CLÔTURE

M. André TRILLARD

Président du groupe interparlementaire d'amitié France-Autriche du Sénat,

Sénateur de la Loire-Atlantique

Je tiens tout d'abord à vous remercier, Madame Myriam Levain, d'avoir animé avec une telle qualité l'ensemble de nos débats.

Je remercie également Madame l'Ambassadeur et ses collaborateurs, ainsi que tous les participants. Les échanges pourront se poursuivre.

Je salue aussi, en tant qu'ami, le Président d'Erasmus France, aujourd'hui présent à qui, je l'espère, profitera sans doute cette rencontre.

Enfin, je tiens à souligner à quel point je suis touché par la venue de Monsieur Gérard Larcher, Président du Sénat et ancien ministre du Travail, qui est très attaché à ces sujets.

Mon cher Président, je vous cède la parole.

M. Gérard Larcher

M. Gérard LARCHER - Président du Sénat

Monsieur le Président,

Cher André Trillard,

Madame l'Ambassadeur,

Mes chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

Le titre que vous avez choisi pour ce colloque est éloquent : « Valoriser l'apprentissage : un succès autrichien, un défi français ». Ce colloque illustre aussi ce que doivent être nos groupes d'amitié au Sénat. Ces groupes favorisent évidemment les liens parlementaires entre nos assemblées, mais aussi essaient de s'enrichir mutuellement dans le cadre de ce que nous avons en partage, et notamment au sein de l'Union européenne. Une Union européenne, qu'il est coutumier de faire en quelque sorte « l'agneau du sacrifice d'Abraham », mais que nous aurions intérêt à valoriser tous ensemble.

« Succès autrichien » : nous savons que votre système dual permet d'obtenir de bons résultats. Pour un ministre du Travail, regarder vos courbes est un élément de rêve. Même si j'ai connu des périodes heureuses avec Jean-Louis Borloo, caractérisées par un taux de chômage autour de 7 %, nous connaissions une réalité, qui est également celle de l'Europe du Sud : un taux de chômage des jeunes toujours 2,5 fois supérieur au taux de chômage national. Nous avions essayé de très nombreux dispositifs. Je fus même le ministre d'un « contrat première embauche », c'est-à-dire le ministre qui a connu le plus grand nombre de manifestations dans la rue. Ce contrat était une tentative de s'extraire d'un système si protecteur - en tant que gaulliste social, je ne suis pas suspect d'être tellement réactionnaire - qu'il protège les protégés, tout en exposant deux segments : les jeunes lors de leur entrée dans le monde du travail et les aînés, dans une sortie extrêmement rapide du monde du travail. C'est un défi bien français.

Si en Autriche, près d'un jeune sur deux suit le chemin de l'apprentissage, il n'y en a qu'un sur dix en France. En outre, 140 000 jeunes sortent chaque année du système sans formation et sans qualification. Depuis l'année 1979, ce chiffre est invariable, que nous ayons ou non unifié le collège, ou encore mené 80 % d'une classe d'âge vers le baccalauréat. D'après le rapport de Raymond Barre remis à l'époque à Valéry Giscard d'Estaing, comme le rapport que j'ai remis à Nicolas Sarkozy en 2012, la réalité est la même. Cela signifie que l'approche de l'intégration, par l'Éducation nationale, ne connaît malheureusement pas un succès à la hauteur des investissements.

Ce matin, vous avez écouté l'intervention de Monsieur Rudolf Hundstorfer et bénéficié des lumières de celui qui m'a succédé à ce ministère, Xavier Bertrand. Vous avez partagé une statistique terrible : en France, aucun ministre n'est issu de l'apprentissage, contre quatre en Autriche. L'un de mes prédécesseurs au Sénat était lui-même issu de l'apprentissage. Monsieur  René Monory, à qui je dois beaucoup et qui m'a beaucoup appris, était en effet apprenti mécanicien. Il a donc été le deuxième personnage de la République. Chez nous aussi, l'apprentissage doit ouvrir des possibilités au même titre que les autres formations.

