c) Quelle est la part des services ?

« Alors que les services jouent un rôle prépondérant dans le dynamisme des économies développées 43 ( * ) , ils ne constituent qu'un cinquième du commerce mondial » (lettre du CEPII n° 255, avril 2006).

On peut s'étonner de l'ampleur de cette disproportion même si elle est probablement imputable, en grande partie, au fait qu'il s'agit d'activités moins facilement délocalisables que celles de l'industrie (la consommation de services implique souvent une proximité géographique entre le producteur et le consommateur) et qui ont été, pour le moment 44 ( * ) , moins ouvertes à la concurrence au niveau international.

On est en droit aussi de vouloir s'expliquer l'évolution récente des échanges extérieurs de services de la France marquée notamment par une brutale aggravation du déficit des services divers aux entreprises et des services financiers qui a provoqué une diminution de notre excédent à partir de 2006 45 ( * ) .

Enfin, on a vu plus haut combien il était primordial de pouvoir mesurer exactement le coût des services en matière de transports pour pouvoir comparer les valeurs des importations et des exportations de biens 46 ( * )

Mais les statistiques disponibles pour répondre à ces interrogations et à ces impératifs ne sont pas encore d'une fiabilité parfaite 47 ( * ) .

Le CEPII, dans sa lettre précitée d'avril 2006, souligne ainsi que la libéralisation internationale des services, encore incomplète, est plus complexe à saisir que celle des biens , car elle repose non seulement sur des échanges ponctuels de prestations, mais aussi sur des mouvements de personnes ou des implantations de filiales commerciales à l'étranger qui ne font l'objet que « d'informations statistiques parcellaires » 48 ( * ) .

La frontière entre l'industrie et les services a un caractère arbitraire selon les auteurs d'un autre article paru dans la revue de l'OFCE (op.cit n°98 juillet 2006) qui présentent à ce sujet les observations suivantes :

- Les échanges de biens industrialisés incorporent beaucoup de services aux entreprises (y compris des services commerciaux, de communication et de transport). Les travailleurs de ces branches contribuent donc bien davantage aux exportations françaises que ne le suggèrent les statistiques.

- La distinction entre production de biens et prestations de services au sein même de l'industrie est au demeurant particulièrement floue s'agissant de certaines tâches effectuées pour le compte d'entreprises de cette branche (comme le nettoyage des locaux selon qu'il est ou non externalisé ou le travail confié à des intérimaires).

- Au total, la branche des services aux entreprises joue un rôle nettement plus important qu'il n'y paraît dans la compétitivité des produits français. Une évaluation du commerce international en valeur ajoutée aboutirait selon les auteurs de l'article à un doublement de la part des services (de 21 % à 43 %) et à un abaissement de celle de l'industrie stricto sensu (des deux tiers à moins de 45 %) en retranchant des exportations industrielles les productions de services qui leurs sont incorporées.

D'autres délicats problèmes comptables de distinction de biens- services se posent à propos, non seulement, de la correction CAF-FAB des importations mais des autres transports de marchandises (en ce qui concerne notamment les transports routiers sur le territoire national et en pays partenaires et du traitement des réparations ou de certains biens culturels 49 ( * ) ).

Par ailleurs, comme dans le cas des échanges de marchandises, la mesure des flux internationaux de services est rendue plus difficile par le développement des activités intragroupe à l'échelle mondiale.

Les services que se rendent mutuellement les sociétés d'un même groupe peuvent ne pas être identifiés comme tels par leurs comptabilités, ni bien distingués de ceux qui sont sous-traités à des entreprises extérieures.

Seuls sont enregistrés, dans la balance des transactions courantes, les échanges transfrontaliers de services à l'exclusion des prestations fournies par une filiale durablement implantée à l'étranger ou par une personne en déplacement.

Le cas des échanges touristiques est particulier dans la mesure où c'est le consommateur et non pas l'entreprise ou le produit qui franchit alors la frontière.

