SÉANCE
du mercredi 17 décembre 2025
42e séance de la session ordinaire 2025-2026
Présidence de M. Gérard Larcher
La séance est ouverte à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun veillera au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.
Crise agricole (I)
M. Pierre Médevielle . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Bernard Fialaire, Jean-François Longeot et Marc-Philippe Daubresse applaudissent également.) Info, infox, intox : tout ou presque a été dit sur la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), une des maladies les plus graves en santé animale. Sur le terrain, la situation est explosive. Dans le Sud-Ouest, mais aussi, désormais, ailleurs, les éleveurs sont sur le pied de guerre.
Pris de vitesse par le virus, nous avons perdu la bataille des médias, faute d'une communication et d'une pédagogie suffisantes. Si le dépeuplement complet d'un troupeau est un choc terrible, tout le monde s'insurge contre les abattages avec des prétextes plus ou moins farfelus. Ne pensez-vous pas que la communication de votre ministère a été insuffisante ? Comment comptez-vous reprendre la main ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Solanges Nadille et M. Guislain Cambier applaudissent également.)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire . - Hier, le Premier ministre et moi-même avons tenu deux réunions de crise. Au moment stratégique où nous sommes, la priorité est de déployer massivement la vaccination, meilleur rempart contre la maladie.
Vous êtes, je crois, vétérinaire.
Voix diverses. - Pharmacien !
M. le président. - Le vétérinaire est derrière vous ! (Rires et applaudissements)
Mme Annie Genevard, ministre. - Monsieur le président du Sénat, je vous sais très attentif à mes propos.
Massive, la vaccination sera aussi rapide, grâce à une coordination au niveau départemental. Nous disposons de vaccins en nombre : 900 000 pour 750 000 bovins. J'ai demandé que les 1 000 exploitations de l'Ariège soient couvertes avant la fin du mois.
Nous mobilisons une force vétérinaire puissante, augmentée de vétérinaires retraités, libéraux et de l'armée. Des contrôles renforcés seront mis en oeuvre, car ce qui propage la maladie, ce n'est pas le défaut d'information - elle a été massive - , mais le manque de discipline individuelle et collective dans le respect des consignes de limitation de mouvements.
Enfin, nous mettons en place une aide spécifique pour les petits élevages en zone réglementée : allègements sociaux, fiscaux et fonds de soutien de plus de 10 millions d'euros. Nul ne sera laissé au bord du chemin.
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Annie Genevard, ministre. - J'en suis persuadée, nous vaincrons cette terrible crise sanitaire, comme nous avons vaincu d'autres épizooties, dont le monde de l'élevage s'est toujours relevé avec courage. Oui, ce virus sera éradiqué. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Pierre Médevielle. - Les éleveurs touchés ont besoin, en effet, de compassion et de soutien financier, mais ils veulent surtout parler d'avenir. C'est dans cet esprit qu'ils vous ont invitée à revenir en Occitanie pour dialoguer avec eux.
Il est regrettable que la crise n'ait pas été traitée dans sa dimension humaine, ce qui a entraîné des débordements.
Aidons nos éleveurs à franchir ce cap difficile. Ils ont besoin de clarté et d'accompagnement. Nous n'avons pas le droit de les décevoir. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC et du RDSE)
Crise agricole (II)
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Une fois encore, le monde agricole subit une crise profonde. Ariège, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées : l'Occitanie est au coeur d'un vaste mouvement de colère. Les éleveurs crient leur détresse face à la crise de la DNC, avec le Mercosur en toile de fond.
La souveraineté alimentaire n'est pas qu'un concept. Sans exploitants, pas d'agriculture, donc de souveraineté !
Les réponses d'urgence ne font pas une stratégie durable. Attendre que les agriculteurs soient aux abois pour voler à leur secours, laisser des exploitations disparaître pour importer des produits moins-disants, tout cela n'est plus possible. Apprendre le suicide d'un exploitant qu'on a laissé dans une impasse morale et financière est intolérable, de même qu'il n'est pas tenable de laisser les vétérinaires en première ligne.
La gestion de la crise de la DNC est un échec. Faute d'anticipation, l'abattage systématique tombe comme un couperet. Résultat : des barrages et une révolte contagieuse.
Un travail de recherche est nécessaire sur des alternatives à l'abattage total. Il faut écouter les exploitants au plus près du terrain et expérimenter localement de nouveaux protocoles.
Comment le Gouvernement entend-il nous armer pour l'anticipation et la gestion des crises à venir ? Nous attendons un message fort pour les éleveurs. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Marc Laménie applaudissent également.)
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre . - Face aux crises de demain, un combat politique et intellectuel sera nécessaire pour faire primer la science ; je sais le consensus au Sénat sur ce sujet.
M. François Patriat. - Très bien !
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. - Sous l'effet du réchauffement climatique, de nouvelles pathologies se feront jour, pour les humains comme pour les animaux, d'élevage et de compagnie. La place centrale de la science devra être réaffirmée.
Dans le Sud-Ouest, nous agissons tant dans les zones touchées par l'épidémie que dans les zones indemnes, pour protéger notre bétail et nos éleveurs.
La priorité, c'est la vaccination. Les doses sont là, et je remercie les armées pour leur concours décisif en matière logistique.
Il faut aussi des bras. Puisque M. le président du Sénat nous a rappelé qu'il était derrière nous, j'appelle à ce que nous soyons tous derrière nos vétérinaires, victimes de menaces inacceptables. (Applaudissements) Vétérinaires retraités, élèves vétérinaires, vétérinaires des armées : la profession se mobilise de façon admirable, au service de politiques départementales de vaccination menées par les préfets, en liaison avec les chambres d'agriculture, les groupements de défense sanitaire et les syndicats. L'objectif est de faire du sur-mesure. En Ariège, la vaccination des troupeaux des 1 000 exploitations avant le 31 décembre est cruciale ; un préfet coordinateur a été nommé à cette fin.
Il faut aussi veiller au respect des interdictions de transport de bétail. Si le virus se propage, c'est que, hélas, elles ont été parfois contournées. Nous appelons à la responsabilité. Il n'est pas possible de subir des drames parce qu'une infime minorité ne respecte pas les règles.
