Présentation du Centre d'éducation permanente (CEP)
de Paris I

Pierre Le MIRE , Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne


Le diplôme d'université Administrateur d'élections, sous la direction de Bernard Owen, est une formation unique au monde. Créé il y a dix ans, il se fonde sur l'idée que la technique électorale est susceptible de transformer le paysage politique. C'est un diplôme professionnalisant par la qualité de ses intervenants, qui possède un caractère international. Nos anciens étudiants ont participé à la mise en place d'élections démocratiques importantes, notamment au Rwanda et en Europe Centrale. Nous accueillons chaque année une trentaine d'étudiants.

Situé au centre d'une université prestigieuse, le CEP propose une soixantaine de formations et reçoit 2 000 à 2 500 étudiants. Le coeur de notre formation se compose de diplômes d'université ou de masters spécialisés en droit, économie, gestion et science politique. Nous travaillons en étroite interaction avec des ministères, des grandes entreprises et des fédérations professionnelles. Universitaire, le CEP est aussi en prise avec la réalité du terrain.

Démocratie directe : un procédé d'avenir ou un procédé du passé ?

Jean-Marie DENQUIN , Professeur à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense (Paris X)


L'expression « démocratie directe » désigne un système politique des 4 ème et 5 ème siècles avant Jésus Christ dont la pratique s'avère aujourd'hui impossible. Comme Rousseau l'a constaté, ce système n'est pas applicable aux grands États. Une démocratie directe suppose que le peuple fonctionne à la manière d'une assemblée parlementaire, c'est-à-dire qu'on puisse organiser un dialogue direct entre tous les membres de l'assemblée. Ceci n'est possible qu'à partir du moment où le peuple n'est constitué que d'un nombre limité d'individus. A Athènes, 10 000 personnes possédaient le statut de citoyen, dont les deux tiers ne venaient jamais à l'assemblée, laquelle ne pouvait matériellement accueillir plus de 6 000 personnes. L'absentéisme était un problème chronique. La définition actuelle du peuple ne permet pas de réunir dans un même lieu en temps réel l'ensemble des citoyens. En ce sens, la démocratie directe appartient au passé.

La démocratie semi-directe se distingue de la démocratie directe. Dans la démocratie directe, le peuple est maître de la question. Dans la démocratie semi-directe, le peuple ne peut que répondre à la question. Ceci pose un problème de formulation. Dans la procédure d'initiative populaire, ce n'est pas le peuple qui pose la question, mais un comité d'initiative. Je vais donc centrer mon discours sur la démocratie semi-directe. Dans ce domaine, les impasses de la représentation posent problème. Elles se manifestent par la polysémie du terme et l'ambiguïté de la crise, toujours évoquée, rarement définie, de la représentation. En droit public français, la représentation possède un sens traditionnel datant de la Révolution. La majorité de l'Assemblée constituante a opté pour la formule suivante : les représentants sont définis non par leur mode de désignation mais par leur capacité à suppléer la nation et à participer au processus législatif à la place de et pour la nation. La nation se veut souveraine, mais en tant qu'abstraction, sa volonté est exprimée par ses représentants. Par conséquent, elle ne préexiste pas à leur désignation, qui est la conséquence nécessaire de son expression. Ce système, dans lequel la nation est souveraine mais ne s'exprime que par ses représentants, est désigné comme représentatif et défini par Sieyès en opposition à la démocratie qu'il rejette. C'est un système cohérent, à un détail près. Cette doctrine exclut l'idée de mandat puisqu'il faut un mandant. Or par définition, la nation ne donne mandat à personne, puisqu'elle n'existe pas en tant que telle. Son existence sera une conséquence de la représentation. Il est donc contradictoire d'employer le terme de mandat dans un système représentatif, mais il est si bien ancré qu'il sera conservé. Une ambigüité s'introduit ainsi dans la théorie classique de la représentation.

