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Groupe interparlementaire

France-Amérique du Sud

Le Brésil : défis et enjeux

au lendemain des élections présidentielles

Actes du colloque

du 12 décembre 2002

Sous le haut patronage de :

Christian PONCELET , Président du Sénat

Jean-Daniel GARDÈRE , Directeur général du Centre Français du Commerce Extérieur

et sous l'égide du Groupe interparlementaire France-Amérique du Sud.

- SERVICE DES RELATIONS INTERNATIONALES DU SÉNAT -

Le Brésil : défis et enjeux
au lendemain des élections présidentielles

Ouverture

Christian PONCELET,
Président du Sénat

Mesdames et Messieurs les Présidents, Messieurs les Sénateurs, chers collègues, Mesdames et Messieurs,

Le Sénat est particulièrement heureux d'accueillir aujourd'hui ce colloque économique sur le Brésil, pays avec lequel la France entretient les plus amicales relations, organisé sous l'égide du groupe interparlementaire France-Amérique du Sud, en partenariat avec nos amis du Centre Français du Commerce Extérieur.

Le mérite de cette rencontre revient, en très large part, au Président du groupe interparlementaire, Monsieur le Sénateur Roland du Luart, ainsi qu'à son Président délégué pour le Brésil, Monsieur Philippe Adnot, qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour qu'elle voit le jour.

Puisque nous clôturons, avec le Brésil, le cycle 2002 de nos colloques économiques, permettez-moi, avant d'entrer dans le vif du sujet, de constater le succès croissant de cette formule qui permet de réunir des personnalités et des représentants de divers pays, en vue de renforcer nos relations économiques et culturelles.

Nous avons traité, cette année, de pays aussi différents que l'Irak et le Canada, la Mongolie ou le Maroc, la Roumanie et l'Azerbaïdjan... mais toujours avec le même souci premier, celui d'apporter à nos entreprises, et en particulier aux PMI-PME, une information très concrète, aussi en prise que possible sur les réalités des marchés qu'elles abordent. Il y a d'ailleurs dans certains pays, de grandes entreprises françaises, comme TotalFinaElf, qui pourraient aussi favoriser la création de plus petites.

Je dois, à cet égard, souligner la mission essentielle du Centre Français du Commerce Extérieur, de son directeur général, Jean-Daniel Gardère et de tous ses collaborateurs. Ils prolongent et valorisent les efforts patients - et pas toujours bien connus du grand public - de nos postes d'expansion économique, pièces maîtresses du rayonnement économique de la France à l'étranger. Sans omettre, bien sûr, l'action déterminante de nos représentants de la Direction des relations économiques extérieures du Ministère des Finances.

Le fait est que, trop souvent, les entrepreneurs et investisseurs français n'ont pas une connaissance suffisante des opportunités d'affaires à l'étranger, y compris dans des Etats qui peuvent pourtant se révéler des partenaires économiques de premier plan. Nous manquons également parfois de spécialistes connaissant bien la fiscalité et la loi des pays dans lesquels nous nous implantons. Nos services du Ministère des Finances doivent, là aussi, s'efforcer de soutenir des industriels à l'étranger en cette matière.

Le Brésil est un bon exemple de cette lacune d'information. Comme le relève à juste titre la plaquette de présentation du colloque, ce pays souffre d'un réel déficit d'image, peu propice au développement des échanges commerciaux.

Certes, en 2002, le Brésil a bénéficié d'une large audience, voire de débats passionnés, notamment pendant les semaines qui ont précédé la dernière élection présidentielle. La victoire du Président « Lula » da Silva a retenu l'attention de tous les observateurs. Du même coup, les médias européens et la presse spécialisée ont largement passé en revue la situation économique et financière que devra gérer la nouvelle équipe au pouvoir. Mais par-delà l'effet de mode, les préventions restent fortes. La réalité est qu'on entend, ça et là, nombre de critiques sur l'économie brésilienne, qui ne sont pas toujours justifiées !

Pourtant, comment ne pas constater que les principaux indicateurs de l'économie brésilienne, une des 10 premières puissances mondiales, sont bien éloignés de l'image économique médiocre de ce pays dans l'esprit de beaucoup d'Européens ?

Je ne citerai que quelques exemples qui m'apparaissent significatifs. Ces dernières années, le Brésil a jugulé son inflation, ramenée de 22 % en 1995 à moins de 5 % cette année. Dans le même temps, le plan d'assainissement monétaire a dopé l'économie, avec pour premier effet de faire remonter des millions de Brésiliens au-dessus du seuil de pauvreté. Aujourd'hui, 87 % des foyers brésiliens ont la télévision, la scolarisation a progressé à un rythme soutenu - 95 % des jeunes de 7 à 14 ans vont à l'école - les privatisations vont bon train et la balance commerciale devrait dégager, cette année, un excédent de 12 milliards de dollars. Enfin, signal fort pour les investisseurs étrangers : le pays parvient, globalement à honorer les remboursements de sa dette extérieure. Certes, des échéances délicates attendent encore le nouveau Président, d'autant que les statistiques macro-économiques ne rendent pas bien compte des écarts de richesse qui séparent les Brésiliens riches des Brésiliens pauvres. Cette répartition inégalitaire reste la source de tensions sociales qu'il ne faut pas sous-estimer, et que les entreprises étrangères intègrent évidemment comme un facteur de risque. Dans le même ordre d'idées, la violence qui règne dans les mégapoles brésiliennes peut rebuter certains investisseurs.

Sur le plan international, le Brésil, à l'instar de plusieurs de ses partenaires d'Amérique latine, est confronté aux promesses, mais aussi aux défis, de l'intégration régionale, avec la montée en puissance du Mercosul, dont il a fait sa priorité. Les pays européens ont, eux aussi, vécu un tel processus d'intégration. Le sommet de Copenhague va s'ouvrir bientôt et il me semble bon d'élargir l'Union Européenne, pour créer le bien-être de tous et non de quelques-uns seulement. La CEE, puis l'Union européenne, nous ont montré tous les progrès et tous les bénéfices à attendre de l'intégration économique, et je suis convaincu qu'à terme, le Mercosul favorisera, lui aussi, des avancées comparables dans les Etats qui en sont membres.

Mais surtout, avec une population de 182 millions d'habitants, dont près de 30 % de moins de 15 ans, le Brésil est riche de ses femmes et de ses hommes, auxquels les entreprises françaises et européennes peuvent apporter beaucoup. Nombre d'entre elles ont déjà engagé le mouvement : sait-on, par exemple, que parmi les pays émergents, le Brésil est devenu en dix ans une des premières destinations des investissements directs français ?

« Défis et enjeux » : le titre de notre colloque résume assez bien la situation du Brésil d'aujourd'hui : un paysage économique contrasté, mais, en définitive, attractif. Avec les conseils éclairés du CFCE, je suis convaincu que le savoir-faire de nos entreprises, grandes ou petites, peut facilement trouver à s'employer dans ce pays ami, qui représente, pour tous les secteurs, un marché à fortes potentialités.

Tous les pays du monde sont animés par une même volonté : produire et gagner des marchés. C'est un réel combat et nous devons nous mobiliser pour conquérir ces marchés. Je fais confiance aux uns et aux autres pour que nous soyons au rendez-vous dans ce domaine.

Je souhaite à tous un excellent, studieux et fructueux colloque, en espérant que vous garderez de votre passage au Sénat, le meilleur souvenir qui vous incitera à y revenir.

Agnès GABORIT,
Directeur Evénements et Prospective Marchés, CFCE

C'est toujours avec un très grand plaisir que je viens au Sénat dans le cadre des colloques Sénat-CFCE. Permettez-moi tout d'abord d'excuser l'absence de notre directeur, Jean-Daniel Gardère, qui regrette d'autant plus de ne pas pouvoir être présent parmi nous qu'il porte un intérêt tout particulier au Brésil. C'est le premier colloque que nous organisons ensemble sur un pays d'Amérique latine : je tiens à remercier Patrick Berger pour l'effort qu'il a bien voulu consentir pour monter ce programme. Mais l'enjeu était de taille : la dernière réunion organisée par le CFCE à propos du Brésil remonte - j'ose à peine le dire - à 1999. Surtout, le Brésil se trouve à un carrefour, quelques semaines après l'élection du premier président de gauche de son histoire, « Lula », qui met fin à l'ère Cardoso entamée en 1995.