Après les revenus des investissements directs (26,17 Mds d'euros) le poste « voyages » représente en 2006 le deuxième excédent (12,07 milliards) de la balance des paiements 50 ( * ) .

Or selon l'INSEE 51 ( * ) « Les échanges de services touristiques... ne sont pas décrits (statistiquement) avec autant de détails que le justifierait leur place dans l'économie ».

La disparition des monnaies nationales, en janvier 2002, dans la zone euro a rendu très délicat voire impossible le repérage des échanges touristiques en son sein (celui-ci était auparavant en grande partie effectué par le biais des échanges de billets).

La Banque de France a donc mis en place un nouveau système de collecte dont les déclarations des émetteurs de cartes bancaires constituent l'une des sources.

Trois enquêtes sont effectuées en collaboration avec la Direction du tourisme : deux auprès des Français qui se rendent à l'étranger, respectivement à titre personnel ou professionnel, et la troisième auprès des visiteurs étrangers en France.

* 43 En France, les services représentent plus de 70 % des emplois et de la valeur ajoutée.

2004

Valeur ajoutée

Emploi

Tertiaire marchand :

53,8

46,6

Tertiaire non marchand :

20,9

27

Industrie :

17,3

15,1

Source : comptes nationaux - INSEE

* 44 L'entrée en vigueur de la directive européenne dite Bolkenstein sur les services à la fin de 2006 (directive 2006/123/C, adoptée par le Parlement européen et le Conseil, le 12 novembre 2006) pourrait changer cette situation au sein de l'Union européenne. Mais, au niveau mondial, l'application de l'AGCS (accord général sur le commerce des services), conclu en 1995 à l'issu du cycle des négociations de l'Uruguay Round qui se sont déroulées sous l'égide de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce), soulève de nombreuses difficultés.

* 45

Soldes (en milliards d'euros)

2005

2006

2007

Autres services (hors voyages et transports)

5,9

1,8

1,3

dont :

Services financiers

- 0,8

- 1,9

- 1,4

Autres services aux entreprises

3,1

- 0,3

- 1,8

(notamment frais d'études, de recherche, d'assistance technique)

Source : Banque de France (Balance des paiements)

* 46 Le coût des frais d'assurance et de transport des marchandises entre les frontières des pays partenaires doit être évalué et retranché de la valeur CAF des importations pour pouvoir comparer celles-ci aux exportations qui sont mesurées FAB. Le SEC 1995 (système européen comptable), recommande de distinguer les services de transport des biens échangés selon qu'ils sont fournis par des prestataires résidents ou non, ce qui oblige à un difficile partage entre la part des transports effectuée sous pavillon français ou étranger.

* 47 Les données sur les services hors voyages et transports issues des déclarations des entreprises les plus concernées (DDG : déclarants directs généraux) ou de celles faites par les banques pour leur propre compte peuvent être considérées comme fiables. Il en va différemment des déclarations effectuées par les banques pour le compte des autres entreprises (non DDG).

* 48 Il existe selon l'AGCS (accord général sur la commercialisation des services) quatre modalités d'internationalisation des services : les prestations transfrontières (télédiffusion des programmes télévisés, consultations à distance d'un expert...), le déplacement du consommateur (tourisme), la présence commerciale, le travail temporaire (exemple fameux du plombier polonais...).

* 49 Certaines réparations sont considérées comme des services par la balance des paiements mais comme des échanges de biens par la comptabilité nationale. Cette dernière reclasse au contraire en échange de services certaines activités (spectacle, photographie, production de films, réalisation de logiciels....) traités comme des mouvements de marchandises par les douaniers et la Banque de France.

* 50 Les transports internationaux ne sont pas enregistrés sous cette ligne (seuls les transports intérieurs le sont) mais avec les services de transport.

Dans le compte Reste du monde, les services touristiques ne constituent pas une activité identifiable et sont récapitulés sur une ligne spécifique intitulée « correction territoriale ».

* 51 Le compte du Reste du monde en base 2000. opérations non financières. Claudie Louvot.

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