Colloque sur les Pays du Golfe


Le marché des biens d'équipement

Xavier THURIOT

Président-Directeur général, Middle East Regional Agency, THALES International
I. La situation actuelle des pays du Golfe

Le marché des pays du Golfe est en pleine évolution. A l'origine, le Conseil de Coopération du Golfe, constitué au début des années 80, était un instrument utilisé par les Saoudiens pour s'organiser contre l'Iran et l'Iraq. Or le CCEAG est devenu aujourd'hui un forum de concertation ; c'est un vrai pôle économique, presque un marché commun. Hormis l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis, on voit émerger le Qatar, Bahreïn, Oman comme de nouvelles places fortes économiques. Cette région est donc en pleine mutation.

Les Etats-Unis y sont intervenus pour s'y installer durablement, moins pour faire la guerre que pour mettre la main sur les richesses et s'assurer des débouchés. Ils sont installés aujourd'hui au Qatar, à Oman, à Bahreïn, en Iraq et en Arabie Saoudite.

Quand on parle du Golfe, cela inclut aussi l'Iran, le Pakistan, voire l'Afghanistan (ce qui correspond à la vision anglo-saxonne du Moyen-Orient). Cette zone semble promise à un bel avenir. Elle constitue en effet un bassin économique gigantesque et a les moyens de son développement.

II. Les opportunités de la France dans cette région

La France dispose d'une image de marque exceptionnelle dans cette région et je pense qu'il est plus que temps de l'exploiter. Les projets industriels se multiplient partout, dans l'aval pétrolier, l'amont gazier, dans le secteur des loisirs, et toujours en partenariat avec des entreprises étrangères : il y a donc une place à prendre dans cette région. On peut également souligner la croissance constante de la consommation locale.

Les autorités locales encouragent aujourd'hui les investissements étrangers, non seulement pour attirer des financements et des compétences, mais aussi pour répondre aux attentes de leur population, souvent bien formée, et qui souhaite que nous travaillions avec elle.

III. Les conditions nécessaires pour développer des partenariats commerciaux avec le Moyen-Orient

Même dans le domaine de l'électronique de défense, les équipements se valent tous, qu'ils soient américains ou européens. La différence se fait donc sur le service. Nous ne vendrons nos produits dans ces pays que si nous sommes capables d'apporter les services adaptés. Il faut pour cela choisir de bons partenaires locaux, même si nous pouvons aussi nous implanter sur place via des sociétés détenues à 100 % par des capitaux étrangers. Pour pénétrer ces marchés, les industriels ont besoin d'informations fiables, ce qui est parfois difficile à obtenir.

Mais tout cela ne suffit pas. Nos projets doivent aussi bénéficier du soutien politique des pouvoirs publics, à l'image de ce que font les gouvernements britannique ou allemand. Nos ambassades sont d'ailleurs fortement mobilisées, mais nous devons faire en sorte d'obtenir un appui plus important. J'espère personnellement que le Président Chirac se rendra prochainement dans la région et je suis certain que cela profitera à nos entreprises.

Au-delà des grands projets d'infrastructures, la reconstruction de l'Iraq sera sans doute l'un des grands chantiers de la région. Même si les Américains s'en sont réservé la plus grande part, nous devons dès à présent nous préparer à revenir sur ce marché. Cela devra se faire à partir de points stratégiques, comme Dubaï ou la Jordanie. Dubaï joue également un rôle clé pour accéder aux marchés iranien et pakistanais. Nous ne pouvons donc que recommander aux entreprises de s'y installer ; nombre d'entre elles ont d'ailleurs déjà fait ce choix.

En conclusion, il nous appartient d'être plus dynamiques, plus agressifs et d'obtenir l'accompagnement politique nécessaire à la réussite de nos contrats. Nous devons être bien informés, bien choisir nos partenaires, proposer les meilleurs services et les meilleurs supports pour convaincre nos clients. J'invite toutes les entreprises françaises à se rendre sur place pour sentir le dynamisme de cette région ; ce marché est ouvert aux entreprises françaises. Je crois d'ailleurs que le fait d'être Français constitue aujourd'hui un plus indéniable, comme en témoigne la réussite de nombreuses entreprises françaises telles que Carrefour ou Total.

Jacques de LAJUGIE

Il est vrai qu'il y a dans cette région un déficit de présence « officielle ». Demain, Monsieur Loos sera en effet le premier Ministre français à s'y rendre depuis trois ans. Mais je suis également frappé de voir autant d'entreprises refuser de s'y installer. Ce n'est pourtant pas en Europe qu'elles connaîtront la croissance la plus forte. Nombre de chefs d'entreprises italiens, allemands, britanniques se rendent à Dubaï, mais très peu de chefs d'entreprises français ; il me semble urgent de corriger cette situation, car aucun ministre ne pourra plaider leur cause à leur place.

