2. La quête de la visibilité sociale en tant que facteur structurant du territoire.

La quête de visibilité publique des divers groupes d'intérêts lors de la phase d'ouverture politique est un autre élément important ayant stimulé les activités d'un modèle de journalisme organisé par les sources 464 ( * ) . La plupart des segments sociaux (productifs, religieux, sociaux, entre autres) ont commencé à se servir de la divulgation de leurs informations comme moyen d'exister publiquement 465 ( * ) . Bien qu'il faille tenir compte de la perte considérable de l'importance du mythe du journaliste en tant que un révélateur de toute chose, ou comme messager (angelos) d'un autre ordre social 466 ( * ) , la libre circulation de l'information était considérée comme une arme fondamentale pour rendre possibles les changements sociopolitiques envisagés pour la re-démocratisation du Brésil. Des armes pour opérer dans la réalité adverse - atteste MEDINA 467 ( * ) - ne serait-ce que parce que le manque de communication était vu comme une forme d'oppression et de domination des personnes, limitant le droit d'être 468 ( * ) , une situation qui s'oppose à un état démocratique.

Le Brésil des années 1980 pouvait difficilement être considéré comme une démocratie, sans démocratiser la capacité à communiquer des éléments de la société. Dans un pays qui vivait l'exception, où la presse se taisait sous la force de la censure, par la faiblesse de certains hommes d'affaires ou leur comportement d'adhésion, il était important de créer un canal d'expression alternatif. Une alternative au modèle de structure sociale qui empêchait les personnes et les organisations de parler et d'être écoutées. Une alternative qui se fondait principalement sur la nécessité de conquérir une visibilité pour les voix jusqu'alors marginalisées.

L'existence de cette modalité journalistique a encore gagné de la force durant le processus constituant, entre 1986 et 1988 (voir statistiques et détails dans la Partie II, item I-D - Le segment hors rédaction ). La nécessité d'exprimer publiquement les revendications et les points de vue, y compris dans le but de sensibiliser la société et les constituants, a entraîné la création de diverses structures de communication institutionnelle, ainsi que l'apparition de nouveaux médias - les médias de source - sur la scène nationale.

Ce fut une période marquée par les formes de mobilisation et de pression sociales les plus diverses. L'un des principaux stratagèmes utilisés était l'emploi des moyens de communication pour captiver et sensibiliser l'opinion publique en faveur d'une idée ou d'une cause donnée. Les médias, en tant qu'agents politiques et en tant que maillon dans la chaîne de transmission de la connaissance, se présentaient tantôt comme la cible de cette action, qualifiée par certains de lobbying, par d'autres d'advocacy, tantôt comme un instrument de transmission, pour faire parvenir à la société les idées des acteurs sociaux. Exercer une pression et convaincre les instances politiques et ceux qui sont en position de décider devient plus facile lorsqu'il existe un climat social enclin à appuyer les idées en jeu. Cette pratique est encore plus répandue quand les thèmes soumis à l'analyse affectent directement certains secteurs de la société 469 ( * ) .

En plus de tenter d'insérer dans l'agenda public les thèmes qui les intéressaient, de tels moyens de communication réalisaient un suivi particulier du travail des législateurs. Une action considérée à l'époque comme de chien de garde - typique du journalisme - mais aujourd'hui conçue comme la prestation d'une modalité de service nommée accountability. Un fournisseur de transparence publique. Nous pourrions la classer comme étant une couverture spécialisée. Une espèce de chien de garde sectoriel, concentré sur des thèmes ponctuels. C'est ainsi qu'ont agi des entités et des mouvements sociaux liés aux questions de l'enfance, de l'éducation, de la cause indigène, de l'église catholique, parmi tant d'autres.

Les thèmes qui éveillaient un intérêt journalistique pour de tels médias, comme la Réforme Agraire, les Droits des Travailleurs et les Droits Sociaux (Santé, Éducation, Genre, etc.), n'étaient pas toujours traités par la presse commerciale - que ce soit pour des questions d'économie de dépenses, ou en raison d'un choix idéologique. Le chapitre de la Communication Sociale présent dans la Constitution brésilienne elle-même n'a pas fait l'objet d'une couverture convenable des débats et des votes par ce qu'on appelle la presse traditionnelle, puisque cela ne l'intéressait pas de débattre des instruments de démocratisation des moyens de communication. A cette période, la politique a continué à être la figure de proue, spécialement durant la couverture de la Constituante - explique MORELLI 470 ( * ) . Nous couvrons tous la « cartolagem » (les chefs) - les manoeuvres politiques, les querelles, les disputes - et nous laissons au second plan la discussion approfondie d'une série de questions qui allaient affecter immédiatement après, en bien ou en mal, la vie de tous les brésiliens - complète le journaliste Ricardo Setti 471 ( * ) .

L'Assemblée Nationale Constituante elle-même, en tant qu'institution, a créé ses propres médias pour assurer une couverture distincte- un journal écrit, un journal radio et un journal télévisé. Tous les jours, à l'heure du déjeuner et à l'heure de grande écoute de la soirée, juste après les journaux télévisés de 20 heures des chaînes privées, le Diário da Constituinte était diffusé dans tout le Brésil. Le programme, d'une durée de cinq minutes, était diffusé sur 170 chaînes de télévision et sur plus de mille radios du pays. Objectif : rendre compte de l'activité quotidienne des constituants au cours de l'élaboration de la nouvelle Constitution Fédérale.

Cette action de quête de visibilité dans la période post-dictature ne s'est pas limitée aux segments corporatifs de la société civile. On recense d'innombrables cas d'initiatives communautaires, d'associations de quartier, etc. Prenons comme exemple les expériences de la TV Maxambomba, un projet du Centre de Création d'Image Populaire à Rio de Janeiro, et la TV Viva, à Recife. Ces deux projets de télévisions populaires avaient pour but de promouvoir l'émancipation sociale des classes sociales les plus défavorisées, en les conseillant en particulier sur les nouveaux droits constitutionnels contenus dans la Carta Magna, qui venait d'être approuvée 472 ( * ) . L'objectif final était la création d'un processus de maturation politique qui puisse rendre l'humble citoyen capable de défendre ses droits et ses intérêts et de les montrer à l'opinion publique.

* 464 LOPES, Boanerges, 1996, p. 16.

* 465 REIS, Ruth, 2002, p. 7.

* 466 MATHIEN, Michel, 1992, p. 236.

* 467 MEDINA, op. cit. p. 23.

* 468 GOMES, P. G., 1989, p.30.

* 469 YATES, Stéphanie et BEAUCHAMP, Michel, 2005, p. 316.

* 470 MORELLI, Ana L. F., 2002.

* 471 Ricardo Setti, apud EGYPTO, Luiz Egypto, 2001.

* 472 La méthode était la télévision en plein air. Des projections vidéo dans des lieux publics, qui montraient la communauté à elle-même, ses réalisations sociales et culturelles, et des conseils dans les domaines les plus divers, tels que les soins infantiles, l'installation d'un atelier de menuiserie, des conseils pour créer une entreprise communautaire pour employer les jeunes sur place ou implanter un centre de santé communautaire. Pour plus de détails sur ces expériences de télévisions alternatives voir : DRAGON, Alfonso, 2001.

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