Colloque Sénat-Ubifrance sur l'Afrique du Sud (12 octobre 2006)



Grands programmes d'investissements :
des opportunités de développement

Lionel OCTOBER,
Deputy General Director, Enterprise and Industrial Development Division, Department of Trade and Industry

Je vous apporterai, dans un premier temps, un éclairage sur les opportunités majeures d'investissement en Afrique du Sud.

Le pays entre dans l'âge de l'espoir : de nombreuses possibilités se font jour. Avec la démocratie, les douze dernières années nous ont permis de poser des jalons majeurs ; restent les problèmes du déficit budgétaire et de l'endettement que nous nous efforçons de résorber. Ainsi, au cours des dix dernières années, nous avons tenté de contenir les taux d'intérêt et l'inflation. Pour la décennie à venir, nous souhaitons atteindre un taux de croissance de 4,5 % au moins, voire de 6 % dans dix ans. De nombreux investissements seront donc à prévoir.

Le marché sud-africain représentera un potentiel de 215 milliards de dollars dans les quinze prochaines années. D'ici à 2020, le pays fera partie d'une zone de libre-échange régionale, en relation avec quatorze autres pays, autant d'économies vigoureuses d'Afrique australe : ainsi, l'Angola présentait un taux de croissance de 16 % en 2005.

Ces dix dernières années, l'économie sud-africaine a connu une croissance modérée, de l'ordre de +3 % par an, environ. De nombreux investissements ont été réalisés dans les infrastructures publiques, l'éducation et le logement, entre autres. Le gouvernement a l'intention d'accroître d'environ 10 % le volume des investissements publics au cours des dix prochaines années. Nous connaissons déjà une croissance annuelle de 9 % des investissements dans le secteur privé.

Il est à noter que la taille du marché sud-africain a doublé en l'espace de 20 ans. La consommation est vigoureuse et le revenu intérieur par habitant a connu une augmentation importante également. Nous sommes confiants : en effet, la croissance est alimentée, pas seulement par l'augmentation du cours des matières premières mais également par l'essor de la consommation et de la demande.

L'Afrique du Sud offre aux investisseurs potentiels des avantages concurrentiels importants, parmi lesquels le prix peu élevé de l'électricité et des ressources naturelles. L'Afrique du Sud propose les tarifs parmi les plus bas du monde en matière d'électricité, ressource fondamentale dans les secteurs de l'aluminium et de l'acier, et dont l'approvisionnement est garanti par contrat pour les entreprises.

En 2006, pour la première fois depuis les années 70, nous avons atteint un taux de croissance de 5 %. L'économie sud-africaine connaîtra des changements structurels importants dans les dix prochaines années. Les investissements se poursuivront selon un cycle régulier. Il est à noter par ailleurs que l'an passé, notre déficit budgétaire était proche de 1 % ; nous sommes donc proches de l'équilibre. Par ailleurs, la croissance n'est pas alimentée par les dépenses gouvernementales mais davantage par des fondamentaux très sains. Le problème relatif au taux de chômage reste l'un des défis à relever à l'avenir.

A l'heure actuelle, le gouvernement entreprend des investissements majeurs dans la production et la distribution d'électricité pour un montant de 14 milliards de dollars américains. Ainsi, l'Afrique du Sud disposera de six distributeurs régionaux d'électricité et jouera un rôle clé dans le maillage régional. Un grand programme d'investissements concerne aussi les transports ferroviaires : ainsi 200 à 300 locomotives seront achetées pour le fret et le transport de passagers. Des appels d'offres ont été lancés à cet effet. Des sociétés françaises sont déjà impliquées dans le projet. Les zones portuaires sont aussi concernées par ces grands programmes d'investissements. Le port en eaux profondes de Ngqura vient d'être achevé : il pourra accueillir de très gros navires.

D'autres projets sont en cours et devraient aboutir dans les cinq ans à venir. Ainsi, des zones franches devraient voir le jour : celles-ci seront situées près des ports ou des aéroports. Il est à noter que de nombreux avantages fiscaux et en numéraire seront offerts aux établissements s'implantant dans ces zones.