Parmi les nombreux défis que « Lula » devra relever, j'en citerai deux :

· maintenir les grands équilibres économiques et la confiance des investisseurs, sous l'oeil vigilant du FMI, dont nous accueillons un représentant aujourd'hui, venu tout spécialement de Brasilia ;

· la réduction des inégalités et de la pauvreté.

J'espère que les interventions de ce matin vous donneront une grille de lecture intéressante. Dès maintenant, je souhaite vous donner une note positive. Horst Kohler, président du FMI, est sorti de l'entretien qu'il vient d'avoir avec le président Lula avec une confiance renforcée dans ce dernier. La rencontre avec le président Bush à Washington, mardi 10 décembre, est un autre signe positif. Lula y a indiqué qu'il espérait doubler, d'ici quatre ans, le commerce de son pays avec les Etats-Unis. Il a ajouté que le Brésil pouvait largement contribuer à maintenir la paix en Amérique du Sud et à lutter contre le trafic de drogue.

L'environnement des affaires et les relations bilatérales entre la France et le Brésil feront aussi partie des thèmes traités ce matin : je tiens à remercier les experts, pour la plupart venus spécialement du Brésil. La France avait fait, au XVII ème siècle, une tentative de colonisation au Brésil. Bien que de courte durée, elle a laissé une trace durable au Brésil. Il y a actuellement 170 accords entre universités brésiliennes et françaises, par exemple. Enfin n'oublions pas que le Brésil est aussi le pays qui a la plus longue frontière terrestre avec la France : 673 kilomètres avec la Guyane !

L'environnement politique et économique

I. Intervention de Hubert RENIE, Sous-directeur Amérique du Sud,
Ministère des Affaires étrangères

Les récentes élections présidentielles ont montré la force de la démocratie brésilienne. La campagne électorale et le processus électoral lui-même ont été exemplaires. C'est la démonstration de l'ancrage de la démocratie au Brésil et dans la région tout entière. Cette élection revêt également un caractère historique. C'est une consécration personnelle pour le président Lula, cet ancien ouvrier de 57 ans qui parvient au pouvoir après trois tentatives infructueuses. C'est aussi une victoire pour son parti, le Parti des Travailleurs, fondé en 1980, devenu le premier parti de la Chambre des Députés. Cela dit, la victoire du PT reflète aussi son évolution politique : son recentrage, sous l'impulsion de Lula, lui a sans doute permis de répondre aux aspirations des Brésiliens.

Cette élection est l'achèvement de la remarquable évolution du Brésil au cours de la dernière décennie, et le point d'orgue de la transition démocratique. Il n'était pas évident qu'un travailleur manuel parvienne à la plus haute charge du pays, au Brésil sans doute moins encore que dans d'autres pays où les inégalités sociales sont moins marquées.

La situation politique, après les élections, se caractérise tout d'abord par la très forte légitimité politique du président Lula, élu avec 62 % des voix. Cela dit, il ne dispose pas d'une majorité de gauche au Parlement, et devra compter avec les gouverneurs des Etats, dont la plupart appartiennent toujours au PSDV, le parti de l'ancien président Cardoso, ainsi qu'avec la contestation sociale du mouvement des Sans Terre. Lula devra jouer de sa légitimité personnelle, mais aussi de ses talents de négociateur.

Il devra également organiser la coopération entre le gouvernement fédéral et le Parlement. Certains partis qui soutiennent aujourd'hui la coalition au pouvoir soutenaient précédemment le président Cardoso. Au-delà de ces alliances, il faut tenir compte des caractéristiques de la démocratie brésilienne, notamment une certaine fluidité de l'appartenance partisane, qui devrait donner au président Lula les moyens de faire triompher ses options. Par ailleurs, quelle que soit leur appartenance partisane, les députés défendent le plus souvent leurs intérêts régionaux. Le Brésil est un pays fédéral : une grande partie des moyens d'action se trouvent au niveau des Etats fédérés, en particulier les domaines de la santé et du social.

Le président Lula souhaite aussi s'appuyer sur les forces vives de la société. Il a pour projet de mettre en place un organe, inspiré pour partie de notre Conseil économique et social, pour essayer de vaincre certaines résistances corporatistes et stimuler l'action du Parlement, notamment dans le domaine fiscal.

Le programme du président Lula est axé sur la lutte contre la pauvreté et le chômage, la réduction des inégalités et la lutte contre la violence, sans porter atteinte à la stabilité économique et financière du pays. Il devra rassurer les marchés financiers, maîtriser les finances publiques, développer le marché intérieur et poursuivre la consolidation des comptes extérieurs. Le développement des exportations sera une priorité : Lula a déjà pris position en faveur du développement du Mercosul et d'accords de libre-échange avec les Etats-Unis et l'Europe. Ses marges de manoeuvre seront néanmoins étroites, compte tenu de la faiblesse annoncée de la croissance en 2003, de l'attentisme persistant des investisseurs et de la charge de la dette.

Pour la France, le Brésil est un partenaire stratégique en Amérique latine. Il est appelé à occuper une place grandissante sur la scène mondiale. Il poursuit une intégration régionale ambitieuse et sa diplomatie est très présente sur les grands dossiers internationaux (maintien de la paix, développement durable). Le Brésil est le premier partenaire commercial de la France en Amérique latine. Nous entretenons avec les Brésiliens un dialogue politique régulier, sur les grands dossiers régionaux et de la mondialisation. C'est aussi l'un de nos voisins géographiques, avec lequel nous avons engagé une coopération transfrontalière très intéressante, symbolisée par le projet de construction d'un pont sur le Yapock. Le Brésil est un interlocuteur, voire un allié potentiel dans les dossiers de la mondialisation. Il partage dans une large mesure notre vision de la mondialisation, des moyens de la réguler et de l'organiser, même s'il n'y a pas accord sur tout.

La France, qui développe depuis plusieurs années un partenariat stratégique avec le Brésil, a la ferme intention de continuer sur cette voie avec le président Lula, comme l'a confirmé le message de félicitations envoyé par le Président Chirac.

II. Intervention de Rogerio ZANDAMELA, Représentant résident du Fonds
Monétaire International au Brésil

C'est toujours avec beaucoup de satisfaction que je reviens à Paris, où j'ai effectué une partie de mes études. Je tiens à remercier tous les organisateurs de ce colloque, notamment Monsieur Patrick Berger, du Ministère des Affaires Etrangères.

Quel est le point de vue du FMI sur les perspectives économiques du Brésil au lendemain des élections présidentielles ? Avant d'aborder cette question, je tiens à faire deux remarques essentielles. Premièrement, le Brésil est une démocratie encore assez récente : le processus de transition, toujours en cours, est exemplaire. En outre, les élections d'octobre ne sont pas historiques seulement parce que c'est un président de gauche qui a été élu, mais parce que pour la première fois, au mois de janvier 2003, un président élu va transmettre ses pouvoirs à un autre président élu. Deuxièmement, il faut souligner que la stabilité économique du Brésil est elle aussi une donnée assez récente. Avant le Plan Real, lancé en 1994, l'économie brésilienne était marquée par l'hyper-inflation : 80 % par mois en 1994 ! Cela donne une idée des progrès économiques réalisés par ce pays sous l'ère Cardoso.

Le président Lula a déjà constitué une équipe de transition, avec laquelle nous avons eu des contacts. Nous avons rencontré, samedi dernier, le président Lula lui-même. Tous ont réaffirmé leur volonté de respecter les engagements internationaux pris par le Brésil et de consolider la stabilité économique, tout en intensifiant la lutte contre les inégalités. Le gouvernement Cardoso a jugulé l'inflation, mais au prix d'une croissance plutôt faible, 2 % par an en moyenne, et d'un creusement des inégalités sociales. Le président Lula a tout à la fois marqué son attachement à la stabilité et sa volonté de changement pacifique, pour lutter contre la pauvreté et la faim. Une fois la stabilité économique acquise, il faut maintenant améliorer la justice sociale.

