III. QUELQUES GRANDS DOSSIERS INTERNATIONAUX

On constate une certaine continuité dans la voie néo-pragmatique que j'évoquais tout à l'heure. Alors que les grandes négociations multilatérales sont reportées à 1999 et que les initiatives régionales ne sont plus à la mode, on pourrait croire qu'il n'y a plus de politique commerciale américaine. On verra, au travers de cinq grands dossiers que l'Administration Clinton aura à traiter, que cela est tout à fait erroné.

Le premier point important est l'attitude que l'Amérique adoptera vis-à-vis de l'OMC et l'utilisation qu'elle en fera. Certaines initiatives récentes, comme la loi Helms-Burton, pourraient laisser croire que les États-Unis cherchent à fragiliser l'OMC. Mon opinion est que l'exécutif américain veut jouer la carte de l'OMC et du règlement des différends par son entremise, comme le démontrent plusieurs exemples récents, notamment le nombre des panels acceptés par les Américains. L'OMC est probablement l'enceinte-clé pour les Américains : elle leur permet de faire avancer le dossier des télécommunications, de la baisse des tarifs sur les industries et produits des technologies de l'information, lesquels constituent des éléments centraux de la stratégie américaine. Or ce n'est pas tant avec l'Europe que ces accords, portant sur les télécommunications, les technologies de l'information ou même les services financiers seront importants, mais avec les pays émergents, notamment ceux d'Asie. Il est clair que l'enceinte de l'OMC est celle qui se prête le mieux à la préparation de ces accords, avec l'appui de l'Europe. La conférence de Singapour, en décembre prochain, permettra de vérifier cette volonté.

Le dossier chinois est lui aussi exemplaire. Son traitement a démontré que l'administration Clinton, élue sur un programme maximaliste en matière de respect des droits de l'homme en Chine, pouvait temporiser et aboutir à des compromis à la fois acceptables par l'opinion et favorables aux milieux d'affaires américains. Cette attitude se prolongera certainement et débouchera sur un découplage définitif entre les questions des droits de l'homme et de démocratisation, d'une part, et les considérations économiques et commerciales, d'autre part. Ce phénomène ne concernera cependant pas Cuba, l'Iran ou la Libye, pays qui ne peuvent pas, malheureusement pour eux, se prévaloir du même poids économique et commercial que la Chine. Les Américains sont d'ailleurs en accord avec l'Union européenne sur les conditions d'accès de la Chine à l'OMC, qu'il s'agisse des exceptions qui lui seraient consenties ou des engagements qui lui seraient imposés : il s'agit d'un partenaire incontournable mais qui doit cependant être maîtrisé avant qu'il ne devienne un concurrent à part entière.

Enfin, je conclurai par les grandes initiatives régionales, qui ont enregistré des résultats positifs mais qui ne devraient pas être relancées. Des échéances ont été fixées : les négociations sur le libre-échange des Amériques devraient intervenir dès 2005, une zone de libre-échange est prévue dans la zone Asie-Pacifique en 2010 ou 2020, selon le niveau de développement des pays. Des avancées ont été enregistrées dans le cadre du dialogue transatlantique, en particulier sur l'acceptation mutuelle des normes. Ces phénomènes ne se poursuivront cependant pas, en particulier pour l'Asie et la l'Amérique latine, en raison du trop grand nombre de partenaires et surtout de leurs trop grandes différences de développement. Des accords clairs et équilibrés ne pourront être signés. On en a pris conscience lors de la négociation APEC, au cours de laquelle le Japon et la Malaisie ont fait entendre des voix discordantes. Quant à l'Amérique latine, son intégration est rendue plus difficile par l'avènement et la consolidation de MERCOSUR.

Sur le continent américain coexistent des zones de développement différentes : la région andine et celle des Caraïbes, très peu développées, l'ALENA et le G3, très développés, le MERCOSUR, zone intermédiaire ayant tendance a se développer de manière endogène. Aujourd'hui, en dehors de l'adhésion du Chili à l'ALENA, qui sera cependant très difficile, je n'envisage pas de relation entre ces trois zones. A court terme, je ne crois donc pas à un grand élargissement de l'ALENA.

De la salle

Que peut-on attendre de la réunion de Chicago ?

M. Jean-Daniel GARDERE

Il existe une ambiguïté sur le « dialogue des hommes d'affaires », des deux côtés de l'Atlantique. D'un côté, les pays membres de 1'Union européenne ne sont pas tous d'accord sur le rôle, l'utilité et les finalités de ce dialogue. L'Amérique donne l'impression d'une plus grande cohérence quant à ses attentes. La réunion de Chicago n'apportera donc sans doute pas d'avancée significative, sauf peut-être dans le secteur de l'automobile. Le problème de la reconnaissance mutuelle des processus de certification dans le domaine pharmaceutique, par exemple, ne devrait pas trouver de solution lors de cette réunion, dans la mesure où la FDA américaine ne peut pas, juridiquement et constitutionnellement, déléguer ses responsabilités à des hommes d'affaires.

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