Colloque sur les Pays du Golfe


Le contexte politique et stratégique

Alain REMY

Directeur adjoint Afrique du Nord/Moyen Orient, Ministère des Affaires étrangères
I. Le Moyen-Orient : une région stratégique mais vulnérable, qui traverse une période cruciale

Le Moyen-Orient est pour nous une région stratégique, vulnérable et qui se trouve dans une période charnière. Elle est stratégique d'abord parce qu'elle est au carrefour de l'Europe et de l'Asie. C'est aussi une aire de contact entre le monde arabe et l'Iran, les Sunnites et les Chiites. C'est également une zone de fracture entre pays riches et pays pauvres, entre pays peuplés et pays désertiques ou micro-Etats, et entre pays à pouvoir sunnite et minorité chiite et pays où c'est l'inverse. Enfin, cette région se trouve au milieu d'une zone de crise, avec le conflit israélo-palestinien à l'Ouest et l'Afghanistan à l'Est. C'est aussi une région stratégique pour la production d'hydrocarbures : elle représente en effet 22 % de la production et 40 % des réserves mondiales.

C'est aussi une région vulnérable pour des raisons sécuritaires. Elle n'est pas capable d'assurer sa propre sécurité. Les pays peinent à mettre en place un système de défense régional crédible. Ils ont conclu en 2000 un pacte de défense, mais celui-ci ne peut rassembler, au mieux, que 25 000 soldats. Par conséquent, cette région est dépendante d'accords de défense avec des pays occidentaux, principalement les Etats-Unis, qui ont signé des accords avec Oman, Bahreïn, le Koweït, le Qatar et l'Arabie Saoudite.

Enfin, cette région se trouve dans une période cruciale. L'avenir de l'Iraq sera déterminant, car tous les pays voisins craignent les conséquences d'un Iraq déchiré par ses querelles communautaires, qui deviendrait un foyer pour le terrorisme. Un autre sujet d'inquiétude est l'équilibre du pouvoir entre les confessions. Les pays du Golfe craignent également que l'Iraq ne devienne le point d'ancrage des Etats-Unis dans la région.

Par ailleurs, les pays du Golfe suivent attentivement l'évolution de la situation en Iran, suite notamment à la victoire des conservateurs lors des dernières élections. Les pays du Golfe sont traditionnellement méfiants envers l'Iran ; cette méfiance se focalise sur le conflit territorial avec les Emirats Arabes Unis. Ils s'inquiètent aussi de la politique de prolifération de l'Iran et de son influence sur les Chiites des autres pays de la région.

Une autre source de préoccupation pour les pays du Golfe est le projet américain de « Grand Moyen-Orient ». Ce projet a été mal perçu parce que mal expliqué. Les pays de la région, qui reprochent aux Américains leur position dans le conflit du Proche-Orient, craignent que les Etats-Unis ne mettent en oeuvre un remodelage de la région à leur profit exclusif, avec des réformes imposées.

II. Les défis actuels du Moyen-Orient

Dans le contexte actuel, cette région doit relever trois défis. Le premier est un défi sécuritaire ; c'est le plus important à court terme. La multiplication des attentats terroristes et leur irruption en Arabie Saoudite montrent l'ampleur de la menace, révèlent la présence d'Al-Qaïda dans la zone et démontrent la nécessité d'une coopération contre le terrorisme.

Le deuxième défi est d'ordre économique, avec de nombreux problèmes à traiter : croissance, chômage, nationalisation des emplois, système de formation...

Le troisième défi est celui de l'ouverture politique, à commencer par l'Iraq où tout est à reconstruire. En Iran, la population souhaite se faire entendre davantage, ainsi que dans d'autres pays du Golfe, où des initiatives ont été prises pour introduire plus de démocratie dans le fonctionnement des institutions, en Arabie Saoudite par exemple. Par ailleurs, la question de la transition dynastique se pose aujourd'hui dans trois pays de la région : l'Arabie Saoudite, le Koweït et les Emirats Arabes Unis.

III. Les relations entre la France et les pays du Moyen-Orient

La France détient une position forte dans cette région, où elle a de réelles ambitions. Notre collaboration avec les pays du Golfe est concentrée dans deux domaines. Le premier est celui de la défense, car il s'agit pour nous d'une priorité. Nous avons des accords avec trois pays et une longue tradition de fourniture d'équipements militaires dans la région. Le second domaine est celui des hydrocarbures : la majorité de nos importations d'hydrocarbures provient de cette région.

Nous essayons également d'élargir notre coopération à d'autres domaines (énergie, eau, secteurs de pointe...). Nous avons des atouts à faire valoir pour diversifier nos relations avec ces pays : notre statut de membre permanent du Conseil de Sécurité, notre capacité de projection militaire, nos entreprises, notre communauté scientifique et notre position géopolitique perçue comme indépendante et équilibrée, ce qui nous vaut beaucoup de crédit dans la région. Nous sommes prêts à réfléchir avec les pays du Golfe à des développements stratégiques (démocratisation, sécurité régionale). Nous souhaitons également renforcer nos contacts avec ces pays et nous y avons accru le rythme de nos visites ministérielles.

Pour favoriser le développement de nos relations bilatérales, nous comptons également sur le secteur économique. Le PIB par habitant varie en effet énormément selon que l'on prend en compte la population nationale ou la population globale, ce qui donne une idée du potentiel de développement de ces pays, sans compter que l'ouverture et la privatisation des marchés locaux offre de nouvelles perspectives à nos entreprises. Ces pays sont généralement exigeants, mais ils souhaitent amplifier leurs échanges commerciaux et politiques avec la France, comme l'a montré la récente visite d'une délégation du MEDEF dans la région.

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