CHAPITRE II

I. LE PROFIL DU MARCHÉ DU TRAVAIL DU JOURNALISTE AU BRÉSIL.

Le profil des rapports de travail du marché professionnel du journaliste brésilien peut être explicité à partir d'un trépied. Dans un bras se concentrent ceux qui interviennent en exclusivité pour la presse traditionnelle, sans second emploi. Dans un autre, se trouvent ceux qui ne possèdent eux aussi qu'un seul emploi, mais dans le champ du journalisme institutionnel, dans les services de presse et les médias corporatifs. Et, dans le troisième, ceux qui possèdent plusieurs emplois, que ce soit dans des médias, dans le journalisme institutionnel, ou dans les deux, ou même des piges fixes associées à un autre emploi.

Les statistiques relatives à la main d'oeuvre journalistique au Brésil sont pauvres. La Fenaj est elle-même incapable de préciser le nombre de Brésiliens détenteurs d'une carte de presse. L'organisme responsable de l'émission de ces cartes est le Ministère du Travail et il le fait d'une manière décentralisée. Chacune des 27 unités de la République Fédérative du Brésil possède une numérotation propre et il n'existe pas de banque de données centralisée. Comme nous l'avons expliqué précédemment, tout détenteur d'un diplôme de cours supérieur de journalisme peut demander une carte de presse, indépendamment du fait qu'il prétend, ou non, exercer cette profession. En 2006, on estima toutefois qu'entre 80 000 et 90 000 cartes de presse ont déjà été délivrées. Ce chiffre inclut ceux qui sont déjà décédés, ceux qui sont à la retraite, ou même ceux qui ont abandonné la profession, puisqu'il n'existe pas non plus de mécanisme d'actualisation de numérotation des registres. Toujours sur un mode spéculatif, selon les estimations de la Fenaj, le total d'actifs serait de l'ordre de 50 000 à 60 000, en prenant aussi en compte les sans-emploi.

Pour ce qui est des professionnels exerçant effectivement le métier, les données existantes sont également partielles et se réfèrent exclusivement à ceux qui travaillent de façon strictement formalisée. À partir des données disponibles du Ministère du Travail, il a été possible de construire une série historique, sur laquelle nous allons travailler, relative aux années comprises entre 1986 et 2004. Notre souhait initial était de pouvoir nous appuyer sur une plus ample période, qui reprenne les statistiques depuis 1979, date de l'entrée en vigueur de la dernière réglementation professionnelle des journalistes. La série construite n'englobe pas l'univers complet des professionnels en exercice. Elle ne se rapporte qu'à ceux qui sont embauchés avec un contrat en règle par les entreprises privées. Les diverses formes de précarisation de l'emploi, tels que le recrutement de professionnels en tant qu'indépendants, pigistes, en tant que personnemorale (société) ou moyennant la cession des droits d'auteurs sur le texte produit, échappent ainsi aux statistiques 788 ( * ) .

Les professionnels intervenant pour les pouvoirs publics, qu'ils soient municipaux, des différents états ou fédéral, et les entités internationales, comme celles liées à l'Organisation des Nations Unies, sont également exclus des calculs. Bien qu'il n'existe aucun chiffre, on peut affirmer que le volume de professionnels intervenant pour les structures gouvernementales est important. La Fédération Nationale des Journalistes estime que leur nombre est au moins égal à celui de l'initiative privée, soit un volume de près de 20 000 professionnels.

Au cours de la période examinée, (voir tableau 2.1) le nombre moyen de journalistes disposant d'un contrat de travail effectif était de 20 136 professionnels. Les données relatives à l'année 2003 montrent un pic inhabituel dans la série historique, de l'ordre de 33 % par rapport à l'année précédente. En 2002, on comptait 20 961 journalistes et en 2003, 28 482. Au départ, nous avons pensé à exclure cette période de notre analyse, car nous considérions son comportement comme anormal. Bien qu'ils soient officiels, ces chiffres représentent un changement significatif du comportement observé jusqu'alors, ce qui peut être dû à diverses raisons masquant le contexte réel. Cependant, les indicateurs relatifs à 2004 confirment les chiffres du marché du travail observés l'année précédente, ce qui nous a poussé à travailler sur l'ensemble de la série disponible 789 ( * ) .

Au cours des dix-neuf années étudiées (1986-2004), la participation moyenne des journalistes de sexe masculin a été de 58 %, mais le marché du travail montre une tendance claire à la féminisation. Pour 2004, le ministère du Travail indiquait l'existence de 30 748 professionnels, parmi lesquels 14 609 hommes (47,51 %) et 16 139 femmes (52,49 %). Ces pourcentages représentent une participation féminine record au marché du travail des journalistes.

TABLEAU 2.1

JOURNALISTES - BRÉSIL 1986 - 2004

Année

Par Sexe

Brésil Total

Mutation annuelle

Masculin

Féminin

absolu

%

absolu

%

1986

11 214

63,98

6 176

35,24

17 528

-

1987

11 305

63,62

6 464

36,38

17 769

1,37

1988

11 377

62,72

6 761

37,28

18 138

2,08

1989

12 158

63,01

7 137

36,99

19 295

6,38

1990

11 872

62,84

7 019

37,16

18 891

(2,09)

1991

11 134

60,18

7 368

39,82

18 502

(2,06)

1992

10 281

60,81

6 627

39,19

16 908

(8,62)

1993

10 270

59,93

6 867

40,07

17 137

1,35

1994

10 481

59,31

7 191

40,69

17 672

3,12

1995

10 908

58,75

7 658

41,25

18 566

5,06

1996

11 211

57,72

8 213

42,28

19 424

4,62

1997

10 952

56,24

8 521

43,76

19 473

0,25

1998

11 555

56,56

8 874

43,44

20 429

4,91

1999

11 251

56,41

8 693

43,59

19 944

(2,37)