Cette vaccination aura des effets économiques, notamment à l'exportation. Il est essentiel de discuter avec Rome et Madrid, mais aussi Bruxelles, pour assurer une visibilité sur le statut à l'export des animaux vaccinés. En plus de la ministre de l'agriculture, les ministres de l'Europe et du commerce extérieur se mobilisent dans cet objectif.
Quant aux mesures d'accompagnement, les aides exonérées d'impôt et de charges ne suffisant pas, nous avons débloqué un premier fonds d'urgence, de 10 millions d'euros. Je souhaite qu'il soit le plus territorialisé possible et bénéficie notamment aux petits élevages. La réactivité de l'aide sera décisive pour la pérennité des exploitations, le moral des éleveurs et la qualité de leur relation avec l'État.
D'autres mesures sont à venir, en particulier pour la reconstitution des cheptels - je pense aux mesures qui concernent les génisses. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)
Crise agricole (III)
M. Jean-Jacques Michau . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En préambule, j'affirme mon soutien indéfectible aux éleveurs frappés par la DNC, à l'instar des 200 élus rassemblés avant-hier à Foix. Tous, nous avons été choqués par les face-à-face entre forces de l'ordre et éleveurs éprouvés et à bout.
Vous êtes venue à Toulouse, madame la ministre, mais la réunion n'a pas satisfait la profession et la mobilisation s'est renforcée.
Vous avez annoncé une cellule de dialogue scientifique : les propositions des chambres d'agriculture et des syndicats y seront-elles étudiées, sans remise en cause de l'expertise scientifique ? Vous avez annoncé aussi l'intensification de la vaccination, une demande forte des éleveurs ; je salue la mobilisation des vétérinaires.
Dans quel délai les aides aux éleveurs dont les troupeaux ont été abattus seront-elles versées ? Comment comptez-vous aider aussi ceux qui ne pourront commercialiser ou exporter leur bétail ? Quelle politique structurée prévoyez-vous face aux crises futures ? Et quelles réponses apportez-vous à la détresse profonde du monde paysan face à l'accord avec le Mercosur et l'avenir de la PAC ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire . - L'Ariège est fortement éprouvée par la DNC. Les deux premiers éleveurs touchés ont déjà perçu un acompte : je tiens à ce que les premières aides soient versées dans les jours qui suivent la perte du troupeau.
Venant d'une région d'élevage, je mesure le drame que représente la perte d'un cheptel pour l'éleveur, sa famille et la communauté villageoise. L'indemnisation ne l'efface pas, mais elle sera au rendez-vous, pour la perte des bovins, les pertes d'exploitation et les coûts de désinfection.
Quant à la cellule de dialogue scientifique que j'ai proposée à Toulouse, il s'agit de faire un pas de côté en mettant autour de la table des représentants du monde de l'élevage, des personnalités choisies par la présidente et le préfet de région et des experts en santé animale. Le protocole ariégeois y sera discuté, avec comme perspective la sécurité sanitaire de nos élevages. J'attends beaucoup de ce dialogue entre scientifiques et professionnels. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
Crise agricole (IV)
Mme Cécile Cukierman . - Alors que le monde agricole exprime une colère profonde et légitime depuis des mois, voici que nos campagnes font face à une urgence sanitaire majeure. Nos agriculteurs voient leurs revenus s'effondrer et les élevages sont frappés par des crises sanitaires à répétition, entraînant abattages massifs et, souvent, tardivement indemnisés.
La détresse du monde agricole est le fruit de choix politiques, qui ont affaibli les outils publics de prévention et de gestion des risques sanitaires. La pénurie de vétérinaires agricoles aggrave la situation. La prévention recule, les soins sont retardés, la surveillance se dégrade. Ce qui est en jeu, c'est l'avenir des exploitations, mais aussi la sécurité sanitaire des aliments, donc la santé publique.
La PAC est au coeur de l'impasse, car elle subventionne la surface et le capital, favorisant la concentration et l'élimination des fermes paysannes au lieu de garantir une agriculture vivante et pourvoyeuse d'emplois sur nos territoires.
La PAC post-2027 s'annonce encore plus inquiétante. Budget menacé, mise en concurrence accrue, renationalisation : l'agriculture risque de servir de variable d'ajustement.
La signature du traité avec le Mercosur accélérerait la disparition de l'élevage paysan et l'affaiblissement de notre souveraineté.
Combien de crises sanitaires avant un changement de cap ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Très bien !
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre . - Vous me permettrez de ne pas répéter les éléments de réponse que j'ai donnés dans mes deux premières interventions.
Heureusement que nous avons augmenté le nombre de vétérinaires formés depuis huit ou neuf ans. Nous allons continuer, jusqu'à en former, en 2030, 75 % de plus qu'en 2017. Mais l'enjeu est aussi leur répartition géographique : nous devrons en discuter avec l'Ordre des vétérinaires, notamment en vue de disposer de vétérinaires mobiles.
L'avenir de notre agriculture met en jeu notre modèle de société, les relations entre producteurs et consommateurs, l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement et, bien sûr, notre souveraineté, dont la dimension alimentaire est capitale.
Le Sénat s'est fortement mobilisé sur le traité avec le Mercosur. Si la Commission européenne décide de passer en force en fin de semaine, la France votera contre. (Applaudissements sur diverses travées)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Bravo !
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. - Les négociations sur la future PAC commencent maintenant. Dans toute négociation, réussir les débuts est un atout précieux. En l'occurrence, la France annonce deux principes qui ne varieront pas.
D'abord, la politique agricole doit rester commune. Il ne peut donc pas y avoir de différenciation par pays. L'éventualité d'adaptations nationales peut paraître sympathique, mais nous en connaissons les effets : concurrence déloyale et confusion entre soutien à la production agricole et accompagnement des ruralités.
Ensuite, nous avons aussi indiqué à la Commission européenne que pas un centime ne devrait manquer pour la future PAC. Cette politique est au coeur de la relation entre la France et les institutions européennes. La construction européenne se fonde sur des grands marqueurs, comme Ariane ou l'euro, mais aussi la PAC. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
Incendie criminel d'un collège à Dijon
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le collège Champollion, dans le quartier des Grésilles à Dijon, a été la cible d'un incendie criminel. Je salue la venue sur place des ministres de l'intérieur et de l'éducation nationale, ainsi que leur engagement ferme pour la reprise rapide des cours et la sécurisation de l'établissement.
