Colloque Sénat-UbiFrance sur l'Ukraine



La révolution économique

Pierre COMPAGNON
Chef de la Mission économique à Kiev

Jusqu'à présent, l'Ukraine a été, d'une certaine manière, une « belle endormie ». Il s'agit d'un grand pays agricole et industriel. Son industrie est, après 10 années de crise, sur la voie du renouveau. Les services, en outre, se développent fortement.

Rappelons que l'Ukraine ne se résume pas à Kiev, ce pays comprenant cinq villes de plus d'un million d'habitants. C'est le Sud du pays qui présente la plus forte croissance. De manière générale, cette dernière est tirée par les exportations, la consommation et l'investissement. Si les exportations sont une force, elles comportent des faiblesses. En effet, 40% d'entre elles sont liées aux métaux, l'Ukraine possédant la septième sidérurgie du monde. Or, les prix des métaux, qui ont flambé, vont redescendre au cours des années à venir.

Par ailleurs, l'Ukraine affiche une certaine dépendance énergétique envers la Russie principalement. En conséquence, le Gouvernement essaie actuellement de trouver de nouvelles sources d'approvisionnement. L'inflation, en outre, est repartie à la hausse à l'automne dernier : elle s'est élevée à plus de 12 % en 2004. Le déficit budgétaire, quant à lui, a été limité à 3,4 % en 2004. Toutefois, l'héritage en la matière est lourd.

Le nouveau Gouvernement présente le grand avantage d'avoir un programme clair. Ce n'était pas le cas auparavant, personne ne connaissant véritablement la politique de l'Ukraine. Aujourd'hui, le programme du Gouvernement s'appuie sur la lutte contre la corruption, la hausse sensible du niveau de vie, la suppression des avantages dont bénéficiaient certains secteurs de l'économie, la suppression des zones économiques spéciales... Au final, le budget présenté par le Gouvernement est très intéressant : les premiers résultats de l'année 2005 sont encourageants. Il est à noter que, du fait de la réforme des institutions en cours, aboutissant à une baisse des pouvoirs du Président, l'exécutif se doit d'agir très vite. Les futures élections législatives incitent également le Gouvernement à agir rapidement. S'agissant des relations avec la Russie, la position du Gouvernement est claire : l'Ukraine veut agir en tant qu'Etat souverain, tout en conservant des liens historiques et profitables avec la Russie.

Signalons également que le Gouvernement veut réduire de 18 000 le nombre de fonctionnaires. Il existe en outre une volonté d'agir vite en matière de privatisation, ce qui est une bonne chose.

Au final, la volonté politique du Gouvernement ukrainien est nette et affirmée : de nombreuses réformes se mettent en place, dans ce pays aux ressources extraordinaires. Enfin, même si les derniers mois ont été marqués par de forts remous, je pense qu'il faut investir rapidement dans ce grand pays.

Christian PONCELET

J'ouvre maintenant le débat.

De la salle

Hubert Védrine, il y a quelques mois, a évoqué un éventuel soutien de la Pologne à la candidature ukrainienne. Qu'en est-il ?

Sergiy TERIOKHINE

L'Ukraine doit-elle entrer dans l'Union Européenne prioritairement, notamment avant la Turquie ? Cette réponse doit être donnée par les Européens eux-mêmes. Pour notre part, nous montrerons à l'Europe les avantages et les risques d'une intégration de l'Ukraine dans l'Europe. Connaissant vos attentes, nous sommes en train de préparer nos réponses.

Quoi qu'il en soit, avant cette éventuelle entrée dans l'Union Européenne, nous voulons obtenir le statut de pays à économie de marché et entrer dans l'OMC. Lorsque cette question sera réglée, comme celle de nos relations avec la Russie, nous pourrons réfléchir, de manière plus approfondie, à la question que vous venez de poser.

De la salle

J'ai été séduit, Monsieur Teriokhine, par l'idée de créer une structure d'accompagnement des investissements étrangers. Une telle agence serait très utile en Ukraine. C'est d'autant plus vrai qu'elle existe dans tous les pays de l'Est européen qui sont entrés dans l'Union européenne. Quels en seraient les objectifs ?

Sergiy TERIOKHINE

Cette agence aura trois objectifs :

- la distribution d'informations sur les possibilités d'investissement dans les différentes branches de l'économie ukrainienne. Nous voulons rendre publiques nos données statistiques, ainsi que nos projets pour les entreprises d'Etat qui ne sont pas encore privatisées.

- l'accompagnement des projets d'investissement ;

- la résolution des litiges avant saisine de la Justice.

Si vous souhaitez obtenir davantage d'informations, vous pourrez consulter le site Web du Ministère de l'Economie ukrainien.

De la salle

Je représente l'Entreprise Lafarge. Monsieur Teriokhine, vous avez affirmé que des mesures étaient prises pour lutter contre la corruption, notamment en supprimant les zones économiques spéciales. Notre société a l'intention de construire une nouvelle usine. Or, les équipements, pour cette usine, n'existent qu'en dehors de l'Ukraine. Les droits de douane rendent ce projet peu intéressant. En conséquence, allez-vous contribuer à la réduction des droits de douane ?

Sergiy TERIOKHINE

Oui. Les droits de douane afférents aux investissements comme les vôtres seront drastiquement abaissés.

De la salle

Allez-vous reconduire la mesure qui a permis la suppression des visas pour les ressortissants européens ?

Sergiy TERIOKHINE

Oui, sous réserve que les pays européens nous tendent également la main en contrepartie. Je vous invite donc à militer, auprès de vos dirigeants, pour que l'égalité entre nos deux pays soit de mise en la matière.