TABLE RONDE 1 - ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE RÉGIONALE ET ÉTAT DES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LES ÉTATS DE LA RÉGION

Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique

Ont participé à cette table ronde :

M. Fred CONSTANT, Ambassadeur délégué à la coopération régionale pour la zone Antilles-Guyane
M. Patrick HERVÉ, chef du service économique régional Amérique andine, Panama, Caraïbes à l'Ambassade de France au Panama
M. Gilbert POTIE, conseiller du commerce extérieur de la France, membre de la commission Amérique latine et Caraïbes
Mme Laurence ROUGET-LE CLECH, directrice adjointe du département Amérique latine et Caraïbes, Agence française de développement
M. Pascal DROUHAUD, directeur adjoint pour l'Amérique latine, Alstom

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M. Arnaud FLEURY, journaliste économique . - Le colloque d'aujourd'hui doit permettre de traiter d'une zone dont il est rarement question en France, malgré ses liens avec nos départements d'Outre-Mer. La part des échanges commerciaux avec la France est assez faible actuellement dans les Caraïbes et en Amérique centrale. Nous connaissons peu cette zone qui présente pourtant une croissance économique notable. La situation de Cuba et l'intégration économique de la zone y sont des interrogations fortes. D'où ma première question : quelle est l'action économique de la France et de ses départements d'Amérique (DFA) dans les Caraïbes et en Amérique centrale ?

M. Fred CONSTANT . - Je salue l'initiative qui nous réunit aujourd'hui pour trois raisons. Premièrement, la zone comprenant l'Amérique centrale et les Caraïbes est une zone marginale au sein de la politique française depuis plusieurs années. Elle est pourtant une zone d'intérêt.

Deuxièmement, l'intérêt manifesté pour cette zone est essentiellement économique et porte sur les opportunités d'affaires. Or les occurrences traitant de cette thématique sont rares dans la zone.

Troisièmement, la journée s'adresse aux entrepreneurs ; je les espère nombreux aujourd'hui, puisqu'ils constituent les moteurs de l'insertion régionale des DFA et du renforcement des relations économiques entre la France et les pays de la zone concernée.

L'orientation récente qui a été donnée à la politique gouvernementale vise à renforcer les relations économiques entre les DFA et les pays d'Amérique centrale et des Caraïbes via le renforcement de la connectivité de ces territoires. En effet, la dimension économique de l'insertion régionale des DFA représente un enjeu politique de premier plan, puisqu'elle constitue un vecteur potentiel de redressement économique. Elle mérite donc d'être davantage explorée.

À ce jour, les efforts des pouvoirs publics et des professionnels ont visé à coordonner davantage les opérateurs économiques et leur offrir des services mutualisés à l'international ; à favoriser la multiplication des missions de prospection économique et commerciale ; enfin, à accorder un suivi particulier à plusieurs grands projets structurants au niveau régional.

Trois initiatives ont été prises en faveur de la coordination des opérateurs économiques et de la mutualisation des services en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane : des comités pour l'organisation et le développement à l'international des entreprises ont été créés auprès des préfets ; des guichets uniques à l'export ont été mis en place grâce aux Chambres de commerce et d'industrie ; la création d'un cluster des entreprises innovation-export a été lancée dans plusieurs domaines, notamment les secteurs des télé-technologies, des énergies vertes et du BTP-HQE (haute qualité environnementale).

Une dizaine de prospections économiques et commerciales a été menée ; des délégations mixtes composées d'élus régionaux, de chefs d'entreprises et de compagnies consulaires se sont rendues dans plusieurs pays de la zone afin de nouer des contacts. En effet, la zone souffre d'un handicap historique, les acteurs ne se connaissant pas faute d'opportunités de rencontres. Or, la proximité avec les partenaires potentiels est essentielle pour concrétiser les échanges.

