E. L'AVENIR DU LYCÉE FRANCO-JAPONAIS DE TOKYO

La crise engendrée par le séisme du 11 mars a affecté la vie de tous, notamment celle du millier d'élèves français, japonais et de pays tiers scolarisés au Lycée franco-japonais de Tokyo. Afin d'assurer la continuité du service public de l'éducation pour les nombreux enfants qui se trouvaient toujours à Tokyo, le lycée a rouvert dès le 4 avril. Près de 700 enfants ont depuis repris le chemin de l'école à Tokyo, mais 350 sont temporairement ou définitivement scolarisés en France ou dans les établissements français ou dans les établissements français de la zone Asie.

Le retour au niveau des effectifs atteint avant le séisme prendra sans doute un certain temps. Cet établissement pourrait dans ce cas faire face à des difficultés financières, au moment où nous construisons le nouveau lycée, qui doit ouvrir en 2012 sur le site de Takinogawa.

Dans son discours devant la communauté française, prononcé à Tokyo le 31 mars, le Président de la République a souligné l'importance qu'il attachait au futur du lycée : « Je n'oublie pas non plus le nouveau lycée de Tokyo qui est en cours de construction : nous veillerons à ce que le chantier se poursuive dans les meilleures conditions. Quel plus beau projet d'avenir peut-on porter ces temps-ci qu'un lycée franco-japonais, socle d'une communauté française dynamique et symbole du lien qui unit nos deux pays ? ».

La pérennité du lycée constitue en effet un enjeu essentiel pour la communauté française, qui se distingue par son enracinement profond dans la société japonaise. Elle constitue aussi un message fort pour le Japon en ce que la poursuite de notre projet « Takinogawa 2012 » marquera de manière très symbolique la confiance de la France dans l'avenir du Japon.

Votre délégation estime donc indispensable que les pouvoirs publics se mobilisent en faveur de ce projet, notamment à travers l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et y sera attentive au cours de la prochaine loi de finances.

F. LA DÉLICATE QUESTION DE LA SITUATION DES ENFANTS DE COUPLES FRANCO-JAPONAIS EN CAS DE DIVORCE

Le Sénat a été saisi de la question de la situation des enfants de couples franco-japonais en cas de divorce, à travers de dépôt de deux propositions de résolution déposées, d'une part par M. Richard Yung au nom du groupe socialiste et d'autre part M. Louis Duvernois au nom du groupe UMP, ces deux sénateurs représentant les Français établis hors de France 4 ( * ) .

Ils constatent que le renforcement des liens entre la France et le Japon se traduit par la hausse du nombre de mariages franco-japonais et du nombre d'enfants binationaux - 233 naissances en 2009 pour 321 mariages - mais aussi du nombre de séparations et de divorces. Il en découle un certain nombre de conflits : des enfants ont été enlevés en France et amenés au Japon, alors que le parent français avait l'autorité parentale. En effet, faute de convention bilatérale, les autorités japonaises ne reconnaissent pas nos décisions de justice et, n'ayant pas signé la convention de La Haye, ne sanctionnent pas les déplacements illicites d'enfants, laquelle Convention vise tout à la fois à faciliter l'accès à la justice dans tous les États signataires mais aussi à protéger les intérêts de l'enfant enlevé. Les parents privés de leur enfant enlevé vers ou depuis le Japon ont ainsi, en l'état, peu d'espoir de le voir revenir et de grandes difficultés à y accéder ; le Japon et la France ne partageant ni la même conception de la famille, ni la même conception du droit de visite.

L'article 766 du code civil japonais permet ainsi au juge d'ordonner toutes les mesures dites nécessaires à l'intérêt de l'enfant, dont celles d'accorder ou de refuser un droit de visite, sachant par ailleurs que dans les affaires familiales, l'absence d'exécution des jugements n'est pas sanctionnée. L'article 819 prévoit quant à lui que la garde de l'enfant n'est accordée qu'à un seul parent : la mère dans 80 % des cas. Le père n'étant pas considéré - sur la base du socialement construit - comme la personne la plus importante au développement de l'enfant.

Bien des parents, des pères le plus souvent, sont ainsi privés de contact avec leurs enfants, ce qui a des effets psychologiques graves, comme l'atteste la triste actualité.

Tout en reconnaissant que le Gouvernement japonais a récemment pris des initiatives encourageantes, au nombre desquelles figurent la création d'un comité de conciliation franco-japonais et la collaboration entre les ministères de la justice et des affaires étrangères, les auteurs des propositions de résolution ont souhaité aller plus loin en demandant que le Japon ratifie la Convention de la Haye (sur les 191 États reconnus par l'ONU, 82 ont l'ont déjà fait).

La ratification par le Japon de cette Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants permettrait la reconnaissance des droits parentaux, laquelle dispose en outre qu'un État n'est pas obligé d'ordonner le retour de l'enfant s'il est établi « qu'il existe un risque grave » qui l'expose « à un danger physique ou psychique ou (...) le place dans une situation intolérable ».

Au cours de la séance publique du 25 janvier 2011, la majorité des orateurs représentant l'ensemble des groupes politiques ont considéré que cette ratification constituerait un progrès et qu'elle bénéficierait également aux parents japonais privés de leur enfant.

Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre des affaires étrangères et européennes, a estimé que cette résolution touchait à un problème des plus sensibles, des parents n'hésitant pas à enlever leur enfant, pour le soustraire à toute relation avec l'autre parent. Elle a émis le voeu que le travail du comité franco-japonais porte ses fruits et s'en est remis à la sagesse du Sénat.

Le Sénat a adopté les deux propositions de résolution dont la discussion avait été jointe et dont le texte figure en annexe au présent rapport 5 ( * ) .

Ce débat a permis une accélération du processus d'adhésion à la Convention de la Haye entérinée par la décision du Conseil des ministres du Japon du 20 mai 2011. 6 ( * )


* 4 Proposition de résolution n° 674 rectifié (2009-2010) de M. Richard Yung et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 13 juillet 2010.

Proposition de résolution n° 94 (2010-2011) de M. Louis Duvernois et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 6 novembre 2010.

* 5 Cf. annexe page 65.

* 6 Cf annexe page 67.

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