SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (septembre 2005)

NOTE DE SYNTHÈSE

Dans le discours sur l'avenir du pacte républicain prononcé le 14 octobre 2002 à Troyes, le président de la République a souligné « la nécessité d'accueillir dans de bonnes conditions » les nouveaux arrivants « qui rejoignent notre pays légalement », afin de « les aider à mieux s'insérer dans notre société » en particulier grâce à un « véritable contrat d'intégration ».

Le 10 avril 2003, le comité interministériel à l'intégration a adopté un programme en 55 points. Notamment consacré à l'accueil des nouveaux migrants, il prévoit la mise en place d'un véritable service public d'accueil des étrangers ainsi que la création d'un contrat d'accueil et d'intégration .

L'expérience du contrat d'accueil et d'intégration, limitée à douze départements en 2003, a été étendue à quatorze départements supplémentaires en 2004, la généralisation à l'ensemble du territoire étant fixée au 1 er janvier 2006. Environ 70 000 contrats ont été signés entre le 1 er juillet 2003 et le 1 er juin 2005.

Le contrat d'accueil et d'intégration est proposé à tout nouvel arrivant dans les 26 départements pilotes. Sa signature n'est pas obligatoire. Conclu pour une durée d'un an et renouvelable une fois, il formalise les obligations réciproques des parties. L'État s'engage notamment à offrir un bilan simplifié d'évaluation des connaissances linguistiques et, en cas de besoin, une formation à la langue française, tandis que le nouvel arrivant s'engage à suivre les formations proposées et à respecter les valeurs de la République.

La formation linguistique, d'une durée comprise entre deux cents et cinq cents heures, doit permettre l'acquisition de connaissances orales de base. Une attestation ministérielle de compétences linguistiques est remise aux signataires du contrat qui ont atteint le niveau prévu, qu'ils aient ou non suivi la formation. Les prestataires des cours de langue sont sélectionnés sur appel d'offres. Le coût du dispositif d'intégration linguistique - un peu plus de 27 millions d'euros en 2004 - est pris en charge par le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), établissement public national à caractère administratif sous tutelle du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

La loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a consacré le contrat d'accueil et d'intégration.

Elle prévoit que les actions dont bénéficie l'étranger signataire d'un contrat d'accueil et d'intégration « comprennent notamment, lorsque le besoin en est établi, une formation linguistique sanctionnée par une validation des acquis ». Un décret en Conseil d'État doit déterminer « les catégories d'étrangers bénéficiaires du contrat d'accueil et d'intégration, la durée du contrat et ses conditions de renouvellement, les actions prévues au contrat et les conditions de suivi et de validation de ces actions, dont la reconnaissance de l'acquisition d'un niveau satisfaisant de maîtrise de langue française ».

De plus, la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 précise que, « pour l'appréciation de la condition d'intégration républicaine de l'étranger dans la société française [...], il est tenu compte de la signature par l'étranger d'un contrat d'accueil et d'intégration ainsi que du respect de ce contrat ». Or, l'intégration républicaine, qui subordonne l'obtention de la carte de résident, est notamment évaluée par rapport à la connaissance que les intéressés ont de la langue française.

Elle dispose par ailleurs que l'étranger « doit également attester, dans l'hypothèse où il manifeste la volonté de s'installer durablement en France, d'une connaissance suffisante de la langue française sanctionnée par une validation des acquis ou s'engager à l'acquérir après son installation en France, dans des conditions qui sont fixées par décret en Conseil d'État ».

Les dispositions législatives relatives au contrat d'accueil et d'intégration s'appliqueront dans tous les départements à compter du 1 er janvier 2006.

La mise en oeuvre et le suivi de ces mesures incombent à un établissement public, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), qui reprend les activités de l'Office des migrations internationales et du service social d'aide aux émigrants.

La généralisation du contrat d'accueil et d'intégration à partir du 1 er janvier 2006 fournit l'occasion d'examiner comment les autres pays européens organisent la formation linguistique des étrangers en situation régulière. Bien que les dispositions qui régissent la formation à la langue du pays d'accueil fassent généralement partie d'un ensemble plus large de mesures prises pour favoriser l'intégration des étrangers, seules les règles applicables à l'insertion linguistique ont été étudiées. Les pays retenus sont les suivants : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique (communauté flamande), le Danemark, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

Pour chacun de ces pays, les points suivants ont été analysés :

- l'objectif assigné à la formation linguistique ;

- les bénéficiaires de celle-ci, en établissant, le cas échéant, une distinction entre les étrangers tenus de suivre des cours et les autres ;

- le contenu de la formation et le suivi des participants ;

- les modalités d'organisation et de financement des cours de langue destinés aux étrangers.

Les cas particuliers, comme ceux des ressortissants des pays membres de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, des demandeurs d'asile auxquels le droit d'asile n'a pas encore été reconnu, ainsi que celui des mineurs, ont été exclus.

L'examen des législations étrangères montre que :

- à l'exception de l'Espagne, de l'Italie et du Royaume-Uni, tous les pays étudiés organisent l'intégration linguistique des étrangers...

- ...et la participation aux cours de langue y est obligatoire, au moins pour les nouveaux arrivants.

1) Dans tous les pays étudiés sauf en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, la loi organise l'intégration linguistique des étrangers

a) La formation des étrangers à la langue du pays d'accueil est prévue par la loi en Allemagne, en Autriche, dans la communauté flamande de Belgique, au Danemark et aux Pays-Bas...

