation et de sens retrouvé, mots forts que nous partageons tous.

Mais, dans nos territoires, cette feuille de route a un goût d'inachevé : pas un mot sur la transition écologique, la sobriété foncière ni le ZAN. (On renchérit sur les travées du groupe Les Républicains.) Actuellement, le ZAN fige les territoires et retarde les projets de logements, de réindustrialisation et d'énergies renouvelables.

Le 18 mars dernier, le Sénat a adopté à une large majorité la proposition visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace). Trace n'est pas une remise en cause du ZAN, mais une méthode contractuelle fondée sur la concertation, qui redonne confiance aux maires, réconcilie écologie et cohérence territoriale et place la sobriété foncière sous le signe du bon sens.

Les élus sont prêts, tout le monde attend ce texte. Pourquoi attendre février prochain pour l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? Les élus ont besoin d'un cadre clair. Le ZAN est un objectif, Trace en est la trajectoire. Pourquoi le Gouvernement n'inscrit-il pas à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale cette proposition de loi dès les prochaines semaines ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP)

Mme Frédérique Puissat.  - Très bien !

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - Je reconnais votre détermination et l'endurance du Sénat sur ce sujet.

Le Gouvernement inscrira cette proposition de loi à l'ordre du jour dans les prochaines semaines, à tout le moins dès la rentrée de janvier. Je salue également les sénateurs Boyer, Gacquerre et Guéret qui ont coécrit avec vous un courrier au Premier ministre. Nous ne pouvons ignorer l'exigence de frugalité foncière, quand on consomme en 50 ans autant qu'en 500 ans.

M. Vincent Louault.  - C'est incroyable !

Mme Françoise Gatel, ministre.  - Le ZAN est une disposition normative mal calibrée, qui ne prend pas suffisamment en compte la différenciation des territoires. Entreprenons un dialogue sur la proposition de loi Trace. Le Parlement est composé de deux chambres et l'Assemblée nationale a un autre point de vue. Mais nous tâcherons de rapprocher les points de vue pour sortir de l'impasse. (M. François Patriat applaudit.)

Justice fiscale

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Deux économistes de renommée mondiale, Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, et Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, soutiennent la taxe proposée par Gabriel Zucman sur les très hauts patrimoines. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Pourquoi ? Notre système fiscal permet aux ultra-riches de s'affranchir de la solidarité nationale. Pendant que leur patrimoine s'envole, passant de 200 milliards d'euros en 2015 à plus de 1 200 milliards désormais, leur contribution diminue : les 0,01 % les plus riches sont imposés deux fois moins que le reste de la population. Où est la justice ? L'égalité ?

Pourtant, l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est clair : la contribution commune doit être également répartie en fonction des facultés de chacun. Joseph Stiglitz le dit : la France peut montrer l'exemple au monde. Olivier Blanchard le confirme : la taxe Zucman est nécessaire et plus efficace que la taxe holding.

Les Français soutiennent cette taxe à 86 %. Pourtant, votre Gouvernement refuse cette mesure et ne propose aucune alternative crédible. Or c'est à vous qu'il revient de proposer une solution consensuelle et des ressources fiscales, pour plus de justice fiscale. Refuser d'agir, c'est augmenter les franchises médicales, geler les APL ou l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Monsieur le Premier ministre, proposerez-vous enfin une contribution significative des hauts patrimoines ou persisterez-vous à protéger les fortunes les plus colossales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K et du GEST)

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État .  - Pour être acceptés, les efforts doivent être partagés. Le problème de la France, ce n'est pas que les impôts sont trop bas, c'est qu'ils sont trop élevés ! (M. Jean-François Husson s'exclame.)

Les taux d'imposition sont à un niveau record. Mais l'impôt est souvent contourné, illégalement ou légalement : le Premier ministre veut lutter contre la suroptimisation fiscale.

Je ne puis pas vous laisser dire que le Gouvernement ne se serait pas emparé de cette question. Regardez les dispositions du projet de loi de finances initial : prolongation de la contribution différentielle sur les hauts revenus, taxe sur les holdings, notamment. Les débats enrichiront ces propositions.

Le débat sur la justice sociale ne saurait être uniquement fiscal : c'est aussi les emplois, les salaires (M. Yannick Jadot approuve), la réindustrialisation. Il ne faut pas que le projet de loi de finances détricote nos actions engagées par ailleurs.

