C. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DÉLICATE

Le vide institutionnel comme la crise syrienne ont fortement pesé, ces dernières années, sur l'activité économique du Liban. Comme indiqué plus haut, les gains liés à la baisse des prix de l'énergie ont été effacés par le ralentissement des investissements et des échanges induit par l'afflux de réfugiés et la baisse concomitante des revenus du tourisme. Le taux d'occupation moyen des hôtels de Beyrouth s'est ainsi établi à 56 % sur les huit premiers mois de 2016, soit une diminution de deux points par rapport à la même période en 2015. Le tarif moyen par chambre au Liban a, dans le même temps, connu la plus forte baisse régionale (- 17,5 % en glissement annuel) pour atteindre 137 dollars sur les huit premiers mois de l'année, contre une moyenne régionale de 200,6 dollars.

La croissance a, dans ces conditions, été ramenée à un niveau nul ou quasiment nul en 2015. L'apport de la diaspora (7,16 milliards de dollars de revenus pour l'économie libanaise en 2015) a été moindre qu'attendu, notamment en provenance du Golfe ou d'Afrique, affectant directement le secteur immobilier et l'activité bancaire. La baisse constatée est de 3,3 % par rapport à 2014 et de 11,4 % par rapport à 2013.

Par ailleurs, les « déficits jumeaux » ont sensiblement augmenté en 2015. Le déficit de la balance des paiements s'est sensiblement creusé, passant de 1,41 milliard de dollars en 2014 à 3,35 milliards de dollars en 2015, cela malgré la réduction du déficit de la balance commerciale et la stabilisation du déficit de la balance courante. Cette dégradation a conduit la Banque du Liban (BDL) à procéder, en mai dernier, au rachat de titres en devises étrangères auprès des banques libanaises, à des taux in fine exorbitants 22 ( * ) . Cette opération a ainsi permis d'augmenter les réserves en devises de la BDL, qui représentaient 40,7 milliards de dollars fin août, en hausse de 4 milliards par rapport à la fin avril et de 1,9 milliard par rapport à la fin août 2015.

Le déficit public est, quant à lui, passé de 6,1% du produit intérieur brut (PIB) en 2014 à 7,9 % du PIB en 2015, créant les conditions d'une poursuite de l'endettement. Le service de la dette libanaise représente la moitié des recettes publiques et le tiers des dépenses publiques.

L'année 2016 devrait s'inscrire dans le prolongement de la précédente. Le taux de croissance du PIB est ainsi estimé à 1,2 %. Ce chiffre contraste avec la croissance moyenne du PIB de 8 % enregistrée durant la période 2006-2010. Le déficit public pourrait atteindre 10 % du PIB en 2016 et la dette publique dépasser 140 % du PIB. Les sanctions américaines ciblant le Hezbollah 23 ( * ) , entrées en vigueur en mai, devraient fragiliser un peu plus l'activité du système bancaire libanais, quand bien même celui-ci est essentiellement tourné vers l'extérieur, au détriment du marché domestique. Elles visent, en effet, toute personne ou institution financière ou bancaire effectuant une transaction avec le parti ou les personnes qui lui sont affiliées. 99 comptes de personnes physiques ou morales libanaises concernées par les sanctions américaines ont ainsi été gelés.

Le pays reste par ailleurs fragilisé par l'absence de réformes structurelles. Le Liban est classé 101 e sur 138 dans le rapport annuel du Forum économique mondial sur l'indice mondial de la compétitivité (GCI), avec un score 3,8 sur 7, le document pointant la corruption, l'instabilité gouvernementale et l'obsolescence des infrastructures. L'impasse politique pèse particulièrement dans le domaine de l'énergie avec le blocage du processus d'attribution de licences d'exploration des réserves présumées de pétrole et de gaz au large du Liban.

Contestée sur la question du rachat des réserves en dollars, la Banque centrale est pourtant considérée par certains observateurs, comme un des seuls acteurs capables de soutenir l'économie libanaise. Elle a ainsi prévu pour 2016 une enveloppe d'un milliard de dollars reprenant les modalités des plans de relance qu'elle avait déjà lancé en 2013, 2014 et 2015 : octroi de crédits subventionnés aux banques qui les réallouent à certains secteurs : majoritairement l'immobilier et les PME. 130 000 prêts au logement ont ainsi pu être accordés en 2015, soit une hausse de 30 000 prêts par rapport à 2014.


* 22 La Banque centrale a réalisé, en mai 2016, un échange avec le ministère des finances libanais de de 2 milliards de dollars de bons du Trésor qu'elle détenait en livres libanaises contre des titres de dettes européens d'un montant équivalent. Elle a ensuite cédé ces 2 milliards de dollars de titres de dettes européens ainsi que des certificats de dépôts - d'un montant compris entre 1 et 3 milliards de dollars - à plusieurs banques libanaises. Parallèlement, la Banque du Liban a racheté à ces dernières un montant équivalent (soit de 3 à 5 milliards de dollars) de bons du Trésor libellés en livres libanaises. Ces derniers ont été rachetés à leurs prix d'émission, quelles que soient leurs dates de maturité (dans 15 ans pour certains), en versant en outre immédiatement la moitié de la valeur des bénéfices que les banques pouvaient en tirer sur les années à venir. Les banques participantes auraient ainsi réalisé par cette seule opération un profit compris entre 1 et 2 milliards de dollars.

* 23 Hezbollah International Financing Prevention Act of 2015, adopté le 16 décembre 2015.

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