Renforcement des capacités des parlementaires en matière de développement durable (22 et 23 avril 2005)



Conférence inaugurale
de l'initiative pour un renforcement des capacités des parlementaires
en matière de développement durable

22-23 avril 2005 - Sénat - Palais du Luxembourg

Travaux du vendredi 22 avril 2005

Le développement durable sur la scène internationale

Allocutions d'ouverture

Robert DEL PICCHIA,
sénateur, vice-président de la commission des Affaires étrangères, Sénat français

Mesdames et Messieurs,

Il m'appartient aujourd'hui, au nom du Président du Sénat, Christian Poncelet, d'introduire cette conférence inaugurale à l'initiative globale de renforcement des capacités des parlements sur les institutions internationales et le droit international de l'environnement en tant qu'outil de développement durable.

Je suis d'autant plus heureux d'accomplir cette mission que je vois dans notre réunion l'illustration exemplaire de trois principes qui me tiennent personnellement à coeur et auxquels le Sénat français se montre également attaché.

Le premier est la nécessité, l'efficacité et la légitimité de la diplomatie parlementaire. Nous, membres des assemblées, représentants du peuple, avons le devoir de contribuer directement à l'organisation des rapports internationaux, à notre mesure et à notre échelle, pour faire entendre une voix autre que celle des seuls gouvernements et démocratiser notre système mondial.

Pour certains, le développement durable, comme tout ce qui renvoie à des enjeux de portée internationale, relèverait des seules négociations entre gouvernements, dans les enceintes des institutions internationales. Il serait une affaire de haute politique internationale, durablement hors de portée des simples citoyens que nous représentons tous ici. Or, la déclaration de Rio de 1992 affirme au contraire que « la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient », et c'est là, me semble-t-il, une affirmation de bon sens, mais qui nous impose bien sûr des devoirs.

Le deuxième principe est que, face au foisonnement des initiatives interparlementaires, à la multiplication des structures et réseaux interparlementaires, nous devons, sous peine de brouiller notre message et de l'affaiblir, choisir des critères de participation. Nous avons donc, au Sénat français, décidé de retenir comme critère le parrainage ou l'initiative de l'Union interparlementaire et c'est pourquoi nous sommes particulièrement heureux d'accueillir aujourd'hui cette initiative conjointe de l'UIP et de l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), dont je tiens à saluer l'action, y compris en faveur des collectivités locales.

Le troisième principe est que les sénateurs français, représentants constitutionnels des collectivités locales françaises, sont par nature et par vocation, les premiers écologistes de France car il n'est pas d'aménagement du territoire qui vaille sans souci de l'environnement et du développement durable.

C'est vous dire, mes chers amis, combien notre rencontre est opportune et combien je me réjouis que l'UIP et l'UNITAR aient su réunir sur ce thème une assemblée aussi prestigieuse que celle que vous composez, dont la réunion honore le Sénat français.

Cette réunion, de surcroît, est pour nous, Français, de première actualité. Tout d'abord parce que notre Constitution a été modifiée le 1 er mars dernier pour y inclure la référence à la Charte de l'environnement et du développement durable : celui-ci est donc désormais un principe de valeur constitutionnelle qui doit inspirer l'action nationale, européenne et internationale de la France. Mais aussi parce que le développement durable figure expressément au rang des objectifs de l'Union européenne, inscrits à l'article 1-3 du Traité établissant une Constitution : « L'Union oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique.» Cet article est très complet et très important.

Ces principes étant posés, reste à les appliquer de façon que les acteurs économiques et les citoyens adoptent un comportement plus écologique. L'écologie de proximité est celle de notre quotidien, dans nos lieux de vie. Elle concerne la qualité de l'air, la lutte contre le bruit, la protection de la nature et des paysages ou encore le traitement des eaux et la gestion des déchets. Elle a une forte dimension sociale, dans la mesure où ce sont souvent les plus défavorisés qui subissent les plus fortes nuisances.

Mais le développement durable et le respect des principes posés passent aussi par une prise de conscience forte au plan mondial et nous avons ici un rôle moteur à jouer. L'atmosphère terrestre est un bien commun : l'effet de serre ne s'arrêtant pas aux frontières, il serait bien naïf d'imaginer qu'il pourrait être jugulé sans la mise en oeuvre d'une action concertée et recevant l'appui effectif de tous.

Martin Luther King ne disait-il pas que « si nous n'arrivons pas à vivre ensemble comme des frères, nous mourrons ensemble comme des imbéciles » ?

Le développement durable fait partie des défis à portée universelle. Il sera l'oeuvre commune de tous ou ne sera pas : il sera notre oeuvre ou ne sera pas.

Des actions adaptées impliquent la bonne volonté de tous et le souci de son prochain. Elles nécessitent une démocratisation des institutions mondiales laissant une place à tous les acteurs concernés. Parce que le développement durable est un « processus de changement », selon l'expression retenue par le rapport Brundtland, et qu'il est soumis de ce fait à un arbitrage collectif permanent.

