Compte rendu du déplacement effectué par une délégation du groupe interparlementaire

du 22 au 30 mai 2004

Annexe 4

LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

ENTRE LA VILLE DU BLANC-MESNIL (93)

ET LA COMMUNE ÉTHIOPIENNE DE DEBRE-BERHAN

Source : note de présentation établie par les autorités municipales du Blanc-Mesnil en vue d'un séminaire sur la coopération décentralisée avec l'Éthiopie, animé en novembre 2003 par Cité Unies France.

COOPÉRATION BLANC-MESNIL/DEBRE-BERHAN

MOTIVATIONS DE DÉPART

Blanc-Mesnil était jumelée dans la tradition des jumelages de l'après guerre avec les villes de Peterhof en Russie et de Sandwell en Angleterre. Jumelage se traduisant par des rencontres d'élus et des échanges de jeunes à des occasions diverses.

Le maire de Blanc-Mesnil, monsieur Daniel Feurtet est élu en 1989.

Son intention est de jumeler Blanc-Mesnil avec une ville du sud et de donner à ce jumelage un caractère de coopération. Le projet politique ne s'appuie ni sur l'existence d'un lien historique, ni sur la présence à Blanc-Mesnil d'une diaspora éthiopienne importante. Il repose sur la perception de l'exigence d'un développement partagé entre le nord et le sud de la planète et sur l'idée que les communes sont des opérateurs pertinents du développement.

L'Éthiopie fait l'objet de l'attention des médias à partir de 1985 du fait des famines, des controverses sur l'aide internationale, de la mobilisation des artistes, des ONG, etc.

Deux médecins de Blanc-Mesnil ont effectué des missions humanitaires en Éthiopie à partir de 1984.

Des contacts sont pris avec des coopérants français résidents en Éthiopie pour lancer l'idée d'un éventuel jumelage.

Une enseignante de Blanc-Mesnil (enseignante de SES (actuellement SEGPA), conduit en mai 1990 plusieurs de ses élèves en Éthiopie dans le cadre d'un projet pédagogique de transfert de technologie. Elle revient porteuse d'une lettre du maire de Debre-Berhan invitant le maire de Blanc-Mesnil à venir dans sa ville et se disant prêt à un jumelage.

En avril 1991 le maire entouré de trois cadres municipaux se rend à Debre-Berhan.

DESCRIPTION DE DEBRE-BERHAN

Ville de 60 000 habitants, en expansion démographique, située au nord est d'Addis Abeba, à 2800 m d'altitude, sur un vaste plateau bordé par la vallée du Rift. Capitale éphémère de l'Éthiopie au 150 siècle, au cours duquel elle est fondée par l'empereur Zara Yacob. S'il ne reste aucune trace visible de l'époque impériale, Debre-Berhan garde pour sa population son caractère de ville consacrée, créée dans des conditions quasi-miraculeuses par un monarque vénéré. Le revenu moyen est très bas. Quelques industries y sont installées. L'amélioration progressive des infrastructures devraient attirer d'autres investisseurs.

LES INTERLOCUTEURS DE DÉPART

Des coopérants français. En particulier Bernard Dardel, ancien directeur de l'École Technique Supérieure des Municipalités, établissement financé à l'époque par la Coopération Française, puis représentant du Programme Solidarité Habitat pour l'Afrique de l'Est. C'est lui qui contacte plusieurs municipalités éthiopiennes pour leur proposer d'être candidates à un jumelage avec une ville française.

Denis Gérard, ingénieur agricole, très bon connaisseur du terrain, qui deviendra notre chargé de mission.

Des élus éthiopiens: Le Maire de Debre-Berhan, Ato Demere qui sur la foi de l'avis d'un technicien communal francophone, prend le risque de l'aventure. Puis, plus tard, lorsque le changement politique se sera imposé, un interlocuteur essentiel sera le représentant de l'État au niveau local, Ato Beyene, qui soutiendra ce jumelage.

Au niveau de l'Etat éthiopien, en avril 1991, les préoccupations sont toutes autres, les fronts érythréens et tigréens se resserrent. Le ministère chargé de la tutelle des collectivités laisse faire. Ce jumelage, est en effet le premier dans l'histoire, entre une ville éthiopienne et une autre ville du monde.

LA MÉTHODE DU CHOIX DES DOMAINES DE COOPÉRATION

Initialement la demande éthiopienne est un catalogue de biens d'équipements dont la ville aurait besoin. Cela va de l'ambulance au corbillard, à la photocopieuse, etc.

La position du maire de Blanc-Mesnil est la suivante :


• Rester autant que possible dans les domaines de compétence des deux collectivités, respectivement en France et en Ethiopie.


• S'inscrire dans la durée d'un mandat et donc pour des programmes pluriannuels.


• Définir des priorités structurantes pour le développement: l'eau, l'assainissement, l'aménagement urbain, l'école, la formation, etc.


