Élever Alfred Dreyfus au grade de général de brigade (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, élevant Alfred Dreyfus au grade de général de brigade, à la demande du groupe SER.
Mme Alice Rufo, ministre déléguée auprès de la ministre des armées et des anciens combattants . - C'est la première fois que j'ai l'honneur de m'exprimer à cette tribune. J'en mesure la responsabilité face à l'histoire.
Le texte de cette proposition de loi tient en une phrase : « La nation française élève, à titre posthume, Alfred Dreyfus au grade de général de brigade. »
Merci à la commission des affaires étrangères pour la rigueur et l'excellence de ses travaux, ainsi qu'à l'ensemble des parlementaires qui ont enrichi ces débats. Je mesure l'apport de tous ceux qui ont permis d'avancer dans ce travail collectif de lumière et de vérité, notamment les historiens.
Je n'oublie pas ceux qui ont porté cette proposition dans le débat public : Pierre Moscovici, Frédéric Salat-Baroux et Louis Gautier, ici présents. Et je tiens à dire mon plus profond respect aux descendants d'Alfred Dreyfus, dont son petit-fils, pour leur vigilance à veiller sur sa mémoire. Ils sont parmi nous. Je les salue humblement.
Alfred Dreyfus : ce nom est à jamais indissociable de notre République, de ses erreurs comme de sa grandeur. Il fut celui d'un homme à l'honneur bafoué, injustement condamné après un procès inique, d'un patriote blessé resté fidèle à la République, d'un Français admirable calomnié, parce que juif.
Le nom d'Alfred Dreyfus est le symbole d'un moment fondateur de notre République : ce moment où la République a reconnu qu'elle avait failli à ses principes, ceux de 1789, des Lumières, des droits de l'homme ; ce moment où la réhabilitation d'Alfred Dreyfus a été acquise, grâce à une mobilisation sans précédent de l'opinion publique et de la presse, notamment de Bernard Lazare.
Dans J'accuse, Zola disait que la France avait sur la joue une « souillure ». Il faut se confronter à cette blessure fondatrice de notre République. Chaque génération se demande si elle aurait été digne du combat des dreyfusards. Nous devons d'être « les gardiens vigilants et persévérants de sa mémoire et de ses défenseurs », a dit le Président de la République.
Ce texte, adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, est une grande avancée pour réparer l'injustice dont Alfred Dreyfus a été victime. Je sais que le président Kanner a déposé une proposition de loi similaire.
Ce geste symbolique est plus qu'un symbole. Il répond à une injustice vieille de plus d'un siècle, dont la gravité est restée sans égale dans l'histoire de notre République. Plus de quatre-vingt-dix ans après sa mort, il faut rendre à Alfred Dreyfus ce qui lui fut inaccessible de son vivant.
Écoutons sa voix : « Peut-on imaginer une situation plus épouvantable, plus tragique pour un innocent ? Peut-on imaginer un martyre plus douloureux ? » « Ce ne sont pas les souffrances physiques que je crains ; celles-ci n'ont jamais pu m'abattre, elles glissent sur ma peau. Mais c'est cette torture morale de savoir mon nom traîné dans la boue, le nom d'un innocent, le nom d'un homme d'honneur ».
Le 12 juillet 1906, la Cour de cassation lui rendit son innocence et son honneur. Mais la réparation n'a pas été totale. Certes, il fut réintégré dès le lendemain dans l'armée au grade supérieur, avec la Légion d'honneur. Mais cette réintégration militaire fut incomplète : son défenseur Marie-Georges Picquart fut réintégré au grade de général de brigade avec effet rétroactif.
Alfred Dreyfus y vit une injustice, qui le conduisit à quitter le service dès 1907. Écoutons-le à nouveau : « Je n'avais jamais demandé de faveur dans ma carrière. (...) Je n'ai demandé que de la justice ».
Dreyfus n'a jamais perdu cette foi inébranlable en la vérité et la justice. Voici ce qu'il écrit à sa femme, Lucie, depuis sa cellule : « J'arrive enfin au terme de mes souffrances, au terme de mon martyre. Demain je paraîtrai devant mes juges, le front haut, l'âme tranquille. L'épreuve que je viens de subir, épreuve terrible s'il en fut, a épuré mon âme ».
Le mépris qu'il a subi peut être effacé aujourd'hui. La vérité est désormais bien établie grâce aux solides travaux des historiens Philippe Oriol, Vincent Duclert et Christian Vigouroux, et de tant d'autres.
Avec ce texte, aboutissement de l'esprit de justice et de réparation des parlementaires de 1906, vous parachevez l'oeuvre de vos prédécesseurs.
Le Président de la République a annoncé que la date du 12 juillet serait inscrite l'an prochain au calendrier de nos commémorations nationales, pour marquer la victoire de la justice et de la vérité sur la haine et l'antisémitisme, à l'heure où les actes de haine antisémite connaissent une insupportable progression.