Concernant Dubaï, il s'agit effectivement d'une plate-forme de réexpédition vers l'Iran et l'Iraq, mais il ne faut pas oublier le Koweït, qui est encore plus proche de ces pays, sans parler de la « force de frappe » financière de ce pays. L'économie koweïtienne est en outre beaucoup plus forte que celle de la Jordanie. Il me semble donc faux de penser que la Jordanie sera la voie d'accès la plus simple au marché iraqien lorsque la sécurité y sera revenue.

Anne-Marie SIFFROY-PYTLAK

First Vice-President, Crédit Agricole Indosuez
I. La situation du trafic aérien au Moyen-Orient

En 2003, le revenu par passager au kilomètre a baissé de 0,2 % aux Etats-Unis, a progressé de 2 % en Europe et de 13,1 % au Moyen-Orient. De la même manière, les capacités de transport ont diminué de 7,3 % en Amérique du Nord, ont progressé de 2,8 % en Europe et de 16,3 % au Moyen-Orient. Il convient cependant de relativiser ces chiffres : les communications aériennes étaient très peu développées dans ces pays. Elles se sont développées rapidement mais ne correspondent pas encore à la demande actuelle. L'avion devrait en effet y rester un mode de déplacement fondamental dans les vingt prochaines années. Les économies locales sont en fait florissantes et le trafic aérien ne fait qu'accompagner la croissance générale de ces économies. Dans le contexte actuel, le Golfe reste le seul îlot de croissance du transport aérien.

II. Les acteurs présents sur ce marché

Le marché local est réparti entre huit compagnies et leurs capacités devraient doubler dans les dix prochaines années. Les prévisions de croissance pour le transport aérien dans les vingt prochaines années sont, selon les constructeurs, de 5 à 7 % par an. Le Moyen-Orient attire une clientèle très variée, qui va du voyage d'affaires à haut coefficient de rentabilité au trafic aérien à dominante « ethnique » pour les travailleurs immigrés d'origine asiatique qui travaillent dans les pays du Golfe. Compte tenu des règles en vigueur sur l'immigration, ce « trafic ethnique » reste très important et constitue une source de revenus stable pour les compagnies aériennes. Le trafic des expatriés et de leur famille est lui aussi très important. Sans compter les pèlerinages, qui attirent près de 4 millions de personnes chaque année dans la région.

Les points de vue de Boeing et d'Airbus sur le développement du trafic aérien dans la région divergent. Boeing a fondé sa stratégie sur le transport de point à point et l'utilisation d'avions de petite ou moyenne capacité. Pour sa part, le groupe Airbus a prôné l'utilisation d'avions de forte capacité et a été soutenu par les grandes compagnies aériennes de la région - c'est d'ailleurs grâce à la participation de la compagnie Emirates que le programme A 380 a aussi bien démarré. Cela montre que les compagnies « de second plan » prennent un rôle de plus en plus actif dans le transport aérien.

Récemment, le président d'Air France a fortement critiqué la compagnie Emirates. Le rôle d'Emirates n'est pas seulement de servir les intérêts de Dubaï. Sa stratégie consiste en fait à considérer que le trafic aérien peut être délocalisé et à développer à Dubaï un hub entre l'Extrême-Orient, l'Asie du Sud-Est, l'Europe et, surtout, l'Afrique, où Air France était l'une des dernières compagnies présentes. Emirates a également ouvert des liaisons vers le nord et la Russie.

Certaines compagnies aériennes de la région se révèlent extrêmement proactives, avec une vision de long terme. Les perspectives sont plutôt positives. Cette industrie a crû très vite mais n'est pas encore arrivée à maturité. La prochaine étape sera peut-être celle des regroupements. Globalement, notre perception de l'avenir de la région est plutôt positive.

Jacques de LAJUGIE

Vu le contexte actuel, on peut se demander si nous ne sommes pas en train de jeter les bases d'une « bulle » pour le transport aérien dans la région. Par ailleurs, concernant Emirates, je tiens à souligner que cette compagnie est la seule à faire toujours plus de volumes et toujours plus de rentabilité : elle est devenue une compagnie de référence en moins de quinze ans.

Anne-Marie SIFFROY-PYTLAK

C'est effectivement la seule compagnie au monde qui ait continué à générer des profits substantiels malgré le contexte de crise du transport aérien. Il faut donc dédramatiser le risque d'instabilité dont on soupçonne cette région.

Jacques de LAJUGIE

Cet exemple montre aussi que rien ne prédispose une compagnie publique à être mal gérée !

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