M. Thierry Cozic.  - Huit ans que vous êtes aux responsabilités !

M. David Amiel, ministre délégué.  - En 1981, le gouvernement le plus à gauche de la Ve République avait décidé de ne pas toucher aux biens professionnels, en raison des risques pour l'économie française.

M. Yannick Jadot.  - La famille Bettencourt !

M. David Amiel, ministre délégué.  - Tirons les leçons du passé et protégeons notre économie, ou ce sont les classes populaires et moyennes qui paieront la facture ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Projet de loi sur la simplification de la vie économique

M. Rémy Pointereau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, je vous adresse cette question au nom de la commission spéciale que je préside.

Le projet de loi sur la simplification de la vie économique, adopté en octobre 2024 au Sénat et en juin dernier à l'Assemblée nationale, est à l'arrêt depuis six mois. Pourtant, avec les rapporteurs Catherine Di Folco et Yves Bleunven, nous l'avons enrichi de mesures concrètes, notamment le test PME défendu par Olivier Rietmann.

Ce texte est très attendu par les TPE-PME au moment où nous allons vers un record de défaillances, notamment dans l'automobile et le bâtiment. Les entreprises ne veulent pas plus d'aides, mais de la stabilité, de la confiance et, surtout, de pouvoir travailler librement !

Que penser de l'avalanche de paperasses liée aux obligations d'information sociale et environnementale dans le logement, du passage en force vers le tout-électrique, de la fiscalité punitive qui envoie toute la filière automobile dans le mur ?

Plutôt que de persister dans un délire fiscal, agissez sur la véritable urgence : la folie normative, qui coûte près de 100 milliards d'euros par an, dont 5 aux collectivités locales. Voilà où se trouvent les vraies économies possibles : près de 3,5 % de notre PIB !

Confirmez-vous que, lorsque la CMP aura trouvé un compromis, le texte sera inscrit immédiatement à l'ordre du jour, et avec quel ministre au banc du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, du tourisme et du pouvoir d'achat .  - La simplification de la vie économique est un enjeu majeur. De ce point de vue, le test PME est une disposition particulièrement intéressante.

Accélérer l'activité économique, stimuler la croissance, renforcer la confiance : voilà nos enjeux. Ce projet de loi a fait l'objet de longs débats. Je remercie les parlementaires qui se sont engagés sur ce texte. Vous connaissez les contraintes du calendrier actuel, qui donne la priorité au budget.

M. Laurent Burgoa.  - C'est compliqué...

M. Serge Papin, ministre.  - Je vais vous faire une confidence : je me suis plongé dans ce texte. C'est compliqué de s'occuper de la simplification... (Sourires sur certaines travées ; quelques murmures désapprobateurs à droite)

Antisémitisme à l'université

M. Pierre-Antoine Levi .  - Il y a quelques jours, en pleine université Paris-VIII, une scène inqualifiable : 200 étudiants réunis pour un événement où le terrorisme était ouvertement célébré et où les massacres du 7 octobre étaient légitimés. Des appels à s'armer ont été lancés, des figures emblématiques du terrorisme ont pris la parole et Georges Ibrahim Abdallah, condamné à perpétuité, a été présenté comme un révolutionnaire glorieux.

M. Loïc Hervé.  - Un humaniste...

M. Pierre-Antoine Levi.  - Mariam Abu Daqqa, cadre d'une organisation considérée comme terroriste par l'Union européenne, a incité à la violence.

Monsieur le ministre de l'enseignement supérieur, comment tolérer qu'une université offre une tribune aux représentants d'organisations terroristes ? Vous avez convoqué le président de Paris-VIII : qu'en est-il ressorti ?

M. Roger Karoutchi.  - Rien !

M. Pierre-Antoine Levi.  - Quelles mesures concrètes avez-vous prises ?

Le garde des sceaux vient de signer une circulaire appelant à la plus grande fermeté dans les affaires d'antisémitisme à l'université. Je le remercie, car l'impression donnée dans le traitement des signalements au titre de l'article 40 du code de procédure pénale est celle d'un très grand immobilisme. La justice doit être intraitable !

L'apologie du terrorisme est punie de cinq ans d'emprisonnement. Organisateurs et intervenants doivent être poursuivis et les étudiants identifiés, définitivement exclus.