Au mois de juin dernier, une délégation s'est ainsi rendue à Trinité-et-Tobago à l'occasion d'une grande foire commerciale et d'investissement ; les trois départements, Martinique, Guadeloupe et Guyane, y étaient représentés. La French business week s'est par ailleurs déroulée à Miami, mobilisant une forte délégation. De plus, bien que la Guyane soit rarement évoquée, une importante délégation d'entrepreneurs guyanais s'est rendue au Suriname et au Guyana au mois de mai dernier. Enfin, la récente création de la mission d'Ubifrance en Haïti a permis à une trentaine de chefs d'entreprises, dont une vingtaine provenant des DFA, de se rendre en Haïti. Grâce à l'appui logistique de la Chambre de commerce franco-haïtienne, ils ont noué des contacts utiles, dont certains ont déjà donné lieu à la signature de contrats.

Enfin, plusieurs grands projets structurants à vocation régionale sont en cours et donnent la mesure de nos activités de promotion dans la région :

- la création d'une usine géothermique en République dominicaine, projet qui me tient à coeur, vise à exporter le savoir-faire français, dans des termes profitables, tant à la Guadeloupe qu'à la Martinique ;

- l'approvisionnement de la Martinique et de la Guadeloupe en gaz naturel liquéfié à partir de Trinité-et-Tobago est en cours d'étude ; il s'inscrit dans le cadre de la conversion des centrales thermiques de ces deux DFA et de leur passage à une alimentation en gaz ;

- les résultats des forages pétroliers off shore en Guyane sont attendus et nous espérons qu'ils seront positifs.

Les pouvoirs politiques ont donc la volonté d'accompagner les entreprises de la zone et de la métropole dans la région et de favoriser les liens entre les unes et les autres. Je rends hommage aux entrepreneurs ici présents qui sont pionniers dans cette zone.

M. Arnaud FLEURY . - Nous aurons l'occasion de reparler de Trinité-et-Tobago, l'un des producteurs de gaz naturel liquide (GNL) les plus importants.

M. Patrick HERVÉ . - Il ne sera pas question de la Jamaïque, des problèmes particuliers s'y posant. Cependant, c'est un pays intéressant, dans lequel la France a des parts de marché non négligeables.

Les cinq pays, dont je m'apprête à vous parler, présentent un intérêt particulier du fait de leur croissance économique forte : entre 3 et 8 %, pour le Panama, un peu moins à Trinité-et-Tobago avec 1,5 %, mais nous espérons que le cap des 2 % sera bientôt franchi. Ces pays ont un niveau de développement très variable. En effet, Haïti ayant souffert de plusieurs catastrophes naturelles, son PIB par habitant n'atteint que 800 dollars ; il est l'un des pays les plus pauvres du monde. En revanche, le revenu par habitant de Trinité-et-Tobago dépasse 20 000 dollars grâce à sa rente gazière et pétrolière. Entre ces deux extrêmes se situent le Panama, Cuba et la République dominicaine.

L'inflation est relativement importante dans ces cinq pays, mais elle est en cours de maîtrise et tend plutôt à diminuer. Elle est stable, à tendance décroissante, à Cuba et en République dominicaine. La zone souffre également de déséquilibres financiers : Cuba affiche un léger déficit budgétaire inférieur à 3 %. Les comptes courants sont variablement équilibrés : ils le sont à Trinité-et-Tobago grâce à la rente gazière, alors que tous les autres pays enregistrent un déficit de leurs comptes courants. En la matière, Panama détient le record, puisqu'il importe pour 27 milliards de dollars. La zone franche de Colomb est partiellement responsable du déficit de la balance courante panaméenne, puisqu'elle permet de réexporter les importations vers l'ensemble de l'Amérique latine et centrale.

Les cinq pays traités aujourd'hui importent pour 65 milliards de dollars. Pour sa part, la France exporte pour 830 millions d'euros au Panama : ce chiffre est cependant biaisé, puisque nous lui vendons, chaque année depuis trois ans, un bateau pour 500 millions d'euros. La tendance des exportations françaises vers le Panama est donc davantage de l'ordre de 300 millions d'euros, soit l'équivalent des exportations françaises vers Cuba.