Hannah Arendt avait raison, lorsqu'elle voyait dans l'affaire Dreyfus l'annonce des jours sinistres qui allaient suivre. L'antisémitisme frappe toujours au coeur de notre démocratie. Sachons reconnaître dans ses auteurs le visage des anti-dreyfusards, des antirépublicains.
Alfred Dreyfus ne fut pas seulement une victime. Il fut un exemple, un patriote, un grand Français, un homme debout jusque dans l'isolement tragique de l'île du diable, un officier qui choisit de revenir servir la France au Chemin des Dames, un modèle d'abnégation républicaine et d'engagement combattant au service de la France.
Alfred Dreyfus a emporté avec lui ses souffrances. On ne peut réparer l'irréparable. Nous ne pouvons faire que ce que nous pouvons, à notre place.
L'article 13 de la Constitution prévoit que le Président de la République nomme aux emplois civils et militaires ; cette proposition de loi a donc un caractère unique - comme le destin d'Alfred Dreyfus - et exceptionnel - car il ne faut plus jamais d'affaire Dreyfus.
Vous participez à l'hommage que la France doit à la dignité et à l'héroïsme d'Alfred Dreyfus et à sa famille. Il écrivait à sa femme : « Je te reviendrai meilleur que je n'ai été ». Soyons fidèles à sa promesse, celle d'un homme profondément bon. C'est aussi la promesse que la République doit à l'un de ses fils les plus dévoués : revenir meilleure, après avoir reconnu son erreur.
En mon âme et conscience, et au nom du Gouvernement, je veux dire que la République s'honore toujours quand elle répare une injustice. (Applaudissements)
M. Rachid Temal, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - « Soldats, on dégrade un innocent ; soldats, on déshonore un innocent ! Vive la France, vive l'armée ! » Tels furent les mots d'Alfred Dreyfus le 5 janvier 1895 dans la cour de l'École militaire.
Face aux mensonges et à la haine antisémite, Alfred Dreyfus répondit par la dignité et par l'amour, de son pays et de l'armée.
Nous nous réjouissons du consensus qui entoure cette proposition de loi, déposée par le président Attal à l'Assemblée nationale et par le président Kanner au Sénat.
Alfred Dreyfus, c'est d'abord un Alsacien qui a choisi la France quand l'Alsace-Lorraine devenait prussienne. C'est un patriote humaniste. Un modèle d'héroïsme, qui a toujours respecté son armée et ses chefs. Il s'est réengagé à près de 55 ans pour rejoindre ses frères d'armes pendant la Première Guerre mondiale. Cet officier exemplaire a toujours servi la France.
Alfred Dreyfus, c'est une histoire française.
Je salue sa famille, et notamment son petit-fils Charles, dernier à l'avoir connu vivant. Je salue également Pierre Moscovici, Frédéric Salat-Baroux, Louis Gautier et mon collègue rapporteur Charles Sitzenstuhl.
Cette affaire a concerné toutes les familles françaises. À cette époque, la jeune République était prometteuse. Mais elle était dans un combat permanent contre le conservatisme, contre la monarchie. L'antisémitisme sévissait partout, dans la presse, au Parlement, dans l'armée et dans la société. La raison d'État avait pris le pas sur la liberté individuelle. Ce fut aussi le moment des intellectuels comme Zola, Jaurès et Clemenceau.
Oui, Alfred Dreyfus a été condamné parce que juif. Certains ici ont récemment cru bon de citer Maurice Barrès...
Mme Audrey Linkenheld. - Eh oui !
M. Rachid Temal, rapporteur. - ... qui écrivait : « Dreyfus est coupable de trahir. Je le conclus de sa race ».
M. Roger Karoutchi. - Jaurès, ce n'était pas terrible non plus !
M. Rachid Temal, rapporteur. - Mais la gauche a su faire sa transition et devenir totalement républicaine, monsieur Karoutchi. Je parle en tout cas des socialistes. (M. Roger Karoutchi ironise.) L'affaire Dreyfus, c'est la victoire de la République.
Alors pourquoi une loi ? Parce la loi a toujours été présente dans l'affaire Dreyfus : d'abord celle de réouverture du bagne de l'île du Diable, où Alfred Dreyfus a passé 1 517 jours dans des conditions abominables ; puis celle du 13 juillet 1906.
Je rappelle à mon collègue Karoutchi que nous avions cosigné une proposition de résolution en 2023 pour conférer le grade de général au lieutenant-colonel Alfred Dreyfus.
Cette proposition de loi vise certes à réparer une injustice, mais aussi à reconnaître un officier exemplaire et un militaire d'exception.
Certains ont eu des interrogations légitimes, mais elles peuvent être dépassées.
Ce n'est pas un texte de défiance à l'égard des militaires, mais d'hommage. Alfred Dreyfus n'a jamais trahi ni ses chefs ni l'armée.
Ce n'est pas non plus une loi mémorielle. Il ne s'agit pas de réécrire l'histoire. Le passé est clair : Alfred Dreyfus a été innocenté - même si en 2022 un ancien candidat à l'élection présidentielle s'interrogeait.
