SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (décembre 2005)

NOTE DE SYNTHÈSE

Depuis la transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994 relative au droit de vote aux élections municipales, les citoyens de l'Union européenne qui résident dans un État membre dont ils n'ont pas la nationalité disposent du droit de vote aux élections municipales dans l'État membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les nationaux. Ils sont également éligibles dans l'État membre où ils résident.

En France, cette directive a été transposée par la loi organique n° 98-404 du 25 mai 1998, et les ressortissants des pays de l'Union européenne ont pu voter aux élections municipales pour la première fois en 2001. Quant aux autres étrangers, quelle que soit la durée de leur séjour dans notre pays, ils sont exclus du droit de vote.

Plusieurs personnalités ont récemment proposé d'élargir le droit de vote aux élections municipales à tous les étrangers qui sont installés en France depuis quelques années. Du reste, le 3 mai 2000, l'Assemblée nationale avait adopté une proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France.

Dans ces conditions, il a semblé utile d'examiner dans quelle mesure les principaux pays européens accordaient le droit de vote aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne qui résident sur leur territoire. La présente étude analyse les règles en vigueur en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Irlande, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni et en Suède, ainsi qu'en Suisse.

Les modalités pratiques d'exercice du droit de vote, comme les éventuelles démarches à effectuer pour être inscrit sur les listes électorales, n'ont pas été prises en compte.

Cet examen permet de mettre en évidence quatre groupes de pays :

- l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie dénient aux étrangers le droit de vote ;

- l'Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni accordent le droit de vote aux ressortissants de certains pays ;

- la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et plusieurs cantons suisses octroient le droit de vote à tous les étrangers qui résident sur leur territoire depuis quelques années ;

- l'Irlande ne subordonne pas le droit de vote des étrangers à une durée minimale de résidence.

1) L'Allemagne, l'Autriche et l'Italie dénient aux étrangers le droit de vote

Dans ces trois pays, des tentatives d'élargissement du droit de vote aux étrangers ont été menées, mais elles ont échoué.

En Allemagne et en Autriche , bien que le droit électoral local relève de la compétence des Länder , la Cour constitutionnelle estime que l'élargissement du corps électoral aux étrangers est impossible sans révision constitutionnelle préalable . En 1989, les Parlements de Hambourg et du Schleswig-Holstein avaient donné le droit de vote aux étrangers, mais la Cour constitutionnelle a jugé ces modifications incompatibles avec la Loi fondamentale. De même, en 2003, le Land de Vienne avait modifié son code des communes et donné le droit de vote aux conseils d'arrondissement aux étrangers, mais la Cour constitutionnelle a censuré cette disposition.

En Italie , un décret du président de la République du 17 août 2005 a annulé la délibération du conseil municipal de Gênes étendant le droit de vote aux étrangers.

2) L'Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni accordent le droit de vote aux ressortissants de certains pays

Les Constitutions espagnole et portugaise prévoient que le droit de vote peut être accordé aux étrangers sous réserve de réciprocité .

En Espagne, cette disposition, reprise dans la loi électorale générale, a permis d'octroyer le droit de vote aux Néerlandais, aux Danois, aux Norvégiens et aux Suédois avant même la transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994. Elle continue à constituer le fondement de la participation des Norvégiens aux élections locales, puisque la Norvège n'appartient pas à l'Union européenne. Elle pourrait permettre aux ressortissants de plusieurs pays d'Amérique latine de voter aux élections locales, car les traités d'amitié et de coopération signés avec l'Argentine en 1988, le Chili en 1990 et l'Uruguay en 1992 comportent une clause de réciprocité en matière de droit de vote aux élections locales. Toutefois, dans les trois cas, cette clause est restée sans effet, faute des dispositions complémentaires nécessaires à son application.

Au Portugal, le même principe de réciprocité existe. Il s'applique selon des modalités différentes aux pays lusophones et aux autres pays, la durée minimale de séjour requise pour pouvoir bénéficier du droit de vote étant plus courte pour les premiers. Actuellement, peuvent participer aux élections locales portugaises les ressortissants des pays suivants : Brésil, Cap Vert, Argentine, Chili, Estonie, Israël, Norvège, Pérou, Uruguay et Venezuela.

Quant au Royaume-Uni, il accorde le droit de vote aux élections locales aux ressortissants de tous les États membres du Commonwealth résidant sur son territoire.

Les dispositions portugaises relatives au droit de vote des ressortissants des pays lusophones et la législation électorale anglaise reflètent les liens qui unissent le Portugal et le Royaume-Uni à leurs anciennes colonies.

3) La Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et certains cantons suisses octroient le droit de vote à tous les étrangers qui résident sur leur territoire depuis quelques années

La Suède, le Danemark, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique ont respectivement élargi le droit de vote aux élections locales à tous les étrangers en 1975, 1981, 1983, 2003 et 2004. Ce droit est subordonné à une durée minimale de résidence comprise entre trois et cinq ans.

De même, les cantons suisses de Neuchâtel, du Jura, de Vaud, de Fribourg et de Genève accordent le droit de vote aux étrangers qui résident sur leur territoire depuis plusieurs années, tandis que les cantons d'Appenzell Rhodes-extérieures et des Grisons laissent aux communes la possibilité de donner le droit de vote aux étrangers.

Par ailleurs, le Danemark et la Suède octroient le droit de vote aux Islandais et aux Norvégiens sans condition de durée de résidence, cette disposition résultant des accords entre pays scandinaves antérieurs à l'élargissement du droit de vote aux élections locales à tous les ressortissants de l'Union européenne.

4) L'Irlande ne subordonne pas le droit de vote des étrangers à une durée minimale de résidence

Depuis 1963, la loi électorale accorde le droit de vote aux élections locales aux étrangers .

Initialement, l'exercice de ce droit était subordonné à une condition de résidence d'au moins six mois dans le pays. La loi électorale de 1992 a supprimé cette condition, propre aux étrangers, de sorte que ces derniers doivent désormais remplir les mêmes conditions de résidence dans la circonscription et d'inscription sur les listes électorales que les nationaux.

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Outre la France, trois pays, l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie, limitent le droit de vote aux élections locales aux seuls ressortissants d'un État membre de l'Union européenne.

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