Service des études juridiques (janvier 2008)

ÉTATS-UNIS

La gestation pour autrui ne fait l'objet d' aucune législation fédérale , si bien que chaque État applique ses propres règles.

Une minorité d'États autorise la gestation pour autrui et, parmi ceux-ci, beaucoup interdisent la rémunération de la mère porteuse.

1) Le cadre juridique

Il n'existe pas de loi fédérale sur la gestation pour autrui et une trentaine d'États n'ont pas légiféré sur ce point. Parmi ceux-ci, seule la Californie (9 ( * )) dispose d'une jurisprudence confirmée reconnaissant la gestation pour autrui. Dans les États qui ont adopté des dispositions législatives, la situation juridique est parfois incertaine.

a) La jurisprudence californienne

C'est dans sa décision Johnson v. Calvert , rendue en 1993, que la Cour suprême de Californie a établi pour la première fois que les parents légaux d'un enfant étaient ceux qui avaient l'intention de l'être dès la conception.

Dans cette affaire, où la mère porteuse et la mère génétique se contestaient mutuellement la filiation maternelle, la Cour suprême a considéré qu'elles étaient toutes deux les mères « naturelles » de l'enfant, puisque, selon la loi californienne, la maternité est prouvée soit par l'accouchement soit par un test génétique. Pour établir la filiation juridique, il fallait, selon la Cour suprême, se placer au moment de la conception. À cette date, seule la mère biologique avait l'intention d'être la mère de l'enfant. Par conséquent, c'est elle qui a été reconnue comme la mère légale de l'enfant.

Par ailleurs, les tribunaux ont progressivement admis que les parents commanditaires peuvent, s'ils sont les parents génétiques de l'enfant à naître, obtenir avant la naissance une décision judiciaire leur attribuant la filiation.

Ils peuvent en effet, par une procédure à laquelle la mère porteuse et son éventuel conjoint doivent consentir, demander au tribunal qu'il rende, avant la naissance, une décision selon laquelle :

- ils sont les parents légaux de l'enfant et ont le droit de lui donner un prénom ;

- la mère porteuse et son conjoint n'ont pas de droit ni de responsabilité légale à l'égard de l'enfant ;

- le personnel de l'établissement où l'accouchement a lieu doit porter le nom des parents commanditaires sur la déclaration de naissance.

b) Les législations des autres États

Dans les États où il existe des dispositions législatives, celles-ci sont extrêmement variées et la situation juridique est parfois incertaine , par exemple parce que le texte applicable ne traite qu'un aspect de la question ou laisse place à diverses interprétations qui n'ont pas été tranchées par la jurisprudence.

Moins d'une dizaine d'États reconnaissent la gestation pour autrui et autorisent les contrats de gestation pour autrui, le plus souvent sans contrepartie financière autre que le remboursement des frais « raisonnables » engagés et non couverts par une assurance santé.


• Les contrats de gestation pour autrui

Les lois adoptées précisent les conditions - notamment d'état civil - que la mère porteuse et les futurs parents doivent remplir, ainsi que les conditions de fond et de forme que le contrat de gestation pour autrui doit respecter.

Dans l'Illinois par exemple, la loi relative à la gestation pour autrui, entrée en vigueur le 1 er janvier 2005, prévoit que la mère porteuse doit avoir au moins 21 ans, avoir déjà donné naissance à un enfant, avoir subi un examen médical et être titulaire d'un contrat d'assurance santé qui couvre les principaux frais médicaux et hospitaliers. De son côté, le(s) parent(s) commanditaire(s) doi(ven)t avoir fourni au moins un des gamètes ayant permis la formation de l'embryon et prouver que la gestation pour autrui constitue une nécessité, l'attestation médicale devant être annexée au contrat de gestation pour autrui. En outre, les deux parties doivent avoir subi un bilan psychologique et bénéficié d'une consultation juridique portant sur les termes du contrat de gestation pour autrui et ses conséquences juridiques possibles. Cette loi prévoit également que le contrat de gestation pour autrui doit, avant le commencement de toute procédure médicale, être conclu par écrit et attesté par deux témoins, chaque partie étant représentée par un conseiller juridique indépendant. Par ailleurs, l'éventuelle compensation financière attribuée à la mère porteuse doit être remise à un tiers indépendant, également avant que tout acte médical soit entrepris. La loi dresse aussi la liste des engagements de chacune des parties, la mère porteuse devant en particulier confier l'enfant aux parents commanditaires immédiatement après la naissance et ceux-ci devant accepter la garde de l'enfant aussitôt après sa naissance.