Plusieurs éléments encourageants sont à souligner. Premièrement, la gouvernance financière des cinq pays s'améliore, notamment en termes de transparence fiscale et de blanchiment d'argent. Le Panama, Haïti et Cuba ne sont d'ailleurs plus considérés comme des paradis fiscaux par le groupe d'action financière (GAFI), organisme qui lutte contre le blanchiment de capitaux.

Deuxièmement, la zone bénéficie de financements internationaux abondants, en particulier grâce à l'action de la Banque Interaméricaine de Développement (BID) : à Haïti, à travers de nombreux dons ; en République dominicaine via une politique de prêt ; au Panama, en favorisant des projets d'infrastructures. La CAF, banque de développement de l'Amérique latine, intervient aussi en Haïti et en République dominicaine. La banque de développement des Caraïbes intervient, pour sa part, à Trinité-et-Tobago et en Haïti. Enfin, le Venezuela développe son influence via le financeur PetroCaribe. Ce dernier propose un système original de livraison de pétrole payé à hauteur de 50 %, l'autre moitié faisant l'objet d'un crédit sur vingt ans et d'un taux d'intérêt inférieur à 2 %.

M. Arnaud FLEURY . - Ce système a-t-il vocation à perdurer ?

M. Patrick HERVÉ . - Je l'ignore. Il a été inventé par le Président Chavez, désormais disparu. Son successeur emprunte cependant une voie similaire. PetroCaribe ne sera pas remis en cause à court terme, mais pourrait l'être à moyen terme compte tenu des difficultés financières du Venezuela.

Par ailleurs, des points négatifs existent également. Les cinq pays souffrent d'une forte exposition aux catastrophes naturelles et climatiques. La croissance économique y est encore peu inclusive, des inégalités considérables persistant ; cette réalité est cependant moins perceptible à Cuba.

Cuba fait également exception s'agissant des points suivants : l'éducation et la formation professionnelle sont insuffisantes et le secteur informel tient encore une place significative. Dans une moindre mesure, les infrastructures nécessitent également d'être améliorées à Cuba.

En outre, les investissements restent insuffisants dans les cinq pays, qui pâtissent également d'une faible innovation. Il est regrettable qu'ils soient dépendants de PetroCaribe, dont l'avenir est incertain.

La montée en puissance de la Chine dans la région est négative, puisqu'elle y développe des projets en faisant appel à ses propres travailleurs, limitant les bénéfices pour les pays d'accueil. Enfin, l'environnement des affaires dans les cinq pays doit être amélioré, de même que la présence française.

Par conséquent, les cinq pays doivent relever plusieurs défis : optimiser la gestion des finances publiques pour limiter les déficits ; produire davantage dans le secteur énergétique et en améliorer l'efficacité, en particulier à Haïti, en République dominicaine et au Panama ; améliorer l'environnement des affaires et assurer la sécurité juridique ; attirer les investissements étrangers, notamment dans les pays ayant des déficits courants notables ; dans le cas de Cuba, libéraliser et unifier la monnaie (cet enjeu est en cours de réalisation, mais l'unification de la monnaie n'est pas prévue avant l'année 2016) ; trouver de nouveaux relais de croissance, en particulier dans les pays ne produisant qu'un seul type de produit.

Par ailleurs, depuis 2010, les parts de marché de la zone vers la France, sauf celles de Panama et de la République dominicaine, ont globalement décru dans tous les domaines. En revanche, depuis trois ans, la France a maintenu ses parts dans tous les grands marchés des cinq pays. Parmi les États membres de l'UE, l'Espagne est très présente dans la zone, à la fois pour des raisons historiques et du fait des efforts qu'elle déploie en direction des pays concernés. Ainsi, elle vend trois fois plus que la France à Cuba. Cependant, la France occupe la première place en Haïti et la deuxième à Cuba.

