2. Les conditions de délai

L'article 38 de la Constitution prévoit deux délais, tous deux déterminés par la loi d'habilitation : celui pendant lequel le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnance, des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi et, le délai au cours duquel, les ordonnances ayant été publiées, le Gouvernement doit déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification afin d'éviter que celles-ci ne deviennent caduques.

En vertu de l'article 38 précité, le premier délai, soit celui pendant lequel peuvent intervenir les ordonnances, est « limité ». Le plus souvent comprise entre trois et dix-huit mois, la durée du délai d'habilitation a eu tendance à s'allonger au cours des dernières années.

Il semble que le caractère limité du délai considéré doive être apprécié au regard de la finalité justifiant l'habilitation et de l'étendue du champ couvert par celle-ci. La jurisprudence n'a cependant pas été conduite à préciser la notion de « délai limité ».

Pendant ce premier délai, généralement désigné comme le délai d'habilitation, le Parlement se trouve dessaisi : la capacité de légiférer dans les matières visées par la loi d'habilitation en vue d'atteindre l'objectif fixé est transférée au Gouvernement et ce dernier peut s'opposer à toute tentative parlementaire contrevenant à la délégation donnée : le premier alinéa de l'article 41 de la Constitution dispose en effet que « s'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement [...] est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38, le Gouvernement peut opposer l'irrecevabilité ».

Si cette disposition contraint l'initiative parlementaire pendant le délai d'habilitation, c'est-à-dire tend à prévenir toute immixtion dans le domaine délégué, et permet en conséquence au Gouvernement de faire respecter les frontières de l'habilitation, on peut s'interroger sur la possibilité pour le Parlement de modifier le champ de la délégation précédemment accordée.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel ne sanctionne pas l'intervention du législateur dans un domaine ayant fait l'objet d'une habilitation, dès lors que le Gouvernement n'a pas eu recours à la procédure d'irrecevabilité prévue à l'article 41 de la Constitution au cours du débat parlementaire 63 ( * ) .

À l'expiration du délai d'habilitation , le Gouvernement ne peut plus prendre d'ordonnance : toute ordonnance dont la date de signature est postérieure à la date d'expiration du délai serait entachée d'illégalité comme émanant d'une autorité incompétente.

Le second délai visé par l'article 38 de la Constitution est celui imparti par la loi d'habilitation au Gouvernement pour déposer devant le Parlement , à peine de caducité des ordonnances prises, un projet de loi de ratification . Ce délai est usuellement de quelques mois soit à compter de l'entrée en vigueur de la loi d'habilitation elle-même, soit, de plus en plus souvent, à compter de celle des ordonnances concernées.

Le Conseil d'État a déjà été conduit à constater la caducité d'une ordonnance. Saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre l'ordonnance n° 2002-327 du 7 mars 2002 portant adaptation de la législation aux transports intérieurs dans les départements de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique et création d'agences des transports publics de personnes dans ces départements, il a déclaré le recours devenu sans objet dans la mesure où l'ordonnance était frappée de caducité du fait de l'absence de dépôt d'un projet de loi de ratification avant la date butoir du 30 juin 2002.

La caducité conduit à la disparition de l'ordonnance de l'ordonnancement juridique et au rétablissement de l'état du droit qui avait cours avant l'entrée en vigueur de celle-ci 64 ( * ) .

* 63 Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 sur la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, qui modifiait les dispositions d'une ordonnance avant l'expiration du délai d'habilitation.

* 64 Décision du Conseil constitutionnel n° 86-208 DC des 1 er et 2 juillet 1986 sur la loi relative à l'élection des députés et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales.

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