2. Des difficultés statistiques traditionnelles...

Outre la nécessité d'opérer des choix de conventions en fonction des concepts privilégiés, de nombreux obstacles statistiques se dressent quand on veut rendre compte de la réalité des échanges économiques internationaux.

L'un des obstacles le plus évident à la précision de la mesure des échanges extérieurs réside dans la multitude des données à collecter et à traiter (cf. I)

Par ailleurs, l'explication de l'évolution des résultats en valeur (à prix courants) doit tenir compte des phénomènes de change qui jouent un rôle majeur dans l'interprétation des relations économiques internationales dont ils augmentent la complexité 28 ( * ) .

D'autre part, en l'absence d'indices fondés sur l'observation directe des prix des échanges de biens (prix des biens échangés et des services correspondants), l'évaluation de leur augmentation en volume manque de fiabilité 29 ( * ) .

3. ... renforcées par les caractéristiques récentes des évolutions économiques en cours

Il est fondamentalement difficile à un appareil statistique conçu pour décrire le fonctionnement d'une économie nationale , à travers les opérations effectuées sur son territoire, de rendre compte d'activités d'agents de plus en plus globalisés.

En outre - et cela soulève d'autres problèmes - ces activités tendent à se « tertiariser » (la part des services s'accroît) et à se dématérialiser. De fait, les biens immatériels, notamment ceux liés à la conception des produits ou à l'utilisation des technologies de l'information et de la communication, prennent de plus en plus d'importance dans l'économie.

a) Les conséquences de l'intégration européenne

Les progrès de l'intégration économique européenne, à laquelle participe la France, ont eu des conséquences statistiques importantes.

La création de l'Union européenne a entraîné, en effet, la suppression, à partir du 1 er janvier 1993, des contrôles douaniers aux frontières des Etats membres.

Les conditions dans lesquelles doivent être recueillies les informations concernant les échanges intracommunautaires de marchandises ont été définies par le système Intrastat créé par Eurostat 30 ( * ) , à la même époque.

Il en est résulté l'instauration de seuils de déclaration d'échanges de biens (DEB cf. I) avec :

- une dispense de formalités pour les flux inférieurs à 150 000 euros par an ;

- des modalités simplifiées pour les montants compris entre cette somme et 230 000 euros en ce qui concerne les introductions ou 460 000 euros s'il s'agit d'expéditions.

Ces simplifications administratives, appelées par la disparition des droits de douane au sein de l'Union, sont destinés à y faciliter la libre circulation des biens. Elles nécessitent des redressements statistiques, afin de procéder à une estimation des échanges non recensés, pour pouvoir disposer de résultats complets concernant le commerce intra-communautaire 31 ( * ) .

La mise en place, en 1995, d'un nouveau système européen de compte (dit SEC 95) a donné lieu par ailleurs à d'importantes modifications (notamment un changement de base) de l'ensemble des comptes nationaux.

Enfin les livraisons intracommunautaires ont été exonérées de TVA dans le pays d'origine pour être imposées dans le pays de destination du produit.

C'est à l'expéditeur qu'il incombe, sous peine de devoir acquitter la taxe lui-même, de vérifier l'assujettissement de son client, avec l'aide des services fiscaux de son pays.

Ce système destiné comme celui des seuils de déclaration à faciliter les échanges intracommunautaires peut encourager certaines fraudes 32 ( * ) qui conduisent à fausser les chiffres des échanges et à en altérer la signification.

Il s'agit souvent de biens à forte valeur ajoutée, comme des ordinateurs ou des téléphones portables.

Ainsi, la disparition des contrôles aux frontières stimule, d'un côté, de façon positive les échanges intracommunautaires mais risque, d'autre part, de rendre les statistiques nationales du commerce extérieur de chaque Etat moins fiables et moins précises du fait des seuils déclaratifs (qui en outre ne sont pas identiques dans tous les pays de l'Union) et des fraudes à la TVA, susceptibles de fausser l'évaluation des importations et des exportations.

Ce sujet est d'autant plus sensible pour la France que l'Union européenne représente les deux tiers de ses exportations et plus de 60 % de ses importations 33 ( * ) .

* 28 En 2005, dans le cadre d'une enquête douanière sur les coûts de transport et d'assurance des marchandises (voir plus loin correction CAF-FAB), les entreprises françaises ont été interrogées sur le type de devises utilisées pour la facturation des marchandises échangées. Jusqu'alors aucune donnée n'était disponible à ce sujet. Il apparaît que 70 % de nos échanges extérieurs sont facturés en euros (86 % de nos exportations). Le dollar représente pour sa part, 58,1 % de la valeur des transactions en ce qui concerne nos importations (12 % seulement pour les exportations).Ces résultats sont liés à la focalisation sur l'Europe de notre commerce extérieur. En effet, de façon générale, l'euro, dans le monde, reste assez loin derrière le dollar comme monnaie de facturation.

* 29 Le partage valeur prix des échanges de biens est effectué à l'aide des indices de valeur unitaire (IVU) du commerce extérieur. Or ces derniers souffrent du manque de fiabilité des données quantitatives, d'origine douanière à partir desquels ils sont construits. Ils sont d'autre part très volatils c'est-à-dire sujets à des brutales variations de court terme, étant calculés à partir de valeurs moyennes.

Il est délicat en général, dans l'appréciation de l'évolution des échanges de biens en volume, de faire la part des effets structure et qualité qui affectent l'offre de produits (les évolutions de prix devraient être mesurées à structure et à qualité constante, les changements qualitatifs ou l'apparition de nouveaux produits devant se traduire par des variations de volume).

* 30 Eurostat est la nouvelle appellation, depuis 1972 de l'OSCE (Office statistique des communautés européennes) qui lui-même avait succédé au service commun de statistiques créé en 1958 par la CEE, la CECA et Euratom.

* 31 En 2007, 98.000 entreprises françaises ont déposé des DEB, ce qui représenterait un seuil de couverture des flux, en valeur, de 97 % . Les exemptions touchent donc seulement les plus petites entreprises. Les montants échangés par les opérateurs français avec des partenaires situés dans l'Union européenne sont estimés à 244 Mds d'euros pour les exportations et 248 Mds pour les importations (chiffres 2006).

* 32 Exemples :

- Le mécanisme le plus fréquent est celui de la fraude dite « carrousel » : (parce qu'elle implique plusieurs sociétés établies dans au moins deux Etats membres).

Un fournisseur A livre un bien à une société intermédiaire B, située dans un autre Etat (il s'agit donc d'une livraison exonérée), pour un montant hors taxes de 100 000 euros. La société B (dite société « taxi » ou société « éphémère » parce qu'elle disparaît généralement au bout de quelques temps) revend le bien à une troisième société C à un prix de 100 000 TTC . La société C demande le remboursement de la TVA, que la société B lui a facturée sans l'avoir déclarée ni acquittée.

En pratique, plusieurs sociétés écrans, situées dans de nombreux pays différents peuvent s'intercaler entre le fournisseur initial et le vendeur ultime et le bien peut finalement être réexporté dans son pays d'origine.

* 33 66,2 % et 61,5 % (CAF FAB) en juin 2007 selon le ministère du budget des comptes publics et de la fonction publique.

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