Certains risques et difficultés doivent être pris en considération. Toutefois, quand le succès est au rendez-vous, la rentabilité est satisfaisante et les risques pris en valent la peine.

M. Gilbert POTIE . - Je suis le premier intervenant au titre du Conseil national du Commerce extérieur de la France (CNCCEF). Nous agissons à travers une force de 4 300 à 4 600 personnes, dont 314 sont basées en Amérique centrale dans douze pays. Nous avons à la fois un rôle d'accompagnement des exportateurs en France, les PME mais aussi les grandes entreprises, et un rôle de facilitateur de l'export et de l'investissement français dans les pays de destination.

Pour ma part, je suis responsable des financements d'exportation vers l'Amérique latine. Le thème du financement est essentiel en termes de commerce extérieur. Les pays de la zone vont globalement bien et la croissance économique y est soutenue. Toutefois, une attention particulière doit être accordée au déficit budgétaire du secteur public.

La plupart des projets lancés dans ces pays visent à la construction d'infrastructures lourdes, particulièrement dans les secteurs suivants : l'énergie, l'eau, l'environnement et les transports, notamment urbains. Ce dernier secteur a été le plus actif au cours des dernières années. Natixis a financé le premier métro du Panama via un cofinancement.

La notion de cofinancement est essentielle : les projets d'infrastructures étant divisés en lots, les lots importés reçoivent un traitement financier particulier. Nous attendons que les appels d'offres soient ouverts et que les vainqueurs soient désignés pour proposer des solutions adaptées et compétitives face aux financements multilatéraux. Les banques multilatérales, par le biais de financements internationaux souvent effectués à des conditions semi-concessionnelles, s'occupent des parts locales, en particulier des constructions.

M. Arnaud FLEURY . - Des projets sont-ils en gestation ?

M. Gilbert POTIE . - Nous classons les projets en trois catégories, selon le type de contreparties. Les cinq pays importent essentiellement des biens d'équipement et intermédiaires. Les problématiques de financement liées à ce type d'importation sont traitées par des crédits documentaires permettant de sécuriser les positions des exportateurs vendeurs et fournisseurs. En revanche, lorsque les entreprises de petite taille ressentent un besoin de financement, elles sollicitent d'abord les banques locales.

Le deuxième type d'affaires concerne celles liées au secteur public, à savoir les grands projets d'infrastructures.

Enfin, un nombre significatif de pays d'Amérique centrale et des Caraïbes ont récemment engagé des efforts de privatisation, leur permettant d'alléger leur charge budgétaire. Pour notre part, nous considérons que les projets doivent démontrer un certain niveau de rentabilité. Initialement, l'effort de privatisation était orienté vers les infrastructures routières, mais il s'est élargi à des projets de transport public, dans le secteur de l'eau et de l'énergie, à travers la production privée d'électricité.

M. Arnaud FLEURY . - Les entreprises françaises ont-elles les connaissances nécessaires pour remporter ces marchés ?

M. Gilbert POTIE . - Malheureusement, la part de marché française est faible. Cependant, elle peut progresser. Elle est sujette à des volatilités importantes d'une année à l'autre, générées par l'émergence des grands projets évoqués. Quant aux PME françaises exportatrices, elles visent des cibles également convoitées par les petites entreprises locales, voire par de plus grandes entreprises.

M. Arnaud FLEURY . - Quelle est la stratégie de l'Agence Française de Développement (AFD) dans la zone ?

Mme Laurence ROUGET-LE CLECH . - L'AFD est une institution financière publique et un opérateur public de la politique française de développement. Elle a une activité mondiale et a prêté environ 8 milliards d'euros en 2012. L'Amérique latine représente 15 % de cette activité.

L'AFD est présente depuis longtemps dans les Caraïbes, d'une part du fait de la proximité des DFA et, d'autre part, parce qu'elle a une activité Outre-Mer depuis toujours. Ainsi, elle est implantée depuis 1976 en Haïti et depuis 1997 en République dominicaine. L'AFD est également présente au Suriname, d'où elle couvre les petites Antilles et la Martinique.

