Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. J'excuse l'absence du Premier ministre qui est à l'Assemblée nationale pour la déclaration du Gouvernement sur la stratégie de défense nationale.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
120e anniversaire de la loi de 1905 (I)
M. Thani Mohamed Soilihi . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Michel Masset applaudit également.) Hier, nous commémorions les 120 ans de la loi de séparation des églises et de l'État, texte fondateur de la laïcité à la française. Pilier de notre République, la laïcité garantit la liberté de conscience, le libre exercice des cultes dans le respect de l'ordre public et la neutralité de l'État. Elle est aujourd'hui fragilisée par des obscurantistes violents, mais aussi des instrumentalisations politiques qui la détournent de sa vocation universaliste pour en faire un outil de stigmatisation.
L'école publique - à laquelle nous ne pouvons penser sans rendre hommage à Samuel Paty et à Dominique Bernard - reste le premier rempart contre les replis identitaires.
Face aux attaques et aux pressions, comment le Gouvernement entend-il renforcer une pédagogie de la laïcité fidèle à l'esprit de 1905, protéger les enseignants et les agents publics, et accueillir toutes les initiatives pour la consolider ?
La laïcité est un équilibre vivant, mais fragile. Comment comptez-vous le préserver tout en répondant aux défis d'une société plurielle ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur . - Vous avez raison de souligner l'importance du principe intangible de laïcité dans notre République - mais aussi de rappeler qu'elle est souvent attaquée, parfois instrumentalisée contre une religion, parfois relativisée. Certains souhaitent des accommodements du service public pour le rendre compatible avec l'exercice des cultes, ce qui est impossible en vertu du principe de neutralité.
Comment la protéger ? Par des mesures législatives, d'abord. Nous l'avons fait en 2004, avec la loi sur le port de signes religieux ostentatoires à l'école, ou en 2021, avec la loi confortant le respect des principes de la République, qui a créé le déféré laïcité et le délit de séparatisme - 820 constats depuis 2021.
Mais il faut sans doute faire encore plus. Hier, en réponse à une question du député Jérôme Guedj, j'annonçais la réunion du comité interministériel de la laïcité en 2026, ainsi que le lancement d'une mission parlementaire. Le Gouvernement est attaché à la défense de la laïcité, et tout particulièrement le ministre de l'intérieur, garant de l'application de la loi de 1905. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)
Place du nucléaire dans la production d'électricité
M. Vincent Louault . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le bilan prévisionnel 2025-2035 de RTE (Réseau de transport d'électricité) indique que la trajectoire de consommation d'électricité stagne.
Le nucléaire est l'un de nos fleurons industriels. Votre programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) ne risque-t-elle pas d'asphyxier la filière ? J'attends avec impatience les conclusions d'EDF sur la modulation du nucléaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Fabien Gay et Aymeric Durox applaudissent également.)
M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique . - RTE a publié une actualisation de ses prévisions de demandes qui montre en effet que l'électrification est en retrait par rapport aux attentes. C'est le cas partout dans le monde. L'électrification est encore insuffisante pour aller vers la décarbonation.
Réjouissons-nous d'avoir en France une électricité largement disponible, qui est de ce fait l'une des moins chères en Europe : nous payons 40 % de moins qu'en Allemagne. Loin d'asphyxier quelque filière que ce soit, nous souhaitons donner de l'air et des perspectives à toutes les filières qui permettront de développer l'industrie en France et de produire une énergie décarbonée, abondante et bon marché.
Pour cela, nous devons marcher sur nos deux jambes. Le nucléaire, avec les investissements d'importance : six EPR d'abord, puis huit autres, financés pour moitié par un grand emprunt public. Mais aussi les énergies renouvelables (ENR), plus flexibles, plus disponibles à court terme, qui posent toutefois des défis pour l'équilibre du réseau.
Le Premier ministre m'a demandé de lui faire des propositions sur la PPE avant Noël.
Mme Sophie Primas. - Il y a un texte !
M. Roland Lescure, ministre. - Vous aurez de nos nouvelles très vite. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Vincent Louault. - Quand l'Allemagne produit plus d'ENR, elle consomme moins de charbon, moins de gaz : c'est utile. Mais si la France fait de même, ce n'est pas une centrale à charbon qu'on ferme, mais une centrale nucléaire ! C'est donc parfaitement inutile.
Sans renoncer à l'objectif de décarbonation, mesurons jusqu'où et à quel rythme augmenter nos capacités de production intermittente.
Sans quoi, les coûts de réseau exploseront, et avec eux la facture d'électricité des Français ainsi que leurs impôts : les contributions aux charges de service public de l'électricité représentent 13 milliards d'euros - deux fois la PAC ! Un porte-avions tous les ans ! (M. Yannick Jadot s'exclame.)
Si l'on continue à pousser l'intermittence qui ne sert à rien, il faudra moduler notre nucléaire : la modulation, qui est autour de 15 TWh depuis vingt ans, atteint déjà 30 TWh. Si l'on ajoute 40 ou 50 TWh d'intermittence, il faudra carrément arrêter les centrales une partie de l'année ; asphyxiée, EDF ne pourra pas payer ses investissements !
