Colloque sur les Pays du Golfe


Situation, rôle et perspectives du secteur bancaire dans les pays du Golfe

Jean-Christophe DURAND

Directeur régional, BNP-Paribas
I. Le contexte économique régional

Le secteur bancaire a bénéficié dans les pays du Golfe d'une forte croissance, grâce à des fondamentaux économiques solides, au lancement de privatisations et à des restructurations. Le projet régional du CCG avance. On observe également des développements industriels et d'infrastructure massifs (le Qatar va par exemple lancer 30 milliards de dollars dans les cinq prochaines années). Les agences de notation internationale reconnaissent ce contexte et le rating de Bahreïn, de Qatar et de l'Arabie Saoudite s'est amélioré.

Les pays du Golfe réalisent un PNB combiné de moins de 390 milliards de dollars (soit moins que celui des les Pays-Bas) mais leurs économies sont encore très dépendantes des hydrocarbures. Il s'agit d'ailleurs d'économies protégées où l'Etat joue un rôle majeur. La zone est très dollarisée, mais son ouverture est encore timide et elle reste vulnérable aux aléas politiques.

Des éléments particuliers influent sur le secteur bancaire, à savoir un bon rating , un contexte économique favorable et une fiscalité généralement attractive. Cela dit, le cadre juridique et commercial n'est pas toujours conforme aux standards internationaux, les lourdeurs administratives restent importantes et le marché régional des capitaux n'en est qu'à ses balbutiements.

Depuis plusieurs années, les pays du Golfe ont essayé de diversifier leur activité économique dans l'aval pétrolier, le tourisme, les industries fortement consommatrices d'énergie ou les services. L'intégration régionale est en marche et l'on observe une volonté d'ouverture aux investissements étrangers.

II. Le secteur bancaire et ses intervenants
1. Les intervenants dans ce marché

70 banques locales ou régionales représentent la majorité des actifs du système bancaire régional. Leurs actifs cumulés dans le Golfe représentaient 390 milliards de dollars en 2003 et leurs profits cumulés, 6 milliards de dollars. Cela dit, leur situation est très hétérogène.

Le réseau des banques locales est très dense, avec quelques « poids lourds » dans chaque pays. Il existe deux grandes banques offshore arabes et quelques banques d'investissement, principalement orientées vers les marchés internationaux. On peut noter le cas particulier de l'Arabie Saoudite, qui accueille nombre de joint-ventures. Les banques islamiques représentent 18 % des actifs de la région. Quant à la présence internationale, elle est relativement visible, avec une forte composante anglo-saxonne (HSBC, SCB, CITI).

2. Caractéristiques financières et structures de bilan des banques présentes dans les pays du Golfe

Leur capitalisation est satisfaisante et leur liquidité forte. Le niveau des prêts reste généralement limité (6 % en moyenne). Enfin, on observe un déséquilibre entre les actifs de long terme et les ressources de court terme.

3. Une profitabilité satisfaisante

Le secteur bancaire a connu dans les pays du Golfe une croissance rapide au cours des trois dernières années. Les profits cumulés ont en effet eu une croissance moyenne de 8 %. Cela dit, le tableau est relativement inégal selon les types d'intervenants : les banques de détail locales ont connu une forte croissance, les banques d'investissement ont été soumises à une grande volatilité de résultats et les banques offshore ont été exposées aux aléas internationaux. Quant aux banques islamiques, elles ont un rendement supérieur à la moyenne. L'Arabie Saoudite a réalisé la meilleure performance, avec un RSC de 21 %, dans un contexte de marché protégé. Le Koweït est aujourd'hui dans une situation similaire, avec un RSC de 17 %.

4. L'évaluation des risques bancaires

Les banques de la région sont généralement bien notées : la structure de leur bilan s'avère conservatrice, leur profitabilité est satisfaisante et leur management de qualité, sans oublier la performance des systèmes de contrôle. Cela est notamment dû à un environnement favorable, avec un bon rating des pays où elles opèrent, un soutien actif des autorités de tutelle et des marchés encore protégés. Cependant, elles restent parfois victimes des circonstances politiques régionales.

5. Des institutions financières puissantes et des autorités de tutelle de qualité

En parallèle du secteur bancaire, il existe aussi des institutions financières puissantes comme les fonds de pension, les fonds arabes de développement ou les institutions supra-nationales.

Les autorités de tutelle sont de bonne tenues et elles sont respectées au niveau international. La qualité de leur supervision et de leur contrôle est reconnue, elles ont prouvé leur rôle de soutien au système bancaire local, ont renforcé leur influence dans la lutte contre le blanchiment d'argent et jouent un rôle moteur dans le développement des marchés de capitaux régionaux. Elles ont démontré la qualité de leurs équipes, leur réactivité pour s'adapter aux normes internationales et leur capacité à innover.