Le mandat de l'AFD dans les Caraïbes consiste à appuyer la croissance verte et solidaire, et à renforcer la coopération régionale via l'accompagnement des entreprises dans les activités qu'elle finance. Notre stratégie a été présentée au mois de juillet 2013 au conseil d'administration de l'AFD ; elle découle du constat selon lequel la région est vulnérable et en perte de vitesse économique. En effet, les moteurs de croissance agricoles et tertiaires se sont essoufflés suite à la crise de 2008, engendrant une perte de compétitivité. Conséquemment, il est nécessaire de soutenir les économies, notamment à travers le développement des infrastructures permettant d'améliorer la connectivité entre les différents territoires. Au sein de la région, les pays sont de taille et de niveau économique très hétérogènes ; ils souffrent d'un manque de connexion entre eux. En outre, il convient de préserver le milieu naturel, les difficultés climatiques étant nombreuses dans la région. Enfin, l'AFD vise à renforcer le capital humain et les capacités institutionnelles de la zone.

C'est pourquoi, l'Agence a essentiellement financé des projets d'infrastructures et dans le domaine de l'énergie. Elle a aussi accompagné le développement du capital humain en termes de santé et d'éducation, et a appuyé la préservation du milieu naturel.

Par ailleurs, l'AFD dispose d'une filiale, Proparco, s'occupant de l'appui au financement de projets privés et dotée d'un mandat en Amérique centrale. Au sein de cette dernière, nous avons soutenu des projets à hauteur de 150 millions d'euros dans les secteurs bancaire, des infrastructures et des énergies renouvelables, à travers la participation à des fonds d'investissement. Les perspectives de croissance dans la région se trouvent dans le domaine de l'énergie. Pour sa part, Proparco accompagne les intérêts et les projets privés dans des secteurs spécifiques : l'agro-industrie, la santé, le tourisme durable, le traitement des eaux et des déchets et l'efficacité énergétique. En Amérique centrale, l'AFD n'a pas vocation à intervenir directement.

Dans les Caraïbes, l'AFD dispose d'un portefeuille de 500 millions d'euros pour accompagner des projets, ce qui a permis : de financer la construction du métro de Saint-Domingue ; d'accompagner le développement de la géothermie et financé des routes en République dominicaine ; de conclure un partenariat avec l'entreprise publique Wadco à Sainte-Lucie dans le domaine de l'assainissement ; ou encore, de financer une route connectant la Guyane à Paramaribo, la capitale du Suriname.

Nous envisageons aussi de travailler sur un projet d'interconnexion des différents réseaux d'électricité de la Guyane, du Guyana, du Suriname et du Brésil. En matière de renforcement du capital humain, nous sommes essentiellement présents au Suriname, où nous finançons des projets d'amélioration de la santé maternelle et infantile, et en Haïti, où nous finançons des projets de formation professionnelle, d'éducation et de santé. En effet, nous sommes convaincus de l'importance de renforcer le capital humain, afin d'améliorer les niveaux d'éducation et d'innovation ainsi que la capacité du secteur public à accompagner le développement de projets ambitieux.

M. Arnaud FLEURY . - Les entreprises françaises doivent-elles se positionner sur les projets financés par l'AFD ?

Mme Laurence ROUGET-LE CLECH . -Les principaux secteurs dans lesquels les entreprises françaises doivent s'impliquer sont l'énergie, particulièrement les énergies renouvelables, la connectivité des différents territoires, les infrastructures, notamment dans le domaine de l'eau, de l'assainissement et de la gestion des déchets, et le renforcement du capital humain. En effet, l'investissement dans ces secteurs permet d'accompagner la croissance de manière durable.

Par ailleurs, nous finançons des projets à conditions « de marché », mais aussi à conditions bonifiées, en fonction du type d'investissement financé.