Les décrets d'application de la loi contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, que j'ai défendue avec Bernard Fialaire, sont encore à l'étude au Conseil d'État. Nous espérons leur publication au plus vite.

Dans l'immédiat, quelles sanctions exemplaires comptez-vous prendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur certaines travées du RDSE ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)

M. Max Brisson.  - Très bien !

M. Philippe Baptiste, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'espace .  - Les propos tenus à l'occasion de cet événement sont inadmissibles ; ils me font honte et font insulte aux valeurs républicaines, socle de notre société démocratique.

Ils tombent sous le coup de la loi. C'est pourquoi j'ai immédiatement demandé au rectorat de procéder à un signalement au titre de l'article 40. Dès le lendemain, j'ai convoqué le président de Paris-VIII, qui a lancé une enquête interne et établi un protocole plus strict de validation des événements. J'ai également saisi l'inspection générale d'une mission pour établir les responsabilités. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Bernard Jomier ironisent.)

Le garde des sceaux a appelé les parquets à une vigilance particulière sur les faits d'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. Le procureur de Bobigny s'est saisi du dossier.

Ces actes ne resteront pas impunis. J'ai soutenu votre proposition de loi, qui renforce les pouvoirs des présidents d'université ; les décrets d'application seront publiés d'ici fin novembre. Je continuerai d'appliquer une tolérance zéro en la matière.

La détermination du Gouvernement est absolue pour lutter contre tous les faits antisémites. (Applaudissements sur des travées du RDPI et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

Taxation de l'héritage

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe à cette question Alexandra Borchio Fontimp.

Yaël Braun-Pivet a estimé que l'héritage qui tombe du ciel n'était pas sain, appelant à le taxer davantage. Or transmettre et hériter n'est pas seulement une affaire de biens ; c'est une histoire familiale, d'effort accumulé et de continuité entre générations.

On ne parle pas ici de riches, mais de classes moyennes qu'on voudrait amputer d'une partie de leur histoire. Une maison bâtie pierre à pierre, un commerce tenu toute une vie, des économies faites pour protéger ses enfants : il y a là, au-delà de la valeur comptable, la mémoire du travail et la constance dans l'effort. L'héritage est aussi moral et culturel ; c'est un enracinement.

Quinze pays de l'OCDE ont supprimé l'impôt sur les successions, mais nous persistons dans le concours Lépine de l'impôt... Comme si la prévoyance devenait une faute et la réussite, un soupçon. Si l'on vide de sa substance la liberté de transmettre, le droit de propriété, déjà malmené en France, perdra tout sens : les propriétaires ne seront plus que les usufruitiers de biens revenant à l'État. (Murmures désapprobateurs à gauche)

Protéger la transmission n'est pas refuser la solidarité nationale ; c'est respecter le lien entre passé et avenir, l'idée qu'on travaille aussi pour ceux qui viendront après nous. Un pays se renforce en permettant de transmettre, pas en pénalisant ceux qui bâtissent et s'enracinent.

Barrès disait : « Le déraciné se croit ouvert alors qu'il est vide. Il confond l'ouverture et la désorientation. » Taxer, taxer toute une vie jusqu'à la tombe, ça suffit ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Évelyne Perrot et Annick Jacquemet applaudissent également.)

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État .  - Quand on a travaillé toute sa vie, il est naturel d'aspirer à transmettre à ses enfants. Nul besoin de citer Maurice Barrès pour partager cette idée : elle fait partie du pacte républicain dans lequel une immense majorité d'entre nous se retrouvent.

Nous disposons d'une épargne massive mais concentrée à des âges de plus en plus élevés, alors que les jeunes ne peuvent plus accéder à la propriété : il faut donc faciliter et accélérer les donations. Gouvernement et Parlement, travaillons-y.

Nous devons aussi lutter contre la suroptimisation, comme je l'ai dit en réponse à Mme Goulet. Beaucoup de Français sont imposés à des taux élevés, mais certains dispositifs fiscaux donnent lieu à des abus. De nombreux rapports parlementaires le montrent. Là aussi, travaillons-y.

Notre boussole : protéger ceux qui prennent des risques, investissent, créent des richesses et de l'emploi. En particulier, défendons nos PME et ETI industrielles en préservant le pacte Dutreil : sa suppression serait criminelle pour notre économie.

