Colloque Sénat-UbiFrance sur l'Ukraine



Intervention de Christine LAGARDE
Ministre déléguée au Commerce extérieur

C'est un grand honneur et un grand plaisir pour moi, en tant que Ministre et en tant que femme, d'accueillir Madame Timochenko, égérie de la « Révolution orange ». Croyez, Madame le Premier Ministre, que toute la France était derrière vous quand vous meniez votre combat pour la liberté. Je vous remercie d'avoir choisi la France, comme destination de l'un de vos premiers déplacements à l'étranger. Je suis sensible à ce geste qui témoigne de votre volonté de relancer notre coopération bilatérale.

Je souhaite revenir sur trois points. Sur le plan économique, le redressement de l'Ukraine se confirme. Il est le fruit de réformes structurelles qui doivent encore être amplifiées. Les années à venir seront essentielles pour les relations entre l'Union Européenne et l'Ukraine. Celle-ci a dû s'adapter à la reprise des tarifs extérieurs communs. L'élargissement de l'Union Européenne a constitué un plus pour son économie, les entreprises ukrainiennes étant désormais aux portes d'un marché de 450 millions de consommateurs.

Sur le plan bilatéral, les relations économiques entre nos deux pays sont à nouveau sur une pente ascendante. En 2004, les échanges commerciaux ont représenté 685 millions d'euros. Exportations et importations ont progressé. Ces résultats sont encore trop modestes. Plusieurs moyens s'offrent à nous pour améliorer ces performances. La prochaine Commission mixte, en 2006, devrait nous permettre de progresser. La COFACE, en outre, a inclus l'Ukraine dans un système d'enveloppe globale.

Bien évidemment, ce sont les entreprises françaises qui feront progresser les affaires en concrétisant leurs projets. En conséquence, il appartient à nos deux Gouvernements de les aider pour dynamiser les relations franco-ukrainiennes. J'ai l'intention d'y contribuer personnellement, en me rendant en Ukraine, comme le faisait mon prédécesseur François Loos. En outre, Ubifrance prévoit l'organisation de trois nouvelles rencontres consacrées aux relations entre la France et l'Ukraine avant la fin de l'année.

Intervention Ioulia TIMOCHENKO
Premier Ministre de l'Ukraine

Je vous suis très reconnaissante pour votre chaleureux accueil. Ces rencontres sont d'une importance vitale pour notre pays. A la fin de l'année 2004, lorsque des millions d'Ukrainiens se sont soulevés pour leur liberté et pour le droit de vivre honnêtement, de nombreux Français étaient présents. Journalistes et hommes d'affaires nous ont apporté leur aide afin d'assurer le bon déroulement des élections. Je tiens à vous remercier pour cette aide, qui a rendu possible la victoire du peuple ukrainien.

Le nouveau pouvoir ukrainien a de grands devoirs vis-à-vis de son peuple. L'ouverture de notre pays au monde en est un des volets essentiels. En effet, pendant 14 ans, l'Ukraine a vécu repliée sur elle-même. Dans la mesure où, nous aspirons tous à la liberté, nous devons travailler ensemble afin d'assurer une bonne utilisation des nouvelles possibilités qu'offre l'Ukraine. Auparavant, l'absence de stabilité politique, évidemment, ne contribuait pas au développement des affaires. Actuellement, l'Ukraine se purifie de toutes les pratiques de l'ancien régime : la presse peut désormais s'exprimer comme elle l'entend. De plus, le Gouvernement, soutenu par le Président ukrainien Victor Ioutchenko, met tout en oeuvre afin de faire disparaître la corruption et l'économie grise. L'Ukraine doit devenir un Etat de droit. Le système judiciaire doit être placé au service du peuple et les hommes d'affaires prêts à nous rejoindre.

Durant les premiers mois suivant notre arrivée au pouvoir, nous avons développé un programme visant à faciliter l'installation d'investisseurs étrangers en Ukraine. Nous travaillons actuellement à une réduction de la bureaucratie. Nous avons également soumis à l'étude de la Verkhovna Rada un projet de loi visant à faciliter l'exploitation des terrains pour la construction de bureaux ou d'entreprises. Autrefois lourde et fastidieuse, l'acquisition de terrains devrait en être grandement facilitée. Je suis persuadée, en outre, que le Gouvernement ukrainien parviendra à faciliter l'installation d'entreprises françaises en Ukraine.

