Rencontre Djibouti, hub économique de la Corne de l'Afrique



Le marché et son potentiel en tant que plaque tournante géostratégique

André MASSIDA,
Chef d'entreprise, Conseiller du commerce extérieur

Je voudrais avant de débuter excuser l'absence du Président du Conseil du Commerce extérieur de la France à Djibouti M. Luc Beso, qui n'a pas pu être présent parmi nous aujourd'hui.

I. Géographie / Démographie

La population est de 700 000 habitants, pour une superficie de 23 700 km². La monnaie a une parité fixe avec le dollar. La République est indépendante depuis 1977. Les habitants, sont dans leur très grande majorité, musulmans sunnites. Djibouti se classe au 149 ème rang IDH sur 177.

II. Position géostratégique

Sur ce sujet, déjà largement développé, je rappellerai que le détroit de Bab El Mandeb constitue un véritable verrou sur la deuxième ligne maritime mondiale.

III. Economie

Il n'y a pas de marché financier ni de marché des changes (aucune règlementation des changes). Le Code d'investissement est favorable. Les zones franches permettent en outre de bénéficier d'avantages fiscaux. Le Code de travail a été réactualisé en 2005. Un système de TVA sera par ailleurs très prochainement mise en place, en remplacement de la TIC (taxe intérieure de consommation). Le Code de commerce est également en cours de révision.

Quant au secteur bancaire, il y a deux banques historiques : la Banque Indosuez Mer Rouge (BIMR- Groupe Crédit Agricole), et la Banque pour le Commerce et l'Industrie Mer Rouge (BCIMR-Groupe BRED Banque Populaire). Depuis 2006, de nouvelles banques ont obtenu leur agrément.

IV. Synthèse

Quelques faiblesses subsistent :

· pression inflationniste ;

· coût des facteurs et compétitivité extérieure ;

· endettement extérieur et dette publique ;

· faiblesse du tissu industriel et secteur des PME ;

· main d'oeuvre encore faiblement qualifiée, même si une nette amélioration est constatée depuis quelques années.

Djibouti dispose cependant de nombreux atouts tels que :

· positionnement géostratégique ;

· complexe portuaire de Doraleh :

· statut de hub régional et membre de la COMESA ;

· économie en croissance et tournée vers le développement ;

· soutien des institutions financières arabes ;

· présence miliaire française et américaine ;

· bonne sécurité des biens et des personnes ;

· Code des investissements favorable ;

· accords APPI (décembre 2007) ;

V. Grands projets et secteurs porteurs

Quant aux grands projets locaux, certains sont déjà achevés : le port pétrolier, le nouveau port vraquier, le palace Kempiski, le centre de quarantaine du bétail d'Ammerjog, la reprise du port de pêche DMMI, les projets industriels de la Compagnie Nouvelle de Commerce d'Ali Sabieh et l'usine d'eaux minérales SIEMAS.

D'autres grands projets sont en cours : l'achèvement du projet de Doraleh, la bretelle d'accès Doraleh et la réhabilitation de la RN1 vers l'Ethiopie (financement de l'UE), la réhabilitation de la voie ferrée Djibouti-Ethiopie, le raccordement de Doraleh au chemin de fer (financement de l'AFD), la route Tadjoura-Obock (financement koweïtien), les complexes immobiliers d'Haramous et du Héron, les voiries urbaines de Djibouti ville et l'assainissement/évacuation des eaux (financement de l'UE), la relance du projet de la cimenterie d'Ali Sabieh (capitaux indiens), ou encore l'exploitation du sel du lac Assal (société américaine).

Les grands projets à démarrer comprennent la construction d'une centrale électrique et d'une usine de dessalement sur le site de Doraleh, de nouveaux projets dans l'immobilier hôtelier et les centres commerciaux, la construction de 10 000 logements sociaux à Balbala, deux fermes éoliennes à Goubet et Arta, des études sur la géothermie au lac Assal. Enfin, le projet d'un pont entre Djibouti et le Yémen et la construction de deux villes-terminal, une côté djiboutien, une côté yéménite, a été annoncé cet été.

Les secteurs porteurs comprennent l'eau, les transports, l'énergie électrique (forts potentiels dans la géothermie, l'éolien et le solaire), la pêche, le tourisme (la richesse des paysages et le climat constituent à cet égard des atouts certains), les télécoms, le conseil et la formation.

David KASSAR
Président de Kassar international

Quels sont les avantages pour les investisseurs français de venir à Djibouti ? Ma question s'adresse à Mahdi Darar Obsieh.

Mahdi Darar OBSIEH,
Directeur de l'Agence nationale pour la promotion de l'investissement

Le climat des affaires va croissant à Djibouti et est renforcé par la position géostratégique du pays, son appartenance à des groupements économiques (COMESA, ACP), des accords de change préférentiels, une législation intéressante, et l'existence d'infrastructures et de télécommunications modernes. Des exonérations fiscales sont permises par le Code des zones franches. Les périodes d'exonération de 5 ou 10 ans peuvent en outre être renouvelables. Le Code de travail instaure par ailleurs un cadre de travail flexible, et une législation est en train d'être mise en place s'agissant de la protection de la propriété individuelle et de la lutte contre la corruption. Djibouti jouit également d'un régime monétaire currency board et d'une parité avec le dollar. Le taux d'inflation est désormais relativement bien maîtrisé. Enfin, les investisseurs disposent de la liberté de transfert des bénéfices et des capitaux.