Ma crainte, ce n'est même pas l'asphyxie de la filière nucléaire, mais sa destruction programmée. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Aymeric Durox applaudit également.)
120e anniversaire de la loi de 1905 (II)
Mme Nathalie Delattre . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) En tant que présidente du Parti radical et sénatrice du RDSE, je me devais d'évoquer le 120e anniversaire de la loi de 1905. Cet hymne à la liberté repose sur deux piliers : la séparation des Églises et de l'État, et la liberté de conscience. Comme disait le radical Ferdinand Buisson, « la laïcité n'est pas une opinion, mais la liberté d'en avoir une ». Citons aussi Jaurès : « la loi doit protéger la foi aussi longtemps que la foi ne veut pas faire la loi ».
Cette laïcité est aujourd'hui menacée - à l'école, dans les clubs sportifs, dans l'entreprise, à l'hôpital - par la montée des identitarismes, les revendications communautaires, les radicalités religieuses. Le lien civique est fragilisé, notamment chez les plus jeunes, à qui la désinformation présente la loi de 1905 comme liberticide.
Comment comptez-vous faire vivre l'ordre républicain laïque ?
Pour ma part, je défendrai une proposition de loi pour inscrire le mot « laïcité » sur le fronton de nos mairies. Un autre geste symbolique serait de modifier le grand sceau de France, qui proclame une République « démocratique, une et indivisible ». Or la Constitution de 1958 précise bien que la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Le grand sceau a soixante-dix ans de retard ! (Marques d'impatience sur plusieurs travées à gauche)
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Nathalie Delattre. - Cet anniversaire est le moment idéal pour aligner nos symboles sur nos principes, et adosser ceux-ci sur une communication moderne via les réseaux sociaux. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Xavier Iacovelli et François Patriat applaudissent également.)
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur . - Le Parti radical a contribué à fonder la laïcité dans notre pays. Nous sommes conscients qu'il faut la protéger : c'était l'objet des lois de 2004 et 2021, dont nous veillons au strict respect. Nous usons de divers outils - délit de séparatisme, déféré laïcité, formation des agents publics, référents laïcité - pour répondre fermement à toute entorse à la neutralité des services publics.
Ce n'est sans doute pas suffisant, c'est pourquoi nous réunirons en 2026 le comité interministériel de la laïcité et lancerons une mission parlementaire pour étudier l'opportunité de faire évoluer les dispositions législatives, sans rien nous interdire.
Oui, la laïcité est attaquée. Sachons nommer les choses : l'islamisme politique revendique la supériorité de la loi religieuse sur les lois de la République et réclame des accommodements, des amodiations. Ce n'est pas acceptable. S'il faut passer par la loi pour protéger la laïcité, nous le ferons. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)
Mayotte
M. Saïd Omar Oili . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Un an après le cyclone Chido qui a dévasté notre archipel, vous vous apprêtez, madame la ministre, à vous rendre à Mayotte. Vous entendrez les élus et la population se plaindre des engagements de papier du Gouvernement.
Je m'étais exprimé sur les failles dans la gestion de la crise, la gouvernance, la mise à l'écart des élus et l'incapacité de déterminer un nombre de victimes. Un retour d'expérience, un « retex », est essentiel pour en tirer les enseignements.
Afin de se protéger contre de tels événements, il faut sensibiliser les habitants de nos territoires aux risques. La Guadeloupe a fait un exercice après une éruption de la Soufrière ; à La Réunion, 450 personnes ont participé à une réunion de préparation de la saison cyclonique 2025-2026. À Mayotte, rien - c'est un paradoxe.
Le Gouvernement a-t-il élaboré un retex de Chido ? Pourquoi la population n'a-t-elle pas été sensibilisée, à la veille de la saison cyclonique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Guy Benarroche et Mme Solanges Nadille applaudissent également.)
Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer . - Le retour d'expérience est une pratique courante dans les outre-mer. Chaque année, en amont de la saison cyclonique, nos territoires se préparent à répondre en cas de crise.
Après une telle catastrophe naturelle, il est fondamental d'en tirer les leçons, sur la phase de préparation comme sur la gestion de crise.
La direction générale de la sécurité civile et le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale ont fait leur retex. Le préfet de La Réunion, préfet de zone, a organisé fin novembre un séminaire Cyclonex. La préfecture de Mayotte procède à un retex local avec l'appui de la mission interministérielle de reconstruction et de refondation, qui synthétise les contributions collectées. Cette synthèse sera remise au préfet de Mayotte, qui finalise l'adaptation des plans Orsec.
Je demanderai au préfet d'organiser pour les collectivités une présentation dédiée sur la saison cyclonique. Chaque année, un temps de préparation collective sera organisé, j'y veillerai.
La loi de refondation prévoit la transmission des bilans des plans de secours au comité de suivi avant le 1er mars : ce sera fait.