Quels sont les défis de l'administration Lula ? Le premier consistera à contenir l'inflation, qui demeure une menace. Du fait de la dépréciation des taux de change, ces derniers mois, elle est remontée à environ 10 %. Par ailleurs, il devra augmenter le rythme de la croissance économique s'il veut résoudre le problème des inégalités sociales sans mettre en péril la stabilité qui permettra au Brésil de continuer à payer sa dette et d'honorer ses contrats. Le FMI, pour sa part, est très confiant dans la volonté affichée par Lula de poursuivre la consolidation de l'économie brésilienne. Nous n'avons pas d'inquiétudes concernant le remboursement de la dette ou le respect des contrats signés.

III. Intervention de Patrick BERGER, Chef des Services économiques
au Brésil, Ambassade de France à Brasilia

Je dois vous dire la grande satisfaction qui est la mienne d'être aujourd'hui parmi vous pour parler des réalités au Brésil, qui a fait l'objet de nombreuses critiques, souvent injustifiées, ces derniers mois. Rogerio Zandamela a eu raison de remettre en perspective les progrès réalisés par le Brésil ces dernières années et de souligner les très bonnes impressions que laisse la nouvelle équipe à ses interlocuteurs dans cette phase de transition. Pour ma part, je me contenterai de quelques commentaires et de quelques interrogations concernant la stratégie macroéconomique du Brésil et ses conséquences sur les milieux d'affaires.

La confiance du FMI dans la nouvelle équipe est un point très important. L'un des premiers défis de la nouvelle administration sera de rétablir la confiance, d'asséner un « choc de crédibilité » au marché. Si la confiance est là, il peut se mettre en place un cercle vertueux, dont nous avons déjà perçu les premiers signes au mois de novembre : baisse du dollar par rapport au real, décrue du risque pays et donc des spreads . On estime que 10 % de dépréciation des taux de change représente une variation de 2,5 points de PIB pour la dette publique.

Quel est le rythme d'expansion attendu au Brésil dans l'avenir ? Dans les dix dernières années, la croissance moyenne n'a pas dépassé 2,7 %, soit un montant bien inférieur au potentiel de production, de l'ordre de 4,5 %. Pour 2003, une nouvelle fois, on ne s'attend pas à une croissance très vigoureuse. Le programme de Lula, lui, prévoit des taux de croissance beaucoup plus élevés, de l'ordre de 4 à 5 % à moyen terme. Comment escompte-t-il réussir en dix-huit mois ce que les gouvernements précédents ont été impuissants à faire en dix ans ?

Les conseillers économiques de l'équipe Lula se défendent de l'étiquette « de gauche » : ils envisagent non pas une politique de relance par la demande, par les salaires, mais une politique de l'offre. Dans le même temps, ils réfutent le recours à des politiques dirigistes ou de repli du pays sur lui-même. Ils entendent au contraire stimuler les infrastructures, notamment les infrastructures de transport (ports et routes) et les infrastructures sociales : travaux d'assainissement, transports collectifs, logements pour les franges les plus défavorisées.

Cette politique de l'offre est également tournée sur le commerce extérieur, avec deux axes essentiels :

· le développement des exportations

Les exportations soutiennent l'activité économique et contribuent à l'équilibre des comptes extérieurs. La marge de progression du Brésil est importante dans ce domaine.

· la volonté de développer une politique de substitution des importations

Il s'agirait d'une politique sélective et respectant les indicateurs de compétitivité : là où le Brésil n'est pas compétitif, on n'empêchera pas le produit de rentrer sur le territoire brésilien.

Que peut-on attendre au niveau des taux de change ? Je rappelle que la nouvelle équipe a rappelé son attachement au taux de change flottant. Sans chercher à lire dans le marc de café, on peut dire que le taux de change actuel est nettement sous-évalué. Le Brésil a beaucoup à gagner d'une réévaluation du real, tant sur le plan de la charge de la dette que pour attirer les investissements étrangers. A ce stade, personne n'anticipe de glissade marquée des taux de change brésiliens en 2003.

Enfin, le flux d'investissements directs de l'étranger sera-t-il suffisant ? Le Brésil est une terre d'accueil des investissements directs étrangers : 30 milliards de dollars en 2001. Cette année, le flux devrait se réduire, comme il est normal après la vague de privatisations, mais l'on attend encore 16 milliards de dollars, soit l'équivalent du stock d'investissements directs étrangers en Russie ! Parallèlement le déficit courant se réduit, lui aussi : il sera probablement inférieur à 9 milliards de dollars en 2002.

Le Brésil est encore exposé à une grande vulnérabilité financière, sans doute accentuée par son statut de marché émergent. Dans le climat actuel d'aversion au risque, la moindre difficulté prend un relief tout particulier. Mais l'on ne peut pas non plus exclure un enclenchement rapide du cercle vertueux que j'ai évoqué plus haut. Le Brésil est donc sur le fil du rasoir, ou du moins sur un chemin de crête, bordé de part et d'autre par les marchés, dont le jugement sera forcément impitoyable - n'importe quelle mauvaise nouvelle est immédiatement intégrée dans les spreads et les taux de change - , et par l'accord passé avec le FMI, que Rogerio Zandamela vient d'évoquer.

Le Brésil et l'intégration régionale

Bertrand de CORDOUE
Sous-directeur Amériques-Asie, DREE

Le volet commercial de l'intégration régionale du Brésil est révélateur du positionnement régional du Brésil. On vient de le voir : les performances du commerce extérieur brésilien sont devenues un paramètre essentiel de l'équilibre économique de ce pays. Il est sans doute un peu tôt pour dire précisément comment le président Lula déploiera sa stratégique sur le front des négociations commerciales. Ses premières déclarations permettent néanmoins d'anticiper une certaine continuité sur ce sujet, avec un infléchissement, dans un sens plus politique, des négociations commerciales et le souci, partagé avec beaucoup d'autres domaines, d'un certain pragmatisme.

I. Le MERCOSUL

La démarche d'intégration régionale du cône Sud obéit à une nécessité historique. La priorité avait clairement été donnée par le président Cardoso, qui la présentait comme le destin incontournable du Brésil. Le président Lula a confirmé sa volonté de renforcer le Mercosul, dans la continuité de la politique de Cardoso. Néanmoins, le Mercosul est souvent pour le Brésil un alibi, qui lui permet de renforcer sa position face à ses partenaires, notamment les Etats-Unis. La faible dépendance des échanges du Brésil avec ses partenaires du Mercosul alimente cette vision d'abord politique du bloc : le Brésil destine moins de 11 % de ses exportations au Mercosul. Les relations commerciales internes au bloc ont mal résisté aux crises successives. Après la crise argentine, le commerce intra-Mercosul a chuté de 10 % en 2001 et les échanges entre l'Argentine et le Brésil ont brutalement chuté de 55 % entre 2002 et 2001.

Malgré ces difficultés, la priorité politique affichée par Lula laisse à penser qu'il mettra, au moins dans un premier temps, l'accent sur l'intégration sociale et politique du bloc, au-delà de l'intégration commerciale. Il a émis au moins trois propositions concrètes dans cette voie :

· une institutionnalisation plus complète, sur le modèle de l'Union européenne ;

· le renforcement du secrétariat technique du Mercosul ;

· une déclaration en faveur d'une convergence macroéconomique, là encore en référence à l'Union européenne.

Il faut aussi souligner la volonté de Lula de faire participer le Chili au développement politique du Mercosul, dont il est membre associé. L'idée d'une adhésion du Chili au dispositif commercial n'est en revanche pas encore d'actualité.

