C. UNE OPPORTUNITÉ À SAISIR SANS TARDER

Les autorités chinoises ont jusqu'à présent opposé une fin de non recevoir aux demandes tibétaines. Le Livre blanc de 2004 sur l'autonomie régionale ethnique au Tibet se conclut par ces fortes paroles : « Il est à souligner que le gouvernement local du Tibet dirigé par le Dalaï-Lama, représentant le régime de servage féodal caractérisé par l'union du temporel et du spirituel a été remplacé depuis longtemps par le pouvoir démocratique fondé par le peuple tibétain selon sa volonté. C'est seul le peuple chinois, y compris le peuple tibétain, qui peut décider l'avenir et le destin du Tibet. C'est là une réalité politique objective du Tibet que personne ne peut dénier ni ébranler ».

Pourtant, le temps presse. La Chine, si elle veut prendre la place qui lui revient dans le concert des nations, ne peut pas continuer à voir son crédit international hypothéqué par la question tibétaine. Il lui faut profiter du fait qu'elle a actuellement pour interlocuteur, en la personne du Dalaï-Lama, un authentique homme de paix et de dialogue. Mais qui ne sera pas éternel.

1. Des échéances prochaines

La candidature de Pékin a été retenue pour l'organisation des Jeux Olympiques d'été en 2008. Deux ans plus tard, en 2010, ce sera au tour de Shanghaï d'accueillir l'Exposition Universelle. Ces deux événements symboliques, faisant suite à son entrée en 2001 dans l'Organisation mondiale du commerce, marquent le retour au sein de la communauté internationale d'une Chine qui avait été placée au ban des nations après le massacre de la place Tian An Men.

Or, les autorités chinoises paraissent aujourd'hui conscientes que les lacunes de leur bilan en termes de droits de l'homme, qui ne concernent d'ailleurs pas que le Tibet, sont de nature à obscurcir l'image que la Chine offrira à ce moment au monde. Des organisations telles qu'Amnesty International sont déjà parties en campagne sur ce thème, et il est clair que la presse mondiale qui se focalisera alors sur la Chine ne pourra pas être contrôlée comme la presse domestique.

Dès lors, il est évident que l'aboutissement avant 2008 des négociations engagées avec les représentants du Dalaï-Lama constituerait un message de confiance adressé au reste du monde.

2. Les incertitudes de l'après Dalaï-Lama

Un autre motif qui devrait inciter les autorités chinoises à poursuivre la conclusion rapide d'un accord est l'opportunité d'avoir encore pour interlocuteur un homme modéré comme Tenzin Gyatso, le XIV ème Dalaï-Lama. Loin d'être un « séparatiste » forcené, celui-ci est adepte de la « voie médiane » et prêt aux concessions nécessaires. En bonne santé à soixante-et-onze ans passés, il n'est pas pour autant éternel. Sa succession ouvrira une période de grandes incertitudes. En effet, il est à craindre que s'engage alors une bataille de légitimité, comme pour le Panchen-Lama, entre sa réincarnation qui sera reconnue par les autorités tibétaines en exil et une autre réincarnation qui serait adoubée par les autorités chinoises.

Le Dalaï-Lama a cherché à prévenir cette vacance du pouvoir, moment de vulnérabilité traditionnel dans l'histoire du Tibet, en mettant en place en exil des institutions démocratiques et laïques. Ainsi, l'administration de Dharamsala est actuellement dirigée par un Premier ministre élu au suffrage universel par la communauté tibétaine en exil, le professeur Samdhong Rinpoché.

La continuité pourrait donc être assurée du côté tibétain, en cas de disparition du Dalaï-Lama. Mais rien ne garantit que la nouvelle direction sera plus disposée à composer avec ses interlocuteurs chinois. En effet, toute une fraction de la communauté tibétaine en exil, notamment le Congrès de la jeunesse tibétaine, n'a jamais accepté la renonciation à l'indépendance concédée par le Dalaï-Lama. Et il a fallu toute la force du magistère exercé par celui-ci pour que cette option devienne la position de négociation officielle tibétaine.

Actuellement, pour autant qu'il soit possible de distinguer ce genre de nuances en l'absence de débat ouvert, deux écoles de pensée semblent coexister parmi les dirigeants chinois. La première considère que le temps joue en sa faveur, et qu'il suffit d'attendre le décès du Dalaï-Lama pour que la question tibétaine soit définitivement classée. La seconde a conscience qu'il est urgent de trouver une solution de compromis du vivant du Dalaï-Lama, qui a seul l'autorité nécessaire pour la faire accepter par son peuple. C'est, bien évidemment, cette seconde disposition d'esprit qu'il convient d'encourager.

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