L'enjeu est de développer une véritable culture du risque. L'État pourra aider les communes à adapter leur plan de sauvegarde. Nous activons tous les leviers pour assurer la sécurité de nos compatriotes. (M. François Patriat applaudit.)
M. Saïd Omar Oili. - Le retex Chido sera-t-il transmis aux parlementaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Nouvelle-Calédonie (I)
M. Robert Wienie Xowie . - L'État avance à marche forcée, avec l'organisation d'une consultation anticipée sur le projet d'accord de Bougival et l'examen, début janvier, d'un projet de loi.
Alors que l'accord de Bougival n'a pas été validé par le FLNKS et que le Congrès s'est prononcé le 8 décembre sans majorité - 19 pour, 19 abstentions, 14 contre - comment affirmer que cette consultation serait voulue par les forces politiques locales ?
Le Parlement a reporté les élections provinciales pour « poursuivre la discussion en vue d'un accord consensuel », vous-même avez promis d'apporter « des éclaircissements, des précisions, des compléments ». Or la mission envoyée sur place n'a rien clarifié, et la consultation porterait sur le texte initial.
Base juridique contestée, calendrier inversé par rapport aux précédents accords, absence de consensus local : le Gouvernement entend-il renoncer à cette consultation anticipée ?
Sur quelles bases politiques, juridiques et démocratiques justifierez-vous votre décision, sachant qu'une consultation risque d'aggraver la crise et de creuser les divisions ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; MM. Saïd Omar Oili et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)
Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer . - Il n'y a pas de méthode forcée. Depuis le début, c'est la même méthode, celle du dialogue et du respect, pour trouver un chemin commun pour les Calédoniens.
La consultation des Calédoniens, c'est la définition même d'un exercice démocratique. Recueillir l'avis du Congrès de Nouvelle-Calédonie également. Il s'est prononcé le 8 décembre à une majorité de 19 voix pour, 14 contre et 19 abstentions. Le paysage politique est dispersé, je ne dis pas le contraire. (Mme Cathy Apourceau-Poly le confirme.)
Le Gouvernement analyse les avis écrits de chaque formation politique annexés à cet avis. Il poursuit les consultations avec toutes les parties pour déterminer la suite à donner au processus. Tous ceux que nous avons entendus ont exprimé la volonté d'avancer. Vous l'avez dit vous-même, un chemin existe.
Le Gouvernement prendra le temps nécessaire pour analyser la situation et poursuivre les échanges, je l'ai dit dans le courrier adressé aux membres des formations politiques. L'État accompagnera toutes les demandes d'échanges ou de travaux. Nous restons pleinement mobilisés pour poursuivre la discussion.
Soucieux de donner de la visibilité aux Calédoniens, nous avons avancé sur le volet économique, en étant à l'écoute des partenaires. Cette méthode continuera de nous guider, pour dessiner avec les forces politiques locales la suite de ce processus.
M. Robert Wienie Xowie. - Vous demandez au peuple de se prononcer sur un texte inachevé, juridiquement contesté et sans consensus local, alors que vous avez reporté les élections. Vous nous donnez des leçons de démocratie : quel comble, pour un Gouvernement qui refuse de donner la parole au peuple ! Cessons d'entretenir le flou démocratique, organisons les élections provinciales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; MM. Saïd Omar Oili, Patrick Kanner et Mme Laurence Rossignol applaudissent également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Très bien.
Dépendance aux terres rares chinoises
M. Stéphane Demilly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La semaine dernière, le Président de la République était à Pékin. Il semble que nos relations diplomatico-économiques se tendent sérieusement. La décision de la Chine d'introduire de nouvelles licences d'exportation pour les terres rares a affolé les industriels, qui ont assailli la Commission européenne d'appels paniqués.
Cette vulnérabilité est multisectorielle. Sans métaux stratégiques, pas d'Airbus A350, pas d'éolien offshore à Saint-Nazaire, pas de batterie pour les usines automobiles de Dunkerque ou de Douvrin, pas de radars pour les forces armées, pas de scanners hospitaliers ou de réseau de télécommunications avancées...
La Commission européenne l'a compris, certes tardivement, et passe à l'offensive en annonçant un futur centre européen des matières premières critiques en 2026.
Le coût de l'indépendance est élevé, mais bien plus faible que celui de la dépendance, a déclaré Stéphane Séjourné. La France va-t-elle saisir cette dynamique européenne pour garantir enfin sa souveraineté minérale et industrielle ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains)
M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique . - Nous avons signifié aux autorités chinoises que le contrôle des exportations ne devait pas être utilisé comme une arme pour exacerber les tensions commerciales ; cet outil est traditionnellement réservé aux enjeux de défense et de lutte contre la prolifération nucléaire.
Certaines mesures prises par la Chine ont été suspendues pour un an, à la suite des discussions avec les États-Unis ; d'autres sont en place depuis avril. Nous aidons les entreprises à obtenir ces licences d'exportation - nous en avons déjà obtenu trois cents. Qu'elles nous contactent : le service économique sur place les aidera.