Le Président de la République ne peut procéder à cette nomination au titre des prérogatives qu'il tient de l'article 13 de la Constitution. Dans le passé, des mesures individuelles ont déjà été prises - en faveur de Clemenceau, Poincaré et Jean Moulin. C'est non pas le Parlement, mais la nation qui élève Dreyfus.
Certes, nous connaissons tous le « capitaine » Dreyfus. Mais il est déjà lieutenant-colonel, demain il sera général, et pour le plus grand nombre, il restera le capitaine Dreyfus...
Le général Catroux a lui aussi fait l'objet d'une loi le replaçant dans la première section du cadre des officiers généraux de l'armée de terre, sous le général de Gaulle. Cela nous donne un parfait blanc-seing.
Le Sénat a aussi joué un rôle dans l'affaire Dreyfus, avec Auguste Scheurer-Kestner et Ludovic Trarieux. Je suis ému et fier d'être le rapporteur de ce texte historique.
La réparation est nécessaire, mais non suffisante. Il faut aller plus loin, via une panthéonisation symbolique, à l'instar de Robert Badinter. Je salue la décision du Président de la République de faire du 12 juillet une journée nationale pour la mémoire de Dreyfus et contre l'antisémitisme. Le 11 novembre serait une date de promulgation idéale...
Alfred Dreyfus incarne l'amour de la France. Le général de Gaulle disait : « Je ne connais que deux catégories de Français, ceux qui ont fait leur devoir et ceux qui ne le font pas. » Alfred Dreyfus a fait son devoir. Faisons entrer au panthéon des grands militaires français le nom d'Alfred Dreyfus. C'est notre devoir de parlementaires. (Applaudissements)
M. Akli Mellouli . - Je salue la famille d'Alfred Dreyfus.
Cette proposition de loi porte un message de vérité et d'espérance pour notre République. L'affaire Dreyfus est le symbole moderne d'une injustice d'État, d'une machination qui a sacrifié un être humain sur l'autel des préjugés et des représentations excluantes. La République a trahi sa devise en tournant le dos à l'un de ses enfants parce que juif. Refuser de voir en lui un citoyen à part entière a été un crime moral.
L'affaire Dreyfus est un rappel brutal que nos valeurs doivent rester vivantes. Quand on abandonne la justice pour céder à la peur, à l'opinion ou à l'intérêt, la République se dévoie.
Cet homme, à qui on a refusé la présomption d'innocence, doit nous servir de boussole morale. L'injustice qu'il a subie n'est pas confinée à son époque : elle s'adresse à nous tous, quand un citoyen est discriminé en raison de son sexe, de sa couleur de peau, de ses croyances ou de ses origines et quand une foi est considérée comme inférieure par la loi ou la société. C'est à cet instant qu'Alfred Dreyfus doit se lever dans notre mémoire.
Le destin d'Alfred Dreyfus montre que les institutions militaires ne sont pas immunisées contre les préjugés. Notre armée doit être un modèle de cohésion et d'intégrité, où chaque soldat est respecté et protégé, quels que soient son parcours et ses croyances. L'armée moderne doit être diverse, éthique, forte parce que juste.
L'honneur militaire est indissociable de l'exigence morale. L'armée doit être gardienne des valeurs républicaines et non de privilèges ou de favoritisme.
Certes, promouvoir Dreyfus n'efface pas la douleur vécue et ne rend pas les années volées, mais c'est un acte moral qui dit que la République assume ses fautes et tente de les réparer.
Je propose que la statue de Dreyfus soit installée dans la cour de l'École militaire, à l'endroit même de sa dégradation. Ce fut envisagé en 1985, mais refusé par le ministre de la défense de l'époque. Cette statue se trouve aujourd'hui dans un coin discret du boulevard Raspail, comme si c'était une honte. Ce serait une réparation pleine et entière : la pierre témoignerait de la vérité que l'on a voulu nier.
Ce texte n'est ni nostalgique ni décoratif, c'est un moment politique, moral et historique. En relevant Alfred Dreyfus à la dignité méritée, nous proclamons que la République ne renonce pas à son exigence de justice, nous montrons que la vérité doit triompher du silence et que l'humain ne sera jamais sacrifié sur l'autel des préjugés.
Associez à ce geste une matérialité forte. Que cette cour, où l'ignominie fut commise, devienne l'emblème de la République. Puisse le déplacement de la statue résonner comme un acte de foi en notre devenir national, pour que plus jamais un citoyen ne soit exclu ou humilié pour ce qu'il est.
Alfred Dreyfus doit être une boussole pour nos institutions, pour notre armée, pour chaque enfant de la République. (Applaudissements sur plusieurs travées)
M. Philippe Grosvalet . - Je salue les descendants d'Alfred Dreyfus présents en tribune. En élevant Alfred Dreyfus au grade de général de brigade, la République rétablit une vérité. C'est une exigence de justice, celle d'un pays qui s'honore.