Dès 1986, le Danemark a adopté une loi sur l'intégration linguistique des étrangers , alors conçue comme un droit pour ces derniers et comme une obligation pour la collectivité. Plusieurs textes se sont ensuite succédé. Ils ont transformé le droit des étrangers à bénéficier d'une formation linguistique en l'élément principal du programme d'insertion civique . La loi actuellement en vigueur, la loi du 28 mai 2003 sur l'enseignement du danois aux adultes étrangers, insiste sur le fait que la formation linguistique doit contribuer à l'intégration la plus rapide possible des étrangers au marché du travail.

Les autres pays - les Pays-Bas avec la loi du 9 avril 1998 sur l'intégration des nouveaux arrivants, l'Autriche avec les modifications apportées en 2002 à la loi sur les étrangers et l'Allemagne avec la loi du 30 juillet 2004 sur le séjour, l'activité professionnelle et l'intégration des étrangers sur le territoire fédéral - ont d'emblée fait de la formation des étrangers à leur langue le pivot des cycles d'insertion sociale . Il en va de même dans la communauté flamande de Belgique , dont l'assemblée législative a adopté au début de l'année 2003 un décret sur la politique d'intégration civique, qui introduit l'obligation, pour les nouveaux arrivants, de suivre un parcours d'intégration incluant des cours de langue.

b) ... mais pas dans les autres pays

En Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, il n'existe aucune disposition normative organisant l'intégration linguistique des étrangers.

La formation des étrangers à la langue du pays d'accueil est assurée au niveau local en Espagne et en Italie, où elle est promue respectivement par les communautés autonomes et par les régions.

Au Royaume-Uni , l'intégration linguistique des étrangers ne constitue pas une priorité. Toutefois, dans son rapport sur la maîtrise de l'immigration de février 2005, le ministre de l'intérieur suggère de subordonner l'attribution d'un permis de séjour à la réussite d'un test d'anglais .

2) Dans les pays qui organisent l'intégration linguistique des immigrés, la participation aux cours de langue constitue une obligation assortie de contrôles et de sanctions

Ainsi, la loi allemande du 30 juillet 2004 sur le séjour, l'activité professionnelle et l'intégration des étrangers sur le territoire fédéral, qui est entrée en vigueur le 1 er janvier 2005, fait de la formation à la langue allemande un droit. Toutefois, elle précise que les titulaires de ce droit, c'est-à-dire les nouveaux arrivants qui souhaitent s'installer durablement sur le territoire de la République fédérale, sont obligés de suivre des cours d'allemand dans le cadre d'un cycle d'intégration civique s'ils ne sont « pas en mesure de se faire comprendre par oral de façon simple en allemand ».

La structure, le contenu, la durée et les modalités d'exécution du cycle d'intégration civique des étrangers ont été définis par un règlement du 13 décembre 2004. Les cours d'allemand ont une durée de 600 heures. Ils sont répartis en deux sessions, elles-mêmes subdivisées en plusieurs modules séparés par des épreuves intermédiaires. À l'issue du cycle, les participants doivent passer un test. Le non-respect de l'obligation de formation est assorti de sanctions : non-renouvellement du permis de séjour, refus de naturalisation, relèvement de la participation aux frais de la formation, etc.

Il en va de même en Autriche, au Danemark, aux Pays-Bas et dans la communauté flamande : les immigrés doivent s'engager à apprendre la langue du pays d'accueil, à moins de pouvoir attester une maîtrise suffisante de celle-ci. Le plus souvent, la formation linguistique se déroule dans le cadre d'une convention d'intégration.

Les cours de langue ont une durée variable (100 unités de 45 minutes en Autriche ; de 120 à 180 heures selon la formation générale des intéressés en Flandre ; 600 heures aux Pays-Bas et quelque 2 000 heures au Danemark). Le suivi des participants pendant leur apprentissage est organisé de façon plus ou moins précise. Au Danemark par exemple, les communes, responsables de l'organisation de l'intégration des étrangers, reçoivent régulièrement des comptes rendus des organismes d'enseignement. Les cours sont structurés et divisés en plusieurs modules, et le passage d'un module au suivant requiert que les objectifs du premier aient été atteints. En revanche, l'Autriche n'a prévu aucun dispositif de suivi.

Les étrangers qui ne remplissent pas leur obligation d'apprentissage sont sanctionnés : le plus souvent, des amendes leur sont infligées.

Au Danemark et aux Pays-Bas, les cours se terminent par un examen , tandis qu'en Autriche et en Flandre, une attestation est remise aux étrangers qui ont atteint les objectifs de la convention d'intégration.

En général, la réussite à l'examen - ou la présentation de l'attestation d'intégration - conditionne le renouvellement du titre de séjour, le regroupement familial, l'octroi d'un titre de séjour d'une durée illimitée, l'obtention de la naturalisation, etc.

* *

*

Les pays qui ont organisé par voie législative la formation des étrangers à leur langue en ont donc fait, au moins pour les nouveaux arrivants, une obligation assortie de contrôles et de sanctions.

De plus, les obligations imposées aux étrangers paraissent s'alourdir depuis quelques années. Ainsi, l'Autriche a modifié au cours de l'été 2005 ses dispositions sur l'intégration linguistique des étrangers et a limité le nombre des personnes dispensées de l'obligation de suivre des cours d'allemand. De même, le Parlement néerlandais examine actuellement un projet de loi qui subordonne l'attribution d'un titre de séjour à une formation de base à la langue néerlandaise dans le pays d'origine.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page