À moyen terme, il nous faut diversifier nos approvisionnements. Nous le faisons en Européens, avec le plan RESourceEU, mais aussi au G7. Nous collaborons avec nos partenaires historiquement producteurs de matériaux de base, et de terres rares en particulier. Des contrats ont ainsi été signés avec des entreprises canadiennes, par exemple.
Enfin, il y a un enjeu de régulation du marché, car les producteurs chinois cassent les prix pour évincer des concurrents : là aussi, il faut agir au sein du G7.
Nous faisons feu de tout bois pour réduire nos dépendances, s'agissant d'un enjeu clé de la révolution technologique à l'oeuvre. (MM. François Patriat et Michel Masset applaudissent.)
France 2030
M. Thomas Dossus . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le PLF pour 2026 tourne le dos à l'avenir. Tout ce qui doit permettre de faire face aux crises est comprimé, voire sacrifié, à commencer par l'écologie : le fonds vert devient une variable d'ajustement, alors que la France ne respecte plus ses objectifs en matière de climat ou de biodiversité.
De même, la solidarité internationale est sacrifiée, la voix de la France avec ; le budget de la recherche est en deçà de la programmation d'un demi-milliard d'euros, excusez du peu ; et le budget de l'armée dépasse celui de l'éducation, tout un symbole. Ces baisses sont le fruit des choix gouvernementaux, aggravés par la majorité sénatoriale qui amplifie la crise des caisses vides en nous privant de 8 milliards d'euros supplémentaires de recettes.
Le sort de France 2030, qui devait, selon Michel Rocard, nous extraire de la tyrannie du court terme, symbolise l'affaiblissement du pays. Si tout n'est pas parfait dans ce programme - comme écologiste, je suis dubitatif sur certains projets soutenus -, il est vital pour nos filières industrielles, la décarbonation, la recherche et tous les territoires. Après une ponction gouvernementale de 1,6 milliard d'euros sur les opérateurs, certains ici envisagent un coup d'arrêt brutal à tout nouveau projet, comme si nous pouvions mettre en pause la préparation de l'avenir.
La recherche et l'innovation ont-elles encore un avenir en France ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol et M. Hervé Gillé applaudissent également.)
M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique . - En Chine, d'où je rentre, l'innovation n'attend pas, y compris dans la décarbonation - tout en ouvrant des centrales à charbon, ce pays investit comme jamais dans le nucléaire et les renouvelables.
Oui, nous devons redresser les comptes, mais sans étouffer l'économie et en continuant à investir. C'est ainsi que nous conserverons l'avance que nous avons dans certains domaines : ordinateur quantique, décarbonation industrielle, vallée de la batterie à Dunkerque.
Le programme France 2030 nous permet de poursuivre le soutien à nos filières. Les parlementaires peuvent faire le travail de contrôle sur son exécution. Au demeurant, ce programme a rendu au bien commun un excès de trésorerie cette année.
Les engagements pris pour 2026 doivent être honorés - 500 millions d'euros au moins, pour Verkor ou le soutien à la filière automobile. Je vous engage à faire preuve de rigueur, mais sans oublier les investissements d'avenir. France 2030 est un beau programme dont le déploiement, selon moi, doit se poursuivre.
Messages hostiles à la police à Lyon et Marseille
M. François-Noël Buffet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Anne-Sophie Patru et Isabelle Florennes applaudissent également.) Samedi dernier, à Lyon, lors de la fête des Lumières, des messages ouvertement hostiles aux forces de l'ordre ont été projetés dans l'espace public, affirmant notamment : « La police blesse et tue ». Le même jour, à Marseille, Sébastien Delogu, député et candidat LFI aux élections municipales, a repris au cours d'un meeting le slogan : « La police tue ».
Ces propos ne sont pas seulement scandaleux et répréhensibles, mais aussi insultants et dangereux ; ils mettent une cible dans le dos de nos forces de l'ordre, qui, elles, risquent leur vie pour protéger la nôtre. L'extrême gauche attise les tensions, au service de son ambition : détruire la République. De tels discours de haine n'ont pas leur place dans notre démocratie !
À Lyon, une plainte a été déposée : en sera-t-il de même à Marseille ? À Villeurbanne, un rassemblement susceptible de donner lieu aux mêmes messages doit se tenir prochainement : faut-il le maintenir ? Les Soulèvements de la terre ont revendiqué les actes lyonnais : comment comptez-vous agir contre ce mouvement qui a déjà fait l'objet d'une procédure de dissolution, hélas sans suite ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur de nombreuses travées du groupe UC ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur . - Je partage l'intégralité de vos propos. « La police tue » : le message est odieux. J'apporte mon soutien sans faille aux forces de sécurité intérieure, qui nous protègent.
Ces messages s'appuient sur des actions de police parfois en cours de jugement, souvent déjà jugées, les policiers ayant été mis hors de cause parce qu'ils ont fait un usage proportionné de la force. Ceux qui tiennent ces propos sont des partisans du désordre.