Au-delà de la dynamique politique, il ne faut pas négliger les chantiers commerciaux, dans la mesure où les instruments commerciaux dont dispose le Mercosul sont largement inachevés. Le tarif extérieur commun (TEC) de 14 % souffre encore de nombreuses exceptions (40 % des importations). La libre circulation des marchandises repose, pour l'essentiel, sur une réduction linéaire des droits de douane entre les membres qui souffre, là encore, de très nombreuses exceptions. Il reste encore de nombreux obstacles non tarifaires (mesures sanitaires, procédures techniques). Enfin, sur le plan de la normalisation, très peu de normes ont été transposées dans les droits nationaux et ont donc pu entrer en vigueur.

II. La ZLEA, Zone de Libre Echange des Amériques

L'équipe de Lula avait dénoncé, pendant la campagne électorale, le risque d'annexion économique de l'Amérique du Sud par les Etats-Unis. Aujourd'hui, le discours semble avoir évolué vers davantage de pragmatisme. Il accepte maintenant de négocier avec les Etats-Unis, certes « durement », mais il accepte de le faire. Le Brésil, pour le Sud, et les Etats-Unis, pour le Nord, co-président le processus de négociation de la ZLEA.

Comme son prédécesseur, le président Lula donne l'impression de favoriser la constitution préalable de sous-ensembles régionaux avant la constitution d'un bloc hémisphérique, où les Etats-Unis seraient en position de force. On peut donc s'attendre à ce que le Brésil tienne bon sur le front du refus face aux perches tendues par les négociateurs américains pour emporter des accords de libre-échange.

Un accord-cadre a été conclu entre le Mercosul et la Confédération andine des Nations (CAN). On attend du prochain gouvernement brésilien qu'il encourage la consolidation de cet accord, tout comme l'accord conclu entre le Mercosul et l'Union européenne.

Sur le plan technique, les priorités du Brésil ne seront sans doute pas modifiées. Il souhaite d'abord maintenir un certain parallélisme entre les différents volets de la négociation : les sujets qui lui sont chers, comme l'agriculture, ont en effet pris du retard. Le deuxième sujet de préoccupation est l'accès au marché américain. Là encore, sur ce sujet, le Brésil devrait continuer à faire entendre sa voix. Le nouveau président pourrait en revanche mettre en avant sa singularité et appeler à une plus grande attention sur des sujets comme la protection de l'environnement et les conditions sociales.

Débat avec la salle

Nguyen LE MONG, Académie des Sciences de l'outre-mer

Je remercie le Sénat et le CFCE d'avoir choisi un aussi beau sujet pour ce colloque : le Brésil n'est pas seulement le pays des champions du monde de football et du carnaval de Rio ; c'est un grand peuple, un grand pays.

Monsieur Renié a indiqué que le président Lula ne disposait pas d'une majorité au Parlement, bien que le PT soit le premier parti de la Chambre des Députés. Ses pouvoirs lui permettront-ils d'imposer ses vues ?  Le régime brésilien est-il un régime présidentiel ?

Hubert RENIÉ

Il s'agit incontestablement d'un régime présidentiel. Mais le président Lula, comme je l'ai indiqué, devra passer des compromis avec les autres partis.

Alain DAVEZAC, Arcelor

Arcelor est le premier groupe sidérurgique brésilien. Nous y avons beaucoup investi et nous entendons continuer à le faire. Nous exportons beaucoup depuis le Brésil. Nous sommes actuellement confrontés à des difficultés financières très importantes. On entend partout des propos très rassurants. Cela dit, le gouvernement n'est toujours pas en place et nous n'avons pas d'interlocuteurs. Pensez-vous vraiment que la nouvelle équipe soit prête ? Combien de temps le Brésil va-t-il rester sur la ligne de crête ?

Rogerio ZANDAMELA

Du point de vue du FMI, le président Lula et son équipe disposent d'un programme économique très clair, comportant des engagements très clairs quant à la poursuite et au respect des engagements pris à l'égard du FMI. Nous avons donc l'assurance que l'économie brésilienne va poursuivre dans la bonne voie. Le président Lula a même indiqué au directeur général du FMI qu'il entendait octroyer à la Banque centrale brésilienne une totale indépendance opérationnelle. Le FMI a investi 30 milliards de dollars au Brésil, sans inquiétudes particulières. Nous avons la conviction que le pays est sur bonne voie.

Emilio JOVER, Amérique latine, Marchés et Affaires

Nous ne connaissons, du futur gouvernement, que le ministre de l'Economie et celui de l'Environnement. Sans majorité parlementaire claire, Lula risque d'avoir des problèmes pour mener à bien sa politique. Avez-vous plus de détails à nous donner sur la future équipe ?

Rogerio ZANDAMELA

L'identité du ministre des Finances est connue. Reste à savoir qui sera nommé à la tête de la Banque centrale. C'est moins son nom qui importe que le fait que les prétendants connus sont tous, sans exception, des personnalités très respectées par les marchés financiers, la société brésilienne et la communauté internationale. Quel qu'il soit, nous sommes convaincus que le candidat désigné fera un très bon travail.

S'agissant de l'absence de majorité du PT, je considère pour ma part que c'est un facteur de stabilité : cela va obliger le PT à négocier avec les autres partis. Le président Lula est un homme d'expérience, connu pour ses qualités de négociateur. Il négociera aussi bien la composition du gouvernement que la poursuite des réformes politiques et économiques.

Valter RUSSO, PSA

Sur quelle hypothèse de taux de change le FMI travaille-t-il ?

Rogerio ZANDAMELA

Un taux d'environ 3,5 %, voire 3,3 % au dernier trimestre 2003. Quoi qu'il en soit, la normalisation et la restauration de la confiance seront des processus lents. Ce n'est pas seulement le fait du Brésil. Il y a eu un changement de la perception globale du risque par les investisseurs. Cela explique pourquoi le FMI a accordé, dans le programme négocié au mois d'août, des montants jamais atteints, 30 milliards de dollars, pour prendre acte de cette évolution majeure dans l'économie mondiale.

Les relations bilatérales France-Brésil

I. La présence française au Brésil : premières réactions de la communauté
d'affaires française

Bernard JEUX, Président de la section Brésil des Conseillers du Commerce Extérieur de la France

La section Brésil compte 37 Conseillers du Commerce extérieur de la France (CCE), qui couvrent à peu près tous les secteurs. Tous ou presque affichent plus de 20 ans d'expérience au Brésil, dix d'entre deux sont d'ailleurs conseillers honoraires. Les entreprises françaises au Brésil emploient environ 140 000 personnes.

Notre dernière réunion s'est tenue à Brasilia le 19 novembre 2002, au lendemain des élections. Nous avons constaté que le premier objectif de l'équipe de transition était de rassurer les marchés et les interlocuteurs internationaux. Aucun CCE n'envisage d'ailleurs de scénario de rupture. Il n'y aura des changements que si 60 millions de Brésiliens le souhaitent, ce qui est un point plutôt positif. La seule préoccupation exprimée par les CCE porte sur le niveau d'expérience pratique de la nouvelle équipe dans la direction d'un Etat fédéral. Elle paraît en effet très limitée.

Dans les relations avec les syndicats, nous nous attendons à des revendications importantes. Le temps de travail, actuellement fixé à 44 heures, sera sans doute réduit. Il faudra sans doute supprimer des heures supplémentaires pour créer de nouveaux emplois, l'objectif premier du président Lula. Il y aura aussi des pressions sur les salaires et sur le maintien des emplois. Mais là encore, pas d'inquiétude particulière.

En revanche, les CCE ne sont pas très optimistes quant à l'évolution de l'inflation, qu'ils anticipent à deux chiffres en 2003, sans doute comprise entre 12 et 17 %. Le taux de croissance, quant à lui, devrait s'améliorer en cours d'année, pour atteindre 2 % en moyenne. Le gouvernement Lula entend porter la croissance à 5 % en 2004.

S'agissant de l'évolution des changes, nous anticipons une fluctuation du dollar entre 3 et 3,30 reals au premier semestre, 3,50 dollars en moyenne sur l'année 2003. Mais les CCE ne sont peut-être pas les mieux placés pour anticiper l'évolution de ce paramètre, tributaire de facteurs internationaux très importants.