2000

11 790

55,14

9 591

44,86

21 381

7,21

2001

11 780

55,18

9 568

44,82

21 348

(0,15)

2002

11 440

54,58

9 521

45,42

20 961

(1,81)

2003

14 328

50,31

14 154

49,69

28 482

33,42

2004

14 609

47.51

16 139

52.49

30 748

07,95

Obs. : le sexe de 138 journalistes n'a pas été indiqué en 1986 - Source : Elaboration personnelle à partir de la RAIS - Ministère du Travail, Secrétariat des Politiques de l'Emploi et des Salaires - SPES

A. LES JOURNAUX, MAGAZINES ET AGENCES.

Dans la période étudiée, la presse écrite, comprenant les journaux, les magazines et les agences de presse, a eu un poids moyen de 37 % dans l'offre de travail. Le segment a déjà joué un rôle plus important dans l'embauche des journalistes, principalement entre 1994 et 1998. Cette époque-là, près de la moitié des professionnels brésiliens travaillaient pour les supports imprimés. À partir de cette date, des réductions périodiques du contingent de journalistes ont été observées, et en 2004, sur dix journalistes travaillant pour l'initiative privée, un peu moins de deux intervenaient dans la presse écrite 790 ( * ) (voir tableau 2.2)

TABLEAU 2.2

JOURNALISTES DANS DES JOURNAUX, MAGAZINES ET AGENCES - BRÉSIL 1986 - 2004

Année

Par Sexe

Brésil Total

% sur l'univers

Mutation annuelle

Masculin

Féminin

absolu

%

absolu

%

1986

3 647

69,16

1 593

30,21

5 273

30,08

-

1987

3 715

68,82

1 683

31,18

5 398

30,38

2,37

1988

3 751

66,23

1 913

33,77

5 664

31,23

4,93

1989

3 935

66,00

2 027

34,00

5 962

30,90

5,26

1990

4 011

65,49

2 114

34,51

6 125

32,42

2,73

1991

3 950

65,25

2 104

34,75

6 054

32,72

(1,16)

1992

3 551

64,70

1 937

35,30

5 488

32,46

(9,35)

1993

3 637

64,39

2 011

35,61

5 648

32,96

2,92

1994

4 728

64,79

2 569

35,21

7 297

41,29

29,20

1995

5 293

63,79

3 004

36,21

8 297

44,69

13,70

1996

5 832

62,98

3 428

37,02

9 260

47,67

11,61

1997

5 633

60,53

3 673

39,47

9 306

47,79

0,50

1998

5 973

60,07

3 971

39,93

9 944

48,68

6,86

1999

5 771

60,23

3 811

39,77

9 582

48,04

(3,64)

2000

5 978

59,37

4 091

40,63

10 069

47,09

5,08

2001

5 454

58,23

3 912

41,77

9 366

43,87

(6,98)

2002

4 535

59,44

3 094

40,56

7 629

36,40

(18,55)

2003

3 595

57.91

2 613

42.09

6 208

21.80

(18,63)

2004

3 407

53,11

3 008

46,89

6 415

20,86

3.33

Obs. : le sexe de 33 journalistes n'a pas été indiqué en 1986. - Source: Elaboration personnelle à partir de la RAIS - Ministère du Travail, Secrétariat des Politiques de l'Emploi et des Salaires - SPES

* 788 Sont également ignorés ceux qui, bien qu'exerçant des activités journalistiques, ont été employés sous des dénominations fonctionnelles distinctes de celles des journalistes, du type producteur de contenu au lieu de rédacteur, ou locuteur interviewer pour désigner les reporters de radio ou de TV. Ces pratiques, largement utilisées par les employeurs pour échapper aux obligations sociales envers les journalistes, camouflent un grand nombre de personnes qui n'apparaissent pas dans les statistiques officielles des journalistes recrutés de façon formelle.

* 789 Cette croissance de 33 % s'écarte de la normale historique. Ces données peuvent effectivement ne pas représenter la situation réelle en 2003 et 2004, ou bien les données antérieures présentaient un problème quelconque. Parmi les biais possibles, on peut citer les erreurs dans le système de remplissage des formulaires par les employeurs et/ou de collecte et de traitement des données par le Ministère du Travail. Il est possible que les données soient correctes et indiquent un changement brutal du profil du marché du travail des journalistes, en particulier dans le système de recrutement des journalistes par le secteur privé - privilégiant les systèmes de précarisation des contrats. Nous avons cependant choisi d'utiliser ces informations au vu de leur caractère officiel et de l'absence de tout autre relevé statistique similaire, ainsi que de la confirmation du contexte général l'année suivante, en 2004.

* 790 En 2003, le pourcentage a chuté à 21,8 %. Une part de cette réduction de personnel peut représenter en réalité un processus de précarisation des emplois. Avec la précarisation, les professionnels disparaissent des statistiques officielles, mais continuent à exercer sans lien formel. Cette évaluation est influencée par le comportement de l'offre d'emploi dans le segment des magazines brésiliens. Dans ce secteur, qui représente la production de 2 150 titres (hebdomadaires, bimensuels, mensuels, etc.), la précarisation est visible dans les données du Rapport Annuel d'Informations Sociales - RAIS, relatives aux exercices de 2001 à 2003. En 2001, 1 234 journalistes étaient employés de façon formelle. L'année suivante, cet univers a chuté à 306 et, l'année suivante encore, à 154, sans qu'aucun de ces magazines n'ait cessé de circuler. Il est impossible de concevoir que tous ces 2 150 titres ont été produits avec quelque 150 journalistes.

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