• Considérer la commune et les agents du service public comme des acteurs essentiels du développement. On parle d'une «coopération de service public ». Le partenaire est bien la municipalité (et non pas une association). Son maire est le maître d'ouvrage des projets retenus. Blanc-Mesnil intervient comme bailleur de fonds, mais aussi, par le truchement des chargés de mission, comme appui à la maîtrise d'ouvrage.

Les élus de Debre-Berhan ont convenu de s'inscrire dans ce cadre.

Les choix ont été faits lors des rencontres d'élus, à Blanc-Mesnil et à Debre-Berhan. Ils ont pu être affinés, lors des séminaires d'évaluation, puis lorsque des événements intercurrents l'ont nécessité.

LA MISE EN PLACE D'UNE COOPÉRATION DURABLE

Les instruments juridiques

Les protocoles de coopération

A partir de 1993, ont été régulièrement produits et ratifiés, des protocoles de coopération, portant sur la durée d'un mandat en France et modifiables par voie d'avenant. Leurs sont joints des annexes financières.

Les protocoles d'accord et leurs avenants sont considérés en France, comme des décisions intercommunales (au sens de la loi de 1992) soumises à l'aval du conseil municipal et au contrôle de légalité.

Les crédits sont votés au budget de Blanc-Mesnil, comme subvention à la ville de Debre Berhan et sont versés au fur et à mesure des besoins sur son compte à la Banque d'Ethiopie. Elle en accuse réception.

La régie de dépenses

Une régie est confiée au chargé de mission en Ethiopie. Les fonds transitent par la Trésorerie Générale pour l'Etranger à Nantes, puis par les services du Consul Général de France. Elle sert à régler les dépenses courantes de la mission, mais aussi à financer quelques actions comme des journées d'expert, des visites de sites pour la formation d'élus ou de techniciens, etc.

LES ACTEURS IMPLIQUÉS AUJOURD'HUI

Du coté éthiopien

Ce jumelage est suivi avec beaucoup d'attention et d'intérêt par les autorités éthiopiennes tant à l'échelon fédéral qu'à l'échelon régional et local. Les interlocuteurs privilégiés sont le Maire de Debre-Berhan, Ato Abebe Kassaye; le président du comité de Zône du Nord Choa (équivalent à notre président du conseil général) ; mais aussi les directeurs et les élus relevant de 1'Etat Régional Amhara. Au niveau fédéral, plusieurs ministères sont concernés, en particulier le Ministère des Affaires Fédérales et le Secrétaire d'Etat au Développement Urbain, venu à Blanc-Mesnil, mais aussi le Ministère des Affaires Etrangères, représenté en France par l'ambassadeur d'Ethiopie à Paris, avec qui nous entretenons d'excellentes relations.

L'Etat Régional Amhara expérimente une décentralisation qui donne plus de pouvoirs, dans la durée aux élus locaux de certaines localités. Debre-Berhan fait partie des villes bénéficiant de ce nouveau statut.

Du coté français

Outre le Maire de Blanc-Mesnil, ses adjoints, plusieurs directions et services municipaux, le chargé de mission en Ethiopie et le chargé de mission en France, on peut citer comme acteurs impliqués, l'ambassade de France en Ethiopie par le soutien qu'elle apporte à ce jumelage et les actions qu'elle a initié à Debre-Berhan et dans son environnement rural: enseignement du français au lycée haile Mariam Mamo, programme de sécurisation alimentaire dans les communes rurales de la périphérie de Debre-Berhan, par le moyen de l'ONG française Interaides; le Ministère français des Affaires Etrangères qui a co-financé certains programmes (eau, aménagement urbain, appui au système éducatif); l'Agence Française de Développement qui mène depuis 2001 un grand projet d'accès à l'eau potable dans la ville de Debre-Berhan et maintenant, le SIAAP, Syndicat Interdépartemental pour l'Assainissement de l'Agglomération Parisienne, qui va s'engager à nos côtés sur un programme d'assainissement. La société fermière pour l'eau à Blanc-Mesnil, la SAUR a contribué par des dons en matériel et des missions d'experts. Sur d'autres versants de notre coopération, comme le versant culturel, d'autres partenaires sont impliqués, comme l'Alliance Française d'Addis Abeba, l'AFAA (association française d'action artistique) et le Forum de Blanc Mesnil. Pour ce qui concerne l'appui technique et les évaluations, nous avons fait appel à un ingénieur du Gret, particulièrement au fait de la situation éthiopienne, Isabelle de Boismenu. Des études ont été conduites, par notre truchement, dans le cadre de cursus universitaires sur la ville de Debre-Berhan (Institut d'Urbanisme, UER de géographie de l'Université de Rennes, Université d' Addis Abeba).

Il faut signaler d'autres partenaires qui, à un moment ou un autre nous ont accompagné: le Programme Solidarité Habitat, la Caisse des Dépots et des Consignations, le département de la Seine Saint-Denis.