Enfin, nous devons améliorer la reconnaissance du travail. Si tant de Français ne peuvent plus s'en sortir ni acheter un premier appartement sans l'aide de leurs parents, c'est parce que le travail ne paie plus assez. (Exclamations sur de nombreuses travées à gauche)

Mmes Émilienne Poumirol et Cathy Apourceau-Poly.  - Nous sommes bien d'accord !

Mme Valérie Boyer.  - Il est temps de vous reconnecter au peuple réel. (Protestations sur de nombreuses travées à gauche ; M. Mickaël Vallet s'exclame.) La justice fiscale n'est pas la lutte des classes. Préserver l'héritage, c'est préserver la France !

Réduisons la taxation de l'héritage tout en agissant sur les niches, allongeons le délai d'acquittement des droits, comme le propose notre collègue Rapin, et favorisons les donations et transmissions.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Valérie Boyer.  - Nous maintiendrons ainsi la cohésion nationale et le lien entre générations, celui du travail, de la responsabilité et de l'espérance. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Prévention et lutte contre les épizooties

M. Serge Mérillou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.) La précédente épizootie de grippe aviaire - 22 millions de volailles abattues en 2022 - a traumatisé nos éleveurs. Pourtant, madame la ministre, vous avez décidé, sous la pression de Bercy, de réduire la prise en charge de la vaccination contre l'influenza aviaire. Ces économies de bouts de chandelle menacent la filière avicole et coûteront cher à l'État en indemnisations.

Déjà l'Allemagne est submergée par l'épizootie. Chez nous, 100 000 volailles viennent d'être abattues. Le coût du vaccin pour les éleveurs n'y est pas pour rien. Leur détresse psychologique s'ajoute au désastre économique, qui s'étend aux sites de transformation, nombreux en Dordogne.

Du côté des bovins, en pleine crise de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) et alors que l'interdiction d'exportation arrive à son terme, que comptez-vous faire ?

Plus largement, face à la pénurie de vétérinaires dans la ruralité, allez-vous enfin créer une nouvelle école vétérinaire tournée vers l'élevage à Limoges ?

Ce ne sont pas simplement des maladies du vivant. Nous voyons les failles d'un modèle confronté au dérèglement climatique. Allez-vous enfin engager une vraie politique sanitaire, durable et préventive ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire .  - Oui, le réchauffement climatique accroît le nombre d'épisodes sanitaires redoutables pour nos élevages, en France et partout en Europe.

Mme Laurence Rossignol.  - Duplomb !

M. Bernard Jomier.  - Dites-le à Duplomb !

Mme Annie Genevard, ministre. - Contre l'influenza aviaire, nous déployons une stratégie efficace et qui porte ses fruits : surveillance active, dépistage, vaccination. Nous avons déjà dépensé plus de 1 milliard d'euros pour lutter contre cette terrible épizootie. Il était convenu avec la filière que la prise en charge du vaccin serait dégressive au fil du temps. L'État reste toutefois engagé à travers les vétérinaires mandatés.

En ce qui concerne la DNC, l'État prend en charge la totalité des dépenses. Les bêtes abattues seront remplacées, les pertes d'exploitation compensées, la désinfection des bâtiments financée.

On ne peut donc absolument pas prétendre que l'État se déroberait à ses responsabilités.

Enfin, j'ai lancé dès ma prise de fonction les assises du sanitaire, car nous devons penser ces enjeux globalement et dans la durée.

M. Serge Mérillou.  - Nous demandons un plan global de prévention et un fonds d'indemnisation de toutes les pertes, directes et indirectes. C'est le sens de la proposition de loi visant à renforcer la santé animale que je viens de déposer avec mes collègues socialistes Frédérique Espagnac, Franck Montaugé et Christian Redon-Sarrazy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur certaines travées du groupe CRCE-K et du GEST)

Prévention du cancer de sein

Mme Patricia Demas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En ces derniers jours d'octobre, je m'interroge sur l'absence, presque dérangeante, du décret d'application de la loi du 5 février dernier améliorant la prise en charge du cancer du sein. Pourquoi ce silence ?

Voilà des années que je défends cette cause de manière transpartisane. Le Gouvernement nous a indiqué qu'un projet de décret serait prochainement soumis au Conseil d'État : réponse bien insuffisante.