Les secteurs les plus porteurs seront les secteurs non dollarisés :

· l'industrie textile ;

· les matériaux de construction ;

· l'industrie électrique (le Gouvernement fera tout pour éviter une nouvelle crise de l'énergie) ;

· l'industrie sucrière et les alcools ;

· l'industrie pétrolière ;

· l'industrie d'armement ;

· l'hôtellerie, elle, devrait profiter du bas niveau du real.

Les secteurs les moins favorisés seront en revanche ceux dont les coûts sont dollarisés et dont les tarifs sont contrôlés par le gouvernement. L'industrie pharmaceutique brésilienne est très mal en point. L'industrie automobile ne peut guère relever ses tarifs, du fait de la forte concurrence. Les opérateurs électriques seront également touchés. Quant à la grande distribution, son évolution est difficile à anticiper. Le secteur bancaire, lui, reste plutôt optimiste.

En conclusion, les CCE maintiennent pour la plupart leurs investissements ou les étalent. Ils n'anticipent aucune catastrophe et font preuve de sérénité dans la situation actuelle.

Michel MEYER, Vice-Président de la Chambre de commerce France-Brésil, Conseiller du Commerce Extérieur de la France

La Chambre de Commerce France-Brésil a été créée en mars 1900 à Rio de Janeiro. Elle compte deux grandes sections, l'une à Sao Paulo, l'autre à Rio de Janeiro. On y retrouve de grandes entreprises françaises internationales, mais aussi des entreprises brésiliennes. La section de Rio a récemment accueilli de nouveaux membres, grâce à la revitalisation économique de la région. Au total, 27 membres institutionnels soutiennent l'action de la Chambre de Commerce France-Brésil, qui compte au total près de 700 adhérents. Elle dispose également de deux sections nouvellement créées, dont une dans l'Etat du Minas Gerais.

La Chambre de Commerce travaille selon quatre axes stratégiques majeurs :

· animation du club d'affaires

C'est un rôle classique des chambres de commerce, à travers des commissions spécialisées dans les domaines juridiques, ressources humaines, communication, technologies... La Chambre développe les contacts entre ses membres et entre ses membres et les décideurs français et brésiliens en organisant des événements où nous invitons des personnalités de la politique ou de la presse brésilienne, ainsi qu'à travers l'attribution d'un prix. Il existe également à Sao Paulo un forum qui reçoit, chaque année, plus de 2 000 visiteurs.

· représentation de la collectivité d'affaires française au Brésil

Il s'agit en particulier d'un travail sur le cadre contractuel et juridique des activités. D'année en année, l'évolution va dans le bon sens.

· promotion du marché brésilien en France

Des missions composées de Brésiliens et de Français membres de la Chambre de Commerce viennent régulièrement présenter les atouts du marché brésilien aux opérateurs économiques français.

· ouverture aux entreprises brésiliennes

La Chambre de Commerce offre aux entreprises brésiliennes des partenariats avec les entreprises françaises, les convie à se rendre à des salons ou à des manifestations organisées dans le cadre de l'EuroChambre ou de l'ACFCI.

Je souhaitais également évoquer les perspectives du Brésil pour 2003, mais Bernard Jeux a déjà fait part de tout ce que je souhaitais dire.

Un film promotionnel présentant les opportunités économiques offertes par le Brésil est projeté. 10 ème économie de la planète, son PIB dépasse 505 milliards de dollars. Il dispose de systèmes de communication, de production énergétique et d'exploitation de minerais très avancés. La région amazonienne s'étend sur plus de 7 millions de kilomètres carrés. Le Brésil possède la plus vaste étendue de terres cultivées au monde. C'est le premier producteur mondial de café et le cheptel bovin brésilien est le plus important au monde. L'agglomération de Sao Paulo, la plus grande métropole d'Amérique du Sud, compte 20 millions d'habitants. le Brésil est immense, tout comme son potentiel. C'est le pays des opportunités, une nation-continent qui travaille pour l'avenir.

II. Les relations économiques et commerciales franco-brésiliennes : évolutions récentes et perspectives

Claude MARTIN-VASKOU, Chef de la Mission économique de Sao Paulo

Pour le Brésil, la France est un partenaire commercial très important : nous sommes son cinquième fournisseur et son onzième client. En consolidé, la France est située entre le sixième et le huitième rang selon les années. La France ne représente cependant que 3 % des échanges brésiliens, très loin derrière les Etats-Unis (24 %), l'Argentine, (7 %) ou l'Allemagne (6 %).

Le Brésil n'est que le 16 ème client et le 23 ème fournisseur de la France. Pourtant, ces échanges sont dynamiques et équilibrés, et le Brésil est le premier débouché de la France hors OCDE, Maghreb et Chine. A lui seul, le Brésil représente l'équivalent de nos exportations vers le Mexique et l'Argentine. Plus de 4 000 entreprises françaises ont commercé l'an dernier avec le Brésil, dont 74 % de PME. le Brésil est donc un marché accessible, où nous sommes encore peu présents.

Nous sommes en revanche l'un des grands partenaires investisseurs du Brésil. En 2000, nos entreprises employaient 140 000 personnes et réalisaient un chiffre d'affaires de 25 milliards de dollars, soit 6 % du PIB brésilien. Les entreprises françaises sont donc très bien implantées localement. On peut esquisser la typologie suivante :

· La première catégorie est celle des partenaires historiques, manifestant une présence ancienne et multi-sectorielle de la France : Michelin, qui disposait de plantations d'hévéas, Louis-Dreyfus, Lafarge ou Alstom. On peut aussi citer des groupes bancaires et des firmes comme Carrefour ou Accor.

· Les nouveaux investisseurs sont de deux types. Il y a tout d'abord ceux qui sont arrivés à l'occasion des privatisations : EDF, qui fournit en énergie la ville de Rio, Vivendi et Suez, qui a remporté le contrat d'assainissement de Manaus. Citons aussi des prises de participation dans l'aéronautique : les groupes français détiennent une participation significative dans Embraer. Dans le pétrole, enfin, TotalFinaElf est bien implantée au Brésil.

· La deuxième catégorie est celle des entreprises qui ont vu leurs produits concurrencés par des produits brésiliens ou menacés par la baisse des restitutions agricoles européennes. C'est le cas du groupe Doux, qui a investi dans le sud du pays : les poulets produits en Bretagne n'étaient plus compétitifs. On trouve aussi Béghin-Say et les coopératives sucrières, qui produisent à partir de la canne à sucre brésilienne à un coût de revient trois fois inférieur à celui des betteraviers français. Citons enfin des groupes ayant développé une stratégie de conquête du marché brésilien, comme Arcelor, Essilor, CNP Assurances, ou bien entendu les constructeurs automobiles.

Nos groupes sont souvent leaders dans leur segment de marché. Au total, en stock d'actifs, nous sommes le quatrième partenaire du Brésil. La France est donc bien l'un des grands partenaires du Brésil, tant en termes d'investissements que d'échanges.

Quelles sont les tendances à venir ? La dynamique du commerce bilatérale sera de plus en plus portée par les relations entre maisons mères et filiales. Entre la Grande-Bretagne et la France, par exemple, 60 % des relations se font entre maisons mères et filiales. On assiste à un phénomène comparable avec le Brésil. Nos sous-traitants automobiles travaillent pour les usines de montage implantées au Brésil. Carrefour est devenu, au Brésil, un producteur de viande, de soja et de raisin de table, qu'il vend dans ses magasins européens à contre-saison.

On voit également se développer des stratégies d'implantation pour couvrir le marché intérieur brésilien, à fort potentiel de développement. Plusieurs dizaines de millions de Brésiliens devraient prochainement accéder au statut de consommateur. On peut citer la FNAC, Leroy Merlin ou encore Décathlon. Les concepts français semblent plaire aux Brésiliens.