L'affaire Dreyfus est un lieu de mémoire de la République. En humiliant publiquement un officier parce qu'il était juif, notre pays a traversé l'une de ses plus sombres crises politiques. C'est par le courage de quelques-uns - Émile Zola, Marie-Georges Picquart, Jean Jaurès, Georges Clemenceau - que la République a su se relever.
Pour la France, premier pays d'Europe à avoir émancipé les juifs, un siècle avant l'affaire, cette réhabilitation a valeur d'évidence. Terre d'espérance depuis la Révolution, la France a accueilli tant de familles fuyant les pogroms. Ils étaient 100 000, à la fin du XIXe siècle.
Pourtant, la loi ne réintégra Dreyfus qu'au grade de chef d'escadron, sans tenir compte des années volées, des promotions perdues. C'est cette injustice que nous corrigeons. Ce texte a une immense signification morale. Oui, la mesure est exceptionnelle, mais l'affaire Dreyfus l'était tout autant. C'est à la nation d'y répondre par la loi.
Dreyfus fut la cible d'une haine idéologique soutenue par des voix aussi puissantes qu'odieuses : Maurice Barrès, Charles Maurras - Barrès osa même dire que sa culpabilité relevait de sa race. J'invite à la prudence ceux qui se réclament de cet héritage.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien.
M. Philippe Grosvalet. - Clemenceau estimait qu'il n'existait pas de dogmes humains, seulement des règles de justice et de bon sens. Notre vote rappelle la fidélité d'un homme à son pays et d'un pays à ses principes. En rendant son grade à Alfred Dreyfus, nous rendons à la France la part d'elle-même qu'elle a un jour reniée. Le RDSE votera naturellement en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées)
M. Ludovic Haye . - Par sa portée symbolique, cette proposition de loi fait oeuvre de mémoire, justice, fidélité à nos valeurs.
En 1906, Alfred Dreyfus a été réintégré à un grade inférieur à celui auquel il aurait pu légitimement prétendre. Depuis plus d'un siècle, son nom évoque à la fois la grandeur et la fragilité de la République. Ravivons cette grandeur, en l'élevant au rang de général de brigade.
Derrière le nom d'Alfred Dreyfus, il y a l'histoire d'un homme intègre, ayant choisi la carrière militaire après le traumatisme de Sedan qui a poussé sa famille à quitter ses terres alsaciennes - celles que j'ai l'honneur d'arpenter quotidiennement, comme mon collègue député M. Charles Sitzenstuhl.
Alfred Dreyfus, de confession juive, d'origine alsacienne, officier modèle promu par la méritocratie, devint le bouc émissaire de toute une part de la société habitée par la haine des juifs. Pourtant, il n'a cessé de clamer son amour de la France sans renier l'uniforme qu'il avait choisi. Et malgré son calvaire, il n'a jamais perdu l'espoir que la vérité éclate.
Emprisonné en Guyane, il écrivait à Lucie, son épouse, le 26 mars 1896 : « Si atroces que soient mes souffrances, le souci de notre honneur plane bien au-dessus d'elles ». Son seul dessein fut de laver son honneur : pour lui-même, pour sa famille, pour la France qu'il refusa toujours d'accabler.
Innocenté et réhabilité, son honneur fut à nouveau bafoué par une réintégration à un grade inférieur à celui auquel il aurait pu prétendre.
Pourtant il reprit les armes pour la Première Guerre mondiale, en combattant au Chemin des Dames, à Verdun. À la fin de la guerre, il est promu officier de la Légion d'honneur, élevé au grade de lieutenant-colonel, avant de prendre sa retraite militaire.
Peu de temps avant sa mort en 1935, Alfred Dreyfus avait résumé sa vie ainsi : « Je n'étais qu'un officier d'artillerie, qu'une tragique erreur a empêché de suivre son chemin. »
La République ne se déshonore jamais à reconnaître ceux qu'elle a injustement condamnés. Le message d'Alfred Dreyfus résonne encore. Il est un symbole puissant d'une République qui regarde son histoire en face, se souvient, et grandit.
Ancien maire de Rixheim, ville d'origine de son grand-père, j'affirme sans réserve que le nom d'Alfred Dreyfus incarne, pour tous les Alsaciens, l'idéal républicain. « Ma patrie avant tout, avant ma famille, avant moi », écrivait-il à sa femme peu après son incarcération.
L'affaire Dreyfus demeure une boussole morale. Elle nous rappelle que la haine de l'autre est un poison pour notre démocratie. Dans un monde où les préjugés refont surface, le combat d'Alfred Dreyfus reste le nôtre. L'antisémitisme n'a pas disparu, il se cache derrière d'autres mots.
Cette proposition de loi ajoute une pierre au rempart contre l'antisémitisme. La voter, c'est réparer une injustice.
Je dis à la famille Dreyfus que la France ne l'oublie pas. La République combattra toujours l'injustice et la haine. Simone Veil l'a dit : pas d'avenir républicain sans mémoire des injustices passées. Souvenons-nous de l'honneur d'Alfred Dreyfus et de son courage. La République n'est forte que lorsqu'elle protège les faibles.
