C. BILAN PRÉLIMINAIRE III - 4.

Les données citées antérieurement permettent de démontrer l'existence de deux agendas informatifs différents entre la presse traditionnelle et dans les médias de source du Senado Federal. Ces agendas possèdent des degrés de similitude, mais aussi de diversification. Ils se rapprochent pour ce qui a trait aux hard news . Cette similarité en ce qui concerne les hards news peut être attribuée au fait que l'occurrence d'une forte corrélation entre les agendas informatifs intéressant les sources et la presse est le fruit d'une adéquation du discours et du découpage thématique des sources aux demandes des médias 1316 ( * ) . À ce stade, on peut même admettre une subsistance informative de la presse traditionnelle qui utilise les MSSF pour réduire les coûts opérationnels et gagner du temps dans la diffusion des nouvelles.

En ce qui concerne les autres contenus, nous avons constaté qu'il existe une interférence petite, voire nulle, de l' ASN sur ce qu'on appelle la grande presse, dans sa version imprimée. Ce qui est considéré comme une information journalistique par la première est méprisée par la seconde. L'inverse ne se produit pas nécessairement avec la même intensité, car les parlementaires tendent à répercuter dans les discours qu'ils prononcent les thèmes importants soulevés par la presse. Ainsi, les médias du Sénat finissent, indirectement, par réverbérer les thèmes originaux de leurs concurrents 1317 ( * ) . Des stratagèmes, comme la réalisation des séances spéciales pour commémorer les éphémérides et d'autres dates importantes ont été ignorés par les quatre journaux cités. Ceci nous démontre que même si ces événements peuvent avoir une valeur civique, en tant que technique pour attirer l'attention de la presse et profiter de l'occasion pour interférer sur l'agenda journalistique, ils sont improductifs.

Dans la couverture parlementaire, la presse traditionnelle tend à rétrécir le champ des sources consultées, alors que dans les médias de source du Sénat, le processus est inverse. L'espace journalistique des médias traditionnels est occupé par peu de protagonistes. Et ceci est le résultat d'une option éditoriale. Selon SOUSA, le journaliste, lorsqu'il sélectionne les sources qu'il va utiliser, est déjà en train d'influencer le contenu des nouvelles 1318 ( * ) . Nous dirions même plus, en donnant la parole aux uns et en réduisant les autres au silence, le professionnel et le média pour lequel il travaille démontrent le biais qu'ils désirent imposer à la nouvelle. CURRAN affirme que l'imposition de routines journalistiques et de critères de notiziabilità qui restreignent l'éventail de sources ou excluent de la couverture informative les personnes de moindre prestige, au profit des plus puissants, est une forme de pression pour résigner le journalisme et le faire orbiter en faveur de ceux qui détiennent le pouvoir 1319 ( * ) .

La pluralité de sources exercée par les MSSF constitue une façon de démocratiser l'accès à l' espace public . Même au Parlement, il existe des niveaux de pouvoir et d'influence différenciés. La presse elle-même a forgé l'expression «parlementaires du bas clergé», pour désigner ceux qui sont moins influents dans le monde politique, et par conséquent absents de l'actualité. Le slogan beaucoup de voix, beaucoup d'idées, TV Senado une télévision plurielle, utilisé par la chaîne pour se présenter à la société, met en évidence l'adoption d'un critère différencié pour choisir ses sources .

Pour la petite presse, en particulier radiophonique, les médias du Sénat se révèlent importants, voir même indispensables, pour viabiliser l'existence de leurs programmes d'informations politico-parlementaire. Sans la production transmise par les sources, le public de ces stations n'aurait pas accès aux principaux faits qui se déroulent dans la Capitale Fédérale. Sous l'aspect du marché du travail, les médias de source contribuent à augmenter les places dans le segment nommé hors rédaction tout en inhibant, dans le même temps, l'intériorisation de cette main d'oeuvre et l'élargissement de l'offre de travail dans les rédactions traditionnelles. Ce phénomène apparaît plus présent dans la webpresse et le radiojournalisme.

La raréfaction de la présence de journalistes dans les rédactions contribue à la stagnation - quand ce n'est pas la réduction - du volume du journalisme local et régional, en mettant la priorité sur les thématiques provenant des centres nationaux et internationaux. Le citoyen est désinformé sur ce qui se passe dans sa ville et est bombardé d'informations issues d'une sphère qui éventuellement ne l'attire pas réellement.

La révélation de la priorité accordée aux agences de source, au détriment des agences de presse traditionnelles, est importante. Ces dernières tendant à perdre de l'espace et, en conséquence, les informations journalistiques sur la radio et le web tendent à être un reflet monolithique de la vision des sources, en accordant la priorité à celles qui sont dotées des meilleures structures pour parvenir jusqu'aux médias. Cette constatation renforce l'interprétation de CHARRON, selon laquelle, l'importance des sources peut être mesurée par leur capacité à influencer et à intervenir dans la sélection thématique opérée par la presse 1320 ( * ) .

La capacité à introduire de nouveaux thèmes dans l'agenda de la presse traditionnelle paraît être limitée. Il serait nécessaire de mener un travail auprès de la presse écrite locale et régionale pour tirer une conclusion définitive. On pourra trouver dans ces dernières le même phénomène que celui observé dans le radiojournalisme. Toutefois, la possibilité de fournir une gamme plus vaste d'informations sur les thèmes chauds, élus au préalable par l'agenda des médias, se révèle significative. La presse peut traiter plus facilement non seulement des points de vue différents, mais aussi de sources distinctes.

Une autre caractéristique qui prend de l'importance à la suite de ces constatations est la capacité des médias de source à diffuser directement vers la société. Ils réussissent de cette façon à contourner le filtrage éditorial effectué par la presse. Si, d'un côté, la capacité de modifier l'agenda médiatique a ses limites, de l'autre, ils constituent des éléments importants pour interférer sans intermédiaire dans l'agenda de la société. Ils se confirment ainsi comme un nouvel élément disputant l'espace public.

* 1316 CHARRON, Jean, 1995, p. 80.

* 1317 Pour plus d'éclaircissements sur l'interférence de l'agenda journalistique sur l'agenda politique parlementaire brésilien, voir RODRIGUES, 2002 et 2002-A.

* 1318 SOUSA, op. cit. p. 65-66.

* 1319 CURRAN, James, 1996.

* 1320 CHARRON, Jean, 1995, p. 82.

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