Le développement durable n'est pas un effet de mode. C'est un défi. Un défi à l'égoïsme, à l'avarice, à l'étroitesse de vue. Il ne peut s'imposer que par l'adhésion de tous, ce qui aujourd'hui, reconnaissons-le, est loin d'être acquis. Or c'est aujourd'hui que presque tout se joue. Demain, il sera trop tard.

Face à cette urgence, une oeuvre de pédagogie et de sensibilisation s'impose : c'est l'honneur et le devoir des parlementaires de tous les pays que de s'en saisir et de l'assumer.

Alors, mes chers collègues, soyons résolus dans notre démarche et n'oublions jamais que nous ne laissons pas la planète en héritage à nos enfants, nous la leur empruntons.

Marcel BOISARD,
Sous-Secrétaire général des Nations Unies, directeur général de l'UNITAR

Mesdames et Messieurs,

Les parlementaires ont un rôle clé à jouer dans l'élaboration d'un système de gouvernance globale plus démocratique et efficace. Plus que jamais, les relations internationales façonnent les politiques intérieures et, inversement, les relations extérieures sont influencées par les enjeux sociaux et économiques intérieurs.

Les parlementaires doivent prendre une part toujours plus active dans la gestion des affaires internationales et des problèmes mondiaux (pauvreté, pandémies...). Les processus décisionnels sont déplacés vers la sphère internationale, ce qui engendre de nouveaux défis pour les législateurs.

Aujourd'hui, de nouveaux acteurs revendiquent une place dans la négociation, qui était jusqu'alors intergouvernementale. Le droit international tend à redevenir le « droit des gens ». Les parlementaires sont en tête de liste de ces nouveaux acteurs. La Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation sous l'égide du BIT, le processus d'Helsinki, le rapport d'évaluation des écosystèmes pour le millénaire, et d'autres sont autant de preuve de ces nouvelles initiatives.

L'humanité se trouve à la croisée des chemins. Les menaces à notre sécurité sont interdépendantes et imbriquées. Le principe de la sécurité collective est plus pertinent et actuel que jamais. Le déséquilibre dans la répartition des richesses et du pouvoir de décision est devenu moralement inacceptable et intenable. La capacité de la planète à pourvoir aux besoins futurs de l'humanité n'est plus garantie. L'incapacité de la collectivité internationale à régler les grands problèmes posés a des répercussions dans la vie de tous dans le monde entier.

Les parlementaires ont une responsabilité évidente dans la mise en oeuvre de solutions. Aujourd'hui, ils doivent participer plus activement à l'intégration des préoccupations nationales au sein des politiques internationales, et veiller à ce qu'elles soient appliquées de façon efficace et cohérente.

Il y a deux ans, le Secrétaire national des Nations Unies a souligné, dans une déclaration, que les parlementaires étaient un point de rencontre des intérêts locaux et globaux. A cet égard, chers collègues, il est très significatif que nous nous retrouvions dans les locaux du Sénat de la République française, État dont le Parlement a récemment adopté une Charte de l'environnement et du développement durable, devenue partie intégrante de sa Constitution. Nathalie Kosciusco-Morizet, qui siège ce matin à cette tribune, fut le rapporteur de ce projet de loi constitutionnelle à l'Assemblée nationale.

L'UNITAR s'efforce de répondre aux besoins de formation et de renforcement des capacités des acteurs intergouvernementaux au plan international, en vue d'améliorer l'efficacité des Nations Unies à réaliser les objectifs majeurs qu'elles se sont fixés.

Les activités de formation de l'UNITAR se sont fortement développées dans la gestion des affaires internationales et celle des affaires économiques et sociales. 150 programmes sont conduits chaque année à travers le monde pour plus de 8 000 participants. Nous avons acquis la conviction que sans une sensibilisation et une mobilisation des parlementaires, des pouvoirs locaux et de la société civile, nos efforts sont moins efficaces.

Le Secrétaire général des Nations Unies a plus d'une fois appelé au renforcement et au développement des liens entre élus et organisations intergouvernementales. L'UNITAR a recherché un partenariat avec l'UIP. Nous avons élaboré un programme de sensibilisation que nous souhaitons inaugurer ici avec vous, pour bénéficier de votre opinion et de votre soutien.

Les défis posés à l'humanité sont considérables. Des solutions sont à notre portée.. Le Secrétaire général des Nations Unies a déclaré récemment qu'il était en notre pouvoir de léguer à nos enfants un héritage meilleur que celui reçu par toutes les générations précédentes. Nous pouvons réduire la pauvreté de moitié et freiner l'évolution des maladies, réduire la prévalence de la guerre et du terrorisme. Si nous agissons hardiment, nous pouvons accroître la sécurité et la prospérité des populations du monde entier.