Le groupe UC votera dans sa grande majorité cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées)
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
M. Marc Laménie . - Je remercie le président Kanner et le groupe SER pour cette initiative et salue les descendants d'Alfred Dreyfus.
Au matin du 5 janvier 1895, dans la cour d'honneur de l'École militaire, le capitaine Dreyfus est dégradé tandis que la foule crie : « mort aux juifs ». Alfred Dreyfus a passé sept années en détention, dont quatre au bagne de l'île du Diable. Le président Loubet le gracie en 1899. Il faudra attendre douze années au total pour qu'il soit réhabilité - en 1906.
Pendant des années, la France s'est divisée entre dreyfusards et anti-dreyfusards. L'antisémitisme rampant cherchait un exutoire, la perte de l'Alsace et de la Lorraine appelait un bouc émissaire.
Les preuves avaient été falsifiées. On condamna un innocent, pour masquer l'échec des institutions. Malgré l'action de quelques militaires courageux, l'armée a été incapable de reconnaître son erreur. Il a fallu que la justice civile intervienne pour que l'honneur de Dreyfus soit lavé. Ceux qui ont produit de faux documents n'ont pas été sanctionnés, les années perdues n'ont pas été prises en compte dans son avancement. Revenu à la vie civile en 1907, il fut victime l'année suivante d'un attentat - son auteur a été acquitté.
Dreyfus a néanmoins répondu présent en 1914. Il est venu défendre la France attaquée. À plus de 50 ans, il a combattu sur le Chemin des Dames, avant de quitter l'institution au grade de lieutenant-colonel. Cette proposition de loi confirme le grade qui aurait dû être le sien.
Rien n'effacera les injustices commises contre Alfred Dreyfus. Ce grade conféré à titre posthume ne fait que parachever sa réhabilitation. Il ne clôt pas le dossier. L'affaire Dreyfus continue de mériter notre attention - en témoignent la vague d'agressions survenue après les attaques du 7 octobre, la profanation de l'arbre à la mémoire d'Ilan Halimi et le boycott d'étudiants juifs dans certains groupes de discussion.
L'adoption de cette proposition de loi n'est pas la fin de ce combat. L'atmosphère intellectuelle se dégrade, les réseaux sociaux sapent la cohésion de notre nation. Sous prétexte de défendre le peuple, ils préparent son asservissement.
Il nous faut parfaire la réhabilitation de cet homme pour ne laisser subsister aucun doute sur son innocence. Voter ce texte, c'est tirer toutes les conséquences de l'arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 1906, qui disait que c'était par erreur et à tort que la condamnation avait été prononcée.
C'est par erreur et à tort qu'Alfred Dreyfus n'est que lieutenant-colonel. Le groupe INDEP votera cette proposition de loi. C'est notre devoir de mémoire. (Applaudissements sur plusieurs travées)
M. Olivier Paccaud . - Si l'on n'écrit pas l'histoire, il faut régulièrement la relire pour ériger quelques phares de philosophie, loin des bas instincts.
L'histoire d'Alfred Dreyfus, c'est d'abord celle d'un amoureux de la France - sa famille choisit de rester française en 1871 -, puis celle d'un officier humilié mais jamais brisé, d'un patriote trahi n'ayant jamais renié la France. Plus d'un siècle après l'affaire, notre nation porte encore cette cicatrice. La justice et la vérité sont des piliers fragiles, et la République est toujours à défendre.
L'affaire Dreyfus, c'est d'abord un homme seul, condamné parce qu'il était juif. Quand la vérité est en marche, rien ne peut l'arrêter, écrivait Zola dans le journal Le Figaro en 1897 - une plume au service de l'honneur, après Voltaire défendant Calas.
Avant que la vérité ne triomphe, que de souffrances, sur l'île du Diable, où Dreyfus n'a pas cessé de croire que la déraison d'État qui l'avait sacrifié saurait l'innocenter.
En 1906, la République a réhabilité Alfred Dreyfus mais elle ne l'a jamais pleinement réparé. Sa carrière brisée ne lui a pas permis d'atteindre le grade mérité. Pourtant, il défendit la France en 1914.
Il est temps de lui rendre ce que l'histoire lui a refusé. Élever Alfred Dreyfus au grade de général de brigade, c'est montrer que la République sait réparer, reconnaître, se tenir debout face à l'injustice. L'honneur d'un pays n'est pas d'être sans tache mais de savoir les laver, à l'image du Président Chirac lors de son discours du Vél' d'Hiv de juillet 1995. (M. Rachid Temal acquiesce.)
L'antisémitisme n'a pas disparu, il a changé de visage, il s'est digitalisé, mais il est là, sans Édouard Drumont, mais avec des humoristes barbus ou des élus sous l'emprise du bruit et de la fureur, dans les caricatures, dans les amphithéâtres de certaines facultés. (M. Roger Karoutchi le déplore.) Chaque fois, c'est Dreyfus que l'on dégrade à nouveau, la République que l'on offense.