J'ajouterai par ailleurs que les autorités sud-africaines accordent beaucoup d'importance au « Black Economic Empowerment », qui s'est révélé être, jusqu'à présent, un moteur décisif de la croissance que nous avons connue ces dernières années. Il existe une relation étroite entre croissance et inclusion des classes autrefois défavorisées. Du point de vue juridique, une législation relative au BEE a été adoptée en 2003. Les entreprises s'engagent à y participer sur une base volontaire mais force est de constater que le modèle s'impose peu à peu. Il s'agit principalement de donner la possibilité aux Noirs de devenir eux-mêmes entrepreneurs et de créer de la richesse. Si les sociétés n'étaient pas en mesure de privilégier l'accès des Noirs à la propriété, elles pourraient néanmoins contribuer au BEE, en privilégiant par exemple d'autres axes, comme l'équité en matière de formation et d'emploi. Il convient également d'intégrer les femmes dans l'économie. Enfin, nous attachons de l'importance au renforcement des compétences.

Vous constaterez que la moitié des entreprises cotées à la Bourse de Johannesburg met en oeuvre le BEE. Parmi d'autres, Alstom et Alcatel contribuent à la mise en oeuvre de cette politique. En conclusion, comme l'a démontré l'expérience, il est donc tout à fait possible de concilier les impératifs de croissance et d'insertion des classes autrefois exclues dans l'économie. Ainsi, sachez que la classe moyenne noire croît de 20 % par an en Afrique du Sud.

Jean-François BOURGEOIS,
Directeur de projet, RATP Développement

RATP Développement est une filiale de droit privé de la RATP. Sa mission consiste à exploiter et à assurer la maintenance de systèmes de transport dans les régions françaises (hors Paris) et à l'étranger.

Le projet Gautrain est né au début des années 2000 à l'initiative de la province du Gauteng qui souhaitait offrir aux automobilistes ralliant Johannesburg à Pretoria une alternative de transport rapide. Ce projet a été lancé sous forme de BOT, c'est-à-dire qu'il intègre les études, la construction, la fourniture d'équipements, la concession, l'exploitation et la contribution au financement de l'infrastructure. La phase études et de construction devrait durer quatre ans et demi tandis que la phase d'exploitation s'étalera sur quinze ans.

L'infrastructure devrait être opérationnelle en 2010, année de la Coupe du monde de football en Afrique du Sud. Le calendrier se révèle donc très contraint. Il s'agit de relever un réel défi.

Le consortium Bombela, choisi pour la réalisation du projet, compte, outre RATP Développement, des entreprises prestigieuses telles que Bouygues Travaux publics, Bombardier ou encore une entreprise locale de BTP et un groupement BEE. Le consortium se compose de deux entités fonctionnelles distinctes : ainsi, certaines sociétés sont chargées de l'aspect construction tandis que d'autres auront pour mission d'intervenir dans la maintenance et l'exploitation. Le consortium réalisera notamment des transferts de technologies et assurera la formation de personnels grâce aux contrats de sous-traitance conclus. RATP Développement s'est engagée, au travers de ce projet, à former le personnel qui travaillera dans l'entité d'exploitation.

Le projet devrait participer au développement économique de la région : en effet, la construction d'un axe de transport a généralement un effet structurant, en ce qu'il contribue à développer l'urbanisme et les zones d'emplois. Enfin, il est à noter, du point de vue de la RATP, que sa contribution à ce premier projet la place en bonne position pour des programmes futurs.

Selon moi, le BEE constitue une cible aisément atteignable. J'ajouterai que la collaboration de RATP Développement avec les entreprises sud-africaines a été très positive. Les sociétés françaises parviennent à s'imposer en dépit de l'environnement des affaires anglo-saxon.

Jean-Pierre MARGOLIN,
Area Manager International Development Construction - Bouygues TP

Je vous ferai part de l'expérience de Bouygues en Afrique du Sud, en soulignant des aspects jusque-là peu évoqués.

J'indiquerai en premier lieu qu'en termes d'infrastructures, le potentiel de développement de l'Afrique du Sud est considérable. Par exemple, le parc automobile augmente de 7 % par an, dans la province du Gauteng, ce qui laisse entrevoir de grandes opportunités pour le marché autoroutier. Le trafic aérien augmente de 20 % par an ; un nouvel aéroport est en cours de construction à proximité de Durban. Enfin, la tenue de la Coupe du monde de football entraîne l'essor du marché de la construction.