Le ministre de l'intérieur a parlé d'acte d'intimidation. De fait, les premiers éléments suggèrent un lien avec le narcobanditisme, objet de nombreuses opérations de démantèlement des forces de l'ordre.
Le collège a déjà subi des tirs de mortier, la médiathèque et l'école primaire voisine ont elles aussi subi des violences.
La communauté éducative reste soudée.
Je sais que le Gouvernement fera son possible pour que les élèves puissent réintégrer l'établissement au plus vite.
Mais le narcotrafic maintient la population sous le joug de la peur. Hier, à Marseille, le Président de la République a redit que l'État serait le plus fort et gagnerait cette bataille contre le narcobanditisme.
Quels moyens sont mis en oeuvre pour soutenir la population de ces quartiers, les premières victimes ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)
M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur . - En effet, le ministre de l'éducation nationale et moi-même nous sommes rendus à Dijon. J'ai une pensée pour l'ensemble des élus présents.
Cet acte relève de représailles, à la suite des nombreuses opérations menées avec succès par les policiers dans le quartier des Grésilles : les sept principaux chefs ont été arrêtés, et il n'y a plus de points de deal.
Le collège doit reprendre son activité le plus tôt possible.
Nous devons éviter que le trafic ne se réimplante. D'où une action de terrain, nécessaire. Je salue aussi le travail de la police municipale de Dijon. Cela facilite la dispersion.
Nous utiliserons tous les outils à notre disposition, notamment ceux issus de la loi Narcotrafic, qui donne des pouvoirs de police administrative supplémentaires aux préfets, notamment. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Label RGE dans le secteur du bâtiment
M. Grégory Blanc . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pierre-Alain Roiron applaudit également.) Les artisans du bâtiment manifestent devant la préfecture, à Angers comme partout en France.
M. François Patriat. - Ils feraient mieux de travailler.
M. Grégory Blanc. - Tous demandent le maintien de normes environnementales très ambitieuses, mais du bon sens dans leur application. La simplification, ce n'est pas moins de normes ; c'est moins de paperasse. Par ailleurs, il faut plus de contrôles sur site, pour s'assurer que l'argent public est bien employé.
Les parcours de rénovation sont fracturés, alors que nous avons besoin de stabilité. Il faut cesser le stop and go sur MaPrimeRénov' - je pense en particulier à l'exclusion des monogestes. Le secteur du bâtiment a perdu 40 000 emplois en deux ans.
Sous sa forme actuelle, la qualification « reconnu garant de l'environnement » (RGE) est un facteur de fraudes et un frein pour les TPE et la massification. Les discussions avec le ministère sur le sujet sont bloquées. Quand prendrez-vous un décret pour réformer ce dispositif, afin qu'il soit tout aussi ambitieux écologiquement, mais plus simple ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement . - Nombre d'entrepreneurs et artisans manifestent aujourd'hui leurs inquiétudes face à la baisse des chantiers et aux difficultés liées à la paperasse. Oui, il faut simplifier les démarches. En particulier, nous devons ouvrir plus largement les enjeux autour du RGE, afin de faciliter l'amélioration de l'habitat, notamment sur le plan thermique.
Le Gouvernement mobilise 4,6 milliards d'euros pour l'Agence nationale de l'habitat. MaPrimeRénov' est non seulement maintenue, mais voit ses objectifs rehaussés - autour de 120 000 rénovations. Vous avez raison, le stop and go est délétère.
Pour que cet effort se concrétise et pour aider nos artisans, il est essentiel qu'un budget soit voté. (M. François Patriat applaudit.)
M. Grégory Blanc. - Il faut un budget, mais il faut un budget pour MaPrimeRénov' ! Réintégrons les monogestes, relevons nos ambitions en matière de rénovation. C'est ainsi que nous serons au rendez-vous de la neutralité carbone. Seules 10 % des entreprises du bâtiment ont le label RGE : il est urgent de l'ouvrir davantage. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Rémi Cardon applaudit également.)
PLF pour 2026 (I)
M. Mathieu Darnaud . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier Ministre, vous avez souhaité que le Parlement et le Sénat soient au coeur de la fabrique du budget. Jugez-vous acceptables les propos...
Une voix à droite. - ... scandaleux !
M. Mathieu Darnaud. - ... du ministre de l'économie, pointant le Sénat comme responsable de la dégradation des finances publiques ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
Je le dis avec gravité : durant plusieurs mois, nous nous sommes attachés ici à fabriquer un budget responsable qui soit au rendez-vous de la trajectoire (vives protestations à gauche et sur quelques travées du RDPI), qui permette de réduire, de supprimer 8 milliards d'euros d'impôts supplémentaires (mêmes mouvements), car le budget ne peut être construit en faisant les poches des Français, des entreprises et des collectivités.
Une voix à gauche. - Et les riches ?
M. Mathieu Darnaud. - Si le budget est dégradé, c'est à cause de l'amendement du Gouvernement qui porte le déficit à 5,3 points de PIB.
M. Rachid Temal. - C'est vous !
M. Mathieu Darnaud. - Plutôt que de vous ériger en censeur, comme le ministre de l'économie, allez-vous mettre sur la table de nouvelles sources d'économies ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre . - Votre question me permet de faire un point d'étape sur la suite des opérations pour donner un budget à la France d'ici à la fin de l'année. Le Gouvernement respecte et respectera toujours le Parlement. (On ironise à droite.)
Le respecter, c'est faire en sorte que les parlementaires soient responsables de ce qu'ils ont voté. (Mme Florence Blatrix Contat s'en amuse et applaudit.)
Ensuite, il y a une réalité, notre déficit. Avant moi, François Bayrou et Michel Barnier s'y sont attelés.
M. Rachid Temal. - Sans succès.
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. - Je leur rends hommage. Certains instruments fiscaux dénoncés aujourd'hui étaient dans les copies de mes prédécesseurs ; il a fallu les accepter même si je n'étais pas d'accord.