On assiste aussi à des stratégies de création de bases-export pour les marchés américains ou mondiaux, dans la perspective du développement du Mercosul ou de la zone de libre-échange des Amériques. Alstom produit au Brésil les rames qui vont équiper le métro de New York. Volkswagen produit au Brésil des composants automobiles qui seront montés dans les usines chinoises du groupe : Renault et PSA vont dans doute suivre la même stratégie. Le Brésil dispose d'ailleurs d'une capacité de production de l'ordre de 3 millions de véhicules par an, pour un marché domestique inférieur de moitié.

S'agissant du commerce courant, on peut s'attendre au développement des stratégies de niches pour les biens de consommation, sur un marché équivalent à celui d'un petit pays européen. Il existe aussi une demande grandissante en biens d'équipement spécialisés (machines textiles, imprimerie, sidérurgie). Les partenariats industriels et les transferts de technologies pour les PME se multiplient. Le partenariat est un mode de présence intéressant au Brésil, qui est un pays « adulte », dont l'agriculture, par exemple, est en passe de devenir la première au monde. Les opportunités d'investissement existent dans ce pays et il convient de les saisir.

L'environnement des affaires : les évolutions prévisibles

I. Le cadre juridique des investissements : état des lieux et réformes
envisageables

Maître Luiz Fernando TEIXEIRA PINTO, Avocat associé, Cabinet Pinheiro Neto Advogados (Rio de Janeiro)

1. Organisation politique et juridique du Brésil

Le Brésil est une république fédérale, constituée par l'Union, vingt-six Etats, un District fédéral et des milliers de Municipalités. A l'échelon national comme à l'échelon régional, le principe de séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire s'applique. Seuls les gouvernements des Municipalités ne possèdent que les pouvoirs exécutif et législatif. L'Union, les Etats et les Municipalités sont indépendants entre eux, leurs compétences étant fixées par la Constitution fédérale.

Le Brésil est une véritable démocratie. Les Brésiliens viennent d'élire leur nouveau président, le quatrième consécutif par élection directe. Même sous le régime des militaires, entre 1964 et 1985, les Brésiliens ont élu directement leurs représentants législatifs. La liberté d'expression, le pluralisme politique, la libre initiative et le respect de la propriété sont pleinement garantis par la Constitution de 1988, qui ne peut être modifiée que par une vote du Parlement à la majorité des trois cinquièmes.

2. Evolutions récentes de la loi Brésilienne

L'investissement étranger est libre dans la quasi-totalité des secteurs de l'économie brésilienne. La seule formalité est l'enregistrement à la Banque centrale. La remontée des profits vers la maison mère et le rapatriement des capitaux sont également libres. Les plus-values sur le capital subissent un prélèvement à la source de 15 %. Les dividendes, eux, ne sont pas imposés.

a. La décennie 90

Plusieurs contrôles gouvernementaux entravant la libre circulation des biens, services et devises entre le Brésil et l'étranger ont été supprimés. Les tarifs douaniers ont été fortement réduits. Le système de contrôle des changes a été assoupli. Le Mercosul (le Marché Commun entre le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay) s'est consolidé. Conformément à ses engagements vis-à-vis du GATT et de l'OMC, le Brésil a signé et ratifié le TRIPS et établi de nouvelles lois de protection de la propriété industrielle et intellectuelle.

Grâce au Plan Real, qui introduisit une nouvelle monnaie en 1994, l'inflation est contrôlée.

Des pans entiers de secteurs publics ont été privatisés ou font l'objet de contrats de concession : télécommunications, exploitation et production de pétrole et de gaz, distribution d'électricité, principales routes. Des entités régulatrices indépendantes ont été créées, notamment dans les télécommunications, le pétrole et l'énergie électrique.

b. Les évolutions les plus récentes

Malgré des crises financières successives, le Brésil a poursuivi ses réformes structurelles. Une loi de responsabilité fiscale, prévoyant des pénalités sévères à l'encontre des agents publics qui la violent, a été votée. Le régime des sociétés anonymes a été modifié. Les actionnaires minoritaires sont mieux protégés. Des marchés de capitaux spécifiques à l'intention des sociétés présentant un haut degré de corporate governance ont été créés, tels le Novo Mercado.

En 2002, un nouveau Code civil a été approuvé par le Congrès. Il doit entrer en vigueur en janvier 2003. Il apporte des progrès dans certains domaines, mais plutôt une régression en ce qui concerne les sociétés à responsabilité limitée (SARL). Le Congrès est néanmoins en train de réexaminer ce chapitre, de façon à rendre aux SARL la souplesse de gestion qui caractérisait cette forme sociale.

Par ailleurs, les derniers domaines interdits aux investissements étrangers, les médias et la presse, ont été ouverts, jusqu'à concurrence de 30 % du capital des sociétés concernées.

Enfin, l'avènement de la loi 9307/96, qui a établi l'arbitrage comme méthode de résolution de différends commerciaux, représente une importante avancée. Ratifiée par la Convention de New York, c'est une institution moderne et rapide, qui permet de trancher des conflits aussi bien domestiques qu'internationaux.

3. Les modalités de la présence étrangère sur le marché brésilien

Colonie destinée à fournir des produits agricoles à l'Europe à ses origines, le Brésil a toujours été très actif dans le commerce international. Les entreprises étrangères y sont présentes sous diverses formes : exportations de produits, contrats de propriété intellectuelle et industrielle, implantations de filiales sur le territoire brésilien ...

Si l'exportation est assez simple, elle peut revenir plus cher, car la charge fiscale peut être lourde du fait des taxes à l'importation, de l'impôt sur la circulation des marchandises et, le cas échéant, de l'impôt sur les produits industrialisés.

Les contrats de service, assistance technique et transfert de technologies sont également assez fréquents. Quelques-uns doivent être enregistrés à l'Institut National de la Propriété Industrielle, ce qui ouvre droit au transfert des redevances et des royalties à l'étranger et, pour la société brésilienne, à la déduction des montants payés. Il ne faut pas oublier non plus que la France et le Brésil ont signé, en 1972, un accord pour éviter la double imposition.

Les investisseurs étrangers qui envisagent une présence plus forte au Brésil optent en général pour la constitution d'une société, soit à responsabilité limitée, soit anonyme. Les sociétés à responsabilité limitée, semblables aux SARL françaises, sont des structures assez simples, pour lesquelles il n'est pas nécessaire d'avoir un capital minimum. Les sociétés anonymes, elles, peuvent être fermées ou ouvertes (c'est-à-dire cotées en Bourse). Comme les SARL, elles doivent compter au moins deux associés, l'un d'eux pouvant détenir la quasi-totalité du capital. Il n'y a aucune exigence de capital minimum, sauf dans quelques secteurs spécifiques. Les postes de dirigeants sont réservés aux personnes physiques résidant au Brésil.

4. Perspectives post-électorales

C'est Luiz Ignacio Lula da Silva, le candidat du Parti des Travailleurs (gauche), qui est sorti vainqueur des élections présidentielles les plus disputées de ces dernières années. Toute la presse brésilienne et internationale a applaudi le processus électoral brésilien, et la sérénité dans laquelle s'est déroulée la transition démontre la consolidation effective de la démocratie brésilienne. Des représentants tant du gouvernement sortant que du gouvernement Lula ont déclaré publiquement qu'ils sont d'accord sur plusieurs points fondamentaux pour la stabilité économique du pays, tels que le respect des contrats et l'austérité fiscale.

Certains s'interrogent néanmoins sur la voie que le Brésil va suivre avec son nouveau président. Celui-ci, mais aussi ses principaux conseillers, ont maintes fois réaffirmé leur volonté de respecter les engagements de l'administration précédente, de poursuivre le combat contre l'inflation et de maintenir l'austérité fiscale. En outre, les pouvoirs du président de la République sont limités : toutes les évolutions importantes doivent être approuvées par le pouvoir législatif, à la majorité des trois cinquièmes pour certaines réformes. Enfin, la Constitution brésilienne protège l'acte juridique définitivement conclu et interdit la confiscation : ruptures abusives de contrats et confiscations de biens ne sont donc pas à craindre.