Bouygues TP est implanté en Afrique du Sud depuis quinze ans environ. Grâce au partenariat local conclu, Bouygues TP a pu remporter des marchés. La société est partie prenante du projet Gautrain et a participé à la première concession autoroutière en Afrique du Sud. A l'avenir, Bouygues TP pourra également s'investir dans des projets relatifs à l'énergie, puisque le Groupe a récemment pris une participation de 25 % chez Alstom.

Je donnerai quelques conseils aux entreprises françaises souhaitant pénétrer le marché sud-africain. Il est tout d'abord important de conserver en mémoire le fait que les Sud-africains ne vous solliciteront pas directement et ne comptent pas sur vous ; toutefois, les entreprises françaises aux activités à forte valeur ajoutée ont une réelle carte à jouer en Afrique du Sud. Il est à ce titre intéressant de tisser un réseau entre bureaux d'études locaux et français, en créant par exemple des joint-ventures, véritables portes d'entrée sur le marché sud-africain. Les sociétés françaises seront aussi amenées à traiter avec les banques commerciales locales et des partenaires du génie civil.

J'ajoute que le BEE constitue une donnée relativement contraignante, à ne pas sous-estimer pour qui veut décrocher des contrats en Afrique du Sud. En cas de performance insuffisante, les sociétés se voient infliger des pénalités contractuelles importantes. Il convient donc de traiter de l'aspect BEE dès la genèse du projet, soit très en amont.

Il convient également de ne pas négliger l'aspect de l'offset, un programme dont le DTI assure pilotage. Ainsi, tous les contrats publics aux montants supérieurs à 10 millions de dollars génèrent l'obligation pour l'entreprise contractante de réinvestir un montant équivalent à 30 % de la part importée.

Notez que la communauté des affaires sud-africaine est relativement restreinte ; les interlocuteurs sont donc souvent les mêmes. Il est donc important d'avoir accès à ce réseau. J'ajouterai que tout projet relatif à l'énergie ou au transport nécessite l'obtention d'un permis environnement conditionné, notamment, à la réalisation de consultations publiques ; la gestation d'un projet peut donc se révéler relativement longue. Il convient de se montrer persévérant.

Je conclurai en indiquant que le marché de la construction est en plein essor mais souffre d'une pénurie de main d'oeuvre qualifiée. Les entreprises françaises ont toutes leurs chances dans le secteur de la construction, à condition qu'elles intègrent très en amont les paramètres relatifs au BEE, à l'offset et à la connaissance des réseaux et des autorités locales.

Gilles GENRE-GRANDPIERRE,
Responsable Banques et Marchés Financiers, Proparco (Groupe AFD)

PROPARCO est la filiale secteur privé de l'Agence française de développement (AFD). Parmi ses actionnaires, PROPARCO compte également des acteurs privés que sont les banques françaises et également la Development Bank of Southern Africa.

PROPARCO est présent depuis 1994 en Afrique du Sud et y a engagé plus de 300 millions d'euros. PROPARCO propose une large gamme d'instruments dont les prêts seniors et juniors, des opérations de prise de participation et des instruments de hors bilan comme les garanties apportées pour les plus petits projets. L'action de PROPARCO se distingue de celle d'une banque traditionnelle en ce qu'elle s'inscrit dans la durée. Ainsi, la prise de risques peut s'étaler sur quinze ans, voire davantage. En outre, PROPARCO prend des risques additionnels. Contrairement à l'AFD, PROPARCO ne consomme pas d'argent public, mais propose des financements à taux de marché.

A plusieurs occasions, PROPARCO a financé des opérations de transfert de capital, incluses dans le chapitre capitalistique du BEE, en apportant des fonds à divers consortiums BEE.

Actuellement, PROPARCO envisage la création d'un instrument visant à financer les opérations BEE des entreprises françaises en Afrique du Sud. D'après nos analyses, 30 à 50 entreprises françaises pourraient avoir besoin de notre assistance et de nos financements. Qu'elles n'hésitent pas à nous solliciter.