Ce système va être dépassé par le concept de démocratie. Dans son ouvrage « Eléments de droit constitutionnel français », Esmein n'utilise pas l'expression de « démocratie représentative ». Au sens juridique du terme, la démocratie est un concept récent. En revanche, dans la première édition posthume de 1914, les mots « démocratie représentative » apparaissent. A partir de ce moment, la notion de démocratie va s'imposer et s'accompagne de modifications. On considère désormais que les élus sont censés représenter les électeurs et qu'ils sont représentants dès lors qu'ils sont élus. Les élus des collectivités territoriales seraient des représentants, ainsi que le Président de la République. Dans cette optique, on pourrait même considérer que les juges devraient se conformer à l'opinion publique. Dans ces conditions, le terme de représentant devient polysémique :

• est représentant celui qui décide de la loi ou émet la norme juridique au nom des citoyens ;

• est représentant celui qui est le porte-parole des citoyens ;

• est représentant celui qui nous ressemble et partage avec nous des traits objectifs.

Les deux premiers sens sont potentiellement divergents. Rien n'empêche, en effet, qu'en droit ou en fait, celui qui décide à notre place décide le contraire de ce que nous souhaitons. On introduit ainsi une contradiction au sein même du concept de représentation. Cette polysémie révèle par ailleurs l'ambigüité de la crise. Elle n'est pas la même selon le sens retenu. Au sens juridico-politique, les représentants décident pour nous sans tenir compte de notre avis et leur décision possède une valeur juridique. Cette forme antique de la représentation se porte bien. En revanche, au sens psycho-politique, la crise de la représentation existe et se traduit par un mécontentement latent des populations, un taux d'abstentionnisme croissant et un rejet des élites. On en arrive à la notion de gouvernance, c'est-à-dire au despotisme éclairé. C'est ainsi que la notion de démocratie se retrouve actuellement au coeur des polémiques et des débats. Si certaines réponses paraissent de portée limitée, la démocratie semi-directe, sous réserve de précautions, pourrait constituer une alternative partielle à la crise psycho-politique de la représentation.

La représentativité, qui joue sur la ressemblance, fait également partie des réponses évoquées. C'est un discours souvent tenu aux minorités visibles. Or cette idée pose la question de fond des catégories à représenter. Pour quelles raisons certaines catégories méritent-elles d'être représentées tandis que d'autres disparaissent ? Si l'on adopte une logique de représentativité, il faudrait être capable de répondre à cette question. La notion de représentativité véhicule par ailleurs l'idée qu'un individu devrait être satisfait dès lors qu'il serait représenté. En pratique, les individus s'intéressent davantage aux actes et décisions prises qu'à la personne qui les prend. L'idée de représentativité n'est donc pas à la dimension du problème posé.

La démocratie participative, à ne pas ne confondre avec la démocratie semi-directe, est parfois envisagée. Elle peut se définir comme l'ensemble des procédures par lesquelles des compétences sont transférées à des individus non élus. Ceux-ci sont soit tirés au sort, soit auto-désignés. Ce mode de sélection est purement négatif, puisqu'on attend d'eux de ne pas être élus. Or le fait de ne pas l'être n'est pas une vertu positive. Cette méthode reproduit, sous une autre forme, un mécanisme de représentation dans la mesure où ces individus décideront à la place des autres. Si la démocratie participative peut introduire une dimension utile d'un point de vue psychologique, elle n'en constitue pas pour autant une réponse. Les citoyens n'auront toujours pas la possibilité de décider eux-mêmes des questions qui les concernent directement.

Les procédures directes ont l'avantage d'être les seules dans lesquelles les citoyens décident eux-mêmes à la majorité. Les arguments contre la démocratie semi-directe (incompétence des citoyens, réactions affectives, etc.) n'ont pas évolué depuis Platon. Or ils sont également applicables à la démocratie. L'arrivée d'Hitler au pouvoir en 1933 montre que les élections peuvent aussi avoir des conséquences dommageables. Accepter ces arguments conduit à contester l'idée même de démocratie au profit d'un système d'élites éclairées. Si au contraire, on ne récuse pas l'idée de démocratie, il faut admettre la mise en place de consultations sur un certain nombre de sujets. On ne peut éviter un processus de délégation pour la gestion de la majorité des affaires publiques. Avec des garde-fous juridiques effectifs, il serait en revanche possible de réintroduire le citoyen dans le cadre conceptuel du constitutionnalisme et de rétablir le dialogue.