Malgré des difficultés persistantes, le Brésil continue à attirer de nouveaux investissements. Profitant de la compétitivité du real face au dollar et à l'euro, de grands groupes ont annoncé leur intention de s'implanter au Brésil, comme DaimlerChrysler. Renault et PSA-Peugeot-Citroën sont également très présents dans notre pays. Quant aux PMI brésiliennes, elles ont fait la preuve de leur dynamisme, en augmentant considérablement leur participation dans l'activité économique et dans la création d'emplois au Brésil.

Le Brésil a besoin d'attirer des devises fortes. La nouvelle administration s'est engagée à stimuler les exportations. Le solde positif de la balance commerciale brésilienne augmente régulièrement mais doit encore s'améliorer. Il en va de même pour la création d'emplois. Mais nous comptons recueillir les fruits des réformes déjà faites, que la nouvelle administration est prête à consolider et à approfondir. Le Brésil est un pays dont la superficie représente dix-sept fois celle de la France. La population brésilienne est accueillante et travailleuse, unie malgré les difficultés sociales. Le peuple brésilien se caractérise surtout par son optimisme : c'est lui que nous venons vous apporter ici, dans l'espoir d'enrichir encore nos bons rapports commerciaux et culturels avec la France.

II. Couverture du risque privé et financement des entreprises : évolutions
souhaitables

Daniel BOULET, Directeur général de COFACE do BRASIL, Conseiller du Commerce Extérieur de la France

Pour les exportateurs français, les opportunités principales résident dans les secteurs où il n'est pas prévu de mettre en place une politique de substitution progressive : chimie, équipements industriels, composants automobiles, hautes technologies. Les principales faiblesses, aux yeux des exportateurs français, sont la faiblesse du real, les perspectives de substitution et l'absence de crédit aux importateurs.

Pour les investisseurs français, la taille du marché, la sophistication de l'environnement industriel et la solidité des fondamentaux sont autant de forces indéniables. Des niches faiblement concurrentielles et un risque de perte de change somme toute limité offrent des opportunités intéressantes. En revanche, il y a des secteurs à forte concurrence, où les marges et les perspectives de retour sur investissement sont faibles.

S'agissant des exportateurs brésiliens, ils peuvent s'appuyer sur une compétitivité cambiale vraisemblablement durable, ainsi que sur la qualité et la diversité des produits, et sur la qualification de la main-d'oeuvre. Le développement du Mercosul, la présence de financements à l'export compétitifs ou encore le développement des incitations gouvernementales sont également des facteurs d'encouragement. Cela dit, on compte encore très peu d'entreprises exportatrices et une majorité de produits exportés sont à faible valeur ajoutée (par exemple les minerais). Le protectionnisme dont font preuve beaucoup de marchés développés, le risque de crise systémique font en revanche peser une menace importante sur les exportations brésiliennes.

L'environnement financier se caractérise par un secteur bancaire puissant et un contrôle efficace de la Banque centrale. En revanche, l'épargne locale est limitée, comme dans tous les pays émergents. Le secteur du crédit au secteur privé est faible : il représente 27 % du PIB au Brésil, contre 180 % au Japon, 86 % en France ou 66 % aux Etats-Unis. Les taux d'intérêt réels sont parmi les plus élevés au monde. Les opérateurs brésiliens souffrent enfin d'un manque de couverture du taux de change à long terme.

Néanmoins, dans un contexte d'inflation maîtrisée, l'importance du crédit fournisseur constitue une opportunité indéniable, tout comme le faible endettement du secteur privé et la relative bonne résistance des entreprises à la crise. Le nombre de faillites constatées dans l'Etat de Sao Paulo, par exemple, a décru fortement depuis l'avènement du Plan Real, même si on décèle une légère reprise en 2002. En revanche, le Brésil compte également des entreprises fortement endettées en dollars et/ou des secteurs fragiles, comme les services publics, les télécommunications et l'énergie. L'ampleur et la rapidité des fluctuations (comme l'a encore montré la récente hausse des spreads ) et la forte corrélation des fondamentaux (10 % de dévalorisation du real équivaut peu ou prou à 1 point d'inflation) constituent autant de menaces.

La faiblesse du crédit privé, qui stagne à environ un quart du PIB, est un frein à l'investissement productif. Une loi sur les faillites, facilitant la protection des actionnaires majoritaires, est également souhaitable. Il faut également espérer une baisse des taux réels, de nature à encourager la croissance. Les exportations doivent progresser en valeur et en qualité (plus de valeur ajoutée). Il apparaît enfin nécessaire de renforcer la culture exportatrice des entrepreneurs brésiliens. Au total, il convient de sortir du cercle vicieux de la crise de confiance pour entrer dans un cercle vertueux.

III. Témoignages d'entreprises et d'une région française
1. Achat d'une société au Brésil

Bernard JEUX, Président de Alcatel Câbles Brésil et président de NEXANS Brésil

Je me propose de vous présenter mon expérience d'acquisition d'une société au Brésil, que j'ai vécue à la fin de 1994. Alcatel, à l'époque leader mondial dans les câbles, n'en vendait pas le moindre kilomètre au Brésil, où à l'époque on ne pouvait vendre que des câbles produits sur place. Plutôt que de créer une structure de production ex-nihilo , nous avons préféré racheter une société existante, dans le secteur des télécommunications, qui paraissait promise à un fort développement.

Il ne faut pas acheter une société : cela revient à acheter le passé. Il vaut mieux créer une société anonyme et lui apporter les équipements, le personnel et le fonds de commerce. Nous avons racheté dans un premier temps 60 % des parts.

Parmi les principales difficultés que nous avons rencontrées, il y a d'abord l'évaluation de la société : les indications que nous ont données les auditeurs se sont révélées assez fantaisistes. Nous avons également dû évaluer les personnes. Nous avons écarté les directeurs financiers, de production et des ressources humaines, que nous avons remplacés par des Brésiliens tout à fait compétents, le plus souvent rompus aux méthodes américaines. Le directeur commercial, personnage clé, a en revanche été confirmé dans ses fonctions, tout comme les responsables achats et technique.

Nous avons en revanche été très bien reçus par le marché. Les clients se sont montrés intéressés par notre arrivée ; nos concurrents eux-mêmes ne se sont pas montrés trop hostiles. Le personnel, lui, s'est montré très satisfait d'être intégré dans un grand groupe. Nous avons toujours entretenu d'excellentes relations avec les syndicats, ravis de constater que nous avions fait le choix de recruter du personnel compétent et de le payer à la hauteur de ces compétences.

Nous avons rapidement dû racheter les parts minoritaires, qui ne voulaient pas suivre les investissements importants auxquels nous souhaitions procéder. Après une première année en perte, nous avons très vite gagné de l'argent dans le secteur câbles au Brésil, où nous avons pris 30 % du marché domestique et développé les exportations.

En conclusion, il faut choisir le bon moment. Mais le Brésil est un pays continent, où il faut disposer d'une taille suffisante. Cela dit, c'est un pays neuf, où les turbulences sont parfois brutales : mieux vaut mettre en place une stratégie de moyen et long terme qu'avoir une volonté de retour sur investissement à court terme. Enfin, nous comptons sur notre implantation brésilienne pour exporter dans les 10 autres pays d'Amérique latine.

2. Ouverture du secteur pétrolier

Michel MEYER, Directeur Général de TotalFinaElf au Brésil

Je me propose de vous brosser un panorama rapide de l'ouverture du secteur pétrolier au Brésil. Vous découvrez sur l'écran une carte du Brésil et de sa quinzaine de bassins sédimentaires, sans même parler des bassins off-shore, dont le Brésil est également très riche.