En élevant Alfred Dreyfus au grade de général, nous élevons la République elle-même. Parce que Dreyfus fut humilié, nous lui rendons justice, parce qu'il fut trahi, nous lui rendons l'honneur, parce qu'il fut fidèle à la France, nous lui rendons la reconnaissance de la nation.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien.
M. Olivier Paccaud. - Que ce geste soit plus qu'un acte de mémoire, et rappelle à tous que la République n'oublie jamais ses justes. Plus qu'une épitaphe de bonne conscience, ce texte est un épilogue digne que le Sénat s'honore de parapher.
Le 2 janvier 1906, alors qu'il est réhabilité et fait chevalier de la Légion d'honneur là même - cher Akli Mellouli - où il avait été dégradé et son sabre brisé, alors que certains criaient « Vive Dreyfus ! », il répondit : « Non, messieurs, je vous en prie : vive la France ! » (Applaudissements sur plusieurs travées)
Mme Solanges Nadille . - Je salue la famille d'Alfred Dreyfus et ses amis, présents avec nous. En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus était condamné pour trahison sur la base de fausses accusations, nourries par l'antisémitisme le plus violent. Cet officier brillant, dévoué à sa patrie, fut dégradé publiquement. Sa seule faute ? Être juif. Son seul crime ? Servir la France.
Pendant douze ans, Alfred Dreyfus a lutté pour faire éclater la vérité et la France s'est déchirée entre anti-dreyfusards et dreyfusards, entre les défenseurs de la justice et les partisans de la raison d'État. En 1906, la Cour de cassation l'innocente ; il est réintégré dans l'armée. Une loi le nomme chef d'escadron, mais c'était dérisoire au regard de l'injustice subie. Sans cette infamie antisémite, il aurait accédé au plus haut garde de l'armée. Celui qui a servi encore la France pendant la Grande Guerre s'est vu refuser la reconnaissance pleine et entière de ses mérites. En 2006, le président Jacques Chirac a reconnu que justice ne lui avait pas été rendue. En 2021, le président Emmanuel Macron estimait qu'il revenait aux représentants du peuple de réparer cette erreur.
Ne laissons pas l'antisémitisme avoir le dernier mot
Le 2 juin dernier, sur l'initiative de Gabriel Attal, les députés ont adopté ce texte à l'unanimité. Faisons de même, malgré certaines réserves légitimes : notre unanimité montrerait qu'au-delà de nos sensibilités politiques certains combats nous rassemblent tous, à l'instar de la défense des valeurs républicaines et de la justice.
L'antisémitisme qui frappa Alfred Dreyfus n'appartient pas à un passé révolu, même s'il ne s'exprime plus de la même manière : chaque jour, les actes antisémites d'une nouvelle forme se multiplient sur le territoire, les lieux de mémoire sont profanés, les citoyens français de confession juive vivent dans la peur. Élever Alfred Dreyfus au grade de général de brigade, c'est dire que la République répare ses erreurs, honore ceux qu'elle a injustement brisés. Le RDPI votera résolument cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je souligne l'absence des quatre sénateurs d'extrême droite, qui se sont beaucoup exprimés tout à l'heure. Peut-être ont-ils décidé d'aller à la piscine... J'ai une pensée particulière pour Pierre Moscovici, la famille Dreyfus, Gabriel Attal et Charles Sitzenstuhl.
En nous prononçant sur l'élévation d'Alfred Dreyfus au grade de général de brigade, nous ne rouvrons pas un dossier, mais refermons une blessure. Alfred Dreyfus n'a jamais demandé ni grâce ni faveur. Fin juillet 1906 il écrivait : « Je n'avais jamais demandé de faveur dans ma carrière, j'avais essayé d'arriver par mon travail. Après ma tragique et si immédiate condamnation de 1894, je n'ai demandé que de la justice. Pendant les cinq années effroyables de l'île du Diable, je ne me suis jamais humilié devant personne, fort de ma conscience, n'abdiquant rien de ma dignité ». Dans la boue il garda la tenue, dans l'isolement il garda la conscience, dans l'humiliation il garda l'honneur.
Voilà pourquoi la faute d'État dont il fut victime nous oblige encore. Notre pays est grand lorsqu'il place le droit au-dessus de la peur, la justice au-dessus de la vengeance. Il est le pays de l'abolition de la torture, de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, celui qui par la plume de Zola cria « J'accuse » quand la rumeur réclamait le silence. Mais c'est aussi le pays où un innocent porta l'infamie sur son uniforme, quand la foule criait à la trahison. C'est ce double héritage que nous questionnons.
Alfred Dreyfus fut innocenté, et réintégré, mais il ne fut pas rétabli à hauteur de son destin militaire. Quand son compagnon de vérité, le lieutenant-colonel Picquart, fut promu général, Dreyfus resta en arrière. Pourtant, il reprit les armes pour la France - au Chemin des Dames, à Verdun - , comme si elle ne l'avait jamais trahi.
