b) L'intermédiation financière
L'« intermédiation financière » correspond au financement, par l'intermédiaire des institutions financières résidentes, d'une partie des opérations des agents non financiers 68 ( * ) , dont les importations et les exportations.
C'est un phénomène qui illustre l'importance du rôle du secteur financier dans l'économie.
Il convient donc de pouvoir l'estimer de la façon la plus précise possible, à la fois comme production et comme « consommation ».
Or, une fraction seulement du produit des opérations en cause peut être directement évaluée, celle qui concerne les services bancaires explicitement facturés (par le prélèvement de commissions ou de frais spéciaux).
Mais le restant doit être indirectement mesuré. En effet, les institutions financières en cause se rémunèrent également par les marges prises sur les taux d'intérêt servis à leurs déposants ou exigés de leurs débiteurs, rémunération qui n'est pas facturée. Ces taux sont minorés ou majorés, par rapport à ceux couramment pratiqués sur le marché, pour permettre aux intéressés de couvrir leurs charges d'intermédiation (salaires, consommation intermédiaires).
Cette production de SIFIM (services d'intermédiation financière indirectement mesurés) est désormais mieux prise en considération par la comptabilité nationale, tant dans le compte de production des institutions financières que dans les comptes des autres agents, mais pas par la balance des paiements.
Elle est évaluée, dans les comptes de la Nation, comme le produit de l'encours des dépôts ou des crédits concernés par la différence entre le taux de leur rémunération réelle et un taux de référence qui est celui pratiqué sur le marché interbancaire.
Auparavant, en comptabilité nationale, les SIFIM étaient considérés comme une production dont la valeur était strictement compensée par une inscription comptable en consommations intermédiaires d'une branche fictive, ce qui avait pour conséquence que les SIFIM ne contribuaient pas au PIB.
Depuis l'entrée en vigueur de nouvelles règles comptables, à l'échelon international et européen, il n'en va plus ainsi 69 ( * ) :
- les marges d'intérêt des institutions financières sont affectées aux comptes des agents (sociétés, administrations, ménages, reste du monde) autrement dit la production de SIFIM est ventilée entre ses différents utilisateurs ;
- la part de ces ressources affectée à des emplois finals (consommation finale des ménages et des administrations, exportations nettes) est désormais prise en compte dans le PIB.
Cette intégration des services d'intermédiation financière indirectement mesurés dans le PIB révèle leur importance économique 70 ( * ) : son impact sur le PIB nominal de la France aurait ainsi été en moyenne de + 1,5 %, selon Eurostat, sur la période 1978-2004.
Le règlement ad hoc du 16 février 1998 du Conseil européen estime que la répartition, à partir de 2005, des SIFIM par secteurs utilisateurs devrait considérablement améliorer le système européen des comptes nationaux et les comparaisons qu'il permet des niveaux de PIB au sein de l'Union européenne.
Il considère qu'une période d'essai sera nécessaire et qu'il sera indispensable d'harmoniser, au niveau communautaire, sous l'égide de la Commission, les méthodes statistiques de calcul et de répartition des SIFIM.
Se pose encore, notamment la question de l'éventuelle prise en compte, dans la production des services financiers, des actifs constitués par certaines institutions à partir de leurs fonds propres. Par ailleurs, faut-il inclure dans les institutions financières considérées les sociétés de gestion de portefeuille d'actifs financiers dont l'activité s'étend, par delà la simple intermédiation financière, à la gestion du risque et à la transformation de la liquidité ?
Surtout, pour ce qui nous occupe ici, la répartition des SIFIM entre secteurs utilisateurs, y compris le reste du monde, devrait avoir un impact sur la balance des paiements . Aujourd'hui, cette dernière ne prend en compte que les revenus d'activités financières explicitement facturées, conformément aux recommandations actuelles du FMI (cinquième manuel de la balance des paiements), si bien que les flux d'intérêt qu'elle mesure 71 ( * ) devraient différer de ceux estimés par le compte du reste du monde.
Aussi est-il envisagé d'introduire la production de SIFIM, telle qu'elle est évaluée par les comptes nationaux, dans le compte de revenus de la balance des paiements, à la rubrique « autres revenus des autres investissements » qui concerne principalement les opérations interbancaires 72 ( * ) .
Toutefois, selon le CNIS (Conseil national d'information statistique), la prise en compte des SIFIM dans les balances des paiements posera des problèmes de ventilation géographique.
D'ores et déjà, les données SIFIM, incluses dans les comptes nationaux agrégés par Eurostat, sont introduites directement dans la balance des paiements de la zone euro, sans passer, pour le moment, par les balances des paiements nationales.
* 68 Agents non financiers (ANF) : sociétés non financières (SNF), ménages, y compris les institutions sans but lucratif (ISBL) à leur service, administrations publiques (APU).
On distingue :
- l'intermédiation bancaire ;
- l'intermédiation financière au sens strict (banques + OPCVM et sociétés d'assurance) ;
- l'intermédiation financière au sens large (crédits + achats de titres émis par les ANF).
* 69 SCN93 (système de comptabilité national), SEC95 (système européen des comptes nationaux et régionaux) et règlement du Conseil 448/98 mis en oeuvre par le règlement de la Commission 1889/2002, applicable à compter du 1 er janvier 2005.
Ces textes modifient les conventions précédentes du SCN68 et du SEC95.
* 70 Un article de Michel BOUTILLIER et Jean-Claude BRICONGNE paru dans le bulletin de la Banque de France (n° 146), en février 2006, traite de l'évolution de l'intermédiation financière en France durant la décennie 1994-2004.
Il apparaît que la part prise par les institutions financières résidentes dans le financement des ANF exerçant leurs activités en France a diminué sous l'effet de l'internationalisation de ces services. Les financements du marché apportés par le reste du monde (crédits et investissements de portefeuille notamment) se sont développés fortement sur la période considérée.
Néanmoins :
- l'intermédiation financière au sens large (y compris les crédits des OPCVM et des sociétés d'assurance et les placements en titres) représente encore 60 % des moyens accordés aux ANF et l'intermédiation bancaire au sens strict 40 % ;
- les auteurs de l'article soulignent
le rôle clé des institutions financières dans les émissions de titres des entreprises,
le développement de leur flux d'actifs de titres étrangers et de prêts au « reste du monde »,
s'agissant des SIFIM, une relative stabilité de leur activité, le repli du crédit bancaire dans le financement des entreprises étant compensé, dans une large mesure, par le développement de nouveaux produits et les demandes d'autres clients.
* 71 Les recettes ou paiements afférents aux avoirs ou engagements financiers extérieurs sont pris en compte dans les « autres revenus d'investissements » du compte de revenus.
* 72 Les encours correspondants sont très élevés mais le solde de ces opérations reste faible, le montant des avoirs étant très proche de celui des engagements.
Les SIFIM sur les opérations interbancaires sont insignifiants car les taux de référence utilisés pour les évaluer sont identiques pour les importations et pour les exportations.
Mais s'agissant de la rémunération des services d'intermédiation rendus aux agents non financiers leur production, on l'a vu, est importante et leur prise en compte aurait donc un impact sur la balance des paiements.