À quelques encablures de la CMP, la situation est difficile, car les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat sont éloignées. (On le confirme à gauche.) La CMP est toutefois l'outil qui, sans le Gouvernement, permet de faire converger les choses. Je suis un défenseur du bicamérisme et, souvent dans notre histoire, des positions qui pouvaient apparaître très éloignées avant la CMP ont réussi à converger en son sein.
Néanmoins, la situation est compliquée, parce que les positions sont très difficilement identifiables. Au sein de cet hémicycle, c'est plus clair, mais à l'Assemblée nationale... Je rends hommage à Jean-François Husson et à Philippe Juvin, les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale, et à la ministre des comptes publics Amélie de Montchalin, dont la tâche est difficile. Le Gouvernement s'est tenu à la disposition de tous. (M. Jacques Grosperrin s'exclame.)
Parfois, les positions sont difficiles au sein même des groupes et des partis politiques.
M. Rachid Temal. - Pas Les Républicains, par hasard ?
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. - Les socialistes aussi. Je ne le dis pas avec malice.
M. Patrick Kanner. - Oh non !
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. - Cette fragmentation de la vie politique se retrouve dans le budget.
M. Olivier Paccaud. - Le budget d'Olivier Faure !
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. - C'est le budget du Gouvernement tel qu'amendé par le Parlement. Nous sommes entre gens responsables, ici : il n'y a pas de groupe LFI ni RN.
M. Loïc Hervé. - Encore heureux !
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. - Et nous nous battrons pour que cela dure. La CMP devra donc travailler sur deux copies, celle, initiale, du Gouvernement et celle du Sénat. L'Assemblée nationale n'a examiné que les recettes. Il y a une désynchronisation avec le Sénat, qui a regardé l'intégralité du PLF.
Reste qu'il nous faut un budget avant la fin de l'année. Je l'ai dit ce matin aux ministres : d'ici à vendredi, nous devons nous plier en six pour accompagner les parlementaires sur des voies de compromis. (M. Olivier Paccaud ironise.) Il faudra plus de clarté et plus de dialogue. Je ne divulguerai rien, mais je suis frappé de voir le peu de dialogue entre certains. La CMP se tient dans 48 heures ! Je demande depuis plusieurs jours une CMP à blanc, mais nous avons eu peu de succès sur tous les bancs à l'Assemblée nationale.
M. Mathieu Darnaud. - Ici, nous sommes au Sénat !
Mme Frédérique Puissat. - Ici, vous en avez eu !
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. - Certes, mais le bicamérisme, ce sont deux chambres.
Le vote démarrera mardi matin par le Sénat, ensuite à l'Assemblée nationale. Je ne cherche pas de soutien, mais un peu de bienveillance et éviter le désordre. Les municipales ont lieu en mars, le monde économique est inquiet ; nous devrons donc y arriver avec le souci de l'intérêt général. Puisqu'il vous reste du temps de parole, quels sont les éléments de fond que le groupe Les Républicains peut mettre sur la table qui permettent aux autres groupes de cet hémicycle et de l'Assemblée nationale d'avancer ? (On s'amuse à gauche.)
Chacun doit faire un pas au service de l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe SER ; MM. Bernard Fialaire et Marc Laménie applaudissent également.)
M. Mathieu Darnaud. - J'aurais du mal à résumer en 30 secondes ce que nous avons mis six mois à bâtir.
Chers collègues de gauche, comme le disait Pierre Mendès France, gouverner, c'est choisir.
Mme Monique Lubin. - Exactement !
M. Mathieu Darnaud. - Il faut faire un choix entre ceux qui veulent la taxe et la surtaxe (exclamations sur les travées du groupe SER) et ceux qui veulent faire des économies...
M. Patrick Kanner. - En faveur des plus aisés !
M. Mathieu Darnaud. - ... pour donner un budget à la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
Santé mentale en outre-mer
Mme Solanges Nadille . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Il y a quinze jours, en Guadeloupe, un psychiatre a perdu la vie au Gosier, tué par un patient au sein d'un centre médico-psychologique (CMP). Ce drame absolu n'est pas un fait divers : c'est le symptôme d'un système de santé mentale à bout de souffle.
Dimanche dernier, une ancienne députée, ancienne coordinatrice interministérielle contre les violences faites aux femmes en outre-mer, ainsi qu'une citoyenne, ont été sauvagement agressées au Moule. Il faut protéger ceux qui soignent comme ceux qui sont soignés.
L'établissement public de santé mentale (EPSM) de Guadeloupe prend en charge 20 % de patients de plus qu'en 2019. Mais les moyens ne suivent pas. Dans nos outre-mer, près de quatre jeunes sur dix souffrent de dépression, un sur deux en Guyane.
Le plus grave, c'est le silence. Seuls 30 % des jeunes osent consulter, par peur de la stigmatisation, mais aussi parce que l'offre de soins est illisible, fragmentée et inaccessible. C'est le parcours du combattant, au lieu de la main tendue.
L'ARS ne peut se contenter d'une gestion comptable. Quand doterez-vous l'EPSM de moyens humains et financiers suffisant ? Quelles mesures d'urgence allez-vous déployer pour que la santé mentale des jeunes ultramarins cesse d'être une fatalité et que nos soignants puissent exercer sans risquer leur vie ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du GEST ; Mme Corinne Bourcier applaudit également.)
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées . - Je m'associe à votre hommage au psychiatre assassiné et j'assure Justine Bénin de mon plein soutien.
Ces événements montrent que les enjeux de santé mentale sont prégnants. D'où le renouvellement de la santé mentale comme grande cause nationale en 2026. (M. François Bonhomme ironise.)
Face à l'augmentation des troubles psychiatriques, les financements pour la santé mentale augmentent aussi. Quelque huit régions ont bénéficié d'un rattrapage financier, dont la Guadeloupe. Au total, 12 millions d'euros ont été alloués aux outre-mer.
Les EPSM ont besoin de moyens supplémentaires. Mais le défi, c'est le recrutement : nous faisons face à des pénuries durables, pour lesquelles l'État se mobilise via des dispositifs d'attractivité.