En ce 6 novembre 2025, cent trente ans après son exil sur l'île du Diable, c'est le devoir de la République que de reconnaître Alfred Dreyfus en sa qualité de général. Pourquoi maintenant ? Car le temps n'éteint pas l'exigence, car il s'agit d'un acte politique et moral, car ce qui frappa Alfred Dreyfus ne fut pas simplement l'arbitraire, mais l'antisémitisme, cette haine froide qui déshonore les nations. Huit décennies après la Shoah, nous aurions pu croire la cause des droits de l'homme définitivement victorieuse, mais tout nous rappelle le contraire, à l'image de la profanation de la tombe de Robert Badinter le jour de sa panthéonisation... La bête immonde rôde toujours. Elle change de visage, elle porte la cravate, mais elle est toujours là. À force de renoncement et d'indifférence, notre société a laissé les faux prophètes parler à la peur, flatter la colère.
Face à eux, nous devons refuser les compromissions, faire les bons choix et rappeler que la République, c'est le refus de l'intolérance, de l'oubli. Simone Veil, qui l'a connu dans sa chair, disait que l'antisémitisme commence dans les mots et s'achève dans la mort. La mémoire est un combat, et ce combat passe par la promotion d'Alfred Dreyfus. Grâce à votre vote, mes chers collègues, l'ombre d'une injustice cessera d'obstruer la mémoire d'un officier français. L'armée et la nation se regarderont avec confiance, car nous aurons préféré la lumière à l'ambiguïté, la droiture au renoncement.
Nous ne réhabilitons pas Dreyfus, la justice l'a fait en 1906. Nous corrigeons par l'honneur ce que la faute d'hier a empêché d'advenir. Au nom de l'unité de la France, adoptons sans trembler l'article unique proclamant « La nation française élève à titre posthume Alfred Dreyfus au grade de général de brigade. » (Applaudissements sur plusieurs travées)
M. Pierre Ouzoulias . - « Je ne me laisserai jamais abattre. Je lutterai jusqu'au dernier souffle pour faire éclater la vérité et la justice. Je veux vivre pour voir triompher la lumière ». C'est ainsi que, près d'un mois après son arrivée sur l'île du Diable, Dreyfus exprimait à sa femme son ardente volonté de vivre pour que justice soit faite.
En août 1895, il ajoutait : « Je ne veux pas seulement être libéré, je veux être proclamé innocent, il ne s'agit pas de moi seul, il s'agit du droit et de la justice humaine ».
Victime d'un crime d'État parce que juif, tout avait été organisé pour qu'il ne revînt jamais de l'île du Diable. Son premier acte d'héroïsme fut de survivre et de garder confiance en la République.
À la Chambre des députés, la frénésie raciste était alors sans limite. Un député a interpellé le Gouvernement à propos de l'envahissement des administrations publiques par l'élément juif et Léon de Baudry d'Asson, marquis romain, député de la Vendée, exigé l'abrogation de la loi d'émancipation des juifs votée en 1789.
Après l'arrêt de la Cour de cassation qui innocenta Dreyfus, la droite nationaliste dénonce un coup d'État judiciaire. Charles Maurras écrit : « Nous savons que nous ne sommes plus rien chez nous. Nous sommes prévenus par une étiquette certaine que les forces françaises ne sont plus à la France, mais à la juiverie ». Et Maurice Barrès laisse à l'histoire cette formule terrible : « Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race ».
À l'antijudaïsme religieux vieux de 2000 ans, succède l'antisémitisme racial du nationalisme intégral de l'extrême droite française, qui a trouvé un accomplissement funeste dans la révolution nationale de juillet 1940 que Maurras qualifia de « divine surprise ».
Alfred Dreyfus déclarait : « J'avais espéré, le 12 juillet 1906, que la programmation solennelle de mon innocence mettrait un terme à mes souffrances. Il n'en fut rien. Je dus rester la victime jusqu'au bout. Mais je me console en pensant que l'iniquité dont j'ai si prodigieusement souffert aura servi la cause de l'humanité et développé les sentiments de solidarité sociale. »
Marie-Georges Picquart obtint une reconstitution complète de sa carrière et devint général et ministre de la guerre dans le gouvernement de Clemenceau. Les sept années de carrière volées à Alfred Dreyfus ne lui furent jamais restituées. Réparons post mortem cette profonde injustice. C'est l'occasion d'honorer la mémoire d'un patriote et d'un héros, ardent défenseur de la République émancipatrice. (Applaudissements sur plusieurs travées)
Discussion de l'article unique
Article unique
M. Roger Karoutchi . - Je me suis abstenu en commission. La façon dont les choses sont présentées me laisse sceptique. Je voterai néanmoins pour le texte en raison d'une discussion avec Frédéric Salat-Baroux et par déférence pour la famille. Mais si j'ai signé avec Rachid Temal il y a quelques années une proposition de résolution sur ce sujet, les temps ont changé. J'aurais préféré que l'on propose la panthéonisation d'Alfred Dreyfus. (M. Pierre Ouzoulias approuve.)