Les parlementaires, représentants élus, ont un rôle primordial à jouer dans la réalisation de ces objectifs. Les experts appellent les parlementaires à une participation plus grande à la gestion des problèmes posés à l'humanité. Le défi est de répondre à cet appel avec une vision commune et de conduire une action collective pour construire un futur plus juste et plus durable. Je suis certain que cette conférence est le début d'un nouveau projet prometteur.

Je remercie notre partenaire, l'UIP représentée par son secrétaire général. Nous avons tissé des liens cordiaux et durables dans la préparation de cet événement. Notre reconnaissance va aussi aux représentants du Sénat français, qui a largement contribué à l'organisation et au succès de cette rencontre. L'assemblée parlementaire de la francophonie et le ministère des Affaires Etrangères nous ont soutenus. Je remercie les participants dont certains ont effectué un long voyage pour nous rejoindre. Ces marques d'intérêt et de confiance constituent des gages de succès pour nos travaux.

Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET,
députée à l'Assemblée nationale française, présidente du groupe d'études Santé et Environnement

Mesdames et Messieurs,

Former au développement durable est un objectif important. C'est aussi une tâche considérable. Nous avons fait récemment de la formation à l'environnement une exigence constitutionnelle. Depuis septembre 2004, l'éducation à l'environnement est présente dans les programmes scolaires en France. Ce n'est pas un nouveau sujet ni une nouvelle discipline, mais une matière transversale concernant dans tous les autres enseignements.

Si former au développement durable est un objectif important, former les parlementaires au développement durable l'est encore davantage. Il s'agit de leur donner plus de capacité, d'intérêt et de goût pour l'action, face à une oeuvre d'une grande ampleur. L'UNITAR y contribue. Il s'agit aussi peut-être de compenser un handicap. En France, les assemblées parlementaires sont encore pauvres en formation scientifique. Il faut combler un fossé entre parlementaires et société civile en matière de développement durable. Une étude a montré qu'il existait un décalage. Nous sommes souvent issus d'un milieu d'élus locaux, moins sensibilisés à des enjeux globaux tels que l'effet de serre ou la gestion de l'eau. Ce pourrait être un objectif important dans vos nouveaux travaux. Il faut pour cela trouver les sujets en invitant les citoyens à l'action.

Les politiques sont souvent relativement éloignées du citoyen. Il faut donc trouver des politiques plus impliquantes. Pour cela, nous pouvons renforcer et approfondir le lien entre santé et environnement, pour répondre aux interrogations que la population nous adresse. Nous pouvons également jouer sur le levier de la consommation. Le citoyen peut faire de sa consommation un acte militant. C'est une demande de plus en plus présente dans notre société. Cela suppose une formation et une information du citoyen consommateur. C'est là un moyen de l'intéresser aux questions environnementales.

Former les parlementaires au développement durable c'est aussi combattre une certaine sensation de ne pas maîtriser son destin sur ces matières. D'une façon générale, le développement durable est une opportunité de renouveler le regard porté sur la politique, de casser certaines organisations sclérosantes. Le développement durable peut aussi permettre de répondre à des inquiétudes qui minent nos sociétés. Nous pouvons apporter des réponses aux angoisses face à la mondialisation. Le développement durable peut être un aspect positif de la mondialisation.

L'article 1 de la Charte de l'environnement qui a été constitutionnalisée il y a un mois dans notre pays stipule que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de sa santé. » Il s'agit là, ni plus ni moins, que d'un nouveau droit de l'homme qu'il faut à présent porter à travers le monde.

Anders B. JOHNSSON,
secrétaire général de l'Union Interparlementaire

C'est un honneur et une joie de m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis d'autant plus heureux que cette conférence soit organisée au Sénat, chambre haute du parlement français, et je le remercie pour son implication dans les manifestations de l'UIP.

Notre organisation a été créée à la fin du XIX e siècle pour promouvoir la paix et la coopération internationale à travers les parlements. A travers l'UIP, les parlements des pays de droit entendent jouer pleinement leur rôle au niveau mondial. Le parlement doit représenter les intérêts de tous les acteurs de la société. Plus les parlements sont forts, plus leur rôle est important. L'UIP a vocation à aider ses membres à occuper la place qui leur revient sur le plan national et international.

Le développement durable est par essence un dossier sur lequel les parlementaires doivent jouer un rôle important. Aider les parlementaires à s'informer sur cette problématique est un objectif essentiel pour l'UIP. Par conséquent, nous sommes heureux de nous associer à l'UNITAR dans l'initiative qui vous est proposée aujourd'hui pour le renforcement des capacités des parlementaires en matière de développement durable.

L'importance croissante du sujet entraîne une multiplication de la littérature en matière d'environnement et de développement durable. Nous avons privilégié une démarche participative. Notre conférence doit permettre une définition plus précise des priorités que nous devons nous fixer. En apportant sa contribution à ce projet, l'UIP compte prendre part à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement.

Vous êtes plus de 70 parlements différents à avoir répondu présent, ce qui est d'ores et déjà un gage de réussite.