Madame la ministre de la santé, je m'adresse à la femme engagée et au médecin que vous êtes, hier encore parlementaire de terrain. Pouvez-vous garantir que cette loi tant attendue sera appliquée avant la fin de l'année ? Et comment accélérer la publication des textes utiles à la santé des Français ? Huit mois pour exécuter une loi, c'est insoutenable pour les malades ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Jocelyne Antoine et Émilienne Poumirol et M. Akli Mellouli applaudissent également.)

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Je connais votre engagement pour la santé des femmes comme vous connaissez le mien. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour une prise en charge complète et équitable des femmes atteintes de cette maladie tout au long de leur parcours. L'octobre rose nous rappelle que l'enjeu est médical, mais aussi humain et sociétal.

Le décret est en cours d'élaboration. Nous avons besoin d'un peu de temps, pour éviter les redondances et nous assurer que les mesures prises seront effectives.

Toutefois, j'ai annoncé dès la semaine dernière plusieurs avancées : prise en charge intégrale des prothèses capillaires, réflexions sur la prise en charge du tatouage des seins et l'inscription des soutiens-gorge compressifs sur la liste supplémentaire.

Vous pouvez compter sur mon engagement.

Mme Patricia Demas.  - Merci pour vos réponses. Mais il y a quand même un décalage entre la vie des Français et le vécu des malades, d'une part, et la réponse tardive de l'État, d'autre part. Les lenteurs administratives ne sont pas une fatalité. Il vous appartient de fixer des délais pour que les lois soient exécutées : il y va de la crédibilité de nos politiques publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur plusieurs travées du groupe UC et sur quelques travées du RDSE et des groupes SER et CRCE-K)

Psychologues dans les établissements scolaires

Mme Laurence Muller-Bronn .  - Le 24 septembre dernier, au collège de Benfeld, dans mon canton, un adolescent de 14 ans a agressé au couteau une enseignante avant de se donner la mort. Cette tragédie a mis en lumière une nouvelle fois la question de la santé mentale des jeunes et la nécessité d'une feuille de route à la hauteur de la situation alarmante dans ce domaine.

Les choses s'aggravent d'année en année, particulièrement depuis la période angoissante du covid et du passe sanitaire. Il aurait fallu accorder plus d'attention à ces jeunes. Au contraire, les médecins, psychologues et infirmières scolaires manquent.

Sur le terrain, les enseignants m'ont fait part de leur détresse et de leur sentiment d'impuissance. Le collège de Benfeld illustre cette déshérence : une psychologue un jour et demi par semaine et aucun médecin scolaire pour 800 élèves. À 30 kilomètres de là, au collège de Sundhouse, l'infirmière et la psychologue, en absence de longue durée, ne sont pas remplacées.

En mai dernier, le Sénat a reconnu la spécialité infirmière de l'éducation nationale : le décret d'application sera-t-il publié rapidement ? Plus largement, quelles mesures comptez-vous prendre en faveur de la santé mentale, grande cause nationale de cette année, dans le milieu scolaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Daniel Chasseing et Jacques Fernique ainsi que Mme Émilienne Poumirol applaudissent également.)

M. Edouard Geffray, ministre de l'éducation nationale .  - J'exprime à nouveau ma solidarité vis-à-vis de notre collègue victime du drame de Benfeld.

La santé physique et psychique de nos élèves est l'une de mes trois priorités. Selon une étude toute récente de l'Inserm, 30 % des jeunes de 11 à 24 ans présentent à un moment des troubles anxieux ou dépressifs. Depuis le covid, le recours aux urgences psychiatriques par des jeunes a très fortement augmenté.

Stéphanie Rist et moi travaillons ensemble. En particulier, nous déployons dans tous les établissements un protocole de santé mentale destiné à apporter une réponse de premier niveau : d'ici à décembre, deux personnes par établissement seront formées au repérage. Nous préparons aussi un dispositif coupe-file : les élèves repérés par une infirmière ou un médecin pourront consulter plus rapidement en médecine de ville.

Sur le plan des moyens, le projet de budget prévoit le recrutement de 300 infirmières, psychologues et assistantes sociales supplémentaires.

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Ce sont là des annonces. Mais, depuis un mois, rien de changé à Benfeld ni dans les autres collèges au conseil d'administration desquels je siège. Il y a des psychologues et des médecins, mais ils ne sont pas dans les établissements. Résultat : les enseignants connaissent les élèves en difficulté, mais n'ont personne vers qui les orienter. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

La séance est suspendue à 16 h 25.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 30.