Ainsi, il y aurait eu non un simple vote dans une enceinte parlementaire, mais une cérémonie nationale.
Historien, j'ai toujours étudié le « capitaine Dreyfus ». Depuis cent cinquante ans, nous parlons du capitaine Dreyfus. Qu'il soit général n'y changera rien. Ce n'est pas une réparation - une faute aussi dramatique ne se répare pas.
De plus, chaque fois que je dénonce les actes antisémites dans cet hémicycle, on me répond par de grands discours, mais jamais par des actes forts. Or un acte fort, ce n'est pas l'attribution du généralat à Alfred Dreyfus. Il faut des condamnations des actes antisémites actuels ! Croyez-vous sincèrement que les Français de confession juive seront plus rassurés de vivre en France parce qu'Alfred Dreyfus aura été promu général ? Que le gouvernement se saisisse de cette question ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Francis Szpiner . - Il m'arrive d'être en désaccord avec Roger Karoutchi. Nous parlons de justice, donc de la République, donc de la France. Rappelons la décision de la Cour de cassation : « De l'accusation contre Dreyfus, il ne reste rien debout » ; rien pour lui imputer un crime ou un délit. C'est une réhabilitation. Réhabiliter, c'est rétablir un homme dans tous les droits et les prérogatives dont il a été déchu.
Or tel n'a pas été le cas pour Alfred Dreyfus. La réhabilitation n'a donc pas été complète. Le 12 juillet 2006, Jacques Chirac disait : « La réhabilitation de Dreyfus, c'est la victoire de la République, de l'unité de la France ». Il ajoutait : « Un homme, sachons le reconnaître, à qui la justice n'a pas été complètement rendue. Il a quitté l'armée, la mort dans l'âme, faute d'avoir bénéficié de la reconstitution de carrière à laquelle il avait pourtant droit ».
Ce geste, certes tardif, du Parlement ne fait que mettre un point final à une réhabilitation judiciaire et sociale. En nommant Alfred Dreyfus général de brigade, nous lui rendons justice, même s'il restera pour l'éternité le capitaine Dreyfus. Voilà pourquoi je voterai sans état d'âme cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées)
Mme Laurence Rossignol . - En élevant le capitaine Dreyfus au grade de général de brigade, nous agissons contre l'antisémitisme, oui. C'est une action, ce n'est pas la seule. La panthéonisation d'Alfred Dreyfus en est une autre. Combattre le nouvel antisémitisme qui se dissimule derrière l'antisionisme aussi.
Nos quatre collègues d'extrême droite, agités, hostiles quand il s'agissait de protéger la République en modifiant la Constitution, ont déserté l'hémicycle : ce n'est pas anodin. Cela en dit long sur la sincérité de la conversion tardive - et opportuniste - de l'extrême droite à la lutte contre l'antisémitisme...
M. Roger Karoutchi. - Et l'extrême gauche ?
Mme Laurence Rossignol. - Quoi qu'ils fassent, ils seront éternellement les enfants de Barrès et de Maurras, jamais ceux de Jaurès et de Zola. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et du GEST ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. Rachid Temal, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Je salue la décision de Roger Karoutchi de voter le texte. Il s'agit d'une réhabilitation juridique, nous la devons à Alfred Dreyfus, à sa famille et au peuple français.
Je suis pour la panthéonisation de Dreyfus. C'est reconnaître qu'il s'agit d'un grand officier - ce n'est pas une simple question de justice.
Soyez contre l'antisémitisme, soyez honnêtes. Comme l'ont souligné le président Patrick Kanner et Laurence Rossignol, la désertion de certains est significative : ils parlent beaucoup, mais, quand il s'agit de voter, ils sont absents. Ce sont les actes qui comptent.
Quelles que soient nos familles politiques, nous ne pouvons plus accepter que des hommes et des femmes, en raison de leur confession, aient peur de pratiquer leur foi, de sortir dans la rue, peur de vivre. Mon groupe sera toujours là. Nous avons toujours condamné le nouvel antisémitisme.
Faisons ce geste historique pour la famille, pour l'honneur de notre armée et pour notre pays. (Applaudissements sur plusieurs travées)
L'article unique est adopté. En conséquence, la proposition de loi est définitivement adoptée.
(Applaudissements ; Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et se tournent en direction de la tribune d'honneur où est présente la famille du général Dreyfus.)
Prochaine séance, mercredi 12 novembre 2025 à 15 heures.
La séance est levée à 17 h 30.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 12 novembre 2025
Séance publique
À 15 heures, 16 h 30 et le soir
Présidence : M. Gérard Larcher, président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président, M. Loïc Hervé, vice-président
1. Question d'actualité au Gouvernement
2. Projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales (procédure accélérée) (texte de la commission, n°112, 2025-2026)