Parmi les États qui ne sont pas favorables à la gestation pour autrui, certains (Kentucky, Indiana, Louisiane et Nebraska) déclarent les contrats de gestation pour autrui nuls, tandis que d'autres (New York, Michigan et Washington) érigent en plus la gestation pour autrui à titre onéreux en infraction pénale. Les peines applicables (amende et/ou emprisonnement) diffèrent selon qu'il s'agit de sanctionner les parties au contrat ou les entremetteurs.


• La filiation

Certains des États qui reconnaissent la validité des contrats de gestation pour autrui ont prévu des dispositifs visant à faciliter l'établissement de la filiation des enfants nés d'une gestation pour autrui et donc à éviter le recours à une procédure d'adoption lorsque les parents commanditaires ont un lien génétique avec l'enfant.

Ainsi, en Arkansas, les parents commanditaires peuvent, après la naissance, obtenir une décision judiciaire permettant l'établissement d'un nouvel acte de naissance qui se substitue à celui établi après l'accouchement et mentionnant la mère porteuse comme mère légitime. Au Texas, le nom des parents commanditaires peut être mentionné sur l'acte de naissance initial, mais à condition qu'ils aient obtenu l'accord d'un juge avant la naissance. Dans d'autres États, l'acte de naissance n'est établi qu'après l'écoulement d'un certain délai après la naissance. Selon les cas, ce délai permet à la mère porteuse de se rétracter ou à un juge de confirmer la filiation.

Il semble que l'Illinois soit l'un des États les plus libéraux en la matière , puisqu'il dispense les parents commanditaires de saisir la justice pour obtenir la correction de l'acte de naissance. En effet, si la procédure prévue par la loi est respectée, ce sont les noms des parents commanditaires qui sont portés sur l'acte de naissance d'origine, et non ceux de la mère porteuse et de son éventuel conjoint.

2) La pratique et le débat

La commercialisation de la gestation pour autrui est apparue à la fin des années 70. Depuis cette date, l'activité d'intermédiaire entre les couples désirant un enfant et les futures mères porteuses s'est beaucoup développée dans les États qui reconnaissent le contrat de gestation pour autrui, d'autant qu'elle n'est pas réglementée et semble très lucrative.

Ces agences et cabinets juridiques spécialisés utilisent notamment Internet pour attirer des clients à travers l'ensemble du territoire américain et au-delà. Ils jouent sur les disparités juridiques existant entre les États et font en sorte que le contrat de gestation pour autrui conclu à titre onéreux soit placé sous la loi d'un État qui y est favorable.

Actuellement, on estime à environ 1 000 pour l'ensemble des États-Unis le nombre annuel de naissances résultant d'une gestation pour autrui. Dans la plupart des cas, les parents commanditaires sont les parents génétiques du nouveau-né.

Le prix d'une gestation pour autrui s'élève en moyenne à 60 000 $ (un peu moins de 41 000 €), mais peut dépasser 100 000 $ (un peu moins de 68 000 €).

La disparité des règles applicables, notamment en matière de filiation, préoccupe certains juristes. Ainsi, la Conférence nationale des délégués pour l'harmonisation des lois des États (organisme non officiel composé de délégués de tous les États) a actualisé en 2002 son projet de loi relatif à la filiation, qu'elle propose aux États d'adopter. Ce document contient notamment des dispositions portant sur l'établissement la filiation des enfants nés à la suite d'un contrat de gestation pour autrui.

* (9) La Californie est l'État le plus peuplé, elle rassemble plus de 10 % de la population américaine.

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