En ce qui concerne la prise en charge des plus jeunes, nous renforçons les maisons des adolescents, les équipes mobiles en pédopsychiatrie, l'intervention des professionnels de santé mentale en milieu scolaire et les repérages précoces. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Marc Laménie applaudit également.)
PLF pour 2026 (II)
M. Laurent Somon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Revenons sur les propos de M. Lescure, ministre de l'économie - et non des finances, dont le pilotage semble assuré par Mme de Montchalin.
Lundi, il a dit, en bon français : « Houston, we have a problem ». En bon Picard, je le confirme : Yes, we have a problem, monsieur le ministre ! (Rires à droite) Ce problème, c'est le mépris persistant à l'égard du Parlement et, plus encore, du Sénat. Il doit cesser.
Un exemple : l'amendement de la commission des finances tirant les conséquences de la gestion du plan France 2030, marquée depuis deux exercices par des surestimations manifestes. Vous avez vous-même proposé en fin de gestion l'annulation successive de 1,2 milliard, puis 1,6 milliard d'euros. Sur la base des éléments transmis au Sénat par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI), nous avons donc proposé de sincériser les crédits à hauteur de 1 milliard d'euros.
Les informations erronées, pour ne pas dire fallacieuses, diffusées par certains services relevant du Premier ministre ne sont pas acceptables. Elles constituent une forme de mépris institutionnel à l'égard du Parlement, sans oublier le manque de transparence dans la gestion de ces fonds et l'absence ou l'insuffisance de publication des documents de contrôle.
Pourriez-vous rappeler que c'est le Parlement qui décide et le Gouvernement qui exécute ? (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur des travées du groupe UC)
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics . - On peut être en désaccord sans être dans le mépris.... (Exclamations ironiques à droite) Les amendements sont effectivement des amendements de sincérité, et non de manipulation.
Permettez-moi de rappeler quelques faits, car il y a eu beaucoup de désinformation. Le Gouvernement a proposé des amendements de coordination tirant les conséquences de l'adoption du PLFSS - je le dis sous le contrôle du président Alain Milon et de la rapporteure générale Élisabeth Doineau -, qui prévoit des transferts entre État et sécurité sociale...
Mme Frédérique Puissat. - Exactement !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - ... pour 4,6 milliards d'euros.
M. Max Brisson. - Ce n'est pas la question !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Sans esprit de polémique, je rappelle que le Sénat avait proposé, dans sa version du PLFSS, des transferts de 5,7 milliards d'euros. C'est l'un des compromis transpartisans qui ont émergé à l'Assemblée nationale entre le groupe centriste, le groupe LIOT, les écologistes et le rapporteur général Thibault Bazin, membre des Républicains.
Nous avons fait les comptes : le déficit à 5,3 % du PIB est la conséquence de vos votes sur la première partie du texte. (On le conteste à droite.)
M. Max Brisson. - Et France 2030 ? Répondez à la question !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - J'ai sincérisé la copie de France 2030 avec le ministre Lescure pour nous assurer que tous les engagements seraient tenus, mais qu'il n'y aurait pas d'excédent de trésorerie dans les différents budgets. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Laurent Somon. - Que de lobbying sur cet amendement ! On ne compte pas le nombre de parlementaires sollicités pour s'opposer à cette diminution de crédits, parfois de manière insistante. Tous l'ont été sur la base d'informations erronées et de contre-vérités, voire de raccourcis grossiers - à l'exception du rapporteur général et du rapporteur spécial, que je connais bien... (Sourires)
Ces méthodes d'un autre temps traduisent un mépris du Parlement. J'espère que nous n'aurons plus à les subir. Fondons notre travail sur la transparence et la confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Guislain Cambier applaudit également.)
Fonction publique dans les outre-mer
M. Victorin Lurel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 27 juin 2024, vos prédécesseurs ont publié un décret modifiant le régime des congés maladie des fonctionnaires et contractuels de la fonction publique, dont la déclinaison outre-mer est une véritable catastrophe.
En excluant la prime de vie chère du régime indemnitaire, vous créez un énorme préjudice financier, et peut-être des drames humains, pour des milliers de fonctionnaires, qui perdront de 67 % à 100 % de leurs primes, avec application rétroactive et une saisie sur salaire à compter du 1er janvier 2026. Ces personnes atteintes de pathologies graves et lourdes, dont des cancers, très prévalents dans nos territoires, subiront de plein fouet l'obsédant problème de la vie chère.
C'est un outil cynique de régulation budgétaire. Désamorcez cette bombe sociale en excluant du régime indemnitaire la prime de vie chère, au même titre que l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement (SFT). J'ai dit ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État . - Depuis l'accord signé en octobre 2023 par six des sept organisations syndicales représentatives, traduit par un décret de juin 2024, nous avons apporté des garanties supplémentaires pour les congés maladie de longue durée, dont les bénéficiaires étaient exposés à des risques de récupération en cas d'indus. Cet accord a permis le maintien de 33 % de la majoration la première année, 66 % la deuxième et la troisième.
Pour la fonction publique d'État, des travaux ont été mis en place sur la protection sociale complémentaire (PSC), ministère par ministère. Cela permet d'apporter des solutions pour les arrêts maladie de courte durée.
Je salue le vote conforme de l'Assemblée nationale et du Sénat pour l'extension de la PSC en matière de prévoyance à la fonction publique territoriale en outre-mer. Mme Moutchou et moi-même sommes à votre disposition.
M. Victorin Lurel. - J'ai dit, mais vous n'avez pas entendu : l'accord a été signé par des centrales nationales qui ont totalement ignoré les outre-mer. La fronde sociale couve et va s'intensifier. Faites venir une délégation des syndicalistes ultramarins dans votre bureau. Les écailles vous tomberont des yeux et vous vivrez une épiphanie... (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Akli Mellouli applaudit également.)
PLF pour 2026 (III)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Lundi, dans cet hémicycle, le ministre de l'économie a dit : « C'est inacceptable, nous devons sortir de cette ornière ». Dit autrement : la majorité du Sénat est irresponsable. (Protestations amusées sur les travées du groupe SER)
Pour mon groupe, être responsable, c'est réformer plutôt que taxer, c'est arbitrer entre des politiques publiques. En un mot, c'est gouverner.
