Colloque Sénat-Ubifrance sur la Turquie (29 novembre 2005)



Son Excellence Ender ARAT
Ambassadeur, Sous-Secrétaire d'État adjoint
chargé des affaires économiques et culturelles

Je suis honoré par l'opportunité qui m'est offerte de pouvoir m'adresser, dans cette enceinte prestigieuse, à un auditoire de grande qualité. Les relations entre la France et la Turquie bénéficient de l'héritage d'un riche passé. Certes, il arrive que nos relations connaissent des périodes difficiles mais ces relations reposent sur cinq siècles de liens d'amitié noués au fil de l'Histoire et du fait de valeurs communes. La France n'a cessé de constituer une solide référence pour la Turquie moderne. Par ailleurs, la Turquie et la France, deux grands pays européens riverains de la Méditerranée, sont parvenus à renforcer leurs convergences de vue face aux problèmes du monde contemporain. Nous devons reconnaître que la France est un pays qui a su apprécier, malgré quelques péripéties passagères, l'importance stratégique de la Turquie.

La Turquie s'étend sur deux continents et constitue un point de passage entre l'Orient et l'Occident : il s'agit à la fois d'un pont et d'une porte. La Turquie se trouve aussi entre deux mers, alors que les détroits maritimes constituent des points de passage déterminants dans l'axe Nord-Sud. Elle dispose de frontières terrestres avec huit pays aussi divers que l'Irak, la Syrie, la Grèce ou la Bulgarie, pour ne citer que ceux-ci. La Turquie a noué des relations de partenariat avec les républiques d'Asie orientale et 70 % des réserves énergétiques mondiales connues se trouvent à proximité de la Turquie. Ces données stratégiques ont formé les choix de politique étrangère de la Turquie. Celle-ci est contrainte de mener une politique diversifiée, mais certains de ses éléments ont un caractère stable. Les relations avec l'Europe et les pays avoisinants en sont deux exemples précis.

L'adhésion à l'Union européenne constituera l'aboutissement naturel du processus d'européanisation et de modernisation engagé par la Turquie il y a deux siècles. La Turquie et l'Europe ont noué des alliances, au cours de l'Histoire, pour assurer leur sécurité, avec pour dernier exemple en date l'OTAN. Dans sa région, la Turquie représente un modèle réussi d'Etat laïc et démocratique. Elle est la preuve vivante qui infirme l'hypothèse de conflit des civilisations. La Turquie joue un rôle de pont entre deux continents qui lui confère une importance stratégique. Ces attributs particuliers ne sont pas nouveaux et la tragédie du 11 septembre ne fait que conforter ses choix de laïcité et de bonnes relations avec ses voisins. Une Turquie laïque, démocratique et prospère, riche de sa diversité culturelle et de ses propres traditions, est confiante dans son potentiel économique. Une adhésion à l'Union européenne assurera la continuité de ces directions fondamentales de la Turquie.

La période de pré-adhésion a permis à la Turquie d'améliorer son efficacité et la période d'adhésion devrait lui permettre d'approfondir les transformations déjà engagées au prix d'efforts immenses. Les Turcs attendent aujourd'hui que l'Europe leur donne une nouvelle impulsion.

Je finirai par quelques remarques visant à provoquer la curiosité des entreprises françaises. La Banque mondiale et le FMI avaient accepté que la Turquie se dote d'une économie de marché libre. Il n'en fut pas de même de l'Union européenne. Heureusement, dans un rapport publié récemment, l'Union européenne a accepté qu'une économie de marché libre prévale en Turquie. Celle-ci offre de nombreuses opportunités et prend appui sur une population qui représente presque l'équivalent des dix États ayant rejoint l'Union européenne en 2004. Nous allons investir dans le secteur de l'énergie 130 milliards de dollars d'ici 2015 et nous produisons actuellement 44 000 MW par an. Ce chiffre devrait être porté à 90 000 MW en 2015, ce qui nous conduira à nous tourner vers l'option nucléaire. Nous allons aussi construire 630 barrages hydroélectriques. Le projet de cap d'Anatolie du Sud-Est fait par ailleurs partie des neuf plus grands projets du monde. Il comprend 22 barrages hydroélectriques, des centrales et 18 milliards de dollars ont déjà été investis dans ce projet.

Les entreprises européennes commencent à découvrir la Turquie. En 2004, la Princesse de Suède s'est rendue dans notre pays, accompagnée par des hommes d'affaires. Ce fut le cas ensuite du Prince du Luxembourg puis, pour le Grande-Bretagne, du Prince Charles. La jeune génération de dirigeants européens se presse donc dans notre pays, sans oublier les Allemands, qui connaissent bien notre pays en raison de la présence de 3 millions de Turcs en Allemagne. Gerhard Schröder s'est rendu en Turquie accompagné par 1 000 dirigeants d'entreprise allemands. Peu de temps après, les chefs d'entreprise italiens accompagnant le chef du gouvernement transalpin ont participé à 1 000 rendez-vous avec les décideurs turcs. Où sont les Français ? Certes la France dispose de solides implantations en Turquie. Mais si les entreprises françaises représentaient les principaux investisseurs étrangers en Turquie jusqu'en 2002, leur position a reculé, depuis, jusqu'au septième rang aujourd'hui. Je ne peux qu'inviter les entreprises françaises à venir en masse en Turquie pour y saisir les nombreuses opportunités que ce pays offre. Dépêchez-vous !