Vous avez choisi de centrer vos échanges sur la revalorisation de la place et du rôle de l'apprentissage dans la société et sa contribution à un défi, qu'est celui de la ré-industrialisation de l'Europe. Alors que la croissance américaine est repartie, la croissance européenne est aujourd'hui très médiocre. Elle représente un défi, qui passe aussi par un défi industriel - sur lequel nous avons tous plus ou moins perdu du terrain. Ces deux thèmes se situent au coeur des enjeux auxquels nous sommes confrontés.

J'espère que la présentation de nos réformes et initiatives en France a pu vous être utile. Avec Jean-Louis Borloo, nous avions pour objectif de mener 500 000 jeunes vers l'apprentissage. Nous en sommes loin malheureusement, mais je crois que ce colloque est l'occasion de réfléchir au système dual et à la reconnaissance particulière que vous accordez à l'apprentissage. Ce devrait être une voie de l'excellence, mais ne l'est pas encore. Attachés que nous sommes, non loin de la Sorbonne, aux humanités - qui sont parfois la marque de notre société - nous opposons souvent humanité et habileté. Comme l'évoquait Monsieur Guisembert à l'instant, il est vrai que dans notre médiasphère et notre politico-sphère, la formation par l'alternance ne bénéficie pas de la place qui devrait lui être attribuée. Il est vrai aussi que notre immense « super-tanker » - l'Éducation nationale - a eu quelques difficultés à lui accorder toute sa place. Cette question sera posée à partir de la semaine prochaine, dans le cadre du débat parlementaire relatif à la réforme des territoires. Qui se préoccupe de la formation professionnelle ? Sont-ce les régions, ou faut-il continuer de confier cette responsabilité au seul État ?

Je souhaiterais poser deux questions structurantes, que vous pourrez emporter dans vos bagages. Première question : faut-il réduire la place de l'Éducation nationale dans la définition des formations ? N'appartient-il pas aux branches professionnelles et aux entreprises d'être responsables de la définition des diplômes ou des certifications professionnelles ? Cela n'exclut pas - comme l'a abordé Madame l'Ambassadeur - les passerelles. Votre force, comme celle de l'Allemagne, réside dans la capacité de passer d'un système à l'autre. En n'opposant pas humanités et habileté, l'on construit des femmes et des hommes capables d'être des citoyens complets et entièrement formés. L'un des moyens de lever les préjugés en France consiste à faire de la formation duale un moyen de favoriser le dialogue entre l'école et les entreprises.

Deuxième question : le système de financement en France est-il adapté à l'apprentissage ? Comme l'illustre le rapport que j'ai remis en 2012, l'essentiel de la taxe finançant l'apprentissage ne bénéficie pas aux niveaux IV et V. En fait, nous finançons une partie de la formation supérieure avec la taxe prélevée sur les entreprises - lesquelles ne forment pas la totalité des salariés des entreprises. La question du maintien de la taxe d'apprentissage mérite également d'être posée : n'est-ce pas un dispositif obsolète ? Parfois, les entreprises ont l'impression que ce n'est qu'une taxe de plus, qui ne donne lieu à aucun retour. N'appartiendrait-il pas aux entreprises de financer directement la formation ?

Mes chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

Madame l'Ambassadeur,

Vous voyez que l'on peut être Président du Sénat et ne pas avoir tout à fait oublié les nécessités de la formation des hommes et des femmes. Un taux de chômage des jeunes proche de 25 % soulève la question de la société. Au-delà de la dimension économique, la cohésion sociale est en cause quand un quart d'une grande classe d'âge se trouve exclue « du sentiment d'être utile aux autres ».

En tout cas, je remercie l'initiative prise par le groupe d'amitié France-Autriche, à travers son Président André Trillard. Madame l'Ambassadeur, je vous prie de remercier tous les participants venus d'Autriche, que je salue personnellement. Vous me disiez à l'oreille « Il n'y a pas que des grands pays comme l'Allemagne ». Votre expérience est tout à fait intéressante, de par sa dimension de proximité et d'humanité - qu'il nous faut retrouver en ces temps de difficultés.

Merci à tous.

MM. Robert del Picchia et André Trillard

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