Par ailleurs, nous essayons d'abolir progressivement toutes les fonctions bureaucratiques inutiles qui entravent l'esprit d'entreprise. En effet, cette lourdeur bureaucratique suscitait les réticences des entreprises françaises. Soyez cependant assurés que nous mettrons tout en oeuvre pour faciliter les investissements français à l'avenir. En outre, nous aspirons à la disparition des préférences colossales créées au bénéfice de certaines entreprises ukrainiennes, afin de mettre en place les conditions d'une concurrence loyale.

Quelles sont nos priorités ? Tout d'abord, nous nous battons pour notre véritable indépendance : l'Ukraine doit devenir un Etat souverain. Or, d'un point de vue énergétique, nous dépendons presque entièrement de la Russie. Si nous aimons et respectons la Russie, nous souhaitons diversifier nos sources d'énergies. Aussi une plus grande coopération avec les industries énergétiques françaises est-elle primordiale pour l'Ukraine. Dans le domaine du nucléaire notamment, nous aspirons à une réelle indépendance.

Par ailleurs, nous voulons donner un nouveau souffle à nos centrales thermiques, en recourant davantage au charbon ukrainien. Pour ce qui est de l'industrie gazière, la construction de nouveaux gazoducs permettant d'acheminer le gaz du Caucase peut être envisagée. Dans ce domaine également, la mise en place de véritables relations de coopération avec les entreprises françaises s'impose. En outre, chacun est conscient de la qualité de nos terres agricoles. Nous espérons que l'industrie agroalimentaire occidentale voudra s'y développer. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que vous ayez envie de venir travailler dans ce secteur. Soyez certains que l'Etat ukrainien vous apportera, dans ce domaine, tout son concours.

Notre coopération doit être multiforme. Les hommes d'affaires français doivent devenir de véritables partenaires pour l'Ukraine. Quoi qu'il en soit, nous sommes à l'écoute de toutes vos demandes, afin d'être en mesure de prendre en compte tous vos besoins. De cette manière, j'espère que vous pourrez orienter le pouvoir ukrainien et que vous vous sentirez bien dans notre pays.

Par ailleurs, nous ne concevons une intégration de l'Ukraine en Europe que par le biais de projets économiques puissants. Si nous parvenons à construire une coopération économique forte dans tous les domaines, l'intégration politique de l'Ukraine en sera grandement facilitée. J'ajoute que nous nous sentons européens. Enfin, soyez assurés, même si nous avons été choqués par le « non » français, que nous sommes parfaitement conscients qu'il n'était pas dirigé contre l'Ukraine. En conséquence, je reste persuadée que nous pouvons être des partenaires particulièrement dignes l'un de l'autre.

Je vous remercie une nouvelle fois pour votre soutien. Je suis prête à répondre à vos questions.

De la salle

La société Lafarge souhaite construire une usine de production de gypse en Ukraine. Elle est prête à construire dès maintenant cette usine, pour un montant initial de 30 millions d'euros. Allez-vous mettre en oeuvre une législation susceptible d'attirer les investissements étrangers ? Quand celle-ci sera-t-elle appliquée ?

Ioulia TIMOCHENKO

De manière générale, nos portes sont vous largement ouvertes à une seule condition : vous devez payer vos impôts. Sur tous les autres aspects, notre législation contribuera à faciliter les projets. Nous allons analyser tous les éléments bureaucratiques qui peuvent être la source de blocages : nous éliminerons ceux qui ne présentent aucun intérêt.

Par ailleurs, nous allons adopter les certifications européennes, ce qui devrait faciliter les exportations. En outre, je suis persuadée que nous allons considérablement réduire les tarifs douaniers. En outre, nous allons faire voter une loi réduisant considérablement les délais d'acquisition des terrains : ceux-ci seront de l'ordre d'un mois environ. De plus, tout sera fait pour que les entrepreneurs étrangers du bâtiment puissent travailler beaucoup plus facilement en Ukraine.

L'instabilité de notre législation vous inquiète à juste titre. Je tiens cependant à réaffirmer que la législation que nous allons mettre en place sera stable. Je peux également vous rassurer, notamment en matière de « re-privatisation ». Celle-ci n'a pas lieu d'être. Nous voulons au contraire soutenir la propriété privée. De manière plus générale, je ne peux que vous inviter à venir travailler dans notre pays.