6. L'évolution du secteur

Parmi les tendances actuelles, on peut noter que la croissance de l'industrie est plus rapide que celle des économies régionales. L'ouverture des marchés régionaux semble par ailleurs inéluctable. On note également une intégration régionale croissance avec l'émergence de nouveaux acteurs, une diversification des sources de revenus, un intérêt croissant pour l'euro et un fort développement de la banque islamique.

III. La banque islamique : un segment nouveau en forte croissance

Les banques islamiques fonctionnent sur la base des principes de la charia et attirent une clientèle désireuse de respecter les règles religieuses. Elles bénéficient du même niveau de supervision que les banques traditionnelles et sont totalement intégrées dans les systèmes bancaires locaux. Elles opèrent cependant dans un système soumis à de fortes contraintes en termes de ressources et d'emplois. Elles s'appuient sur le système bancaire conventionnel pour développer de nouveaux produits. Leur philosophie est basée sur le partage des risques. Elles autorisent la rémunération de l'usage d'un actif.

Il existe cependant des limites à leur développement, comme l'absence de standards communs, des réemplois encore limités, une gamme de produits d'investissement étroite et des ressources en grande majorité à court terme. Elles proposent essentiellement des produits de placement de trésorerie, de crédit-bail, des obligations islamiques, des participations en capital, des préfinancements, ainsi que quelques produits actions.

Les banques islamiques du Golfe représentent une part significative des actifs du système bancaire dans le CCG (17 % des actifs totaux). Leurs actifs représentent 28 % des banques islamiques dans le monde. Elles connaissent une croissance bien supérieure à l'industrie bancaire en général (5% par an au cours des cinq dernières années) et la croissance de leurs ressources est supérieure à celle de leurs emplois. Ces banques offrent des opportunités intéressantes pour le système conventionnel. Elles offrent en effet une source de liquidités importante, de nouvelles sources de financement et des opportunités de coopération intéressantes pour la création de nouveaux produits.

Leur évolution les rapproche d'ailleurs du système conventionnel, avec l'émergence de standards de supervision uniques, le renforcement des capacités de contrôle des autorités centrales et la création d'un marché des capitaux islamiques à Bahreïn.

IV. La place financière de Bahreïn

L'histoire de la place financière de Bahreïn a débuté en 1975 avec la création d'un statut offshore. La présence des banques y est forte, avec 170 banques et institutions financières présentes sur place. Bahreïn accueille 21 % des actifs des banques du Golfe, ainsi que le siège des grandes banques panarabes et des banques d'investissement.

Bahreïn présente plusieurs atouts : les autorités de tutelle sont de qualité et respectées, le statut offshore est avantageux, Bahreïn est proche du plus grand marché régional (l'Arabie Saoudite) et la fiscalité y est attractive. On peut toutefois se demander si la globalisation de l'industrie bancaire nécessite encore l'existence de places financières régionales. De plus, l'ouverture progressive du marché bancaire saoudien tend à réduire l'importance stratégique de la place de Bahreïn.

V. Conclusion : les perspectives du secteur bancaire

Le réseau bancaire régional est relativement performant, notamment grâce à un contexte économique favorable et à un environnement protégé, mais il se trouve à un carrefour, une évolution étant rendue nécessaire par l'ouverture inéluctable des marchés locaux. Il faudra, entre autres, résoudre les problèmes de la surbancarisation sur les marchés locaux, du sous-développement des marchés de capitaux régionaux et de la sophistication insuffisante des intervenants.

Des opportunités s'offrent au secteur bancaire, notamment :

· la demande croissante de sophistication des intervenants ;

· une vision régionale de développement, avec l'émergence d'acteurs régionaux ;

· une concentration qui se dessine ;

· une participation plus forte aux financements à long terme des infrastructures et de l'industrie ;

· une montée en puissance de la banque islamique.

Cependant, il existe également des challenges, en particulier :

· la mise en place des normes IAS ;

· la maîtrise des risques pour les activités nouvelles ;

· la concurrence des banques internationales.

Les banques étrangères montrent un intérêt croissant pour cette région. Celle-ci a en effet besoin de compétences pour développer son marché bancaire et devrait avoir des besoins de financements énormes dans les années à venir. Les banques françaises sont dans une situation particulièrement favorable parce que notre pays est bien vu des autorités locales et que le savoir-faire des banques françaises est tout à fait adapté à leur région. Il est donc temps d'agir car nous pouvons bénéficier aujourd'hui de décisions en notre faveur.

Jacques de LAJUGIE

J'ajouterai qu'il ne faut pas oublier le secteur de l'assurance, qui est lui aussi appelé à se développer. Je crois par ailleurs qu'il est effectivement temps d'agir, d'autant plus que les banques locales ne demandent qu'à travailler avec des partenaires étrangers.

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