Ces messages laissent aussi entendre à la jeunesse que la police lui en veut et qu'elle procède à des contrôles en raison de leur origine, de leur quartier. C'est une atteinte grave à notre cohésion nationale.
À Lyon comme à Marseille, les préfets ont déposé plainte à ma demande.
M. Olivier Paccaud. - Très bien !
M. Laurent Nunez, ministre. - S'agissant du festival prévu à Lyon et à Villeurbanne, nous savons que les groupes programmés tiennent ce genre de propos : la préfète du Rhône interdira donc ces concerts. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP)
Chaque fois que sont tenus des propos incitant à la haine, à la discrimination ou à la violence, nous les documentons et préparons des dossiers de dissolution. Aucune structure n'est au-dessus de la loi. Celle que vous avez citée fait l'objet, comme d'autres, d'un suivi très attentif. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
M. Jacques Grosperrin. - Très bien !
Nouvelle-Calédonie (II)
M. Georges Naturel . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Bitz applaudit également.) L'avis rendu par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie au sujet du projet de loi de consultation anticipée sur l'accord de Bougival, qui inverse le calendrier prévu, révèle des divisions profondes.
Des non-indépendantistes soutiennent la consultation, tout en appelant, pour certains, à la reprise du dialogue. D'autres, indépendantistes comme non-indépendantistes, soutiennent l'accord mais demandent des compléments pour refaire le consensus. Quant au FLNKS, il est contre et appelle à rechercher une solution partagée par toutes les voies restant possibles.
Les consultations précédentes n'ont jamais eu pour objet de contourner une formation hostile ni de se substituer au consensus ; il s'agissait de le consacrer démocratiquement. C'est ce chemin qu'il faut reprendre. Or la consultation anticipée ne répond ni à la lettre de Bougival ni à l'esprit de la loi reportant les élections, consistant à poursuivre la discussion en vue d'un consensus.
Madame la ministre, vous avez écrit aux membres du Congrès : quelle que soit l'orientation retenue, l'État restera mobilisé pour poursuivre la discussion avec l'ensemble des partenaires. Il est urgent de donner corps à cet engagement.
Quelles suites entendez-vous donner à ce projet de loi ? Ne serait-il pas plus opportun que l'État renoue le fil du dialogue et tente à nouveau de faire émerger un consensus, alors que notre pays continue de s'enfoncer dans le chaos ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Olivier Bitz et Rachid Temal et Mme Corinne Narassiguin applaudissent également.)
Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer . - Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a émis un avis favorable mais partagé sur le projet de loi de consultation.
Le Gouvernement souhaite poursuivre les discussions avec les forces politiques locales qui veulent avancer. Ce dialogue nourrira les travaux qui suivront au Parlement. Je remercie l'engagement constant sur ce sujet de M. le président du Sénat et des présidents de groupe à travers le groupe de contact.
Mais le temps économique ne peut pas être suspendu au temps institutionnel. La situation exige des réponses immédiates, au service de la stabilité économique et social. C'est pourquoi le Premier ministre a adressé un courrier aux forces politiques pour détailler les engagements massifs de l'État dans le cadre du pacte de refondation.
Lors de l'examen des crédits de la mission « Outre-mer », certains amendements ont été adoptés qui dessinent la reconstruction du territoire - investissement dans le nickel, soutien aux entreprises, garantie émeutes, insertion des jeunes. Le Gouvernement sera au rendez-vous.
Pour le reste, le dialogue avec les forces politiques se poursuit. Il n'y a ni enlisement ni instabilité. L'avenir du territoire demeure notre priorité commune. (M. François Patriat applaudit.)
Ligne ferroviaire Bordeaux-Lyon
M. Jean-Jacques Lozach . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La SNCF a annoncé la mise en service en 2027 d'un TGV Ouigo entre Bordeaux et Lyon, dont le parcours contournera totalement le Massif central pour passer par Massy, en région parisienne. Le message adressé par l'État aux millions d'habitants d'une quinzaine de départements est désastreux. Le tollé est général.
Cette décision prise en dépit du bon sens est une caricature de recentralisation, alors qu'une autre option existe : restaurer la liaison transversale directe et historique entre les deux métropoles, supprimée en 2014 du fait d'un manque d'entretien et d'un trajet interminable. Il est indispensable de relier des métropoles sans passer systématiquement par Paris. Notre espace central a vocation à contribuer pleinement à la réindustrialisation, à la transition écologique et à l'attractivité du pays.
Allez-vous remettre en cause le funeste projet de la SNCF et mettre rapidement à l'étude la faisabilité d'une liaison par le Massif central, sur le modèle de la transversale Nantes-Lyon ? Inscrirez-vous dans la prochaine loi-cadre sur les transports la réhabilitation des transversales ferroviaires ? Réunirez-vous rapidement les élus locaux concernés pour bâtir une feuille de route commune ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; MM. Pierre Barros, Éric Gold et Jean-Marc Boyer applaudissent également.)
M. Philippe Tabarot, ministre des transports . - Je suis prêt à rencontrer tous ceux qui le souhaitent.
Je vous répondrai avec franchise et pragmatisme sur cette annonce de la SNCF, qui a donné lieu à des réactions parfois simplistes.