M. Arnaud FLEURY . - Que représentent l'Amérique centrale et les Caraïbes pour Alstom ?

M. Pascal DROUHAUD . - L'Amérique centrale et les Caraïbes représentent une région unitaire mais marquée par la diversité. En effet, des efforts considérables ont été menés par les pays en vue d'améliorer leur intégration économique et régionale. Il convient d'ailleurs de saluer les accords les liant à l'UE depuis les années 1980. Cependant, les pays composant la région ont des besoins variés et des réalités économiques spécifiques. Les investissements réalisés témoignent de la diversité régionale.

Alstom se doit d'avoir une perception régionale globale, le soutien de l'État français étant déterminant dans ce domaine, et de disposer de connaissances particulières sur chacun des pays. En effet, la réalité du Panama est distincte de celle du Nicaragua ou de Belize. L'unité se constitue grâce à plusieurs piliers, notamment l'énergie et le transport urbain.

Penser la ville nouvelle implique de mener des projets en termes de mobilité urbaine. En la matière, les pays de la région ont une approche particulière ; pendant longtemps, ils ont favorisé le bus dans le cadre de la croissance des villes. Nous agissons en démontrant la complémentarité entre le bus et le métro. En la matière, le projet porté par le maire de Guatemala Ciudad, M. Alvaro Arzu, est une réussite. Pour autant, le gouvernement du Guatemala réfléchit actuellement au développement d'un mode de transport permettant une nouvelle mobilité urbaine, le tramway. L'environnement financier lui permet de s'engager dans cette nouvelle voie.

Dans les Caraïbes, l'exemple de la République dominicaine est incontournable, deux lignes de métro ayant été construites depuis le début des années 2000. Il démontre que des projets structurants peuvent être réalisés lorsqu'ils sont pensés en termes de financement et de technologie.

M. Arnaud FLEURY . - Quelle est la stratégie d'Alstom dans la région ?

M. Pascal DROUHAUD . - Alstom est un groupe industriel, fournisseur d'équipement. Nous devons être réactifs lorsqu'un besoin est identifié et participer à la construction d'un projet. Un projet doit être financé et rentable. Bâtir un tel projet prend du temps et nécessite de chercher des financements. Nous pouvons disposer de financements français, mais il convient de trouver des partenaires latino-américains. L'exemple du Panama est révélateur ; en effet, en 2010, Odebrecht et FCC y avaient remporté un marché et des groupes comme Alstom, Thales et TSO ont réalisé le lot électro-mécanique en tant que sous-traitants. Ce type de collaboration se bâtit, grâce à une présence dans la région

M. Arnaud FLEURY . - L'intégration en Amérique centrale est favorisée depuis quinze ans, notamment grâce à la SICA (Système d'intégration centro-américain)  ; les pays de la région peuvent-ils aller plus loin dans cette voie ? En effet, l'enjeu de l'amélioration des connexions et du renforcement des échanges entre eux est essentiel. Se dirigent-ils vers une union douanière et monétaire ?

M. Pascal DROUHAUD . - C'est envisageable. La tendance visible depuis les années 1980 va dans ce sens. Les chefs d'États d'Amérique centrale et des Caraïbes ont conscience de la nécessité de renforcer leurs liens. Des efforts sont déjà fournis à cette fin : en témoignent le plan Puebla-Panama et la volonté réelle d'une connexion en matière de transport d'énergie, notamment entre le Panama et la Colombie. Lorsque sera engagé ce projet de ligne de haute tension en courant continu, le marché mexicain sera également ciblé. En outre, la réalité sociale contraint les décideurs à favoriser l'intégration, dans le respect des spécificités nationales.

M. Arnaud FLEURY . - Alstom surveille-t-elle la situation cubaine et la libéralisation des rails ?

M. Pascal DROUHAUD . -Nous sommes très présents à Cuba, particulièrement dans le domaine énergétique, avec lequel nous avons une relation ancienne et forte, caractérisée par la compréhension et le respect.

Nous accompagnons les efforts des Cubains en matière de développement de la production en cycle combiné, en fournissant les équipements et en assurant la maintenance.

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