Alors oui, les sénateurs irresponsables de la majorité sénatoriale vous ont proposé des pistes de réforme : sur les agences de l'État, sur la fonction publique, sur la fiscalité énergétique, sur le logement, sur les collectivités locales, une indexation différenciée du barème de l'impôt sur le revenu, une mesure sur les retraités les plus aisés. Ces sénateurs irresponsables ont fait preuve de courage et de créativité. (Exclamations sur les travées du groupe SER ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est l'art de la politique selon Vauban.
Monsieur le ministre, quelle est votre définition d'un homme politique responsable ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique . - (Huées sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Yannick Jadot. - On croirait les insoumis !
M. Roland Lescure, ministre. - J'ai eu l'impression, un instant, de me retrouver à l'Assemblée nationale... (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur plusieurs travées du RDSE ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Max Brisson. - Assumez !
M. Roland Lescure, ministre. - Merci de me permettre de répondre aux interpellations relatives à mon intervention de lundi soir.
Cela fait huit ans que je suis élu ou membre du Gouvernement.
M. Fabien Genet. - C'est le problème !
M. Roland Lescure, ministre. - J'ai toujours répondu aux interpellations avec respect, franchise, sincérité et conviction. (Applaudissements sur quelques travées du groupe INDEP) Si vous avez entendu que je traitais quiconque d'irresponsable (« oui » sur les travées du groupe Les Républicains), c'est soit que je me suis mal exprimé, soit que nous avons un dialogue de sourds, ce que je regrette.
Une voix à droite. - Trop tard !
M. Roland Lescure, ministre. - Ce que j'ai dit lundi, c'est que si l'on souhaite un budget qui puisse être voté par les deux chambres, il faut que tout le monde fasse des efforts.
M. Olivier Paccaud. - Les socialistes aussi. (Protestations sur les travées du groupe SER)
M. Rachid Temal. - Ils en font !
M. Roland Lescure, ministre. - On peut se renvoyer sans cesse la balle - mais si l'on aboutit à un budget affichant un déficit à 5,3 % du PIB, ce sera effectivement irresponsable.
M. Stéphane Sautarel. - C'est de votre faute !
M. Max Brisson. - C'est vous, le Gouvernement !
M. Roland Lescure, ministre. - Si l'on additionne le PLFSS voté à l'Assemblée nationale et le PLF issu du Sénat, le déficit est à 5,3 %. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Husson proteste avec véhémence.)
Je vous réponds sur la base de faits, de chiffres. Le budget présenté par le Gouvernement additionné au PLFSS nous mettait à 5 % de déficit. Nous sommes actuellement à 5,3 %. Il va falloir faire des efforts. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Christine Lavarde. - Nous, nous continuerons à être responsables en refusant de sacrifier l'avenir pour satisfaire le présent. (Mme Audrey Linkenheld ironise.) Je vous invite à l'être en utilisant le 49.3, c'est la seule solution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet et M. Guislain Cambier applaudissent également.)
Programmation pluriannuelle de l'énergie
M. Patrick Chauvet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe Vincent Delahaye à ma question.
La France n'a toujours pas de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). C'est insensé. Nous ne savons pas où nous allons. Nos documents énergétiques sont obsolètes ; nombre d'appels d'offres sont en attente, notamment sur l'éolien en mer ; le monde de l'énergie renouvelable est en partie bloqué. La PPE a failli être adoptée en catimini en mai dernier, puis fin juillet.
Où en est-on ? Pourquoi la PPE est-elle encore en attente ? Est-elle prête ? Les propositions du Sénat seront-elles prises en compte ? Lesquelles ? Ou bien la PPE est-elle encore en cours d'élaboration ? Si oui, dans quel sens ? Avec qui négociez-vous ?
Lors des dernières questions d'actualité, un collègue sénateur vous a remercié pour « l'attention que vous lui portez au quotidien ». Ni moi ni Daniel Gremillet ne pouvons en dire autant. Ces attentions sont-elles en lien avec la PPE ? Pourquoi tant de mystère ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique . - C'est mon jour... (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
La PPE est en cours de finalisation. RTE vient de publier une actualisation de ses projections de demande d'électricité, en les revoyant nettement à la baisse. Nous réajustons donc nos prévisions pour adapter la PPE à ces nouveaux éléments.
Tous les parlementaires font l'objet de ma plus grande attention. Depuis que le Premier ministre m'a chargé de la réflexion sur le sujet, j'ai échangé avec Daniel Gremillet ; sa proposition de loi poursuit son chemin, mais ce n'est plus le même objet depuis l'examen à l'Assemblée. J'ai consulté tous les groupes politiques pour comprendre les positions. Je ferai des propositions au Premier ministre dans les jours qui viennent, et nous aurons l'occasion d'échanger.
Nous nous retrouvons tous, je pense, autour de la nécessité pour la France d'avoir une énergie décarbonée, souveraine - car 60 % de notre énergie est importée et carbonée - et forte, qui nous permette de réindustrialiser. (M. François Patriat applaudit.)
M. Patrick Chauvet. - Je vous encourage au dialogue et à la concertation.
M. Roland Lescure, ministre. - Avec grand plaisir.
M. Patrick Chauvet. - Souhaitons que l'énergie ne soit pas une énième victime collatérale du marasme politique actuel ni ne fasse l'objet de marchandages étrangers à l'intérêt de la nation. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
PLF pour 2026 (IV)
Mme Sophie Primas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, je souhaite revenir sur les propos tenus ce lundi au Sénat par votre ministre de l'économie. (Protestations sur les travées du groupe SER)
Dressons le bilan, à date, entre la copie du Gouvernement et celle du Sénat. Votre bilan, monsieur le Premier ministre, c'est d'avoir tout cédé à la gauche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; « Ah ! » à gauche)
Mme Laurence Rossignol. - Si seulement !
Mme Sophie Primas. - Fin du prélèvement forfaitaire unique, suspension de la réforme des retraites, recul du gel budgétaire, etc.