La ligne Bordeaux-Lyon via le Massif central est fermée depuis plus de dix ans. Elle affichait un temps de parcours de plus de 7 h 30 et une perte annuelle de 100 millions d'euros.
La SNCF offrira en 2027 une liaison Ouigo, librement organisée. Le trajet durera 5 heures et les gares d'Angoulême, Poitiers et Saint-Pierre-des-Corps seront desservies.
À court terme, nous ne pouvons malheureusement pas relancer un Bordeaux-Lyon via le Massif central, compte tenu de l'état dégradé de l'infrastructure et de l'absence de matériel roulant TET disponible. Des investissements colossaux seraient nécessaires, pour l'électrification ou la mise au gabarit de tunnels.
Nous privilégions la régénération du réseau existant, et votre territoire n'est pas oublié : les lignes Paris-Clermont et Paris-Limoges sont les deux chantiers les plus importants du réseau ferré national. Près de 3 milliards d'euros sont prévus, ainsi que 800 millions d'euros pour 28 rames Oxygène. Par ailleurs, nous restons attentifs aux opportunités d'améliorer la desserte du Massif central ; je pense notamment au projet de mine de lithium dans l'Allier.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Philippe Tabarot. - Nous n'abandonnons rien ni personne.
Réponse à la crise viticole
M. Daniel Laurent . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 15 novembre dernier, des milliers de viticulteurs ont manifesté dans les rues de Béziers. La crise de la viticulture est profonde et les viticulteurs sont à bout.
Cette situation résulte à la fois de chocs conjoncturels et d'évolutions structurelles que la filière n'a, bien souvent, pas voulu voir : c'est le constat que je dresse, avec MM. Cabanel et Pla, dans notre rapport, qui comprend 23 recommandations, dont l'organisation d'assises de la viticulture.
La crise a déjà coûté à l'État plus de 1 milliard d'euros. Il faut en finir avec les réponses de court terme et adopter une stratégie de long terme fondée sur le rétablissement du dialogue entre l'amont et l'aval.
Madame la ministre, je salue vos annonces réentes, dont un soutien de 130 millions d'euros à l'arrachage. Mais celui-ci servira, tout au plus, à passer le prochain salon de l'agriculture. Quelle stratégie de long terme pour la viticulture ? Et à quand des assises de la viticulture ? Appuyez-vous sur notre rapport pour faire les réformes urgentes qui s'imposent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Henri Cabanel et Mme Gisèle Jourda applaudissent également.)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire . - Oui, certains bassins viticoles traversent une crise grave et ancienne. L'engagement de l'État a été considérable, sans peser efficacement sur les problèmes structurels du secteur. Je me suis rendue sur le terrain pour rencontrer les professionnels.
L'arrachage, dont vous avez parlé, est une mesure structurelle, car une partie du problème tient à la surproduction. Mais vous avez raison de plaider pour d'autres mesures durables, sans lesquelles nous devrons remettre au pot chaque année - et pas seulement pour passer le salon de l'agriculture.
Je prête une grande attention au rapport que MM. Cabanel et Pla et vous-même m'avez remis il y a quelques jours. Je vous remercie pour le courage que vous avez eu d'émettre certaines propositions. Pour que vos préconisations soient acceptées, il faut qu'elles soient partagées par l'ensemble de la profession. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Daniel Laurent. - Je vous sais engagée au côté de la filière. Mais, sans stratégie, son avenir continuera de s'assombrir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Gisèle Jourda et Marie-Pierre Monier et MM. Henri Cabanel et Hervé Gillé applaudissent également.)
Préparation de l'État à la dénatalité
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La semaine dernière, la Cour des comptes soulignait dans son rapport « Démographie et finances publiques » l'ampleur du basculement démographique qui accroît le ratio de dépendance. Notre pays a moins de naissances que de décès, ce qui réduit la population active et aura des conséquences sur les politiques de retraite, d'éducation et de santé. La dépense publique par tête est deux fois plus élevée pour les plus de 65 ans, tandis que leur proportion passera de 22 à 30 % d'ici à 2070.
Notre administration ne semble pas suffisamment anticiper ce choc démographique : les enjeux démographiques ne représentent que 0,05 % des occurrences dans les documents de programmation budgétaire pluriannuelle. La fragmentation des administrations complique la donne. L'action publique est myope face au temps long. La dernière étude de l'Insee date de 2021, et les comptes de transfert nationaux n'ont pas été actualisés depuis 2018.
Ma question ne porte pas sur les leviers pour renforcer la natalité, mais sur le niveau de préparation de l'État. L'État a-t-il pris conscience du phénomène ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées . - Nous commençons déjà à sentir l'impact du changement démographique, notamment dans les écoles : cela permet de limiter le nombre d'enfants par classe et de mieux accueillir les enfants en situation de handicap. Dans certains cas, c'est une opportunité, mais nous devons nous préparer à son impact sur les collèges et lycées et au changement de ratio entre actifs et inactifs.
