B. LES RELATIONS CULTURELLES

L'Arménie entretient volontiers le mythe de la francophonie. De ce point de vue l'adhésion d'Erevan au groupe des capitales francophones traduit plus une profonde et sincère francophilie qu'une réelle francophonie.

Certes, grâce au dévouement des Français d'origine arménienne, grâce, également, à des actions administratives aussi ponctuelles qu'exemplaires, on peut maintenir le mythe symétrique d'une filière scolaire française. Mais la faiblesse de nos moyens - en constante régression - va sans doute nous obliger sinon à choisir entre la masse et l'élite, du moins à adapter les méthodes par lesquelles nous touchons l'une et l'autre.

1. Des moyens de plus en plus limités

Ainsi, 3,24 millions de francs sont affectés aux secteurs des bourses d'études et de stages hors projet, de l'économie (volontaires du service national à compétence commerciale), des échanges scientifiques (y compris l'enveloppe « voyages »), de l'agriculture, de l'environnement, de la normalisation, de la sécurité, de l'urbanisme et de « l'aide à l'état de droit ».

Le budget culturel et éducatif est doté de 1,8 million de francs : le domaine " culture - jeunesse et sports " absorbe 0,82 million de francs. On note en ce qui concerne les actions touchant au secteur "linguistique et éducatif que 86 % des 0,98 million de francs, qui leur sont consacrés, sont bloqués dans le soutien aux filières bilingues.

Une comparaison avec l'action de deux de nos principaux compétiteurs fait immédiatement apparaître la modicité de nos moyens ainsi que la rigidité de nos structures incapables de s'adapter rapidement à une demande, forte, en constante évolution, et malheureusement de plus en plus tournée vers l'anglais 1 ( * ) .

2. Les domaines d'action prioritaires

Face à l'influence croissante des États-Unis tant sur le plan économique que culturel, la France dispose d'atouts évidents pour peu que l'on ne se fixe pas des objectifs hors de notre portée et que l'on sache faire jouer les synergies.

La priorité devrait être la formation des futurs cadres de la République d'Arménie. L'élite arménienne doit prendre conscience de la diversité des approches. La France, offre notamment dans le domaine de l'économie et du droit, un réservoir de solutions et de références, adaptées aux besoins actuels de l'Arménie contemporaine. L'envoi d'étudiants à l'ENA et dans nos universités correspond bien aux attentes d'une nouvelle génération plus tournée vers l'application pratique que vers la recherche fondamentale.

La défense de nos intérêts économiques doit également figurer au premier plan de nos préoccupations. Former les cadres arméniens, travaillant dans les entreprises françaises, y compris sur le plan linguistique, revient à leur assurer un avantage comparatif non négligeable.

Par ailleurs, le maintien d'activités scientifiques pures est souhaitable dans des secteurs particulièrement bien définis pour nos instituts qui apprécient la collaboration de leurs homologues arméniens.

Il est absolument fondamental que nous poursuivions l'effort entrepris en matière de coopération éducative et linguistique. En particulier, il faut s'interroger sur notre politique antérieure. Nous avons soutenu pendant cinq ans des filières bilingues en assurant le paiement des professeurs et la supervision pédagogique de l'enseignement en français des mathématiques et de la physique dans le cycle secondaire de trois écoles arméniens. Est-ce la notre unique vocation ? Ces filières devraient, en principe, être capables de survivre par leurs propres moyens, c'est-à-dire un soutien financier des parents.

Notre souci devrait nous conduire à être beaucoup plus présent aux deux bouts de la chaîne :

- une maternelle -petit primaire pour les enfants d'expatriés et ceux d'une élite arménienne très pressante. Le coût pourrait être directement assuré par les parents ou les entreprises concernés. Deux d'entre elles ont déjà manifesté leur intérêt :

- une section dans l'enseignement supérieur privilégiant la formation juridique et économique pour laquelle il existe déjà une demande. L'objectif est de sensibiliser un public étudiant à une approche française du droit et des affaires dans la perspective de débouchés sur le marché du travail. Là encore, une participation financière peut - doit, car payer ses études est déjà la norme en Arménie - être demandée aux étudiants bénéficiant d'un enseignement de qualité.