Le bilan du Sénat ? Suppression de 8 milliards d'euros de hausses d'impôts et de taxes ; effort des collectivités territoriales ramené à 2 milliards d'euros ; fin du Dilico pour les communes.
M. Olivier Paccaud. - Tant mieux !
Mme Sophie Primas. - Notre groupe a proposé 6 milliards d'euros d'économies, dont 4 milliards ont été adoptés.
Sur le logement, nous avons créé le statut du bailleur privé ; ...
Mme Frédérique Puissat. - Très bien !
Mme Sophie Primas. - ... rendu 400 millions d'euros de marges d'investissement aux bailleurs sociaux ; exclu l'investissement locatif de l'IFI pour inciter les classes moyennes à investir dans la pierre ; étendu le bail réel solidaire pour permettre l'accession à la propriété.
Des mesures utiles, concrètes, au service du quotidien des Français, de la production française et de la TVA.
Monsieur le Premier ministre, à la veille de la CMP, allez-vous considérer le travail responsable et constructif du Sénat plutôt que de le laisser dénigrer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics . - Je ne suis pas celle à convaincre de l'utilité du Sénat ni de ses très bonnes idées. Je le rappelle : le Gouvernement n'est pas présent dans la CMP. (M. Mathieu Darnaud ironise.) Ce sont ses membres qu'il faut convaincre que ces mesures peuvent être embarquées dans le compromis, et que chacun, des Républicains jusqu'aux socialistes, peut faire un pas pour aboutir à un déficit à 5 %.
La question, c'est : l'ordre ou le désordre ? Le Premier ministre a choisi la stabilité. Nous avions une alternative : dialoguer avec le Parti socialiste et les forces de gauche républicaines (« ah ! » sur les travées du groupe SER) ou dialoguer avec le Rassemblement national.
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. - C'est ce que vous préférez ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Nous avons choisi de ne pas travailler avec ce dernier (« très bien ! » ; applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du RDSE ; M. Ludovic Haye applaudit également) mais, en conscience, avec les premiers.
Ce faisant, nous restons fidèles à des valeurs que nous avons en partage. Le gaullisme n'a jamais été complaisant avec l'extrême droite. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Max Brisson. - Laissez le général de Gaulle tranquille !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - L'alternative au compromis, c'est l'absence de budget. Or sans budget, pas de stabilité, pas de France forte dans un monde qui s'arme, pas de réponse aux crises.
M. Max Brisson. - 49.3 ! 49.3 ! 49.3 ! (On renchérit à droite.)
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Monsieur le sénateur, le 49.3 n'est pas un outil que l'on peut utiliser au Sénat, jusqu'à nouvel ordre. Seul le Premier ministre peut l'enclencher. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDPI)
Mme Sophie Primas. - Nous choisissons l'ordre, mais ne renierons pas l'essentiel. Nous vous demandons que les conclusions de la CMP soient votées à l'Assemblée nationale, quitte à utiliser le 49.3. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Sébastien Lecornu, Premier ministre. - La balle est dans votre camp !
Aide sociale à l'enfance
Mme Marion Canalès . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Vingt mille enfants de moins de 5 ans bénéficient chaque année d'une première mesure de protection. Plus de 600 enfants de 0 à 2 ans sont accueillis après avoir subi des violences sexuelles : deux bébés par jour, c'est effroyable. Les violences et négligences graves ont des conséquences irréversibles sur le développement des tout-petits - mais la protection de l'enfance peut être efficace, à condition d'intervenir suffisamment tôt.
C'est ce que permet le programme Pégase, expérimenté dans six régions et treize départements. Enfin une bonne nouvelle ! Mais l'arrêté de généralisation auquel travaille le ministère prépare un parcours low cost.
Il n'est pas envisageable de vider le programme Pégase de sa substance. Pouvez-vous nous assurer que cette expérimentation, qui a fait ses preuves, sera généralisée avec la même qualité, les mêmes moyens et la même exigence ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées . - Je remercie les 130 000 professionnels qui oeuvrent pour les enfants confiés à la protection de l'enfance.
Nous ne sommes pas encore à la hauteur des enjeux : 400 000 enfants subissent des délais d'attente trop importants avant d'être placés, ainsi que des retards et des difficultés de scolarisation. Nous devons faire face à de nombreux défis pour répondre aux problématiques de santé, notamment mentale, de proxénétisme...
Je redis l'engagement total de la ministre Rist et du Gouvernement pour avancer avec détermination sur la protection de l'enfance.
Mme Laurence Rossignol. - Déjà une minute de lieux communs...
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Le projet de loi de finances 2026 alloue 55 millions d'euros supplémentaires à cette priorité.
Mme Annie Le Houerou. - Et Pégase ?
M. Rachid Temal. - Généralisation ou pas ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Dès 2026, le parcours coordonné de soins pour les enfants sera mis en place, notamment en santé mentale. L'objectif est bien d'en garantir la qualité.
Pour autant, il faut aussi des efforts plus structurels : l'ensemble de la politique de protection de l'enfance doit être retravaillé. Les ministres Rist et Darmanin ont annoncé un projet de loi de refondation...
M. Rachid Temal. - Généralisation de Pégase ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - ... visant à replacer le parcours de vie de l'enfant au coeur du système. Mme Rist réunira début 2026 un comité de pilotage qui associera les parlementaires et vous-même, madame la sénatrice.
Mme Marion Canalès. - Je ne vous demandais pas un grand exposé sur la protection de l'enfance ! Ma question était simple : allez-vous généraliser le programme Pégase, qui a fait ses preuves, avec les mêmes exigences qu'à son lancement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mmes Michelle Gréaume et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
PLF pour 2026 (V)
M. Cédric Vial . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Premier ministre avait fixé deux priorités : donner un budget à la France et faire des économies. Or nous nous dirigeons vers une loi spéciale, et il n'y aura pas d'économies. Les lourdes concessions consenties au Parti socialiste, dont l'abandon de la réforme des retraites, l'ont été sans contrepartie en termes d'économies.
Mme Frédérique Puissat. - Absolument !