Le Gouvernement ne baisse pas les bras face au vieillissement. Le PLFSS 2026 contient des mesures de renforcement de la natalité, notamment un message personnalisé pour informer chaque Français de sa santé reproductive, le congé supplémentaire de naissance, très attendu, l'évolution du complément du libre choix de mode de garde et l'investissement dans les compétences des métiers de l'humain. D'ici à début janvier, je présenterai un plan Grand Âge, afin d'anticiper les offres pour répondre aux besoins et le financement. En effet, la solidarité intergénérationnelle est réinterrogée. (MM. François Patriat, Thani Mohamed Soilihi et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent.)
Mme Jocelyne Guidez. - Vous n'avez pas répondu à ma question. Nous regarderons passer le train, visiblement... (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)
Conversion de la centrale de Saint-Avold
Mme Catherine Belrhiti . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En avril, la loi sur la centrale Émile-Huchet de Saint Avold, que j'ai défendue avec M. Khalifé Khalifé, a été adoptée à l'unanimité dans les deux chambres.
Votre administration a présenté le projet de décret qui doit garantir la sécurité de l'approvisionnement, notamment en hiver. Les centrales au fioul avaient été exclues des mécanismes de capacité servant à la conversion des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs. Le ministre Ferracci s'y était engagé pour éviter les effets d'aubaine. Mais le projet de décret les réintègre. Cela revient à subventionner les centrales partiellement converties.
Cette modification, contraire à l'intention du Parlement, met en danger Saint-Avold, car les quelques volumes soumis aux enchères seraient captés de manière indue par le fioul, ne laissant pas de place à notre centrale, dont le projet de décarbonation supprime fioul et charbon.
Le mécanisme proposé présente une autre limite : il ne distingue pas les services rendus au système par les actifs pilotables sans contrainte de stock, alors que RTE estime qu'il y a besoin de capacité pilotable. Le mécanisme ne répond pas aux besoins réels du réseau.
Pouvez-vous me confirmer que le fioul sera bien exclu et que les actifs pilotables sans contrainte de stock seront bien pris en compte ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du GEST)
M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique . - Saint-Avold doit être convertie pour sortir du charbon d'ici à 2027, conformément à notre souhait à tous. Chaque acteur doit jouer son rôle. Le Parlement a joué le sien et je salue la loi votée, qui donnera à cette centrale, une fois convertie, accès aux mécanismes de capacité.
L'État doit faire le sien aussi. Je travaille sur ce mécanisme de conversion, qui doit bien sûr respecter la loi, mais aussi les directives européennes, qui plaident pour la neutralité technologique.
J'entends vos interrogations, auxquelles je tenterai de répondre dans les prochaines semaines. Il faut éviter de remplacer un problème par un autre - le charbon par le fioul. Mais la décision de reconvertir doit venir de l'entreprise elle-même, qui doit trouver un modèle économique pour utiliser ce mécanisme et organiser la transition. L'État sera au rendez-vous.
Mme Catherine Belrhiti. - Nous avons besoin de l'assurance de la conversion de la centrale de Saint-Avold, qui a été votée unanimement dans les deux hémicycles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Entreprise Brandt
M. Christophe Chaillou . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En janvier dernier, l'entreprise Brandt fêtait ses 100 ans. Dernier grand acteur de l'électroménager à concevoir et fabriquer ses produits sur le sol français, elle regroupe des marques connues du grand public - Vedette, Sauter ou De Dietrich - et contribue à faire rayonner le savoir-faire français à l'international. De Lyon à La-Roche-sur-Yon, elle était ancrée dans nos territoires, mais a dû faire face à des restructurations.
Elle rassemble 750 emplois directs, notamment en Centre-Val de Loire, dans ma commune de Saint-Jean-de-la-Ruelle. À ces sites industriels s'ajoutent le service après-vente de Cergy-Pontoise et le siège social de Rueil-Malmaison.
La menace de liquidation du groupe suscite une profonde inquiétude. Ce serait un drame pour les salariés et leurs familles, mais aussi un renoncement inacceptable, alors que la réindustrialisation est affichée comme une priorité.
Les salariés ont présenté un projet de société coopérative participative (Scop), avec le soutien notamment du président de région, François Bonneau, de la préfète et de nombreuses collectivités territoriales. La décision est imminente, d'ici à demain.
Confirmez-vous que le tour de table financier est bouclé ? Avec le soutien de l'État, ce projet de Scop pourra-t-il être concrétisé et ce fleuron industriel ainsi sauvegardé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Marc Laménie et Jean-Luc Brault applaudissent également.)
M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique . - Je ne suis pas la justice, je suis le Gouvernement. C'est une décision de justice qui tranchera sur la viabilité du projet de reprise présenté par les salariés.
Pensons à Duralex. Nous devons tout faire pour garder chez nous de telles entreprises industrielles chères aux Français, avec des marques connues, qui vendent des produits du quotidien. Le secteur est extrêmement concurrentiel. Nous avons cherché des repreneurs pour Brandt. Le ministre de l'industrie, Sébastien Martin, n'a pas ménagé ses efforts, sans succès.