La prospection a débuté au Brésil dans les années 50, d'abord à terre, puis en mer. Une société nationale, la Petrobras, a détenu le monopole de la prospection pendant 45 ans. Petrobras est la 16 ème compagnie mondiale, mais réalise 99 % de sa production dans son propre pays. C'est l'un des meilleurs opérateurs mondiaux, avec certains majors, pour la prospection en eaux très profondes. Le champ de Campos, qui représente 8 milliards de barils, appartient en totalité à Petrobras. Il a été découvert dans les années 70 à l'est de Rio de Janeiro. La décennie 80 a également été riche en découvertes majeures. Aujourd'hui, l'Etat de Rio de Janeiro à lui seul pourrait être un Etat de l'OPEP : il dispose de réserves équivalentes à celles de l'Algérie.

A partir de 1995, le président Cardoso a abrogé les monopoles dont disposait Petrobras, non seulement pour des raisons politiques, mais aussi parce que l'ouverture pétrolière était rendue nécessaire par la qualité particulière du pétrole brésilien. Un décret pris en 1995 a permis à des compagnies étrangères de s'implanter au Brésil par attribution de permis. Après la création de l'ANP, l'agence nationale du pétrole en charge de la régulation du secteur, Petrobras a perdu l'ensemble de ses permis, dont elle a récupéré 80 % après ré-attribution. L'ANP a organisé le premier round d'attributions de permis pétroliers aux enchères : douze permis ont été vendus. Depuis quatre ans, elle attribue régulièrement des permis, au rythme d'un round par an. Environ 130 blocs ont été attribués à une quarantaine de compagnies. Le nouveau gouvernement vient de demander une remise à plat de la stratégie pétrolière brésilienne : il devrait donc y avoir des modifications - Lula ne souhaite pas brader le pétrole brésilien - mais pas de remise en cause ou de retour en arrière sur la politique d'ouverture.

Pour l'instant, les découvertes sont rares, de bien moindre importance que le champ de Campos, et situées dans des eaux de plus en plus profondes. De surcroît, les plus importantes ont été faites par Petrobras. L'ANP est désormais une agence bien établie, qui fonctionne bien. Dans les deux à trois ans à venir, il est fort possible que quelques-unes des 40 compagnies actuellement établies au Brésil se retirent du marché, alors que d'autres se développeront.

Il faut savoir que les enjeux sont importants : un forage en eaux très profondes coûte 20 millions de dollars, un champ de 500 000 barils (le minimum économique) représente 2 milliards de dollars.

3. Les nouvelles opportunités de développement des PME-PMI au Brésil

Yvan BERNARDIN, Directeur du bureau de l'ERAI (Rhône-Alpes) à Sao Paulo

La région Rhône-Alpes n'est pas la seule région française présente au Brésil : on y trouve deux bureaux de représentation permanente et nombre de régions y ont conclu des accords de partenariat actifs.

En 1996, lorsque je suis parti au Brésil pour monter l'antenne brésilienne de l'ERAI, le Brésil présentait un potentiel très intéressant. C'est encore le cas aujourd'hui, et je pense que ce colloque l'aura amplement démontré. Vous aurez besoin de relais locaux : c'est en effet un pays immense, où les habitudes sont parfois un peu différentes des nôtres.

Les PME et PMI ont des opportunités de développement à saisir au Brésil. Elles ont longtemps considéré devoir le faire par le biais d'exportation de produits finis, en surfant de surcroît sur la mode du produit importé (un produit importé est perçu au Brésil comme étant un gage de qualité). Il était assez aisé de trouver des débouchés, sans investissements importants. Les distributeurs livrés à eux-mêmes faisaient face à des clients peu exigeants, habitués à payer cash et n'avaient que peu de pression de la part de leurs fournisseurs français.

Aujourd'hui, la donne a changé. L'industrie brésilienne a énormément progressé au plan technologique. Elle a développé sa propre capacité d'innovation et de savoir-faire, sous l'impulsion notamment de la politique de substitution progressive. Le premier exportateur brésilien est Embraer, le fabricant aéronautique. Même si cette société fait appel à beaucoup de composants importés, elle s'appuie également sur un tissu de PMI brésiliennes tout à fait performantes. En outre, le coût du dédouanement pour les produits finis importés demeure très élevé. Il devient donc difficile, pour des produits importés, d'être compétitifs au point de vue du prix. Ce phénomène a été aggravé par la dévalorisation du real, qui atteint 40 % ces six derniers mois. Enfin, le client brésilien est devenu beaucoup plus exigeant. Il demande désormais un traitement de proximité.

En définitive, il est nécessaire que les PME et PMI évoluent et s'adaptent au nouveau contexte brésilien. Le gouvernement Lula a confirmé l'orientation prise par l'Administration Cardoso : pour vendre au Brésil, il devient indispensable d'y disposer d'une structure juridique. Au minimum, il doit s'agir d'une structure commerciale, qui permettra de facturer localement. La création d'une SARL est rapide (moins d'un mois) et peu onéreuse (moins de 4 000 dollars). L'existence d'une structure sur place présente aussi l'intérêt de pouvoir transférer les marges en payant moins de taxes de dédouanement. Je vous rappelle qu'il n'y a pas d'imposition sur les versements de dividendes, et que le coût de la main-d'oeuvre demeure très inférieur à la France et à l'Europe.

Mais l'idéal consiste à produire ou à assembler localement. C'est parfois un investissement un peu élevé pour des PME-PMI. Mais il est possible de trouver de bons partenaires locaux, avec lesquels on peut assez aisément monter des joint-ventures (que je vous conseille de contrôler majoritairement). Le fait de produire localement permet aussi d'adapter les produits aux spécificités du marché brésilien. Les PME françaises croient souvent à tort que leur produit qui connaît le succès en Europe est le bon produit pour attaquer le marché brésilien. L'expérience montre que ce produit est souvent trop cher ou trop technologique.

Finalement, je ne saurais trop vous conseiller de vous doter, si vous souhaitez vous implanter au Brésil, d'un « homme-Brésil », qui se consacrera pleinement à la défense de vos intérêts sur place. Les PME-PMI doivent tirer profit de la situation nouvelle, où les autorités locales vont tout faire pour développer l'exportation, pour s'implanter dans ce pays d'où elles pourront alimenter non seulement le marché intérieur, mais aussi l'Amérique du Sud et la future Zone de libre-échange des Amériques.

Clôture

Agnès GABORIT

Le Président du groupe interparlementaire France-Amérique du Sud, Roland du Luart, qui devait clôturer nos travaux, a finalement été retenu à l'Assemblée nationale par la commission mixte paritaire sur la loi de finances 2003. C'est donc au sénateur François Trucy, un autre membre de ce groupe, que reviendra le mot de la fin.

François TRUCY, Sénateur du Var

Je remercie mes collègues sénateurs d'avoir participé aux travaux de ce colloque. Compte tenu de la masse considérable d'informations de grande qualité dont nous avons pu bénéficier ce matin, je crois pouvoir raccourcir considérablement mon propos.

Le Brésil, c'est une économie qui se stabilise, une démocratie qui se consolide et une puissance commerciale en devenir. Mais la dette de ce pays demeure considérable et sa structure même reste assez dangereuse, puisque libellée à 40 % en dollars. Les inégalités sociales demeurent très importantes. Le président Lula va devoir développer l'économie brésilienne, rassurer les marchés, maîtriser les finances publiques, tout en atteignant des objectifs sociaux de lutte contre le chômage et la pauvreté.

Incontestablement, sans se contenter des avancées déjà considérables des échanges entre la France et le Brésil, nous devons accompagner davantage ce pays dans ses efforts. L'Union européenne n'est pas, contrairement aux idées reçues, une forteresse protectionniste : elle absorbe déjà 25 % des exportations du Mercosul, contre seulement 18 % pour les Etats-Unis. Les pays du Mercosul, et le Brésil en particulier, n'ont pas à se plaindre de l'attitude des Européens, et de la France en particulier.

Nous avons toute confiance dans le Brésil, dans la capacité de son économie à faire face aux difficultés du moment. L'accord passé avec le FMI est un gage pour l'avenir. Les assurances données par le président élu ont été essentielles pour rassurer les marchés. Le Sénat n'est donc pas inquiet pour l'avenir du Brésil.

Synthèse rédigée en temps réel par Ubiqus Reporting

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