M. Cédric Vial. - Votre position n'est-elle pas la seule chose que vous ayez réussi à sauver ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics . - Le temps presse, il nous reste 48 heures avant la CMP. Chacun conviendra qu'un pays va mieux quand il a à la fois un budget et un gouvernement. Les citoyens, les entreprises, les familles ne peuvent se projeter sans.
Le Premier ministre nous a demandé quel était notre objectif : jouer les présidentielles de 2027 ou travailler pour les Français. Si nous sommes là, c'est que nous voulons travailler pour les Français, maintenant.
Le PLFSS voté hier contient plus d'économies que les trois précédents, imposés par 49.3 : 4,6 milliards d'euros, contre 4,3 milliards en 2025, 3,5 milliards en 2023, 1,7 milliard en 2022... Revenons aux faits, contre la désinformation.
Pour réussir la CMP dans des délais très contraints, il faut qu'il y ait des échanges entre sénateurs et députés, entre les partis (M. Olivier Rietmann s'exclame), une méthode.
Dans les communes, dans les départements, dans les entreprises, les Français savent trouver des accords. Pourquoi n'y parviendrions-nous pas ? Nous avons su trouver une majorité sur le PLFSS, dans une Assemblée nationale fragmentée, des Républicains jusqu'aux écologistes. (M. Mathieu Darnaud proteste.) Pour le budget, pour nos armées, pour la justice, pour l'intérieur, pour l'agriculture, nous pouvons et devons faire de même. (MM. Marc Laménie, Henri Cabanel et Bernard Fialaire applaudissent.)
M. Cédric Vial. - Nous aurions aimé entendre le mot « pardon ». (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER) Pardon pour la dissolution inexplicable, pour le chaos qu'elle a entraîné. Pardon d'avoir noyé le pays sous le flot de la dette et du déficit. Pardon pour les propos inexcusables de M. Lescure. (Exclamations sur les travées du groupe SER ; MM. Victorin Lurel et Yannick Jadot lèvent les bras.)
Mme Laurence Rossignol. - Les Républicains sont de petites choses fragiles...
M. Cédric Vial. - Pardon pour les prélèvements préjudiciables sur le dos des collectivités, qui assument pourtant leurs responsabilités. Pardon pour les tergiversations indéfendables sur la politique énergétique. Pardon pour votre inconstance irresponsable sur la jeunesse, l'audiovisuel ou l'éducation.
Mme Laurence Rossignol. - Nous ne sommes pas à la messe !
M. Cédric Vial. - Pardon pour votre naïveté coupable en matière d'immigration ou de sécurité. Pardon pour votre incurie dans l'accompagnement des enfants en situation de handicap. (Exclamations moqueuses sur les travées du groupe SER) Pardon pour la situation inextricable dans laquelle vous avez plongé notre pays !
M. le président. - Il faut conclure. (Rires sur les travées du groupe SER)
M. Cédric Vial. - Mais vous n'assumez rien et ne changerez donc rien. Le Sénat n'y pourra rien. C'est aux Français que je dis : pardon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Patrick Kanner. - C'est le Grand Pardon !
Accord UE-Mercosur
M. Jean-François Rapin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La colère gronde chez les agriculteurs français et européens. Ils l'exprimeront demain devant le Conseil européen. Les principaux irritants sont : la crise de la dermatose, les inquiétudes sur la future PAC, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières pour les engrais, et enfin la signature imminente de l'accord UE-Mercosur, que la Commission européenne veut imposer.
Hier, le Sénat a émis un signal fort en enjoignant au Gouvernement de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, car nous jugeons la méthode de la Commission antidémocratique et dangereuse. Nous avons retenu des propos du ministre Forissier que le Gouvernement ne le souhaitait pas. C'est pourtant un élément du rapport de force et la garantie du respect des procédures. Les deux assemblées vous ont envoyé le même message. Pourquoi refuser d'y répondre, et risquer, en sus de la fronde des agriculteurs, une fronde du Parlement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Le Premier ministre comme la ministre de l'agriculture l'ont dit très clairement : la France considère que les conditions ne sont en aucun cas réunies pour un vote sur l'accord UE-Mercosur. Si la Commission passait en force, la France voterait non et s'opposerait avec fermeté.
Mme Kristina Pluchet. - Ça ne suffit pas !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - C'est une question de justice et de considération envers un monde agricole en crise, mais aussi un enjeu de souveraineté alimentaire, qui est une composante essentielle de la souveraineté européenne.
Nous n'avons pas retenu l'option de la saisine de la Cour de justice, car elle n'est pas suspensive de la procédure en cours. Mais nous sommes mobilisés, Président de la République, Premier ministre et Gouvernement, pour obtenir des concessions de la part de la Commission européenne au service de nos agriculteurs. Certaines ont été obtenues.
Mme Kristina Pluchet. - Pipeau.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Nous avons enregistré des succès.
Mme Kristina Pluchet. - Rien de concret.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Ainsi de la clause de sauvegarde, adoptée hier de manière transpartisane au Parlement européen. Ainsi des mesures miroirs, des limites maximales de résidus, sur lesquelles nous attendons que la Commission prenne des engagements fermes.
Mme Kristina Pluchet. - Inapplicables !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Ainsi des dispositifs de contrôle, dont le commissaire a annoncé le renforcement.
Mme Kristina Pluchet. - Impossible !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Nous attendons le résultat concret.
Il y a aussi des conquêtes que nous irons chercher avec les dents, comme la future PAC, qui doit être sanctuarisée dans ses moyens.
Dans ces combats, la France n'est pas seule. La Hongrie, la Pologne, l'Autriche et même la présidente du Conseil italien s'allient à nous pour défendre nos agriculteurs. (M. Bernard Fialaire applaudit.)
M. Jean-François Rapin. - Tout cela, je le sais déjà.
Refuser la saisine de la Cour de justice au motif qu'elle ne serait pas suspensive est une erreur. C'est une arme offensive !
Quant à la présidente du Conseil italien, elle a seulement dit qu'un report pouvait s'imposer, mais jamais qu'elle s'opposerait à l'accord.
Le Parlement, à la quasi-unanimité, demande la saisine de la Cour de justice : saisissez-la, nom d'un chien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 30.
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 40.