Les instruments de prise de décision sont les rencontres annuelles entre les maires (une année en France, une année en Ethiopie), les contacts directs par e-mail et indirects par le moyen du chargé de mission.

LA MOBILISATION EN FRANCE

Il a fallu de nombreuses années pour familiariser la population de Blanc-Mesnil au jumelage, à ses enjeux, à son intérêt pour notre ville. Plus de cent cinquante blanc-mesnilois de tous âges ont visité Debre-Berhan. La venue en août dernier, dans notre ville, à l'occasion des championnats du monde d'athlétisme, du champion Haile Gebrselassie a été un moment fort de cette mobilisation. Celle-ci a aussi bénéficié de la venue à Blanc-Mesnil du Circus Ethiopia et d'autres artistes encore. Des coproductions de spectacles de danse, de marionnettes, des expositions de photographies, de peintures, ont montré à la population la richesse de ce pays et sa diversité.

Des relations se sont créées entre établissements scolaires, écoles élémentaires, secondaires et aujourd'hui un lycée professionnel et une école de formation de personnels de santé à Debre Berhan.

LA MOBILISATION EN ÉTHIOPIE

Elle est très forte. Le jumelage est très populaire à Debre-Berhan et bien connu en Ethiopie ce qui fait que plusieurs collectivités éthiopiennes sont candidates à un jumelage avec une collectivité française homologue. A Debre-Berhan, une rue et un collège privés porte le nom de Blanc-Mesnil.

La population prête même au jumelage des réalisations qui sont strictement le fait de l'équipe municipale en place... Le mieux disant social qui marque la plupart des projets injecte des crédits dans l'économie locale et donne du travail à une population dont les ressources restent très faibles. Les projets visent aussi à une politique du genre en favorisant la participation des femmes à la prise de décision voire au travail lui même.

Depuis la naissance de ce jumelage, le premier dans l'histoire de 1'Ethiopie, d'autres villes éthiopiennes se sont liées à des villes du monde occidental: Axoum et Denver (Colorado); Bahir Dar et Orlando (Californie) ; Addis Abeba et Leipzig et d'autres encore probablement.

LES RÉALISATIONS

De 1991 à 2001, les projets ont visé l'amélioration des infrastructures, ordures ménagères, eau, assainissement, amélioration de la voirie. Ce dernier projet, qui a consisté en la réalisation de rues pavées et de fossés, dans de nombreux quartiers de la ville, est particulièrement populaire. Il a donné un caractère urbain à une ville très marquée par sa ruralité; il a permis de former des maçons et des tailleurs de pierre en utilisant un matériau local abondant; il s'est appuyé sur les structures communautaires (les kébélés), pour définir les tracés, répartir les tâches. La mobilisation des femmes, particulièrement, a été essentielle. Enfin, son coût est très inférieur à celui de rues asphaltées, dont l'entretien est très aléatoire.

Depuis 2001, année de lancement du programme d'accès à l'eau potable financé par l'AFD, les projets se sont orientés vers l'appui matériel au système éducatif local. Les programmes de voirie et d'assainissement perdurent. Le SIAAP nous a rejoint.

CE QUI FAIT LA FORCE DE NOTRE COOPÉRATION

La volonté partagée d'inscrire cette coopération dans la durée, en la fondant sur une amitié et une connaissance réciproque partagée par de plus en plus d'acteurs. Un autre facteur de réussite a été de désigner un chargé de mission sur place, qui soit non seulement notre porte parole auprès de tous les interlocuteurs locaux, mais aussi un conseil pour la municipalité de

Debre-Berhan. Cette coopération tient et s'est développée sur la base d'investissements individuels mutualisés. La question est bien pour nous celle du relais.

CE QUI MÉRITERAIT D'ÊTRE AMÉLIORÉ

Pour ce qui nous concerne, c'est bien la popularisation du jumelage qui doit être étendue pour lui donner une assise pérenne. L'adhésion de la population blanc-mesniloise est réelle mais insuffisante.

Quand nous regardons du coté éthiopien, nous considérons que la décentralisation en cours d'expérimentation dans l'état régional Amhara est une bonne chose. Elle nous permet d'agir dans la durée avec des élus en place pour cinq ans, dotés de pouvoirs nouveaux. Leur apprentissage du «métier» d'élus par des formations assurées par l'Etat régional permet d'augurer de méthodes de gestion des projets améliorées.

Un autre souhait de Daniel Feurtet, qui vient de signer un protocole de coopération avec une ville algérienne, Beni-Douala dans la wilaya de Tizi-Ouzou, est de voir se développer un jumelage sud-sud entre Debre-Berhan et Beni-Douala.

QUEL MESSAGE POUR LES COLLECTIVITÉS QUI VOUDRAIENT S'ENGAGER?

C'est possible, utile et passionnant.

Le 18 novembre 2003 - DGA - Ville de Blanc-Mesnil (93150)

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