On assiste à une amorce d'action de ce type avec la mise en place à partir de la rentrée 1997 en coopération avec l'université de Paris XII d'une filière francophone de gestion à l'Institut Brioussov. Dans le même esprit, un projet d'école hôtelière - liée à l'École Jean Drouant - a été monté dans le cadre d'un plan de développement touristique élaboré par le PNUD.

D'une façon générale, il faudrait encourager la multiplication et surtout la mise en oeuvre d'accords de coopération entre universités.

Un accord cadre a ainsi été signé en 1986 entre l'université d'État d'Erevan et plusieurs universités : Montpellier I-II-III pour les sciences de la terre, l'astrophysique, la biologie, la pharmacie les langues, la littérature et le droit, Aix - Marseille I-II pour la médecine les langues et la littérature, ainsi que Paris VII pour la biochimie, la physique et l'astrophysique. D'autres accords ont été signés comme ceux entre l'Université de Paris XII et l'Institut Brioussov ou entre l'École nationale des ponts et chaussées et l'Institut d'architecture d'Erevan.

Certains accords sont restés lettre morte, tels ceux passés entre l'Université de Toulouse et l'École de Médecine d'Erevan ou celui associant Sophia Antipolis en vue de la création d'une technopole en Arménie.

D'une manière ou d'une autre, nous devons encourager la découverte linguistique de la France. Des séjours de jeunes, de préférence dans des familles ou ils bénéficieront d'une immersion totale, sont à organiser en partenariat avec des acteurs locaux (mairies, associations, entreprises). Dans le même esprit, il faut développer l'octroi de bourses : 14 demandes d'inscription en premier cycle ont été déposées en 1998 et 9 ont reçu une réponse positive.

Pour améliorer la présence de la langue française, il faut bien entendu d'abord continuer à soutenir en s'appuyant autant que possible sur des partenaires locaux les trois filières bilingues du secondaire (écoles n° 48 et 119 à Erevan, n° 10 à Gumri) et la filière francophone du supérieur (gestion et commerce extérieur) déjà mentionnée.

Mais il est également souhaitable de diversifier notre action en entreprenant par exemple l'édition de manuels et de programmes de français (en organisant des séminaires pour les professeurs locaux de français), comme d'autres matières, en liaison avec le programme développé par la banque mondiale, ou en introduisant des programmes éducatifs dans les radios et télévisions publiques comme privées.

La situation et les perspectives de l'enseignement pour adultes témoignent de l'affaiblissement de l'influence française. Jusqu'à présent cet enseignement était assuré par trois centres privés :


• "France formation" (avec l'appui du département),


• "Arminterfrance" qui s'est mis également à enseigner l'anglais, car il ne trouvait pas un public suffisant,


• "Groupement interprofessionnel international arménien", qui avait de légères implantations en province, a fermé ses portes car il ne trouvait pas une clientèle suffisamment nombreuse.

Il faut y ajouter les cours donnés par des volontaires français soutenus par deux coopérants du service national aux douanes arméniennes, au ministère des Affaires étrangères, à de jeunes journalistes et au personnel arménien de l'ONU.

* 1 Le nombre de personnes connaissant le français est difficile à apprécier, en l'absence de données officielles. Le nombre d'apprenants est de l'ordre de 18 % pour les élèves et les étudiants (déduit du nombre d'enseignants, lui, connu). Depuis les années 60 ce chiffre a fortement baissé (il était alors de 28 % des élèves et étudiants).

Dans moins de 400 écoles du pays, le français est enseigné dès la troisième année de l'école primaire: 18 % des élèves le choisissent, derrière l'anglais (63,2 %) et à égalité avec l'allemand, le russe étant langue obligatoire pour tous dès la deuxième classe de l'école primaire, le corps enseignant (612 professeurs pour le primaire et le secondaire) est de qualité inégale et, le plus souvent, vieillissant.

Environ 18 % des étudiants étudient le français soit comme matière principale a l'université d'état, à l'institut d'état des langues étrangères "Brioussov" ou à l'institut pédagogique d'état de Gumri, soit comme mature d'appoint. Cela représente au total environ 450 étudiants de français contre 11.000 d'anglais.

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