Une personnalité nous a proposé un projet de Scop, qui permettrait de sauver 370 salariés, soit une grosse moitié des effectifs. Nous accompagnerons les autres dans une reconversion. J'espère que ce projet aboutira, car j'ai rarement vu, sauf pour Duralex, une telle mobilisation d'élus locaux et de l'État.
Maladie de Charcot
Mme Marie-Pierre Mouton . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a un peu plus d'un an, le 15 octobre 2024, notre collègue sénateur Gilbert Bouchet, avec la force du combattant, présentait une proposition de loi améliorant la prise en charge des patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA), dont il était affecté.
La loi du 18 février 2025, adoptée à l'unanimité du Parlement, a résonné, pour les 8 000 malades et leurs familles, comme l'espoir d'une fin de vie mieux accompagnée et plus digne. Mais, dix mois plus tard, tous continuent d'attendre la liste des pathologies visées, sans laquelle la procédure accélérée devant la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées et l'accès à une prestation de compensation du handicap (PCH) sans critère d'âge sont impossibles.
Cette loi ne doit pas être un texte de plus qui dort sur une étagère, mais être appliquée intégralement, et vite.
Il faut une prise en charge via les départements. La SLA n'attend pas et la maladie court plus vite que l'administration. Ce mal redoutable paralyse, asphyxie et entraîne une dépendance rapide. Faisons le choix politique que, face à une maladie qui ne laisse aucun répit, l'humanité doit être la plus forte. Quand publierez-vous cette liste ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, du RDSE et sur des travées des groupes INDEP et SER ; M. Bernard Buis applaudit également.)
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées . - Je rends un hommage ému à la mémoire du sénateur Bouchet.
Les décrets sont extrêmement importants pour le Gouvernement également. Ils sont en ce moment même examinés par le Conseil national d'évaluation des normes et devraient être publiés en janvier, au terme des délais imposés par les procédures. Ces délais ont été allongés par la liste élargie des maladies concernées.
Nous avons choisi de préparer immédiatement les décrets relatifs à la SLA, pour éviter tout délai supplémentaire ; ils seront également publiés en janvier.
En parallèle, nous avons demandé à la Haute Autorité de santé de définir l'ensemble du périmètre concerné, afin qu'aucune pathologie ne soit laissée de côté. D'ores et déjà, 1 400 personnes par an, parmi les 6 000 concernées par la maladie, seront concernées par la levée de la barrière d'âge. Avec ces premiers décrets, l'héritage que nous laisse le sénateur Bouchet commencera à prendre forme. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
Atteinte à la biodiversité
Mme Sonia de La Provôté . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) Les élus du Calvados ont découvert avec surprise l'arrêté préfectoral autorisant l'opérateur public à détruire des aires de repos et de reproduction et à capturer et détruire des spécimens d'espèces protégées sur le périmètre d'une ZAC en pleine friche industrielle.
Cet arrêté est fondé sur l'article L.122-13 du code de l'environnement et le triptyque éviter-réduire-compenser. Friche polluée égale sobriété foncière ; c'est bien, mais c'est mal aussi. Pour compenser, on doit renaturer - un vaste rond-point peut faire l'affaire... Bienvenue en absurdie ! Cet arrêté est un coup de règle en fer sur les doigts des élus qui croyaient bien faire.
Porter des projets utiles à l'emploi est aussi essentiel que la biodiversité. Envisagez-vous d'alléger les procédures et les contraintes pour les projets portant sur les friches ? Au moment d'un nouveau pacte entre l'État et les élus locaux, pouvons-nous changer de paradigme, retrouver une relation de conseil et de soutien, plutôt que ce genre d'écrits comminatoires qui les traitent comme s'ils étaient ignorants des enjeux environnementaux ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique . - Merci de rappeler le rôle des élus locaux, en première ligne alors que la biodiversité est en danger tant en France qu'en Europe.
Le régime européen de préservation des espèces protégées fait déjà l'objet de dérogations pour des motifs économiques et sociaux. Vous évoquez un projet de réhabilitation de friche industrielle. Il arrive que la nature reprenne ses droits sur une friche et qu'il soit donc nécessaire de faire appel à une dérogation pour la réhabiliter.
Le Gouvernement envisage-t-il de procéder à des simplifications pour réhabiliter des friches sans renier les objectifs environnementaux ? Oui (M. Jean-Baptiste Lemoyne s'en félicite), mais cela relève du droit européen : il faudra donc agir de manière concertée.
Je réponds oui aussi à la seconde question : les élus ne doivent pas seulement être notifiés d'un arrêté, mais avoir leur mot à dire. Je suis à votre disposition pour rencontrer les élus avec le préfet du Calvados. (MM. Jean-Baptiste Lemoyne et François Patriat applaudissent.)
La séance est suspendue à 16 h 15.
Présidence de M. Alain Marc, vice-président
La séance est reprise à 16 h 30.