Echanges avec la salle

Christian SAILLARD,
Chef des services économiques français pour l'Afrique de l'Est, en résidence au Kenya

Il me paraît évident que Djibouti est un hub maritime dans le cadre du COMESA. Cependant, les transports terrestres (routes et chemins de fer) à l'intérieur du COMESA me semblent balbutiants. Comment voyez-vous l'évolution à cet égard ?

Aden Ahmed DOUALE

Sont actuellement à l'étude des corridors d'intégration régionale routiers et ferroviaires qui mettront sans doute quelque temps à se mettre en place. Ces corridors relieront Djibouti au Sud Soudan, pour rejoindre les pays des Grands Lacs. Dans un premier temps, les marchandises seront transbordées par voie maritime.

Edouard BERLE,
Vice-président institutionnel de CMA-CGM

Nous nous réjouissons de la prochaine ouverture du terminal à conteneurs de Doraleh. Concernant notre activité à Doraleh, nous ouvrirons une desserte directe à partir du Havre et de Fos-Marseille.

François MEYNOT, Avocat en France et à Djibouti, Administrateur de SDTV

Je voudrais apporter le témoignage de mon expérience.

Créer une société en zone franche prend 3 à 5 jours. En outre, il y a une exonération totale d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur les revenus et de charges sociales pour les expatriés. Les charges sociales pour les locaux sont réduites à 10 %. Enfin, le personnel est relativement qualifié.

Pour les investisseurs étrangers, Djibouti est une localisation idéale ; l'ouverture sur le marché éthiopien (84 millions d'habitants) y est particulièrement intéressante.

Un intervenant,
Natixis

S'agissant du financement de Doraleh, y a-t-il eu des couvertures de risques, en particulier politiques ?

Concernant les investissements, notamment en matière d'eau et d'électricité, y aura-t-il des appels d'offres internationaux ?

Je suis actuellement sollicité sur le financement d'une usine de dessalement d'eau de mer. A cet égard, le risque politique n'est actuellement pas prêt à être assumé par des investisseurs.

Aden Ahmed DOUALE

Pour Doraleh, notre partenaire stratégique, DP World, nous a permis de lever les fonds nécessaires (220 M $). Quant au terminal pétrolier (400 M $), nous avons eu la garantie de la MIGA. Dubaï s'est proposé pour garantir la mobilisation des fonds. L'AFD et la Banque africaine de développement ont notamment été sollicitées.

Un intervenant, Natixis

Si c'est le rôle de la Banque mondiale d'apporter ces garanties, qu'en est-il pour les projets futurs, notamment pour l'usine de dessalement d'eau de mer ?

Aden Ahmed DOUALE

Ce type de garanties peut être de nouveau sollicité.

Yves GAZZO

Les appels d'offres sont ouverts aux entreprises de l'UE et des pays ACP. Au niveau de la BEI, qui intervient à Djibouti, le risque politique n'est pas considéré comme important.

Patrice VANDEMME

Je m'exprime au nom de Pierre Marsal, avocat à Paris et à Bruxelles, qui travaille sur le projet d'infrastructure routière et ferroviaire entre l'Est et l'Ouest de l'Afrique, financée par le NEPAD avec le soutien de l'Afrique du Sud. Je suppose que les infrastructures de Djibouti sont en corrélation avec ce projet.

Aden Ahmed DOUALE

Il est vrai qu'un projet NEPAD a été initié par le Président du Sénégal pour réaliser la transversale Dakar-Djibouti. Un autre projet, qui se réalisera peut-être avant, vise à connecter Addis-Abeba à Nairobi, seul tronçon manquant entre Durban et Djibouti. Le projet du NEPAD est avant tout routier, et consiste à renouveler et interconnecter les routes. Cependant, la zone du Darfour reste problématique.

Un intervenant

Djibouti a adhéré à la MIGA, filiale de la Banque mondiale, et est membre de deux autres organismes de garantie des investissements régionaux, à savoir une filiale de la banque islamique, et un organisme panarabe. Le port de Doraleh est garanti par la MIGA et réassuré par la Banque islamique. Par rapport aux appels d'offres, Djibouti accueille tout opérateur privé qui serait intéressé.

Antoine BORDIER,
Directeur associé de BG environnement

Quelle est la situation des PME-PMI à Djibouti ?

Aden Ahmed DOUALE

Le secteur de l'environnement est très porteur actuellement à Djibouti, notamment pour répondre aux problématiques d'assainissement.

David KASSAR

La plupart des bailleurs de fonds financent la thématique du développement durable.

André MASSIDA

Pour répondre à la question de M. Bordier, il n'y a pas besoin de sponsors pour s'installer.

Aden Ahmed DOUALE

Il est également possible de s'installer en zone franche.

David KASSAR

Début février, le forum à Djibouti permettra également de répondre à toutes vos questions, notamment grâce à l'organisation de réunions thématiques par métier.